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Numéro 5 01/2018 Numéros

Le coaching du chef d’établissement scolaire

Il apparaît notamment que le coaching professionnel du chef d’établissement scolaire du second degré influe de manière significative sur l’épanouissement individuel et la réussite scolaire des élèves, et s’impose comme un possible moyen de rester en cohérence avec les valeurs fondamentales de l’école de la République.

Bien-être et performance dans les collèges et les lycées


Céline Damon
Première publication le 25/01/2018


Avant-propos

Le Coaching Scolaire, comme accompagnement à la scolarité ou au projet personnel du jeune, activité en marge de l’école, est en pleine expansion. Pour ce qui concerne l’introduction du coaching en milieu scolaire à destination des chefs d’établissement du secondaire, les expérimentations dans ce domaine sont beaucoup plus rares. Quel est le sens que nous souhaitons donner à notre école ? Comment accompagner les personnels de direction à gérer cette contradiction entre la vision humaniste républicaine du développement de l’individu au service du collectif, et les enjeux concurrentiels de performance chiffrée qui leur sont désormais assignés ? Jusqu’où l’institution scolaire est-elle prête à aller pour donner à ses acteurs les moyens d’agir en cohérence ? Qu’en est-il de l’introduction du coaching professionnel dans notre service public d’éducation ?

Aujourd’hui, la performance de l’établissement scolaire du second degré se reflète par le lien émotionnel qu’il est capable de développer. Ramener l’humain au cœur de la stratégie de pilotage de l’établissement, favoriser le bien-être au travail et les sentiments de confiance et d’appartenance, sont des enjeux auxquels les proviseurs de lycée et principaux de collège sont confrontés pour garder des collaborateurs motivés, et développer les talents. Le coaching professionnel de dirigeant devient un atout managérial pour impulser une dynamique participative, accompagner le chef d’établissement à distiller du bonheur au sein des équipes, accroître la motivation des personnels, et influer de manière significative sur la réussite des élèves. En véritable pilier de l’établissement, il se doit de promouvoir la culture du « mieux vivre » et du « bien travailler » ensemble, et d’aider ses collaborateurs à trouver le sens de leur travail pour stimuler leur créativité.


Résumé

Un nouveau contexte d’objectifs de performance est désormais assignés aux établissements scolaires du secondaire, inhérent au développement de leur autonomie, et qui renvoie à une logique concurrentielle émanant d’un autre monde : celui de l’entreprise. Ces changements de vision sont vécus comme violents pour nombre d’acteurs de la communauté scolaire qui, confrontés à des enjeux de changement systémique, ne parviennent pas à les mettre en cohérence avec leurs valeurs profondes et leurs représentations de la mission première de l’école et du rôle des acteurs qui la constituent. Dans ce contexte sensible entreprendre une démarche de questionnement de sa pratique professionnelle pour les personnels de direction et d’encadrement du système éducatif va renforcer l’engagement et la motivation des acteurs du système, la qualité du climat scolaire et la réussite des élèves. Il apparaît notamment que le coaching professionnel du chef d’établissement scolaire du second degré influe de manière significative sur l’épanouissement individuel et la réussite scolaire des élèves, et s’impose comme un possible moyen de rester en cohérence avec les valeurs fondamentales de l’école de la République, tout en préservant l’écologie des membres de la communauté éducative.
Mots clés : Innovation, performance, créativité, qualité de vie au travail, gouvernance, pilotage, management, leadership, intelligence collective, intelligence émotionnelle, coaching, système éducatif, climat scolaire, établissement scolaire, chef d’établissement, fonction publique, service public d’éducation

Abstract

A new set of objectives has been asigned to educational institutions. It is tightly linked to the business world, from which education has always been distant. These organisationnal changes have a strong negative impact on human resources within the educational world. Indeed, they bring a cognitive dissonance opposing inner values on one side and economical objectives on the other. Moreover, these organisationnal changes seem to divert school’s primal goal, as education actors tend to understand them. Questionning these representations and the relation with change is therefore fundamental today.
Keywords : Innovation, performance, creativity, governance, management, leadership, intelligence collective, emotionnal intelligence, coaching, educational system, educational institution


Introduction

Depuis 2001 et l’instauration de la loi de réforme de la gestion de l’Etat, la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances), les règles budgétaires et comptables des institutions étatiques ont été profondément transformées. Avec cette réforme, dont l’ambition est d’instaurer une gestion plus démocratique et plus efficace des dépenses publiques, les établissements scolaires du second degré (collèges et lycées) sont désormais soumis à une obligation de résultats chiffrés. Ils doivent se fixer des objectifs opérationnels, en termes de taux d’accès au bac, de taux d’accès à un niveau de qualification, de taux de passage dans la classe supérieure, ou d’accès à une orientation choisie, … tous les indicateurs de performance sont possibles. Ces objectifs chiffrés sont contractualisés avec l’inspection académique et le chef d’établissement doit en rendre compte.
Cette approche de pilotage liée à la performance, les personnels de direction, exerçant tant en collège qu’en lycée, n’y ont pas été réellement préparés. Elle renvoie à une logique concurrentielle entre établissements qui relève, pour beaucoup de chefs d’établissement scolaire, d’une logique d’entreprise, ce qui ne leur parle absolument pas. La plupart d’entre eux sont d’anciens enseignants. Et en même temps, ils restent les garants de l’institution scolaire et des valeurs républicaines et humanistes qu’elle porte. Aujourd’hui, un proviseur de lycée, doit tout en même temps promouvoir les valeurs de la république et favoriser la réussite des élèves. Il doit savoir manager des équipes, gagner en efficacité et être performant. Il doit être un bon leader et permettre l’épanouissement des enseignants. Et bien-sûr, il doit administrer l’établissement, faire du chiffre et produire des résultats.… autant d’ambitions qui semblent appartenir à des mondes résolument parallèles. En réalité, ces deux univers, que sont le privé et le public, ne sont peut-être pas si différents.
L’établissement scolaire et l’entreprise sont deux organisations qui ont des objectifs à atteindre. Leur dirigeant sont tout autant assaillis de certitudes et de doutes. Ils connaissent le sentiment d’isolement lié à leur fonction. Ils doivent gérer les différents aspects liés au pouvoir, notamment l’attente de rôle. Leurs équipes ont de réelles attentes en termes de soutien et d’accompagnement, et les collaborateurs, les salariés, individuellement, ont tout autant besoin de reconnaissance et de considération. Alors, les enjeux ne sont évidemment pas tout à fait les mêmes : si l’établissement scolaire n’atteint pas son objectif, personne ne se retrouvera au chômage. Cela implique aussi peut-être de se poser la question de la définition que l’on donne à l’idée de performance.
Dans ce domaine, la littérature abonde, et les points de vue sont nombreux. Dans son rapport intitulé « La performance : une dimension fondamentale pour l’évaluation des entreprises et des organisations » publié en 2013, Melchior Salgado nous renseigne utilement à ce sujet. L’auteur de l’étude insiste sur l’imprécision du concept de performance, tant il est employé, et propose un travail de clarification à partir d’une revue de ce que la littérature propose sur le sujet. Bien que la performance soit au cœur de toutes les démarches d’évaluation des organisations, privées comme publiques, dans la pratique on constate qu’il s’agit d’un mot valise, multidimensionnel, qui ne prend sens que dans le contexte dans lequel il est utilisé. De ce fait, il peut être intéressant de se poser la question du point de vue du coach. Le coaching est un outil de progrès, avant tout au service de l’Homme. Il permet aux collaborateurs de gagner confiance, en motivation, et en efficience. En coaching, la recherche de la performance d’une organisation s’envisage comme un travail effectué en profondeur sur les individus. Ainsi, en veillant à ne prêter au coach aucune visée normative, on peut néanmoins envisager l’entreprise performante de son point de vue comme étant celle qui s’appuie sur le potentiel de son capital humain et qui s’emploie à le développer.
L’établissement scolaire ne fait pas exception à la règle. On sait aujourd’hui que le coaching permet de diminuer le stress au travail, d’améliorer le bien-être et l’efficacité des collaborateurs, et d’optimiser la performance de toute l’organisation. De nombreuses entreprises l’ont compris, et la fonction publique d’Etat aussi. Cette dernière s’ouvre doucement à l’idée l’introduire le coaching dans la sphère RH de certains ministères. C’est ce que révèle le rapport publié par la DGAFP (Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique) en 2011, qu’elle a titré « Le coaching professionnel dans la fonction publique – Définition et méthodes, bonnes pratiques ministérielles, outils pour agir », et qui vient confirmer que cette dernière est disposée à accueillir en son sein des pratiques, méthodes, et visions émanant de la société civile, telles que le coaching, dans cet univers singulier animé par une culture institutionnelle très lourde qui impose au coach une formation, une approche et une posture adaptées. L’Education nationale n’est pas encore concernée par cette évolution, mais nombre d’experts et de spécialistes s’accordent à penser que cela peut (doit) changer, et ce pour deux raisons :
D’abord parce que cette nouvelle optique en matière de gouvernance a fait naître un besoin d’accompagnement spécifique des personnels de direction. D’ailleurs, s’il n’est pas institutionnalisé au niveau de l’Etat, le coaching de chefs établissement scolaire existe. Des actions isolées sont initiées localement dans certaines académies. Une expérience de coaching de dirigeants d’établissements scolaires, qui a vu le jour dans l’académie de Reims en 2007 à la demande de la directrice des ressources humaines, a notamment permis à ceux qui en ont bénéficié de sortir de leur isolement, d’élargir les possibles grâce au questionnement de leur pratique, à un travail sur les représentations de leur sphère professionnelle, sur leur capacité à faciliter leur relation à leur fonction d’autorité et à être un acteur du changement, dans un cadre spécifique et sécurisant, fait d’écoute et de bienveillance.
La deuxième raison, c’est que le coaching s’impose comme un outil de premier plan pour œuvrer au développement d’une culture du leadership qui consiste à cultiver le respect, à encourager le dépassement, à faciliter l’activation de la confiance au sein des équipes, à favoriser le développement et les qualités morales de ses collaborateurs, ainsi que leur authenticité.
Dans le cadre de cet article, il est question de clarifier un peu ce qui se passe dans le monde de l’encadrement dans la fonction publique en générale, et au sein des établissements scolaires du second degré en particulier.
Deux constats majeurs s’imposent : D’une part la France est effectivement une élève très moyenne en matière de performance scolaire. L’enquête « Pisa » (Programme for International Student Assessment), menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l’OCDE, nous rappelle à chacune de ses publications, la réalité du niveau de notre service public d’éducation, pourtant composé d’un vivier d’acteurs volontaires et compétents. Et d’autre part, le moral des enseignants, l’isolement des chefs d’établissement, et plus largement le mal-être généralisé des personnels de l’Education Nationale est proportionnel à l’importance de l’enjeux, et on peut même dire à la noblesse de la mission d’une Institution telle que celle-ci. Les études menées conjointement par la MGEN et la CASDEN sur la qualité de vie des personnels au sein des établissements scolaires sont sans appel.
Et il est frappant de constater la dissonance qui existe entre, d’une part, l’autonomie, la responsabilité et la liberté auxquelles l’école de la république doit former élèves qu’elle accueille, et la conscience qu’elle en a, et d’autre part, le maintien de principes et de méthodes en matière de gestion des ressources humaines et d’accompagnement des personnels, qui sont justement chargés de transmettre ces valeurs au sein du service public d’éducation, et qui sont (ces méthodes) aujourd’hui majoritairement qualifiées de « créatricides ». Le poids de la norme au sein de l’institution scolaire ne permet qu’à peu de spécialistes de s’en affranchir et d’exposer leur avis sur ce point. C’est le cas notamment d’Eric Debarbieux, président de l’Observatoire International de la Violence à l’École, qui invite à une réflexion sur les facteurs et les leviers d’apaisement du climat et de la qualité de vie en milieu scolaire. Céline Alvarez et Stanislas Dehaene, tous deux spécialistes des sciences cognitives, proposent, plus abruptement, de bousculer les conservatismes de l’Education nationale et d’en refonder sa pédagogie, l’école étant elle-même, selon eux, la cause des difficultés qu’elle essaie de corriger par ses réformes.
A la lumière de ces constats et de ce qu’ils représentent en termes de souffrance humaine, il convient de s’intéresser à la question de la gouvernance et du leadership en établissement scolaire. Dans ce contexte singulier, le leadership efficace du chef d’établissement scolaire se caractérise par la capacité de ce dernier à amener ses collaborateurs à transcender leur intérêt personnel, à réévaluer leurs besoins, leurs valeurs, et leurs croyances, au profit d’une vision collective ; il traduit également une capacité du chef d’établissement à agir avec authenticité, en cohérence avec ses propres valeurs. Tout l’enjeu du coaching du chef d’établissement scolaire du second degré va ainsi consister à lui permettre d’entrevoir la recherche de la performance par le développement d’une posture de leader positif, à la fois flexible, authentique, et transformationnel.
Une telle perspective ne peut faire l’économie d’une réflexion sur le climat scolaire. Pour l’OCDE et pour le National School Climate Center (NCSS), le climat scolaire relève de différents facteurs, tous intimement liés les uns aux autres : la qualité du bâtiment scolaire (propreté, luminosité, volume sonore…), la qualité de l’enseignement dispensé (et son lien avec « la vraie vie »), qualité des relations entre les différents acteurs en présence (qu’ils soient élèves ou adultes), le niveau du moral et de l’engagement des enseignants, les questions relatives à l’ordre scolaire et à la discipline, la sécurité et le sentiment de sécurité (qu’ils concernent les élèves ou les adultes), la qualité du leadership (confiance, soutien et disponibilité de l’administration), une attention particulière portée aux relations école-familles, et enfin, le sentiment d’appartenance à une communauté, et une participation significative à la vie de l’établissement (des élèves comme des adultes).
Le climat scolaire est donc une complexité localisée qui nécessite une action menée sur le long terme. On ne décrète pas l’amélioration du climat scolaire par circulaire ou par effet d’annonce. Le climat scolaire doit être approché de manière « écologique », selon une approche systémique qui va prendre en compte les interactions continuelles et réciproques entre l’individu et son environnement, ces dernières s’influençant mutuellement et constamment, chacun s’adaptant en réponse aux changements de l’autre. Le coach doit veiller à préserver cette écologie, à rechercher cet équilibre indispensable en conduisant à faire un arrêt sur image, à être en conscience de ce qui se passe, à l’interne autant qu’à l’externe, pour chacun des membres de l’organisation, et pour le système dans lequel ils évoluent ensemble.
Un climat scolaire positif affecte puissamment, d’une part, la motivation à apprendre, l’apprentissage coopératif, le dévouement des enseignants, leur foi et leur conviction qu’ils peuvent « faire la différence », et d’autre part, la cohésion du groupe, le respect et la confiance mutuels. A ce titre, le recours à un coaching du chef d’établissement du second degré prévoyant une stratégie d’engagement de l’ensemble de la communauté éducative, impliquant et reconnaissant la voix de chacun comme importante et nécessaire, peut faire la différence. Entendons par « Coaching » une réponse à cette demande croissante de sens, de centration, de cohérence, de confiance en soi et en autrui, de résonance et d’ascèse personnelle, à visée d’efficacité dans le développement d’une capacité dynamique à produire de la valeur, personnelle, professionnelle, et émotionnelle ; une réalité tangible où le comment de l’action est plus important que le pourquoi de la réflexion.

Entre valeurs humanistes et objectifs de performance : le chef d’établissement scolaire, manager de tous les défis

C’est le premier devoir de l’école publique française, avant même le savoir disciplinaire, que de transmettre aux élèves qu’elle accueille l’ensemble des valeurs républicaines, à travers ses enseignements, mais également dans le cadre de la Vie Scolaire, au travers de l’ensemble des actions éducatives qu’elle porte. La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 dispose, dans son article 2, qu’« outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». Au sein des établissements scolaires du second degré (collèges et lycées), le fonctionnement du service de Vie Scolaire, piloté par le conseiller principal d’éducation sous l’autorité du chef d’établissement (principal ou proviseur), joue à ce titre un rôle déterminant. Comprenons qu’au-delà des principes fondateurs de Liberté, d’Egalité et de Fraternité, il s’agit de permettre la pratique de la tolérance et du dialogue, de conduire une politique d’éducation citoyenne visant le développement de l’autonomie, et favorisant l’initiative, l’engagement et la participation des élèves et des adultes, de refuser toute forme de discriminations, de promouvoir la laïcité, de dépasser les préjugés, de lutter contre le harcèlement, le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie et contre toute forme de violence ou de comportement de nature à porter atteinte à la dignité de l’Homme.
Comme l’institue à son tour la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la république du 8 juillet 2013, refonder une école respectueuse, sereine et citoyenne est devenue un enjeu majeur de politique publique en matière d’éducation. Et cela passe donc notamment par l’amélioration du climat scolaire, dans ses multiples dimensions, individuelles et collectives, au sein des établissements publics locaux d’enseignement du second degré. Dans cette perspective, le chef d’établissement se voit investi d’un rôle décisif dans l’accompagnement de ses collaborateurs dans leur métier d’enseignant. Il doit œuvrer à la mise en place d’une politique managériale de nature à créer un climat de travail, un climat scolaire, rassurant, valorisant, stimulant, et constructif. Il a pour cela la possibilité (non obligatoire) d’accéder à des stages de formation continue proposés par son administration de tutelle, dans le cadre du plan académique de formation par exemple, sur des thèmes aussi variés que la motivation, la cohésion et le travail en équipe, le management des facteurs humains, la prévention des risques psychosociaux, l’analyse de pratiques réflexives, etc.
Mais si la formation continue ayant vocation à guider et à accompagner utilement les dirigeants d’établissement scolaire dans leur mission de managers existe, ces derniers doivent, dans cette société en perpétuelle évolution, en plus de cette dimension managériale, faire face à un autre défi, à un nouveau challenge : le pilotage par la performance. Ce pilotage par la performance s’inscrit dans la volonté de l’Etat d’accorder une plus grande autonomie aux établissements. Le renforcement de l’autonomie des établissements scolaires du second degré prévoit une évaluation des établissements et une nouvelle optique en matière de gouvernance. Depuis l’instauration de la LOLF en 2001 (Loi Organique relative aux Lois de Finances), les chefs d’établissement scolaires du second degré ont l’obligation de rédiger et d’instaurer tous les trois ans un contrat d’objectifs, s’inspirant des objectifs nationaux et académiques, et adapté au contexte local de l’établissement. Ce document contractuel s’appuie sur des objectifs opérationnels, qui engagent la politique de l’établissement sur des axes de travail précis. Il permet, à partir d’indicateurs chiffrés, une évaluation de l’établissement (taux de redoublement, taux de passage dans la classe supérieure, réussite aux examens, nombre de mentions, de réorientations, taux d’accès au bac, etc), et met les établissements en concurrence entre eux. Portée par le chef d’établissement, la démarche du contrat d’objectifs implique l’ensemble de l’équipe éducative.
Cette autonomie renforcée présente des aspects positifs en termes de gestion et d’adaptation au contexte local et à la spécificité du public accueilli, mais elle présente aussi l’écueil de placer le chef d’établissement en situation d’isolement face à ses responsabilités de dirigeant. Des études récentes ont permis de constater une baisse significative du moral des chefs d’établissement. Cette dégradation est notamment mise en exergue par une enquête réalisée pour le compte de la banque coopérative Casden auprès de 3.000 principaux de collège et proviseurs de lycée, par Georges Fotinos, ancien inspecteur de l’Education Nationale et spécialiste du climat scolaire, et José Mario Horenstein, médecin psychiatre, sur la « Qualité de vie au travail dans les collèges et les lycées », et dont les résultats ont été publiés en début d’année 2017. Les deux chercheurs s’appuient sur une comparaison des résultats obtenus avec la même étude menée en 2007, ainsi qu’en 2003, qui confirme que le moral des chefs d’établissement scolaire du secondaire s’est globalement dégradé. Confrontés à ce que certains vivent comme une forme de « schizophrénie institutionnelle », ils doivent conjointement porter haut et fort les principes républicains et les valeurs de la France dont ils sont les garants, et en même temps, gérer l’introduction au sein de leur établissement d’une logique de concurrence, de performance et de résultats que l’on pourrait considérer comme venant de l’entreprise privée, ce à quoi ils n’ont pas forcément été préparés.
En réponse aux évolutions conceptuelles, structurelles et organisationnelles que suppose cette nouvelle approche, dite de « pilotage par la performance », il devient nécessaire de faire évoluer les perceptions, les attitudes et les comportements. Relever ce défi nécessite d’opérer un réel changement, notamment dans la manière d’appréhender cette évolution. Cela passe notamment par une gestion différente du capital humain de l’établissement, et par la mise en place de ce que Philippe Rodet et Yves Dejacques appellent « Le management bienveillant » dans leur ouvrage du même nom paru en 2017 aux Editions Eyrolles. S’appuyant sur des références philosophiques, les auteurs nous expliquent dans leur ouvrage comment il est possible, grâce à ce type de management, d’améliorer la créativité et l’engagement tout en réduisant le stress. Pour Aristote, la bienveillance consiste à souhaiter gratuitement du bien aux autres, par principe. Pour Thomas d’Aquin, il s’agit de vouloir agir pour le bien d’autrui. Pour Emmanuel Kant, être bienveillant est un devoir d’humanité, indépendant des variations de notre humeur et de nos affinités. Autrement dit, agir pour que la personne humaine se réalise dans son travail, et qu’elle soit en bonne santé. Sur ces bases, le dirigeant d’établissement scolaire dispose de différents moyens, générateurs à la fois de succès et de santé : fixer des objectifs accessibles avec un juste niveau d’effort ; faire en sorte que ces objectifs soient riches de sens et aident à se sentir utile ; exprimer de la confiance en accordant suffisamment de liberté d’action ; témoigner de la gratitude, source d’estime de soi ; exprimer de la considération ; être cohérent ; faire preuve d’empathie ; s’efforcer d’être perçu comme juste ; savoir reconnaître ses maladresses ; bien sûr cette liste n’est pas exhaustive.
Dans la théorie de l’Education Nationale, le collaborateur dans son individualité, est au cœur de la réussite et de l’atteinte des objectifs chiffrés de l’établissement. Mais garant des valeurs humanistes de la République dans cette nouvelle approche concurrentielle de gouvernance par la performance, le chef d’établissement ne risque-t-il pas de se perdre ?

Le chef d’établissement scolaire, pivot d’une gouvernance démocratique et de la qualité du climat scolaire

Les recherches scientifiques menées sur le sujet ont démontré qu’un climat scolaire serein et apaisé contribue non seulement à la qualité des pratiques pédagogiques mais aussi, par voie de conséquence, au bien-être et à l’épanouissement des personnels comme des élèves, favorisant ainsi les résultats et la réussite scolaires. C’est le cas notamment d’une enquête pour la santé publique intitulée « La qualité de vie des enseignants » menée conjointement en 2013 par la MGEN et la DEPP (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance), sur laquelle s’appuie le numéro spécial 88-89 de la revue « Education & formations » publié en décembre 2015, intitulé « Climat scolaire et bien-être à l’école ».
Il y est notamment mis en lumière que, lorsqu’un enseignant exprime sa satisfaction ou son insatisfaction professionnelle, il parle directement de son bien-être, et plus indirectement de la qualité du cadre de vie dans lequel il exerce son métier. Dans cette enquête, il apparaît que les enseignants accordent une réelle importance à leurs relations avec les élèves, avec les délégués des parents d’élèves, avec les personnels de surveillance, mais surtout et avant tout avec la direction de l’établissement. Les rapports humains, notamment hiérarchiques, jouent un rôle essentiel dans le ressenti individuel des enseignants. Indépendamment des activités liées à la discipline d’enseignement, les analyses montrent un lien étroit entre soutien social au travail et satisfaction professionnelle. Au regard des résultats de cette enquête, la DEPP indique dans son rapport que les actions visant à améliorer le collectif de travail sont un levier important de promotion du bien-être professionnel des enseignants.
Le lien très fort entre les notions de « climat scolaire » et de « performance de l’établissement scolaire » est communément et largement établi par la recherche. C’est ce que confirme le rapport d’une étude réalisée en 2012 sous l’instigation de la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement SCOlaire) pour son conseil scientifique. Dans ce rapport intitulé « Le « Climat scolaire » : définition, effets et conditions d’amélioration », rédigé par un groupe international de chercheurs et d’experts de terrain sous la responsabilité d’Eric Debarbieux, professeur à l’Université Paris-Est Créteil et président de l’Observatoire International de la Violence à l’École, les auteurs proposent une définition multifactorielle du climat scolaire, démontrent l’importance d’une approche à la fois systémique et contextuelle, et s’accordent pour considérer le climat scolaire comme le résultat d’un processus complexe et mouvant, très dépendant, entre autres, du style de leadership.
Cette notion de « climat » repose sur une expérience subjective de la Vie Scolaire qui prend en compte non pas l’individu isolément, mais l’école en tant que groupe large, et les différents groupes sociaux au sein de l’école. En effet, il convient de ne pas limiter l’étude et l’action sur le climat scolaire aux seuls élèves. Le concept doit inclure tous les membres de la communauté éducative. La sécurité, tant morale et psychologique que physique, des professeurs, leurs relations sociales et émotionnelles avec leurs collègues, ainsi que la qualité du leadership, doivent y être incluses. Tout autant que la perception de ce climat par les parents, les élèves et les enseignants. Ajoutons ici que l’incidence du climat scolaire sur l’engagement des personnels est aussi à prendre en compte, même si elle est trop peu renseignée dans la littérature.
Un climat scolaire positif affecte puissamment, d’une part, la motivation à apprendre, l’apprentissage coopératif, le dévouement des enseignants, leur foi et leur conviction qu’ils peuvent « faire la différence », et d’autre part, la cohésion du groupe, le respect et la confiance mutuels. Les conclusions de l’ensemble des travaux de recherche menés sur ces sujets confortent dans l’idée que le recours au coaching professionnel pour un chef d’établissement scolaire du second degré dans le cadre de sa formation continue pour l’instauration d’un climat scolaire positif, serein et apaisé, est autant souhaitable que justifié.

Investir dans le climat scolaire est une nécessité pour qui souhaite obtenir de meilleurs résultats

Dans les études qu’elle a menées sur le sujet, l’OCDE nous rappelle, elle aussi, que, de la qualité du climat scolaire et d’un haut niveau d’exigence dépendent pour beaucoup les résultats scolaires des élèves, et qu’il en va de même du bien-être du personnel de l’établissement. C’est le cas notamment des travaux d’ampleur menés en 2008 intitulés « Améliorer la direction des établissements scolaires » et qui ont donné lieu à la publication d’un rapport en deux volumes, « volume 1 : Politiques et pratiques » et « volume 2 : Etudes de cas sur la direction des systèmes ». Citons aussi « Pisa à la loupe », une série de notes produites tous les mois à destination des décideurs en matière de politiques d’éducation et conçue pour analyser de façon concise et accessible un thème issu de l’enquête PISA. D’autres études indépendantes utilisant les données PISA concluent de même, c’est le cas par exemple des travaux menés par le Danish Technological Institute en 2005, « Explaining student performance – Evidence from the international Pisa, Timss and Pirls survey ».
Il est généralement admis qu’un haut niveau d’exigence est un standard indispensable, ce haut niveau d’attente en faveur des élèves n’étant pas contradictoire, au contraire, avec une approche différenciée, individualisée, souple et encourageante. Ainsi, la relation entre un climat positif et la réussite scolaire a été internationalement établie.
Des études, comme celle de David Wilson réalisée en 2004 (« The interface of school climate and school connectedness and relationships with aggression and victimization »), révèlent en outre le lien entre la qualité du climat scolaire et le degré d’appartenance ressenti par les adultes envers l’établissement pour lequel ils travaillent, ce qui permet d’augmenter la croyance de chacun d’eux que l’Etat employeur les considère, non seulement en tant que professionnel du système, mais aussi en tant qu’individu.
En 1996, à partir d’une étude de 86 établissements scolaires, « La violence en milieu scolaire : 1 : Etat des lieux », Eric Debarbieux a montré qu’en France, le style de management et la qualité des interrelations entre les professionnels sont hautement prédictives des différences entre établissements au niveau de la performance, autant des élèves que des adultes. Si les effets des facteurs sociaux restent massifs, à facteurs socio-économiques égaux, les établissements où la place accordée au bien-être des acteurs est la plus importante possèdent des équipes adultes fortement régulées. Les sentiments de considération et d’appartenance constituent des indicateurs puissants. Les effets d’une vision partagée, d’une organisation communautaire du travail en équipe des adultes, accompagnée d’une réelle participation des élèves aux décisions, a un effet très protecteur pour les élèves comme pour les enseignants et autres membres du personnel. Il est remarquable que dans ce type d’organisation les enseignants soient absents moins souvent, et expriment plus de satisfaction quant à leur travail. Le rôle du chef d’établissement ne saurait ici être sous-estimé. Car en effet, selon les personnels de l’établissement scolaire, c’est au proviseur (ou au principal), qui représente la plus haute figure d’autorité de l’établissement, que revient la responsabilité d’instaurer ce climat. En tout état de cause, les recherches montrent qu’un climat scolaire positif est un facteur de résilience et de bien-être, et qu’il constitue de ce fait un levier de motivation, de stabilité et d’efficacité de l’équipe éducative, laquelle apprécie de se sentir soutenue par sa direction.
Si bien des arguments en faveur d’un climat scolaire positif se sont basés ces dernières années sur la réussite des apprentissages, le climat scolaire possède une valeur en soi : il permet non seulement une éducation à la démocratie, aux valeurs civiques et morales, mais aussi, par la création d’un cercle vertueux, il encourage la promotion de la bienveillance et l’instauration d’une stabilité émotionnelle, grâce à la possibilité de vivre des expériences de socialisation positives, indispensables pour une société harmonieuse.
La recherche suggère que la condition d’un climat scolaire agréable et efficace réside dans la gouvernance démocratique des établissements, présente le chef d’établissement comme le pivot du climat scolaire, et avance que la qualité de la formation des chefs d’établissement, qu’elle soit initiale ou continue, apparaît comme nodale, notamment pour ce qui concerne la gestion de la dynamique d’un groupe sans cesse renouvelé, la démocratie scolaire, ou le leadership. Ainsi, ne faudrait-il pas envisager de changer la manière de changer ?

Ouvrir la carapace statutaire, développer la confiance et la coopération, passer en subtilité d’un management « bienveillant » à un leadership « éthique »

Le management peut être définit comme l’action, l’art ou la manière de conduire une organisation, de la diriger, de planifier son développement, de la contrôler. Le manager utilise des procédures, des politiques, des plannings, des délais, des facteurs de motivation, de la discipline, et autres mécanismes et arguments pour pousser ses collaborateurs à atteindre les objectifs visés. Les différents courants théoriques du management (théorie des organisations, management stratégique, théories de la décision, etc), fondés essentiellement sur cette approche organisationnelle, ont progressivement ouvert la voie à un courant plus humaniste et révélé que l’Homme joue un rôle éminemment stratégique au cœur d’une organisation. La fonction publique ne fait pas exception. Le capital humain est une ressource majeure, levier de performance. C’est dans ce contexte qu’un nouveau modèle de management doit être pensé, fondé sur la dimension humaine.
Les problématiques managériales sont désormais envisagées sous l’angle de la capacité de « leadership ». On peut déplorer qu’il n’existe pas de recherches systémiques sur la question du leadership en milieu scolaire. Depuis 1992, date du premier plan gouvernemental de lutte contre la violence à l’école, on a vu émerger pléthore de dispositifs, contrastant avec la rareté des évaluations. Chaque intervenant cherchant à trouver sa légitimité.
Divers travaux, notamment ceux réalisés par Robert Hogan en 2005 (« What we know about leadership »), renseignent également sur une tendance majoritaire concernant les attentes des enseignants à l’égard de leur proviseur ou de leur principal. Dans le cadre de ces études sur leurs attentes et leurs besoins, les enseignants semblent placer en leur chef d’établissement une part de leur capital éducatif et font appel à lui comme référent, personne-ressource, notamment pour un relais avec des parents en désaccord, ou avec un élève en difficulté de comportement. Il est beaucoup demandé au chef d’établissement, qui occupe une place importante, centrale. Il lui est prêté à la fois beaucoup de pouvoir et une incapacité à avoir du pouvoir sur les choses. C’est clairement une figure idéalisée : il peut tout ou rien. S’il devient « persécuteur », il semble que ce soit beaucoup par un ressenti de son absence, parce qu’il manque. Lorsqu’il est décrit comme « à-propos », selon les besoins, il reçoit alors la gratitude de l’équipe éducative, et prend une valeur exemplaire. La conscience de ses difficultés, à lui, effleure rarement les enseignants qui ont participé à ces études. Il ne lui est supposé d’autres attentes ou besoins que ceux de la bonne réputation de son établissement et d’une absence de vagues de la part de ses « subordonnés ».
Ici aussi l’image est celle d’un personnage idéalisé et qui voudrait maintenir cette idéalisation au détriment du confort des autres. Cette image négative projetée sur le chef d’établissement le déshumanise, crée un effet d’isolement entre lui et l’équipe. C’est une façon de le maintenir là-haut, dans la toute-puissance, qui lui est prêtée, et d’éviter les conflits de la réalité des attentes et désirs de chacun, enseignants et chef d’établissement. C’est aussi le signe d’une souffrance, que nous oserons qualifier de narcissique, chez les enseignants, dont les causes ne sont certainement pas qu’imaginaires.

Pour une stratégie d’engagement de l’ensemble de la communauté éducative impliquant et reconnaissant la voix de chacun comme importante et nécessaire

Eu égard à sa fonction, le chef d’établissement scolaire doit répondre à des exigences éthiques et déontologiques qui se rapportent à des règles liées à l’exercice professionnel de ses missions. Ces exigences éthiques se réfèrent avant tout à un code de conduite propre à la profession de dirigeant d’établissement scolaire, et qui suppose un effort normatif de contrôle des pratiques. Cette exigence posturale extrêmement normée est liée au statut, au contexte. Formé à l’expertise, le chef d’établissement scolaire du second degré s’est toujours davantage révélé par son haut niveau de technicité, au détriment de ses capacités à diriger des Hommes et à communiquer avec eux.
Le proviseur de lycée, ou principal de collège, est bien souvent déstabilisé car insuffisamment préparé à ses responsabilités de manager. Il doit adopter une posture de leader, capable d’être à l’écoute de son équipe et de révéler ses ressources collectives et individuelles, afin de favoriser la créativité et la réactivité, nécessaire à l’optimisation de la performance. Nous l’avons dit, les différents modèles du management stratégique, fondé sur une utilisation optimale des ressources, en lien avec les enjeux concurrentiels de compétitivité, font place à de nouvelles approches illustrant l’importance de concilier logique de marché et capacité managériale à révéler le désir de réussir des collaborateurs.
Cette capacité nécessite, de la part du chef d’établissement scolaire, une remise en question de ses compétences, trop axées sur le savoir-faire et l’expertise, vers une dimension plus humaine, fondée sur le savoir-être. En coaching de chef d’établissement scolaire, la méthode d’approche va s’inspirer, pour s’en rapprocher, du coaching d’entreprise, et aller questionner la subjectivité de l’individualité de chaque acteur au bénéfice de la performance collective. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise organisation. Il y a des organisations plus ou moins bien adaptées à leur environnement.
Si les quatre fonctions traditionnelles du manager consistent à planifier, organiser, diriger et contrôler, alors le chef d’établissement scolaire qui, sans abandonner son rôle de leader décideur, renonce à tout fantasme de pouvoir et de narcissisme et joue pleinement son rôle de développeur de talents met toute l’organisation en mouvement dans une dynamique d’intelligence collective.
Le rôle du coach va consister à l’accompagner à créer les conditions pour que des décisions puissent être prises à chaque instant par ses collaborateurs. Il s’agit d’ouvrir la carapace statutaire, afin de développer la qualité la plus importante du leader, sa capacité à inspirer les autres et à donner l’envie d’être le plus performant possible. De réussir le passage du « dirigeant donneur d’ordre » (le chef) au « dirigeant porteur de sens », de donner accès aux espaces de liberté dont les acteurs bénéficient lorsqu’ils sont en dehors de la norme posée. En cela, même s’il dérange, pour la déconstruction qu’il induit, et qui va déstabiliser une partie des acteurs, le coaching apparaît comme un moyen d’accompagner le chef d’établissement scolaire du second degré dans cette dynamique de développement de la confiance et de la coopération, et de passer, en subtilité, d’un management « bienveillant » à un leadership « éthique ».

Rapprocher émotion et cognition, oser la créativité, développer l’intelligence collective

Comme tous les types d’organisations, les institutions de la fonction publique sont tributaires de leurs ressources humaines pour atteindre leurs objectifs. Si le service public d’éducation manifeste encore quelque frilosité à l’égard du concept, le leadership est identifié et reconnu comme l’un des thèmes liés aux déploiement des forces extraordinaires des individus. Les chefs d’établissement scolaire sont souvent tenus par leur autorité de tutelle d’être capables de susciter la transformation, de diriger des gens et de gérer le travail de leurs équipes de manière efficace. L’éventail de compétences que doivent posséder ces personnels de direction pour assurer une gouvernance efficace au sein des établissements scolaires doit par conséquent s’enrichir. Le chef d’établissement leader doit désormais se doter d’une fonction d’accompagnement dans ses nouvelles missions : révéler les talents, être à l’écoute, mobiliser tous les collaborateurs autour d’un projet commun, développer la communication interpersonnelle, savoir gérer les conflits internes, etc. Cette vision peut être difficile à mettre en place au sein d’une organisation scolaire car l’entourage du chef d’établissement attend que ce dernier se comporte symboliquement à ce qu’il incarne. Le coach dispose d’outils pour l’aider à avoir une conscience de lui, des autres, et de trouver un équilibre entre l’authenticité et les attentes de rôle. En effet, ne pas répondre à une attente de rôle pose un problème de repères, déstabilise l’équipe, et décrédibilise le leader. Il doit donc être lucide par rapports aux attendus. Ne pas en tenir compte serait une erreur.
Les caractéristiques personnelles et individuelles du chef d’établissement scolaire sont, elles aussi, essentielles, pas seulement parce qu’elles correspondent d’une manière individuelle à une quelconque aptitude générale à diriger, mais surtout parce qu’elles influencent les perceptions des individus qui doivent être dirigés. Ces perceptions influencent à leur tour la motivation à être dirigé, et la façon dont les membres du personnel dirigé vont réagir au comportement du dirigeant.
La littérature abonde d’initiatives visant à déterminer les caractéristiques humaines qui sont associées à l’aptitude du dirigeant à diriger efficacement. C’est le cas notamment le cas d’une étude empirique de Martina Kotzé et Ian Venter, dont les résultats ont été publiés en 2011 dans la Revue Internationale des Sciences Administratives sous le titre « Les différences au niveau de l’intelligence émotionnelle entre les dirigeants efficaces et les moins efficaces dans le secteur public », ou de celle de Bertrand Martin, Vincent Lenhardt et Bruno Jarrosson qui considèrent en 1996 dans « Oser la confiance, propos sur l’engagement des dirigeants » que la confiance est l’un des facteurs-clés du développement d’une organisation. De leur côté, dans leur ouvrage intitulé « Personnels de direction et gouvernance de l’EPLE » paru en 2010, Françoise Leblond et Charles Moracchini, invitent à une réflexion sur le lien entre le sens de l’action et réalisation de soi. Ces études, s’intéressant aux caractéristiques individuelles des dirigeants efficaces, évoquent des aspects tels que la personnalité, l’humour, le genre et les niveaux d’expérience. D’autres s’intéressent à des aptitudes telles que les aptitudes cognitives et émotionnelles. C’est le cas notamment des travaux de Peter Salovey et Ilios Kotsou qui proposent, dans un ouvrage intitulé « Intelligence émotionnelle et management : comprendre et utiliser la force des émotions », de s’appuyer sur la capacité individuelle de raisonner au sujet des émotions et d’utiliser les informations transmises par celles-ci pour enrichir notre raisonnement, et défendent l’idée que l’intégration de l’émotionnel et du rationnel est la clé d’un management performant.
Il est intéressant de constater que de plus en plus de chercheurs s’intéressent à l’association entre « intelligence émotionnelle » et « efficacité du leadership ». Ainsi, nombreux sont les chercheurs à soutenir la thèse selon laquelle l’intelligence émotionnelle, ou certaines dimensions de celles-ci, comme la conscience ou l’expression, est une nécessité pour l’efficacité du leadership, c’est le cas de Bar-On et Goleman, dont les ouvrages respectifs « Educating People to be Emotionally Intelligent » et « L’intelligence émotionnelle : accepter ses émotions pour développer une intelligence nouvelle », sont d’un apport précieux.
Il est regrettable que les recherches menées sur les changements et les réformes nécessaires dans la fonction publique en matière de gestion et d’accompagnement des ressources humaines ne s’intéressent pratiquement pas à cette question de l’intelligence émotionnelle. Un personnel de direction exerçant en établissement scolaire du second degré amené à prendre des décisions à l’image de ce qu’il pense ne doit pas fait l’économie de ses émotions. Au contraire, c’est ce rapprochement entre émotions et cognition qui permettra au leader qu’il est d’appréhender une situation avec plus de sérénité et d’aisance. C’est pourquoi, comme le confirment les apports des neurosciences et de la psychologie, l’intelligence émotionnelle est un élément essentiel à prendre en considération le champ d’une réflexion sur le leadership, notamment dans le cadre d’un processus de coaching.
Un coaching est une démarche créative par excellence. Particulièrement aidante dans sa capacité d’expression de sentiments, d’émotions, de parole authentique et de modalités de pensée créant de l’ouverture, la créativité fait partie intégrante de l’acte de coaching. Elle apporte à la personne accompagnée de la Permission et de la Puissance. Elle est la capacité à créer, à être en contact avec son énergie vitale. Elle agit horizontalement, en élargissant la vision par un positionnement « méta », et de nouvelles approches, et verticalement, en approfondissant la demande, par la métaphore et le recours à l’imagination. L’objectif de la créativité est de développer l’autonomie du coaché, et sa capacité à trouver des solutions en modélisant ce qu’il a découvert. Les bénéfices de l’usage de la créativité en coaching sont nombreux. Elle va permettre la mobilisation de toutes les ressources de la personne accompagnée, le développement d’un nouveau regard, la création d’un état d’esprit différent fait de curiosité, de tolérance, et d’une certaine humilité, le développement de la confiance en soi, la capacité à accepter la surprise, le tâtonnement et l’erreur, par le constat de sa capacité à rebondir et à ne pas s’arrêter sur une solution unique.
Dans le contexte qui nous occupe, il s’agit pour certains chefs d’établissement scolaire d’un véritable ré-apprentissage car c’est bien là que se trouve la clé du succès : dans une vision innovante du dirigeant, dans le dépassement de croyances créatricides, dans l’autorisation de sortir du rationnel, de ressentir, et d’imaginer sa capacité à catalyser la performance collective. Mais l’équilibre d’une organisation scolaire est quelque chose de fragile. Un tel bousculement de perception faisant appel à un autre niveau de logique suppose de la part du leader (et pour ce qui nous occupe ici, du dirigeant d’établissement scolaire), la capacité à perdre une partie du contrôle, à accueillir l’inattendu, à se laisser surprendre. Ainsi, entre les adultes de la communauté scolaire prêts à entrevoir cette évolution et à la comprendre, et les autres, peut s’opérer une mise en exergue de résistances très variables, liés notamment à ces différences de perceptions.
Pour certains adultes, portés par leurs représentations du rôle de l’institution scolaire et de la place des individus qui la composent, un changement important à leurs yeux peut s’apparenter à une perte de repères, de pouvoir, ou d’autorité, et représenter un danger pour la survie de l’organisation. Une telle position de résistance, voire de réactance, au changement, est révélatrice de la nécessité d’expliciter, de démontrer, de sensibiliser, d’associer. Dans ce domaine, il n’est pas question d’imposer sans rassurer. Et ceci ne peut venir que de la direction de l’établissement et passe par l’instauration d’une relation de confiance absolue dans la personne du dirigeant, et dans ses intentions.
C’est en ce sens que le coaching est une réponse parfaitement adaptée au besoin des proviseurs de lycée et principaux de collège d’entretenir leur capacité à ressentir, en leur offrant la possibilité d’une compréhension de l’importance et de la spécificité de leurs propres caractéristiques émotionnelles. Néanmoins, le coach professionnel intervenant en établissement scolaire du second degré se devra de tenir compte des caractéristiques propres à la fonction publique en général, et des spécificités de l’Education nationale en particulier. Gageons, comme nous y invite la tendance actuelle, que les recherches futures s’attachent à étudier l’influence de l’intelligence émotionnelle sur l’efficacité du leadership des dirigeants dans la fonction publique, et particulièrement des acteurs de terrain dans la fonction publique d’éducation.
Dans un contexte d’incertitude, de diminution de la confiance et de l’optimisme des personnels au sein des établissements scolaires, l’adoption d’un leadership authentique caractérisé par la conscience de soi du dirigeant, la transparence de ses intentions, la grande cohérence de ses convictions, de ses valeurs et de ses actions, sont le gage d’une performance organisationnelle durable. Le coach pourra amener le dirigeant de l’établissement scolaire, dans une démarche réflexive, à prendre conscience de son capital psychologique positif, afin de lui permettre de changer de perspective, de porter un regard différent sur lui-même et de mettre en œuvre des changements durables dans ses attitudes et ses façons de penser, ceci dans le but de développer ses habilités et compétences de leader authentique. Le dirigeant pourra ainsi réguler son impact sur les autres et sur son environnement grâce à une compréhension élargies de ses forces, de ses traits de caractère positifs, de ses points de vigilance, de ses valeurs profondes, de ses croyances et de leurs conséquences sur ses émotions, de ses comportements et attitudes.
En établissement scolaire du second degré, le proviseur ou le principal agit au-delà de ses intérêts personnels lorsqu’il est guidé par quelque chose de plus important que lui, correspondant à la fois à son sens des valeurs et de l’intérêt général. Il se préoccupe des êtres humains, de l’établissement et du service public d’éducation, et se sent personnellement responsable de leur croissance respective. Il cultive le respect, encourage le dépassement et favorise le développement et les qualités morales de ses collaborateurs, ainsi que leur authenticité. Ses intentions et ses comportements sont transparents et congruents. Il agit en cohérence avec ses valeurs. Il facilite les conditions nécessaires à l’activation de la confiance au sein de ses équipes. Il consulte et prend le temps d’analyser les différentes perspectives avant de prendre une décision. Il est conséquent dans ses actions. Les corrélations entre le leadership transformationnel et le leadership authentique sont établies. Tout comme leur incidence commune sur le bien-être et la performance, autant du chef d’établissement que du personnel de l’établissement scolaire, sur la diminution du stress au travail, l’instauration et le maintien d’un climat de travail positif et serein, l’efficacité et la réussite de tous.
Le quotidien d’un dirigeant d’établissement scolaire du second degré est soumis à une préoccupation centrale : la recherche de la performance, et des moyens les plus adaptés pour répondre à ce besoin. C’est la créativité, par la voie de l’intelligence émotionnelle, qui va lui permettre d’acquérir la conviction que le capital humain est au cœur du moteur de la performance de son établissement, et qu’il est, par conséquent, essentiel d’œuvrer au développement d’une intelligence collective. La construction d’une intelligence collective dépend d’une raison d’être puissante qui permet de mettre de côté les problèmes d’égo et qui réveille à chacun le désir de donner le meilleur de lui-même pour atteindre un objectif commun. Elle dépend également d’une vision du chef d’établissement, de sa conviction qu’il doit faire confiance à ses équipes. D’où une sensibilisation comme préalable indispensable, afin de lui permettre de comprendre et d’intégrer les bénéfices concrets de l’intelligence collective, à la fois en termes de développement personnel et d’efficacité organisationnelle.
Lorsque le contexte l’exige, l’intelligence collective peut être extraordinairement salvatrice, notamment en situation de crise, en cas d’enjeux majeurs. Mais même sans parler de situation de crise, placer l’intelligence collective au centre du fonctionnement de l’établissement permet aux collaborateurs de proposer des idées innovantes et de les réaliser ensemble. Tout l’enjeu pour un chef d’établissement scolaire ayant recours à un accompagnement tel que le coaching professionnel sera donc de développer la capacité à rechercher la performance sous l’angle d’un regard nouveau, à introduire des innovations et à s’y adapter, tout en construisant la cohésion et en soutenant le moral des troupes afin de préserver la stabilité de l’établissement.

Entre vision stratégique d’innovation et stabilité organisationnelle : le chef d’établissement scolaire équilibriste

Dans ce contexte d’autonomie désormais renforcée, la culture de l’établissement scolaire autonome inspire un projet de gouvernance, qui va lui-même déterminer une politique managériale, qui va à son tour induire une logique collaborative, participative, ou au contraire individuelle, et concurrentielle. Ces différents niveaux vont déboucher sur une logique de comportement organisationnel. Cet enchainement informel de maillons constitue un système. Les acteurs de la communauté éducatives sont interdépendants autour de la gestion de ce système. Autour de cette collectivité d’appartenance apparait un système normatif de procédures, de règles, et de valeurs (autorité hiérarchique, division du travail, etc). De la cohérence entre ses parties dépend l’efficacité du système.
Dans le cadre d’un coaching en établissement scolaire, l’équipe que le coach aura à accompagner est au cœur de ce système, dont les composantes sont en constante interaction. Ainsi, un coaching du dirigeant de l’établissement scolaire suppose un accompagnement conjoint de l’équipe avec laquelle ce dernier travaille. Les enjeux ne reposant pas seulement sur le dirigeant, mais dans les interactions de l’ensemble du système auquel il appartient. De son côté, un leadership qualifié d’ « éthique » s’impose pour le dirigeant d’établissement scolaire du second degré comme un levier d’accompagnement de ce développement, en ce qu’il concerne des obligations et des devoirs d’individus dont l’influence émane des valeurs, des idées, des idéaux, largement partagés par la collectivité. Le leader éthique, qui plus est dans la fonction publique, est jugé en grande partie en fonction de sa capacité à apporter un changement. Il n’est pas auto-proclamé mais se juge par ses actions et par la vision qu’il se propose de partager.
A l’automne 2015, Louis Baron propose dans la Revue Gestion un article intitulé « Eloge de la flexibilité des leaders » (vol. 40, HEC Montréal). Il y développe l’importance pour un leader d’être capable d’écouter et de s’adapter en prenant position selon ce que requiert le contexte. Ceci suppose, non seulement, de posséder un large répertoire comportemental, mais aussi, d’être en mesure d’alterner entre des comportements opposés en réponse à ce qui est requis par chaque situation. Le leader doit être capable d’entrainer une équipe et de soutenir ses collaborateurs, de s’imposer, de permettre, de défendre, et en même temps d’adopter une vision stratégique d’ouverture et d’innovation dans un souci opérationnel de stabilité organisationnelle. Le coaching professionnel apparaît comme une réponse afin de rendre possible le développement de cette capacité en ce sens que favoriser un aller-retour entre pratique et réflexion va permettre au chef d’établissement scolaire de mieux comprendre les relations de cause à effet entre comportements et répercussions, de mettre en lumière les modèles comportementaux en œuvre, et ceux qui sont sur-utilisés, de diversifier les options comportementales, de développer les capacités sous-utilisées, et de procéder à une analyse plus pointue des exigences et des besoins des individus et des situations qui peuvent se présenter.
Cette approche décrit une conception éthique qui allie trois types de leadership : le « leadership transformationnel », qui se caractérise la capacité du dirigeant à amener ses collaborateurs à transcender leurs intérêts personnels, et à réévaluer leurs besoins, leurs valeurs, leurs croyances, au profit d’une vision collective ; le « leadership authentique » qui met l’accent sur la prise de décision fondée sur des critères moraux de sincérité ; et le « leadership flexible », qui prévoit que la recherche du compromis permet de faire face à toutes les situations. Ce modèle, « transformationnel », « authentique » et « flexible », est caractéristique du « leadership éthique ». Il inspire, motive et stimule intellectuellement. Il permet de répondre à cette dualité du manager équilibriste qu’est le chef d’établissement scolaire du second degré qui doit concilier la posture du dirigeant (rigueur, souci opérationnel, capacité de prise en charge) et celle du leader (créativité, enthousiasme, capacité à évoluer dans la complexité). Trouver l’équilibre entre ce que l’on est et les liens à établir avec les personnes à influencer, revient à trouver l’équilibre entre les qualités du leader éthique et la lecture du contexte pour les exprimer et les appliquer efficacement. Cette approche offrira des retombées hautement favorables, pour autant que le coaching soit ici envisagé dans chacune de ces dimensions : pour le dirigeant, pour l’établissement scolaire concerné, pour les membres qui le constituent, et pour la réussite des élèves qu’il accueille.

En conclusion : Bousculer le cadre de référence dans un but humaniste de recherche et de développement du meilleur de l’Homme

De nos jours, dans la fonction publique d’Etat, la légitimité est encore liée au statut. On est manager parce qu’on a réussi le concours. Le lauréat est institué manager et doit prendre en charge l’animation d’une équipe, sans forcément posséder les clés et les compétences, voire les appétences, pour la mission. Le terme même de « manager » est d’ailleurs utilisé de façon très récente dans la fonction publique. Encore aujourd’hui, si l’anglicisme (désormais francisé) est toléré, on parle plutôt de « chef de service », ou « d’encadrant », au sens de celui qui fixe et structure le cadre, celui qui garantit le périmètre règlementaire, statutaire, légal, de l’activité.
La modernisation de l’État, sa réforme territoriale et la décentralisation ont mis au grand jour la nécessité pour l’employeur public de compenser ce déficit d’accompagnement à la pratique managériale et d’accompagner au niveau individuel ces « encadrants » d’aujourd’hui, avec l’ambition de les faire devenir les « managers » de demain, dans l’évolution de leurs missions et de leur situation professionnelle. Autant il est communément admis qu’il est utile et nécessaire d’améliorer et d’actualiser sa pratique professionnelle, dans les différents domaines techniques contenus dans l’emploi, autant la pratique du management est perçue comme consubstantielle à la fonction d’encadrant. Pour un cadre de la fonction publique, le recours au coaching, comme outil d’amélioration de la pratique managériale, est vécu comme un signe de faiblesse et d’insuffisance professionnelle. Cette croyance majoritaire a inévitablement conduit l’administration à minimiser les effets d’un management défaillant sur les dysfonctionnements d’un service, la démotivation d’une équipe, ou l’existence de troubles psychosociaux. Encore aujourd’hui, dans l’inconscient collectif, le statut prime.
Mais les temps changent. Désormais, les garanties statutaires ne suffisent plus. On voit apparaître les notions nouvelles d’efficacité, d’efficience, d’agilité managériale, de créativité et de talent. Le recours au coaching commence à apparaître comme permettant, sans honte ni stigmatisation, d’accompagner les agents de la fonction publique dans une perspective positive de questionnement de leurs pratiques managériales, dans un cadre confidentiel, bienveillant, et orienté solutions. Nous l’avons dit, le coaching professionnel du personnel de direction exerçant en établissement scolaire est un levier transformationnel de bien-être et de performance extrêmement puissant, et en ce sens, en tant que discipline des sciences humaines, il a toute sa place dans la fonction publique d’éducation.
Ceci suppose avant tout que l’école de la République, sous l’égide de l’Education nationale, se donne enfin les moyens de son ambition, qu’elle envisage, puis accepte, la nécessité de bousculer un système de référence fondé sur des croyances et des valeurs, qui ne peut plus aujourd’hui satisfaire aux exigences d’une société de l’immédiateté, en mouvement perpétuel. Cela suppose d’introduire, dans le champ de la réflexion des instances décisionnaires du système éducatif en France, la question des choix qui sont faits en matière de formation des personnels de direction en exercice sur le terrain, et des moyens qui sont mis en œuvre pour les accompagner tout au long de leur carrière de dirigeant. Précisons toutefois qu’il est indispensable de tenir compte de l’organisation actuelle du système scolaire et de la hiérarchie.
Faire évoluer les représentations en matière de gestion des ressources humaines au sein des établissements scolaires du second degré dépend effectivement d’une volonté politique, actée au plus haut niveau de l’institution, de décréter que la performance d’un établissement scolaire se trouve aussi dans sa capacité à mobiliser et à déployer le potentiel de son capital humain. Ainsi donc, les effets du coaching dans sa dimension d’accompagnement sont reconnus dans les services de l’État. L’utilité pour un cadre de la fonction publique de pouvoir interroger sa pratique professionnelle dans le cadre d’un coaching n’est désormais plus à discuter.
Si l’évolution des représentations multiples que cela implique invite à la retenue, les spécialistes de la question s’accordent malgré tout à dire que la tendance devrait offrir au coaching l’opportunité d’un positionnement de premier plan dans la sphère RH des services de l’État. Si la Direction générale de l’administration et de la fonction publique reconnaît la pertinence du coaching comme un outil à développer dans le cadre d’une politique de ressources humaines, si les ministères de l’intérieur, de l’agriculture et de l’écologie se sont d’ores et déjà depuis plusieurs années saisis de cet outil afin d’accompagner leurs cadres dirigeants dans l’exercice de leurs missions de fonctionnaires d’Etat, et si des direction d’académies ont eu recours localement à des professionnels de l’accompagnement formés au coaching, il semble que rien ne s’oppose à la réflexion, à la construction, puis à la mise en œuvre d’un dispositif institutionnalisé d’accompagnement s’adressant aux chefs d’établissements scolaires du second degré, proposant à ces derniers un recours à une prestation de coaching de dirigeant dans une démarche de questionnement de leur pratique professionnelle. L’institutionnalisation du coaching de dirigeant à l’Education Nationale n’est peut-être pas pour tout de suite, mais le besoin est réel, les outils existent, les professionnels aussi.
Autant d’interrogations, de réflexions et de constats, qui invitent à penser que, si le milieu scolaire doit envisager une rénovation de son modèle de pilotage, cela sera possible à la faveur d’une transformation de son cadre de référence, pour penser différemment, à agir autrement, ouvrir le champ des possibilités et libérer les contraintes, ceci afin de favoriser l’expression de la créativité de ses acteurs. C’est à cette condition plurielle que le coaching, et notamment le coaching de dirigeants, pourra paraître évident aux yeux des chefs d’établissement scolaire du second degré, s’imposer comme un levier d’apaisement du climat scolaire et d’amélioration du bien-être des personnels, et par voie de conséquence, de performance, et de réussite des élèves.


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Citer cet article :

Damon, Céline. « Le coaching du chef d’établissement scolaire – Bien-être et performance dans les collèges et les lycées » Revue Européenne de Coaching, 5, 2018

commentaires

Une réponse sur « Le coaching du chef d’établissement scolaire »

L’article que je viens de lire me satisfait partiellement, j’ai besoin de la documentation sur le style de leadership éducationnel des chefs d’établissement scolaire sur la motivation des enseignants.
Bien cordialement

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