Catégories
Numéro 3 06/2017 Numéro 7 06/2018 Numéros

Projet de gouvernance et dynamiques humaines des organisations : un duo indissociable du changement ?

L’optimisation de nouveaux leviers de transformation et de développement de l’entreprise, sa capacité de régulation ne peuvent se concevoir que dans une approche globale intégrant notamment les interactions sociales et humaines. Le coaching stratégique permet un accompagnement de l’entreprise dans cet environnement. Une réflexion posée par cet article à la croisée de la sociologie et de la psychologie sociale.

William Monlouis-Félicité
Article de recherche, première publication le 09/08/2017


Résumé

Les dynamiques de changement de l’entreprise ne peuvent être amorcées que si les zones d’ombre et les paradoxes de l’entreprise sont levées entre le projet de gouvernance, la culture d’entreprise et le comportement des acteurs. L’optimisation de nouveaux leviers de transformation et de développement de l’entreprise, sa capacité de régulation ne pourraient donc se concevoir que dans une approche globale intégrant notamment les interactions sociales et humaines. Le coaching stratégique permet un accompagnement de l’entreprise dans cet environnement. Une réflexion posée par cet article à la croisée de la sociologie et de la psychologie sociale.
Mots-clés : Gouvernance, Psychologie Sociale, Sociologie, Changement, Organisations

Abstract

Firms’ dynamics of change can’t be initiated unless black boxes and paradoxes of the firm are enlighted and resolved when it comes to governance project, firm’s culture and actor’s behavior. The optimization of new levers of transformation and development for the firm, as well as its ability to regulate, can’t be conceived without a more global approach that integrates social interactions. Strategic coaching allows a support for the firm in that environment. That is the thought brought to light by this article, between sociology and social psychology.
Keywords : Governance, Social Psychology, Sociology, Change, Organisations


« Les entreprises peuvent créer de la valeur économique et du profit en créant de la valeur sociale. » Michael Porter 1. Creating Shared Value, par Michael Porter et Mark R. Kraemer, Harvard Business Review, janvier-février 2011.

Introduction

En séparant « ceux qui savent » de « ceux qui font », ont été installé des modes d’organisation, non seulement « délétères » mais aussi cloisonnés, coûteux en termes de réactivité et d’innovation. Des décennies de « lutte des classes » ont souvent figé les uns et les autres dans des postures qui s’avèrent être préjudiciables, finalement, aux intérêts de tous. La transition est difficile… Les entreprises d’aujourd’hui évoluent dans un contexte où l’intensité du changement va croissant, où tout s’accélère. Dans ce contexte agité, il semble de plus en plus essentiel d’éviter la rupture ou l’effondrement des ressources humaines et, de facto, de l’entreprise. La gouvernance d’entreprise dans un contexte de crises, d’incertitudes, de scandales, de pressions des parties prenantes est perçue comme étant au cœur des mécanismes de changement organisationnel. Les pratiques peuvent-elles se circonscrire qu’au rapport entre les intérêts des actionnaires et les dirigeants, n’exercent-elles pas une autre influence dans l’entreprise, notamment sur la logique de comportement des acteurs ?
La responsabilité et la place de la gouvernance dans ces régulations sociales semble de plus en plus fondamentale ; Loin d’être circonscrit au rapport entre les intérêts des actionnaires et ceux du dirigeant, elle étend inéluctablement son influence au management des hommes. Projet de gouvernance et le management des hommes et apparaissent comme un duo indissociable du changement et de la performance durable des entreprises. Le développement durable et performant de l’entreprise serait la résultante d’un maillage de dynamiques individuelles autant que collectives.
Les dynamiques de changement de l’entreprise ne peuvent donc être amorcées que si les zones d’ombre et les paradoxes de l’entreprise sont levées entre le projet de gouvernance, la culture d’entreprise et le comportement des acteurs. L’optimisation de nouveaux leviers de transformation et de développement de l’entreprise, sa capacité de régulation ne pourraient donc se concevoir que dans une approche globale intégrant notamment les interactions sociales et humaines. Dans ce contexte qu’elle place pour le coaching d’équipe ?
La place de la gouvernance dans cette régulation semble de plus en plus fondamentale ; Elle s’inscrirait dans une logique plus large qui viserai à augmenter la capacité de résilience du système et celle des hommes qui le font en développant de l’adaptation, de la « flexibilité », de la capacité de régulation. Loin d’être circonscrit au rapport entre les intérêts des actionnaires et ceux du dirigeants (1), elle étend son influence au cœur des relations de travail et des logiques collaboratives. La culture d’entreprise et le projet de gouvernance entraînent une politique managériale précise. Ces niveaux débouchent sur un comportement organisationnel, c’est à dire concrètement ce que font les acteurs. C’est in fine, l’émergence de comportement efficace, cohérent, adapté aux enjeux internes et externes de l’entreprise, qui mettra chacun en capacité d’atteindre l’objectif commun. Ces mécanismes permettent de mieux cerner les apports de « nouveaux » axes d’intervention tel que le coaching stratégique dans la performance durable des organisations (2).

Vers un nouveau paradigme de la notion de gouvernance d’entreprise ?

La gouvernance d’entreprise : Un concept évolutif

Shleifer et Vishny (1997) définissent la gouvernance de l’entreprise comme l’ensemble des mécanismes par lesquels les apporteurs de capitaux garantissent la rentabilité de l’action. Ces auteurs centrent leur conception de la gouvernance sur la protection des actionnaires comme bénéficières exclusifs de la valeur. Selon Denis et McConnell (2003), la gouvernance est un ensemble de mécanismes internes et externes qui amènent les dirigeants à bien gérer la  firme en prenant des décisions qui maximisent la valeur de la firme pour ses propriétés (les apporteurs de capitaux).
Reberioux (2003) définit la gouvernance comme la structuration et l’exercice du pouvoir dans les organisations. Dans le même sens, Rajan et Zingales définissent la gouvernance comme l’ensemble des mécanismes d’allocation et d’exercice du pouvoir ou de l’autorité hiérarchique. Critiquant la vision strictement actionnariale de la gouvernance, ils soutiennent que la répartition du pouvoir et de la valeur créée entre les parties actives au sein de l‘entreprise sont un mécanisme de gouvernance centré sur la prévention des conflits et donc sur la convergence des fonctions d’utilité. Ils soutiennent que, compte tenu de la nature changeante de l’entreprise, l’orientation de la gouvernance d’entreprise doit donner une place prédominante aux mécanismes liés au capital humain.
Charreaux (1997) propose une approche plus large. Il définit la gouvernance des entreprises comme l’ensemble des mécanismes qui gouvernent le comportement des dirigeants et délimitent leur latitude discrétionnaire. Il s’agit d’un ensemble de normes qui visent à homogénéiser les fonctions d’utilité des dirigeants et des actionnaires
Une autre voie, explorée en particulier par ce même auteur (2002a et 2002b, 2003) consiste à proposer une approche plus complexe des liens entre gouvernance et création de valeur considérant simultanément une approche partenariale et le levier « cognitif » de la création de valeur qui passe par les compétences. L’approche partenariale, un modèle contractuel plus large qui reposent, d’une part, sur l’hypothèse que le capital financier apporté par les actionnaires ne joue qu’un faible rôle dans l’émergence de la rente organisationnelle (la valeur créé) et, d’autre part, sur un élargissement de la notion de propriété. L’existence d’une rente organisationnelle suppose une compétence distinctive que le capital financier ne peut apporter. Il faut donc invoquer d’autres facteurs de production, en particulier le capital humain des dirigeants et des salariés, pour comprendre la formation de la rente. L’approche partenariale permet de prendre en compte les effets des conflits associés à la répartition de la rente organisationnelle entre les différentes parties prenantes. L’introduction du levier cognitif repose, quant à elle, sur l’idée que les systèmes de gouvernance – les règles du jeu encadrant les décisions des managers – influencent également les choix stratégiques.
Créer de la valeur partagée : De la culture d’entreprise au comportement organisationnelle
C’est, au départ, la culture d’entreprise qui permet de déterminer un projet de gouvernance (Christophe Durand, 2001), lequel conditionne le recrutement du personnel et la politique de formation mais également les questions telles que la place des seniors, la parité, la diversité, et bien sûr, les questions sociétales… La culture, rend chaque organisation unique (Maurice Thévenet, 1993). La politique managériale précise qui doit en découler induit, à son tour, soit une logique individuelle et concurrentielle (Delavallée Eric, 2002 ), soit, au contraire, une logique collaborative et participative (Aubert, N., Gruère, J.P., Jabes, J., Laroche, H., & Enlart, S. , 2010).
En effet, de cet enchaînement formel et informel, qui constitue une organisation et un système (Malarewicz, J.A., 2012), dépend le rôle concret de chaque acteur C’est-à-dire un comportement efficace, cohérent, adapté aux enjeux internes et externes de l’entreprise et qui met chacun en capacité d’atteindre l’objectif commun (Robbins S.P, 2011).
L’acteur est donc relativement libre. Il peut jouer avec son rôle, se permettre des écarts par rapport aux règles sociales. Il y a une différence entre les objectifs de l’organisation et ceux des individus. L’acteur est autonome et son comportement est hésitant, il n’est pas déterminé à l’avance, il est porteur de sens. Il est opportuniste, s’adapte aux circonstances et a sa propre logique d’action. Il existe des zones d’incertitude au sein des organisations et entre les organisations et leur environnement, tout n’est pas rationalisé (Crozier, M., & Friedberg, E. ,1992).. Pour parvenir à leurs fins, les acteurs calculent dans le cadre d’une rationalité qui est dite limitée. Elle suppose que l’acteur a un comportement rationnel, mais que sa rationalité est limitée en termes de capacité cognitive et d’information disponible, dès lors, l’acteur va généralement s’arrêter au choix qu’il jugera satisfaisant. Herbert Simon a introduit ce concept, ainsi dans son ouvrage de 1947, Administrative Behavior , il fait la distinction entre  :

  • la décision objectivement rationnelle, qui est le fruit d’un comportement visant à maximiser les valeurs données dans une situation donnée ;
  • la décision subjectivement rationnelle, qui maximise les chances de parvenir à une fin donnée en fonction des connaissances réelles de l’individu ;
  • une décision consciemment rationnelle, qui ressort d’un processus conscient d’adaptation des moyens aux fins. Elle devient intentionnellement rationnelle si l’adaptation est faite de façon délibérée ;
  • une décision rationnelle du point de vue de l’organisation, qui sert les objectifs de l’organisation ;
  • une décision personnellement rationnelle, qui obéit aux seuls desseins de l’individu.

Les acteurs opèrent donc d’une logique comportementale qui les mettent en capacité ou non d’atteindre les objectifs communs. Ces stratégies se traduisent par un ou des comportements relationnels observables. Le comportement des acteurs n’est pas erratique. Il varie selon le contexte. Les stratégies des acteurs sont des comportements que l’on repère grâce à leur régularité́. Elles ont toujours un sens dans un contexte donné et en fonction du jeu des autres acteurs en présence. Il s’agit d’un  ‘construit ‘ contingent, adaptatif et évolutif. Les acteurs dans l’entreprise sont confrontés, à des intensités différentes, à une part d’indéterminations que comporte des situations, ou problèmes. Confrontés à ces zones d’incertitude ils analysent les ressources dont ils disposent et leur marge d’autonomie. Plus la zone d’incertitude contrôlée par un individu ou un groupe sera cruciale, plus celui-ci disposera de pouvoir.
Ces postulats doivent être compris à l’intérieur de la même problématique : Face à ce que font les acteurs et à enchaînement de maillons formel et informels qui constituent un système :

  • Comment peut-il rester efficace, cohérent, adapté aux enjeux internes et externes de l’organisation ?
  • Comment est-il capable de répondre au but de l’organisation ?

La dynamique humaine au cœur de la réussite du projet d’entreprise

L’entreprise en tant qu’organisation 

Les définitions de la notion d’organisation sont multiples :

  • « Somme totale des moyens employés pour diviser le travail en tâches distinctes et pour ensuite assurer la coordination entre ces tâches » (Henry Mintzberg , 1982)
  • « Ensemble de dispositifs selon lesquels une entreprise, ou plus généralement une organisation, répartit, coordonne, contrôle ses activités et au-delà oriente ou tente d’orienter le comportement de ses membres (Alain Desreumaux,1992)
  • « Ensemble des fonctions et des relations déterminant formellement les missions que chaque unité d’une organisation doit accomplir, et les modes de collaboration entre ces unités » (JP Dietrie,1997)
  • Agencement de fonctions et de mécanismes permettant d’accomplir des tâches et d’atteindre des objectifs (Maurice Thévenet ,2014)
  • « La façon dont les tâches professionnelles sont réparties, regroupées et coordonnées », Elle peut être perçu comme un agencement de différentes composantes qui constituent un ensemble de dispositifs et de mécanismes par lesquels une entreprise répartit, coordonne, contrôle et coordonne ses activités. (Stephen Robbins, Timothy Judge ,2015).
  • Configuration plus ou moins stabilisée des différents éléments qui constituent une entreprise. (Michel Barabel, Olivier Meier, Manageor, 2015)

Une autre lecture de ces dynamiques définie l’organisation comme un système ouvert. Cette approche prend ses sources dans les théories gestaltistes qui définissent un système comme une unité dynamique à partir des relations entre ses éléments psychologiques. Ce courant à la suite de certains amendements théoriques sur le dynamisme mental, postule qu’un système montre la tendance vers une harmonie entre toutes ses qualités pour permettre une perception ou conception concise et claire, la « bonne forme ». La psychologie de la forme est proposée au début du xxe siècle par Christian von Ehrenfels, qui se base sur trois postulats :

  • Les activités psychiques ont lieu dans un système complexe et ouvert, dans lequel chaque système partiel est déterminé par sa relation à ses méta-systèmes.
  • La théorie gestaltiste définit un système comme une unité dynamique à partir des relations entre ses éléments psychologiques.
  • À la suite de certains amendements théoriques sur le dynamisme mental, on postule qu’un système montre la tendance vers une harmonie entre toutes ses qualités pour permettre une perception ou conception concise et claire, la « bonne forme ».

Pour comprendre un comportement ou une situation, il importe donc, non seulement de les analyser, mais surtout, d’en avoir une vue synthétique, de les percevoir dans l’ensemble plus vaste du contexte global, avoir un regard non pas plus « pointu » mais plus large.
L’approche systémique, qui s’inspire de la Gestalt Theorie, saisit ainsi l’organisation comme un tout inséré dans un environnement avec lequel elle entretient des relations de flux d’énergie entrant et sortant. Si l’organisation apparaît comme réunissant plusieurs individus, elle ne peut être pour autant réduite à un ensemble de sujets. En effet, chacun contribue à la réalisation des objectifs organisationnels, en interagissant avec d’autres. C’est donc l’interdépendance des membres de l’organisation qui fonde son unité. Elle apparaît par conséquent comme un système, puisque toute modification d’un de ses éléments peut engendrer le déséquilibre de l’ensemble, tant sur le plan fonctionnel, matériel que social. Tout élément qui le constitue, qu’il soit ou non humain, a une influence directe sur l’ensemble. L’organisation se prête donc à l’analyse systémique, telle que l’expose Ludwig von Bertalanffy (1956). Exemple : La mauvaise qualité des matières premières, la grogne du salarié, la panne de la machine, la mauvaise foi du client, ont en effet une incidence directe sur la bonne marche de l’entreprise.
Cet ensemble est décomposable en sous-systèmes mais ce sont les relations entre ces derniers qui sont essentielles pour comprendre le fonctionnement du tout (celui-ci est différent de la somme de ses parties). La mauvaise qualité des matériaux, les tensions salariales, les pannes de  machine, les réclamations du client etc… Ces ensembles par leurs interactions et leurs effets produisent  une cascade d’incidence qui ont un impact direct sur la bonne marche de l’entreprise.
L’approche systémique apporte de nombreuses contributions à l’étude des organisations : énoncé des attributs ou des propriétés des systèmes ouverts sur un environnement extérieur (cycle de transformation d’énergie, notions d’entropie, d’homéostasie, de différenciation, d’équifinalité), identification des composants d’un système, analyse de leurs interactions, analyse des forces qui modèlent le système, etc.
Considérant que le comportement de l’individu social n’est pas uniquement le fait d’influences extérieures mais également du à divers processus mentaux (donc internes), plusieurs chercheurs tels que Kurt Lewin (1935), Solomon Asch, (1990) et Fritz Heider,(1958) (attribution causale) s’inspirent de la théorie de la Gestalt pour développer le courant cognitiviste de la psychologie sociale. Ils s’intéressent à la manière dont les émotions, les pensées, les croyances, les intentions et les buts sont construits et comment ces facteurs psychologiques, à leur tour, influencent nos interactions avec les autres
On en vient à penser l’individu et la société comme étant une globalité interdépendante. La perception d’autrui étant au centre de la relation sociale. La cognition sociale devient prédominante dans le paysage de la psychologie sociale dans les années 1980. Les études se portent sur les processus cognitifs de la perception, du traitement de l’information, de son stockage et de sa récupération. On observe de même les facteurs influençant ces processus et on passe de l’observation des comportements à l’observation des processus cognitifs à l’origine des comportements (Marcel Bromberg et Alain Trognon, 2007).
Deux axiomes fondamentaux :

  • Chaque individu a une vision, une conception personnelle de la réalité dont il fait partie. Cette conception est construite à partir des processus cognitifs et sociaux.
  • L’étendue de l’influence sociale : un individu, ses émotions, ses pensées et son comportement sont grandement influencés par l’environnement, même en l’absence physique d’autres individus.

Les apports de la sociologie, de la psychologie sociale, du comportementalisme ont permis de dépasser le cadre structurel, « mécaniste » qui définit l’organisation. Plus largement elle peut être défini comme un système matériel et humain, un ensemble d’individus liés entre eux par un ensemble de relations formelles et informelles qui sont ensemble pour faire ou réaliser quelque chose ensemble. Le fonctionnement d’une organisation n’est en aucun cas que la simple addition des relations interpersonnelles entre chacun des acteurs, ni la simple addition de règles de normes, d’objectifs et de moyens transmises aux collaborateurs. L’Organisation se structure autour d’une collectivité́ d’appartenance, une identité́, qu’elle valide par un système normatif de procédures et de règles (Organigramme, division du travail, fiche de fonctions, etc.).
L’organisation rend ainsi les acteurs interdépendants autour de la gestion d’un système qui a pour caractéristique :

    • De mettre en relation des acteurs “ rationnels “
    • De tisser des “ chaînages “ entre les stratégies (logiques d’action) des acteurs

L’organisation est un système apprenant. Les composantes du système sont en constante interaction les unes avec les autres. Selon la définition restrictive de J. de Rosnay (1975), tout système poursuit un but ou finalité propre. L’efficacité́ du système organisationnel dépend alors de la cohérence entre ses parties. Dans l’absolu, il n’y a donc pas de bonnes ou de mauvaises organisations, il y a simplement des organisations plus ou moins adaptées à leur environnement. La complexité est contenue dans chaque relation entre les constituants du système: (Crozier, M., & Friedberg, E. ,1992). Connaître la nature et la forme d’une interaction est plus important que connaître la nature de chaque composant du système. Les échanges et les comportements au sein d’une organisation sont souvent spontanés, inconscients, structurés et ils se répètent. Ces répétitions, appelées « redondances interactionnelles » par l’École de Palo Alto, correspondent bien à des interactions récurrentes, caractéristiques de l’organisation d’un système. Avoir un regard systémique sur l’organisation amène donc à se centrer sur la structuration des contenus. Cela implique de s’attacher au « comment » se déroulent les échanges par rapport à un objectif et non à leur objet ou à l’analyse des causes de leur fonctionnement (Dominique Bériot, 2006)
Ces concepts fondent en grande partie les principes d’intervention du coach dans le domaine du coaching d’équipe et du coaching stratégique en entreprise. En particulier lorsque ces organisations sont soumises à un ou plusieurs changements.

Le coaching stratégique une clé d’accompagnement du changement organisationnelle ?

Pour amorcer une dynamique de changement, il faudra donc dans un premier temps lever les zones d’ombre et les paradoxes de l’entreprise, afin d’optimiser des nouveaux leviers de transformation et de développer des facteurs de régulation.
 
Toute une série de questions s’impose…

  • Que cherche-t-on à obtenir en développant une vision commune pour l’entreprise ?
  • Comment préciser les détails de cette vision et la faire partager ?
  • Le changement est-il en adéquation avec l’entreprise et avec l’environnement ?
  • Comment ses acteurs vont-ils développer de nouveaux comportements pour l’appréhender ?
  • Comment accompagner ce changement et mettre en œuvre un pilotage cohérent avec la culture et les valeurs de l’entreprise ?
  • Les acteurs sauront-ils travailler ensemble ?
  • Les enjeux sont-ils compris de manière identique par tous, et ce à tous les niveaux de l’entreprise ?

En termes de méthodologie et de logique de résultats, l’intervention du coach permettra d’optimiser les leviers de changement que constituent :
 

  • L’adhésion et la fédération autour du nouveau projet
  • L’appréhension du management socialement responsable
  • La construction d’un nouveau mode de relations aux objectifs, aux missions, au management, aux enjeux, à la co-responsabilité, à la co-solidarité, la reconnaissance
  • Les renforcements positifs
  • La production de connaissances à propos de l’organisation en vue de la transformer
  • Le travail sur les représentations
  • L’optimisation des ressources, talents  et compétences
  • Le partage de valeurs – l’appartenance

Le coach va pouvoir

  • anticiper les comportements
  • Identifier les hommes clefs, les leaders, le ou les types de management
  • Avoir une vision claire de la culture de l ‘entreprise
  • Travailler sur les ressources présentes et repérer les leviers propices à leurs développements
  • Avoir une vision globale, systémique du jeu des acteurs
  • Favoriser le dialogue
  • Apprendre à travailler ensemble

Le coaching stratégique adopte une approche différente de celle des “ théories des organisations “ classiques. Dans cette approche le présupposé́ de base est la rationalité́ subjective ; les individus exploitent des espaces de liberté́, dont l’organisation est la résultante. Le comportement d’un acteur n’est pas seulement lié aux objectifs qu’il poursuit mais également aux problèmes concrets que l’on a à résoudre dans un contexte donné. Les contraintes de l’action structurent les stratégies individuelles et orientent les “préférences”, objectifs et valeurs des acteurs.
Deux items fondamentaux fondent l’intervention en coaching stratégique :

  • L’organisation est une construction sociale, la résultante des actions des individus.
  • Il existe un espace de ‘jeu’ interrelationnel (cf. Enjeu, acteurs, incertitude, pouvoir, influence )

Le coaching stratégique prend en compte aussi bien les personnes que les systèmes humains eux-mêmes c’est-à-dire l’environnement dans lequel travaillent et agissent ces personnes. L’idée est de comprendre comment ces « systèmes » influencent, et structurent les comportements. A partir de cette compréhension, de cette connaissance concrète de la réalité́, de ces données sur les logiques d’acteurs face aux problèmes qu’ils ont à résoudre, le travail consistera alors à « accélérer » l’émergence des ajustements à entreprendre pour que puissent apparaitre d’autres attitudes, d’autres comportements et se développer ainsi de nouvelles pratiques.  
 
Utilisée à des fins de lisibilité́ et d’́évaluation qui permet l’émergence d’une stratégie, l’observation du coach (phase d’observation), son diagnostic présentera plus de souplesse que l’audit formel
L’intervention en coaching stratégique est nécessairement:

  • Inductive : absence de toute inférence et interprétation.
  • Objective : domaine du factuel, de l’observable
  • Méthodique : suit un process rigoureux en utilisant des techniques ayant fait leur preuves.
  • Indépendante : « l’auditeur/évaluateur » ne doit pas avoir de lien direct ni de rôle dans l’organigramme de la société́ concernée
  • Mesurable dans le temps
  • Pédagogique
  • Coopérative

Le développement d’une mission de coaching stratégique pourra ainsi s’appréhender à différents niveaux :

  • Elle peut d’abord être un plan, une orientation, une finalité́, une vision globale, une perspective à moyen et long terme de l’entreprise : la gouvernance d’entreprise.
  • Elle peut être une forme de mise en cohérence entre les comportements. Dans ce sens elle peut revêtir la forme d’un plan d’action.
  • Elle peut être une position, c’est-à-dire le choix de domaines stratégiques particuliers, de considérations opérationnelles, un focus spécifique.

Conclusion

Les entreprises d’aujourd’hui évoluent dans un contexte où l’intensité du changement va croissant, où tout s’accélère. Dans ce contexte agité, il est essentiel d’éviter la rupture ou l’effondrement des ressources humaines et, de facto, de l’entreprise. Il s’agit de trouver les ressources individuelles et collectives garantes d’un développement durable et performant. Mais également d’augmenter la capacité de résilience du système et celle des hommes qui le font en développant de l’adaptation, de la « flexibilité », de la capacité de régulation. Le travail de coaching stratégique peut contribuer avec efficacité à permettre à l’entreprise d’atteindre ces résultats. Cette approche porte sur la façon de faire pour identifier si la culture de l’organisation s’adapte à son environnement et sur le positionnement de l’humain. En s’ancrant sur l’existant cet accompagnement permet de révéler les potentialités et crée les conditions favorables à l’adhésion collective du projet porté par l’organisation, partagé et accepté.
L’enjeu de gouvernance peut difficilement se dissocier de la dynamique humaine qui porte son projet. L’organisation est un système complexe matériel et humain. La part de liberté et d’intersubjectivité des acteurs (jeu de pouvoir, influence, perception individuel de ce qu’il y a à gagner ou perdre face à des changements etc…), influencent très largement sa capacité à atteindre ou non ses buts.
La gouvernance de l’organisation ne peut être considérer que dans un rapport d’interdépendance avec les dynamiques humaines internes et externes qui conditionnent de facto la réussite du projet. C’est en  responsabilisant les salariés, en créant les conditions d’une co-solidarité, d’autonomisation, de confiance, de partage de l’information et d’intégration à tous les niveaux de la vision stratégique  que peut se mettre en place une dynamique de progression et de compétitivité bénéfique à l’entreprise. La variété des ressources humaines en son sein offre un énorme gisement de performances qui ne demandent qu’à s’exprimer. Le fait de prendre en compte les suggestions de tous, d’accorder le droit à l’erreur et de considérer que les obstacles sont aussi des opportunités d’apprentissage et d’innovation. Il s’agit ici de libérer la créativité des salariés afin de permettre à ce potentiel d’émerger au bénéfice de tous. Les entreprises ont tout à gagner à repenser leur dialogue dans cette voie. C’est en créant un environnement de « mieux-être », fondé sur le dialogue, l’écoute, le respect, la transparence des pratiques, l’adhésion au projet d’entreprise, que l’on fidélisera les salariés qui pourront alors défendre, in fine, l’entreprise comme un bien commun.
Adhérer à des objectifs communs, reconnaître ce qui fait sens et ce qui ne le fait pas , préserver un capital de confiance et de loyauté afin de créer de la valeur dans l’entreprise, favoriser l’apport du savoir-vivre au savoir être, communiquer de façon ouverte en interne sur la vie et la situation de l’entreprise… sont autant de facteurs qui donnent à chaque acteur de l’entreprise « du sens » dans leur travail au quotidien.

Bibliographie

Asch S., (1990) The legacy of Solomon Asch. Essays in cognition and social psychology
Aubert, N., Gruère, J.P., Jabes, J., Laroche, H., & Enlart, S. (2010). Management : aspects humains et organisationnels, PUF
Barabel M., Meier O., (2015) Manager : tout le management à l’ère digitale, Ed. Dunod
Bériot D., (2006) Manager par l’approche systémique. S’approprier de nouveaux savoir-faire pour agir dans la complexité, Ed. d’organisation
Bromberg M. & Trognon A. (dir.), (2007) Psychologie sociale, PUF, 2e édition
Charreaux G., (2002a) « Variation sur le thème ‘‘À la recherche de nouvelles fondations pour la finance d’entreprise’’», Finance Contrôle Stratégie, vol. 5, n° 3, p. 5-68.
Charreaux G., (2002b) « L’actionnaire comme apporteur de ressources cognitives », Revue française de gestion, vol. 28, n° 141, p. 75-107.
Charreaux G., (2003) « Le gouvernement d’entreprise », Encyclopédie des Ressources Humaines, J. Allouche (coord.), Vuibert, p. 628-640.
Charreaux,G., Pitol-Belin,J.P., (1997) “La théorie contractuelle des organisations: une application au conseil d’administration”, Le Gouvernement des Entreprises, coll. Recherche en Gestion, Economica, p. 163-192
Crozier, M., & Friedberg E., (1992) L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective. Paris : Seuil
Delavallée E., (2002) La culture d’entreprise pour manager autrement, Éditions d’organisation
Denis, D.K., & McConnell,J.J., (2003), “International Corporate Governance”, ECGI -Working Paper n°05)
Desreumaux A. (1992), Structures d’entreprise, Ed. vuibert
Drack, Manfred, and Pouvreau (2015) “On the History of Ludwig von Bertalanffy’s ‘General Systemology’, and on Its Relationship to Cybernetics – Part III: Convergences and Divergences.” International Journal of General Systems 44.5, p. 523–571.
von Ehrenfels C., (2007) « Sur les qualités de forme », traduit en français sous la direction de Denis Fisette in À l’école de Brentano. De Würzburg à Vienne, Vrin, « Bibliothèque des Textes Philosophiques »
Malarewicz, J.A. (2012). Systémique et entreprise. (3ème ed.). Paris : Village Mondial
Meier O., (2013) Management interculturel, 5e éd., dunod
Mintzberg H., (1982) Structure et dynamique des organisations, Ed. d’Organisation
Reberioux A., (2003) « Gouvernance d’entreprise et théorie de la firme. Quelle(s) alternative(s) à la valeur actionnariale ? », Revue d’économie industrielle, pp. 85-110
Rajan, Raghuram G. et Zingales, Luigi G.(2000), “The Governance of the New Enterprise”, cité par Xavier VIVES (eds), Corporate governance: Theoretical and Empirical Perspectives, Cambridge: Cambridge University Press, Chapter 6, pp. 201-227.
Rajan, Raghuram G. et Zingales, Luigi G.(2001), “The Firm as a Dedicated Hierarchy: A Theory of the Origins and Growth of Firms”, Quarterly Journal of Economics, 116(3), August, pp. 805-851.
Robbins, S.P., Judge, T.A., Tran, V., (2011). Comportements organisationnels. Paris: Village Mondial
de Rosnay J., (1975) Le Macroscope, Seuil
Shleifer A. & Vishny R. (1997) “A Survey of Corporate Governance”, Journal of Finance, 52, p. 737-783
Thévenet M., (1993) La culture d’entreprise, PUF, coll. « Que sais-je? », 1re édition
Thévenet M., (2014) Les 100 mots du management, PUF


Citer cet article :

Monlouis-Félicité W., « Projet de gouvernance et dynamiques humaines des organisations : un duo indissociable du changement ? », Revue Européenne de Coaching, 3, 04/2017

commentaires

2 réponses sur « Projet de gouvernance et dynamiques humaines des organisations : un duo indissociable du changement ? »

Quel plaisir de te lire. Je m’interroge justement sur la question de la gouvernance dans la fonction publique, du pilotage par la performance des établissements scolaires du secondaire, et de la prise en compte du capital humain dans ce contexte. Merci infiniment William pour cette proposition, tellement transposable, qui éclaire considérablement ma réflexion.
Céline Damon dcp 82

Merci Céline👍 Oui effectivement je te rejoins, ces iinteractions sont à mon avis transposables à tout type d’organisation. William

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *