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Numéro 8 09/2019 Numéros

Analyse de discours et étude des représentations communautaires : les Sciences du Langage au service du coaching

Dans cet article, nous souhaitons développer l’idée selon laquelle le coaching et les Sciences du Langage entretiennent des liens féconds qu’il paraît intéressant de rendre plus clairs et plus visibles.

Eléonore Yasri-Labrique
Première publication le 24/09/2019 – Article de recherche


Résumé

Dans cet article, nous souhaitons développer l’idée selon laquelle le coaching et les Sciences du Langage entretiennent des liens féconds qu’il paraît intéressant de rendre plus clairs et plus visibles. En effet, le coaching procède fondamentalement des interactions verbales entre un coach et sa clientèle. A chaque processus se créent des univers discursifs qu’il s’agit d’analyser et de cerner pour accompagner au mieux les clients vers l’atteinte de leurs objectifs, en tirant parti des croyances aidantes et en détricotant les croyances limitantes. Le coach et ses clients évoluent donc également dans le monde complexe des représentations sociales, qu’elles soient communautaires ou interindividuelles. Se sensibiliser aux Sciences du Langage, en particulier avoir des notions d’analyse de discours et s’initier à la sociolinguistique des représentations, peut alors présenter un atout majeur pour les professionnels du coaching. Après avoir exploré ces deux domaines en lien avec nos pratiques d’accompagnement, nous proposerons deux études de cas afin de donner une illustration concrète de la manière dont les Sciences du Langage peuvent être mises au service du coaching.
Mots-clés : Sciences du Langage, coaching, analyse de discours, sociolinguistique, représentations sociales, imaginaire communautaire, croyances individuelles


Abstract

In this article we would like to develop the idea according to which coaching, and Language Sciences have fruitful links that deserve being made clearer and more visible. In fact, coaching is fundamentally based on the verbal interactions between a coach and his/her clients. Each process creates discourse universes we need to analyse and identify to provide the best possible support for our clients to achieve their goals by taking advantage of helping beliefs and unravelling limiting beliefs. A coach and one’s clients evolve in the complex world of social representations, whether communitarian or inter-individual. Becoming aware of the interest of Language Sciences, especially discourse analysis, and sociolinguistics of representations, may present a major asset for professional coaches. First, we shall explore both fields in relationship with our coaching practices, then we’ll study two examples to give a concrete illustration of the way Language Sciences may be used for the benefit of coaches and their clients.
Keywords : Language Sciences, coaching, discourse analysis, sociolinguistics, social representations, community imagination, individual beliefs


Introduction


Dès qu’on s’intéresse au coaching, on se rend compte que cette profession repose sur de multiples réflexions développées en Sciences du Langage et que les outils utilisés par un coach professionnel sont en lien avec celles-ci. En effet, le coaching n’est pas seulement une discipline transversale des Sciences Humaines, il se base clairement sur certains apports de la linguistique tels que la sémantique, ou de la sociolinguistique tels que l’étude des représentations à l’œuvre dans les discours ambiants et individuels. De plus, dans le questionnement même, technique fondamentale d’accompagnement du client par le coach, nous trouvons de nombreux paramètres constitutifs de l’analyse des interactions verbales, notamment dans l’approche par le méta-modèle avec le repérage des manifestations linguistiques des mécanismes que sont la sélection, la distorsion et la généralisation. Il me paraît donc intéressant et pertinent de renforcer et de conscientiser l’intégration des Sciences du Langage dans le domaine du coaching, d’explorer davantage les relations entre ces deux champs disciplinaires et de proposer quelques pistes qui puissent faciliter ou enrichir le travail du coach dans sa pratique professionnelle fondée sur l’échange langagier et la mise en lumière d’éléments discursifs significatifs.
Les Sciences du Langage, dont Ducrot et Todorov relèvent déjà dans leur Dictionnaire encyclopédique des Sciences du Langage, « leur aspect à la fois systématique – chaque notion doit se comprendre par rapport à une multitude d’autres –, et chaotique – on ne trouve ni principes ni terminologie fixes » (1972 : 7), regroupent un ensemble de disciplines qui s’inscrivent toutes dans le champ plus large des Sciences Humaines et Sociales. Avec le terme « langage », nous entendons rester ici dans les domaines du verbal et des échanges interpersonnels réalisés à travers l’usage d’une langue, « système de signes vocaux et/ou graphiques, conventionnels, utilisé par un groupe d’individus pour l’expression du mental et la communication » (Trésor de la Langue Française informatisé, http://atilf.atilf.fr/). Nous nous intéressons donc aux productions orales ou écrites circulant au sein de communautés humaines et visant à exprimer les pensées et les sentiments de personnes en interaction les unes avec les autres. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous pouvons rappeler que ces disciplines englobent notamment la linguistique, la psycholinguistique, la sociolinguistique, la rhétorique, la stylistique, la sémiotique, la philosophie du langage, la didactique des langues-cultures…
Le coaching, quant à lui, est une profession d’accompagnement d’une personne vers l’atteinte d’un objectif important pour elle, dont les fondements théoriques et méthodologiques sont profondément ancrés dans le champ des Sciences Humaines et Sociales, en particulier de la psychologie, de la sociologie et de la philosophie.  Il existe aussi une parenté très forte avec les Sciences du Langage puisque l’accompagnement proposé par le coach se fonde sur l’écoute active du client appelé à mettre des mots sur ses expériences de vie et ses ressentis. L’échange verbal entre le coach et son client est donc fondamental dans tout processus de coaching et il me semble non seulement cohérent mais également important de pouvoir dessiner des ponts entre les Sciences du Langage et le coaching en gardant à l’esprit cette interrogation : en quoi ces multiples approches et les outils qu’elles proposent pourraient-ils être utiles au coach ? Pour ce travail de recherche, nous explorerons seulement deux champs des Sciences du Langage, susceptibles de nous apporter des éléments de réflexion et des techniques pertinentes dans notre pratique du coaching : l’analyse de discours et la sociolinguistique des représentations.
 

1. L’analyse de discours : un outil transversal incontournable

Il est difficile de donner une définition unique du terme « discours ». Dominique Maingueneau insiste, dès 1976, sur son caractère polysémique et n’en propose pas moins de six acceptions, plus ou moins liées les unes aux autres. Il suggère toutefois de retenir une distinction qui lui paraît féconde, entre énoncéet discours. Il propose « d’utiliser le terme d’énoncépour les énoncés dépassant les limites de la phrase si on les considère dans leur structuration strictement linguistique, et d’utiliser celui de discoursquand on considère les conditions de production d’un énoncé » (Maingueneau 1976 : 12). Dans les deux cas, il s’agit d’une construction langagièrequi relève davantage, dans la terminologie saussurienne, du domaine de la parole, et donc de la créativité individuelle, que du domaine de la langue, même si elle puise dans le répertoire de celle-ci. Des années plus tard, Maingueneau note qu’on actualise le terme « discours » aussi bien au singulier qu’au pluriel, « selon qu’il réfère à l’activité verbale en général ou à chaque événement de parole » (Maingueneau 2005 : 38). C’est surtout dans ce deuxième sens et en intégrant la notion de discontinuité que nous emploierons, pour notre part, le mot « discours ». Mais nous retiendrons également la définition d’Emile Benveniste qui lui associe « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » (1966 : 242). L’idée d’intentionnalitéet celle d’interaction, phénomènes qui introduisent une modification de la pensée et de la relation entre interlocuteurs, seront donc déterminantes dans le rapprochement entre Sciences du Langage et coaching.

  • Le discours, moyen de communication et moyen d’action

Partant du principe qu’une langue est donc un instrument de communication, RomanJakobson (1963) est l’un des premiers à proposer un schéma de la communicationtenant compte des différents éléments qui entrent en jeu lors de l’interaction verbale : destinateur, destinataire, contexte, message, contact et code. Il leur associe six fonctions cardinales : émotive, conative, référentielle, poétique, phatique et métalinguistique. Ce schéma de base, établi dans les années 1960, est complété à plusieurs reprises, notamment pour que soit faite une plus grande place au sensdu message qui peut différer selon le point de vue adopté : celui de l’émetteur, également appelé encodeur, ne correspond pas forcément à celui du récepteur, nommé parfois décodeur, d’où les « ratés » de la communication, les malentendus ou les incompréhensions qui évoquent pour certains l’incommunicabilité des consciences. Ainsi, dans un ouvrage intitulé Langage et Discours, Patrick Charaudeau décortique en particulier ce qu’il appelle « l’enjeu multiplede l’acte de langage » et analyse « les conditions de production/interprétation de l’acte de langage ou circonstances de discours » (Charaudeau 1983 : 15).
Avec le développement de la pragmatiquequi envisage le langage non plus seulement comme un moyen de communication mais aussi comme un moyen d’action, le schéma canonique de la communication est amplement revisité, en particulier dès 1980 par Catherine Kerbrat-Orecchioni qui propose d’inclure, dans les deux pôles essentiels que sont l’émission et la réception, un certain nombre d’éléments susceptibles de variations : les compétences linguistiques et paralinguistiques, les compétences idéologiques et culturelles, les déterminations « psy- » et les contraintes de l’univers de discours. Par ailleurs, à l’instar de Charaudeau, elle associe à l’encodage un modèle de production et au décodage un modèle d’interprétation. Elle insiste notamment sur le rôle primordial, dans les deux sphères de l’émetteur et du récepteur, des « déterminations psychologiques et psychanalytiques », mais aussi des « compétences culturelles (ou « encyclopédiques », ensemble des savoirs implicites qu’ils possèdent sur le monde) et idéologiques (ensemble des systèmes d’interprétation et d’évaluation de l’univers référentiel) qui entretiennent avec la compétence linguistique des relations aussi étroites qu’obscures, et dont la spécificité vient encore accentuer les divergences idiolectales » (Kerbrat-Orecchioni 1999 : 20-21). Elle précise également ce qu’elle entend par « univers de discours ». Cet ensemble de paramètres, qui inclut la situation de communication et les contraintes stylistico-thématiques, fonctionne comme un système de filtres qui relèvent de deux sortes de facteurs :

  • « Les conditions concrètes de la communication » ;
  • « Les caractères thématiques et rhétoriques du discours » (: 20).

Mais elle démontre un peu plus loin le caractère « extrêmement complexe et hétérogène » de cette notion qui englobe notamment toutes les données situationnelles : « Il convient de préciser que toutes ces données ne sont pertinentes que sous la forme d’ »images », de représentations que les sujets énonciateurs s’en construisent, et qu’il faut en particulier admettre dans leur compétence culturelle les images (I) que l’émetteur (A) et le récepteur (B) se font d’eux-mêmes et de leur partenaire discursif » (ibid. : 23).
 

1.2. Le discours, vecteur de représentations et porteur de significations

Le discours, en tant que phénomène langagier, apparaît alors comme la mise en mots d’une pensée inextricablement liée aux représentations qui habitent les interlocuteurs. D’où l’intérêt de plus en plus grand, depuis les travaux de Benveniste, pour l’inscription de la subjectivitédans le langage, largement prise en compte dans les analyses discursives et essentielle dans le domaine du coaching. Instrument de communication, moyen d’action, réceptacle de l’imaginaire collectif et vecteur d’idées ou d’émotions, le langage a un fonctionnement complexe qui transparaît dans chaque discours. Toute production langagière permet donc à l’énonciateur de direpour communiquer, agir, représenter, informer, convaincre ou toucher, et elle est inévitablement empreinte d’une signification : « Mettre en discours, c’est s’exprimer oralement ou par écrit, dans une langue naturelle, ce qui implique déjà que, dès qu’il y a prise de parole, il y a sens » (Grize 2003 : 172). Toutefois, l’accès au sensn’est pas toujours aisé. Cette difficulté est bien sûr due à la pluralité des paramètres qui entrent en jeu lors de l’interaction verbale. De plus, tout acte de langage, acte inter-énonciatif par excellence qui suppose des processus asymétriques de production et d’interprétation, peut également être considéré commeune mise en scène complexe. En tant que sociolinguiste, Uli Windisch, qui se consacre surtout à l’étude du langage en usage, mais aussi à toutes les formes d’actions sociales, propose de retenir la formule suivante pour analyser les productions langagières des sujets acteurs : « N’importe qui ne fait, ne pense et ne dit pas n’importe quoi, n’importe comment, à n’importe qui, n’importe quand, n’importe où, dans n’importe quelle situation, à n’importe quelle fin, avec n’importe quel effet » (2003 : 193).
Enfin, suite aux propositions exprimées par Maingueneau qui, en 2005, revisite les textes de communication, nous pensons qu’il est important, dans le cadre de cette présentation de l’analyse de discours en lien avec le coaching, de préciser les points théoriques suivants qui ont une incidence directe sur le traitement de notre problématique :

  1. Le discours est une unité transphrastique régie par des règles d’organisation internes (linguistiques et discursives) et externes (sociales et culturelles) ;
  2. Le discours est « orienté » : il occupe un espace temporel pour atteindre les objectifs visés par le sujet en situation de communication ;
  3. Le discours est un moyen d’action : à la suite d’Austin (1962), Maingueneau confirme que « parler est une forme d’action sur autrui, et pas seulement une représentation du monde » (Maingueneau 2005 : 39) ;
  4. Le discours est « interactif » : l’interactivité constitutive du discours est à mettre en relation non seulement avec le phénomène de co-énonciation mais aussi avec les propriétés dialogiques de toute énonciation ;
  5. Le discours est « contextualisé » au sens où la production et l’interprétation de sa signification dépendent étroitement de la situation dans laquelle il est actualisé ;
  6. Le discours est une construction subjective, déterminée par l’inscription du sujet parlant dans l’énonciation ; cette inscription se décline selon plusieurs modalités, telles que l’assertion, l’interrogation, la suggestion, la réfutation…

 

1.3. Lois du discours et interdiscours

C’est notamment suite aux travaux d’Oswald Ducrot et de Jean-Claude Anscombre, parus en 1979, qu’est reconnu de manière consensuelle un certain nombre de normes fondamentales propres à l’interaction verbale. Les principales conventions qui entourent la production d’un discours ont toutefois été posées par Ducrot dès 1972 dans son ouvrage de sémantique linguistique intitulé Dire et ne pas dire, réédité en 1991. Il y souligne que tout acte de parole s’inscrit dans « un cadre juridique et psychologique imposé » (Ducrot 1991 : 8) et y présente progressivement différentes lois :

  1. La loi d’intérêt(ibid.: 9) : le destinateur ne peut adresser un message qu’à un destinataire plus ou moins concerné par celui-ci, qui y trouvera un profit quelconque (information, conseil…).
  2. La loi d’enchaînement(ibid.: 81) : règle particulière, elle n’exprime pas une condition sur l’interprétation des énoncés mais concerne la grammaticalité des enchaînements monologiques.
  3. La loi d’informativité(ibid.: 133) : tout discours devrait donner connaissance d’un fait considéré comme nouveau ou du moins inconnu de l’interlocuteur.
  4. La loi d’exhaustivité(ibid.: 134) : le locuteur est tenu de donner, dans un domaine donné, l’information maximale compatible avec la vérité.
  5. La loi de litote(ibid.: 137) : le sens d’un énoncé peut dépasser le cadre de sa stricte signification littérale et laisser à entendre des choses qui ne sont pas explicites.
  6. La loi d’économiede détermination(ibid.: 201) : c’est « un cas particulier de la loi d’informativité (…). Elle exige que chaque détermination particulière introduite dans un énoncé informatif ait une valeur informative ».

Il est souvent ajouté à cette liste deux autres principes qui, relevant tout aussi bien de la linguistique, de l’éthique et de la sociologie, me semblent primordiales :
– la loi de sincérité : pour mener à bien un échange, les interlocuteurs sont censés exprimer leurs véritables pensées afin de préserver un minimum de confiance réciproque sans laquelle la communication ne pourrait fonctionner ; elle « ne dit pas que l’on croit nécessairement à la vérité de ce que l’on asserte, ou que l’on a toujours l’intention de tenir ses promesses » (Kerbrat-Orecchioni 1999 : 234) mais permet d’accorder à tout énoncé un crédit de sincérité ;
– la règle de pertinence : cette convention suppose que ce qui se dit est approprié et judicieux dans une situation de communication donnée, que cela peut être relié d’une manière ou d’une autre au contexte énonciatif. Ducrot note que « la parole est motivée, qu’on ne parle pas pour parler – ce qui est réputé un travers –, mais parce qu’il y a une utilité à le faire, qui peut être celle du locuteur, du destinataire ou d’un tiers quelconque » (Ducrot 1991 : 10) et Kerbrat-Orecchioni distingue, sur ses traces, une pertinence argumentative dont dépend la « normalité » d’un discours et une pertinence situationnellequi renvoie à l’« adaptation au thème discursif » (Kerbrat-Orecchioni 1999 : 232).
On constate donc d’une part que ces différentes conventions se complètent et apparaissent même comme interdépendantes, mais d’autre part qu’elles peuvent se contredire (comme la règle de pertinence et la loi d’informativité par exemple). En fait, toutes s’appliquent partiellement en situation d’interaction, la communication verbale procédant généralement, comme les représentations sociales, du connu et du consensuel mais également du nouveau et du conflictuel, ainsi que du dit et du non-dit. Cependant, enfreindre totalement ces différentes lois implique une rupture par rapport aux normes en vigueur dans la société : les modalités de mise en œuvre de ces conventions varient, mais leur non-respect systématique fait courir à l’individu le risque d’être marginalisé, voire exclu. Par ailleurs, la liste des lois du discours n’est pas un ensemble fini. Adoptant d’autres angles d’approche, de nombreux linguistes les ont présentées différemment. On pense notamment à Paul Grice (1979) qui, mettant l’accent sur le principe de coopérationapplicable à l’ensemble du comportement humain, dégage des « maximes conversationnelles » auxquelles les interlocuteurs seraient tenus de se conformer : leurs discours doivent respecter des normes de quantité, qualité, relation et manière. On ne peut pas oublier non plus la théorie de la préservation des facesqui, inspirée par le sociologue Erving Goffman (1974), insiste sur la notion de politesse au sens assez large de savoir-vivre. L’interaction verbale, conçue comme une relation sociale à part entière, doit obéir à certaines règles au risque, sinon, de déstabiliser l’autre et de lui faire ressentir l’énonciation comme une menace, une agression. Bien que ces deux approches conviennent particulièrement à l’analyse des conversations, il n’est pas inutile d’en retenir les principaux fondements pour étudier d’autres types de communication.
Il nous reste à aborder une dernière caractéristique du discours particulièrement pertinente pour notre étude en lien avec le coaching, à savoir son intégration dans un ensemble plus vaste appelé interdiscours. Comme le note Maingueneau, « le discours ne prend sens qu’à l’intérieur d’un univers d’autres discours à travers lequel il doit se frayer un chemin ». Il ajoute : « le seul fait de ranger un discours dans un genre (…) implique qu’on le mette en relation avec l’ensemble illimité des autres discours du même genre » (Maingueneau 2005 : 41). Cette expression est sans doute celle qui définit le plus simplement la notion d’interdiscours. Ruth Amossy, spécialiste de l’analyse de discours, considère pour sa part que l’interdiscours, plus ou moins lié au discours social, correspond à « l’espace discursif global dans lequel s’articulent les opinions dominantes et les représentations collectives » (Amossy 2000 : 89-90).  Sa conception de l’interdiscours est donc une version élargie qui évoque l’inscription dans l’univers discursif de certains échos, stylistiques ou thématiques, d’une parole à l’autre. On peut alors considérer que l’interdiscours est l’ensemble de toutes les unités discursives avec lesquelles un discours particulier entre en relation implicite ou explicite. A la suite d’autres linguistes, nous pensons d’ailleurs que l’interdiscours prime sur le discours et que cette domination de l’interdiscursif sur le discursif renvoie à la conception dialogique des actes langagiers développée notamment par Michail Bakhtine (1929).
Pour mieux comprendre l’identité d’un discours, il est donc nécessaire d’examiner le réseau interdiscursif au sein duquel il émerge, se maintient et prend toute sa signification, ce qui sera crucial en coaching dans l’écoute active de ce que dit le client. Ainsi, tous ces éléments, certes denses et parfois complexes, peuvent être retenus dans la perspective du coaching : ils sont susceptibles de nous aider à affiner ou à approfondir des méthodes d’accès aux significations du discours porté par le client. Le coach professionnel peut s’appuyer sur tout ou partie de ces paramètres pour adapter son questionnement et développer des outils de compréhension globale des mots du client et des enjeux qui se cachent derrière les mots. Ce qui renvoie entre autres aux concepts de représentations, de croyances collectives ou individuelles et de pratiques sociales ou professionnelles, particulièrement invoquées en sociolinguistique.

2. Coaching et sociolinguistique des représentations

La sociolinguistique met à la disposition des théoriciens et des praticiens toute une palette de notions à aborder sous différents angles de vue : les imaginaires collectifs, les représentations communautaires, les interrelations entre identité et altérité, la prise en compte de la subjectivité en contexte social, etc. Notre objectif, dans ce travail de recherche appliquée, serait de montrer que plusieurs de ces éléments peuvent être utiles au coach professionnel pour notamment une meilleure approche des systèmes de croyance du client et un décryptage plus fin de ce que celui-ci exprime à travers ses discours lors du processus de coaching. Pour ce faire, nous garderons en mémoire la définition du coaching proposée par Linkup Coaching :

Le coaching consiste à accompagner des personnes ou des groupes dans la définition et l’atteinte de leurs objectifs, au bénéfice de la réussite de leur évolution personnelle et professionnelle. Le coaching se doit aux hommes, à la réussite de leur évolution, à leurs performances, et à la seule place qui leur reviennent dans les systèmes et les organisations du monde qui est le nôtre…, le centre. Cet accompagnement se caractérise par l’émergence des propres solutions de la personne ou de l’équipe, par la mise en place d’actions concrètes.  Cet accompagnement n’est ni un style de management, ni du conseil, ni de la formation, ni du tutorat, ni du mentorat, ni de la thérapie. (http://www.linkup-university.com/mod/glossary)

Par ailleurs, la notion de représentation associée à celle de croyance est centrale dans le processus de coaching. Il me paraît important de faire le point sur cette notion de façon générale, puis sur les apports des Sciences du Langage, en particulier de la sociolinguistique, dans l’étude de ce concept-clé.

2.1. De la représentation sociale à l’imaginaire communautaire

Bien que le terme de représentation socialeapparaisse en 1961 sous la plume de Serge Moscovici, l’idée qu’il existe, au-delà de la conscience individuelle, un filtre permettant aux membres d’un même groupe d’appréhender la réalité selon un schéma commun qui leur serait propre, apparaît à la fin du XIXe siècle, plus exactement en 1898. Cette notion, alors appelée représentation collective, est empruntée à la sociologie. C’est en effet Emile Durkheim, sociologue désireux de se libérer du subjectivisme pour comprendre les faits sociaux, qui la met en place et qui l’utilise dans un premier temps. Pascal Moliner explique que l’invention de ce concept découle du « postulat suivant lequel la société forme un tout, une entité originale, différente de la simple somme des individus qui la composent » et il insiste quelques lignes plus loin sur un aspect fondamental de cette approche qui se développe au cours du XXe siècle :

L’idée centrale qui se trouve aussi bien dans la notion de représentation sociale que dans les notions de pensée ou de mémoire collectives, c’est l’idée d’un mode particulier de connaissance du réel partagé par une communauté d’individus. L’idée spécifique au concept de représentation sociale est que ce mode de connaissance s’est construit collectivement.  […] Il s’agit bien d’une élaboration collective qui, d’une certaine manière, va définir un consensus au sein d’un groupe social. (Moliner 1996 :10)

Dès le départ, et même si l’hypothèse de Durkheim était relativement généraliste (il associait à la notion qu’il avait établie tous les modes d’organisation psychiques et sociaux), les sociologues comme les psychologues rejettent catégoriquement l’idée d’une instance spécialisée dans l’apparition des représentations collectives. Leurs conditions d’émergence, puis de diffusion, constituent donc des questions intéressantes à sonder.
C’est ce que fait Moscovici en 1961 dans son ouvrage de psychologie sociale intitulé La psychanalyse, son image et son public, réédité en 2004, devenu une des références premières dans l’étude de ce que nous appelons, en suivant ses traces, les représentations sociales. Pour lui, ce sont « des « théories », des « sciences collectives » sui generis, destinées à l’interprétation et au façonnement du réel » (Moscovici 2004 : 48). Il y aurait comme une sorte d’immanence de la représentation sociale qui se porterait en priorité sur tout objet perçu par la communauté comme une menace pour l’intégrité de l’identité collective. Elle lui permet de l’interpréter, de le transposer du domaine de l’inconnu ou de l’inquiétant vers le domaine du familier et du maîtrisé. C’est dans cette optique que Moscovici propose notamment un axe de réflexion qui me semble déterminant : l’aspect producteur de la représentation sociale en tant qu’ensemble dynamique.En effet, Moscovici refuse d’envisager la représentation sur le mode passif qui en ferait le reflet d’une idée ou d’une situation, mais insiste longuement sur la nécessité de l’appréhender sur un mode actif comme moteur de construction du donné en contexte social. Ainsi définit-il la représentation sociale comme une entité qui

produit et détermine des comportements, puisqu’elle définit à la fois la nature des stimuli qui nous entourent et nous provoquent, et la signification des réponses à leur donner. En un mot comme en mille, la représentation sociale est une modalité de connaissance particulière ayant pour fonction l’élaboration des comportements et la communication entre individus.  (ibid. : 26)

La représentation sociale incite les membres d’une même société à adapter leur conduite et à adopter un langage consensuel qui convienne au plus grand nombre.  Elle remplit une double fonction : régulatrice et médiatrice. C’est aussi un système d’interprétation qui rend le réel plus facile à identifier et à partager. D’une certaine manière, la représentation sociale suppose l’appropriation cognitive commune d’une réalité qui touche directement ou indirectement l’ensemble du groupe.
S’inspirant des travaux de Moscovici, Jean-Claude Abric définit à son tour la représentation comme « le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique » (Abric 1987 : 64), puis indique quels sont les paramètres qui entrent en jeu dans la formation de celle-ci :

La représentation est donc un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation. Elle est déterminée à la fois par le sujet lui-même (son histoire, son vécu), par le système social et idéologique dans lequel il est inséré, et par la nature des liens que le sujet entretient avec ce système social.  (Abric 2003 : 206)

On s’aperçoit que la représentation est, une fois de plus, conçue comme un phénomène sociocognitif caractérisé par ses aspects dynamique et interprétatif ; elle émane d’une interaction entre l’individu et son environnement matériel ou social, et apparaît comme variable. Toutefois, il se profile une idée particulièrement intéressante : la représentation n’est pas aléatoire ou anarchique, elle est structurée, hiérarchisée.  C’est cette conception qu’Abric développe, à partir de 1976 et notamment en 1987, sous l’appellation « théorie du noyau central ». Selon lui, « toute représentation est organisée autour d’un noyau central » qui assure deux fonctions : une fonction génératrice qui permet de donner un sens aux différents éléments constitutifs de la représentation et une fonction organisatricequi établit la nature des liens les unissant entre eux. Il est comme une matrice signifiante, unificatrice et stabilisatrice, autour de laquelle la représentation déploie ses éléments périphériques. En 1993, Abric émet une autre hypothèse : ce noyau structurant serait lui-même un système organisé, constitué d’éléments fonctionnels et/ou normatifs. Il précise par la suite que la dimension fonctionnellecorrespond à « des situations à finalité opératoire » et que la dimension normativese rapporte à « toutes les situations où interviennent directement des dimensions socio-affectives, sociales ou idéologiques » (Abric 1994 : 23). Mais l’apport d’Abric ne se résume pas à l’élaboration de la « théorie du noyau central ». Il établit également avec précision quelles sont les principales fonctions des représentations sociales. Pour lui, elles sont essentiellement de quatre ordres. Les représentations sociales répondent à :

  • Desfonctions de savoir: « elles permettent de comprendre et d’expliquer la réalité » ;
  • Desfonctions identitaires: « elles définissent l’identité et permettent la sauvegarde de la spécificité des groupes » ;
  • Desfonctions d’orientations : « elles guident les comportements et les pratiques » ;
  • Desfonctions justificatrices : « elles permettent a posteriori de justifier les prises de position et les comportements » (: 15-17).

Ainsi, dans le contexte des relations sociales, la représentation par les sujets d’un objet (matériel, intellectuel, idéologique…) détermine leur position ou leurs décisions à chaque étape du processus d’interaction : c’est à travers elle que l’objet acquiert une signification, que les sujets se définissent par rapport à lui, qu’ils adoptent une conduite et qu’ils la légitiment. Elle fait donc partie intégrante des échanges humains et joue un rôle considérable dans l’histoire des contacts interindividuels ou intergroupaux. Mais ce qui rend ceux-ci encore plus complexes, c’est le fait qu’une représentation, en raison des éléments périphériques qui la composent, n’est pas stable : elle est en permanence sujette à variation.
Cette caractéristique, déjà envisagée par Moscovici ou Abric, fait l’objet des travaux de Claude Flament qui s’intéresse tout particulièrement à ce qu’il nomme les « schèmes périphériques ». Organisés par et autour du noyau central considéré comme « l’identité même de la représentation », ils permettent au sujet social de savoir instantanément ce qu’il est normalde penser, dire ou faire dans une situation donnée. Dans les cas où il y a désaccord entre certains aspects d’une situation et certains aspects de la représentation, « la périphérie de la représentation sert de zone tampon entre une réalité qui la met en cause, et un noyau central qui ne doit pas changer facilement. Les désaccords de la réalité sont absorbés par les schèmes périphériques » (Flament 2003 : 230). Pour expliquer le rôle, dans la transformation d’une représentation sociale, de ces éléments qui se modifient tout en protégeant le noyau central, Flament utilise une comparaison qui me semble parlante :

Un schème périphérique fonctionne comme le pare-choc d’une voiture : il protège, en cas de nécessité, les parties essentielles de la voiture, mais il peut être cabossé. Ainsi, les schèmes normaux (ceux qui prescrivent les comportements et ne sont pas encore cabossés), sous l’influence d’éléments étrangers, se transforment en ce que nous appelons des schèmes étranges. (ibid. : 232)

Le pare-choc change d’aspect mais la voiture est toujours intacte… Ainsi, les schèmes périphériques peuvent subir des modifications sans que le noyau central soit atteint. Mais si la réalité extérieure entraîne des distorsions importantes entre les schèmes normaux et les schèmes étranges, il se peut que la structure de la représentation soit touchée. Dans ce cas, elle peut être remodelée selon deux options : on chasse les schèmes étranges et on revient à une configuration représentationnelle ancienne (on répare la voiture) ou bien on les intègre au point qu’ils deviennent normaux et on parvient à une configuration représentationnelle nouvelle (on change de modèle). Ainsi, ce sont les contradictions entre les schèmes périphériques normaux et les schèmes périphériques étranges qui finissent, dans certaines circonstances, par fracturer le noyau central, et à faire évoluer la représentation. Celle-ci n’est donc pas statique, figée de manière définitive, ce qui implique les fluctuations significatives des mentalités d’une époque à l’autre. Quant aux origines des contradictions agissant sur les schèmes, elles sont à chercher dans les modifications des circonstances externes. Ce sont elles qui influent directement sur les pratiques socialesdont les évolutions rejaillissent alors sur les représentations collectives et individuelles. Flament signale par ailleurs : « malgré nos efforts, nous n’avons, jusqu’ici, pu trouver trace de modification d’une représentation sociale sous l’influence d’un discours idéologique ; seules les pratiques sociales semblent avoir quelque effet » (Flament 1994 : 50).
Toutes ces bases de réflexion font l’objet d’études approfondies au cours des trente années qui suivent la parution du livre de Moscovici. Au tournant des années 1990, plusieurs ouvrages publiés par différents chercheurs ont un impact prépondérant sur l’approche des représentations sociales. Denise Jodelet propose en 1989 un recueil de contributions particulièrement intéressant qui fournit des éclairages significatifs sur la plupart des aspects de cette problématique. Les représentations sociales, réédité à plusieurs reprises, correspond à « un travail de synthèse et d’exploration qui fait de ce livre plus qu’une introduction à l’étude des représentations sociales » (Jodelet 2003 : 7). Nous nous concentrerons sur les travaux dont l’angle d’approche me semble le plus pertinent par rapport à cette recherche, à savoir ceux d’Uli Windisch.
Plus proche de la sociologie et de la sociolinguistique, Windisch conforte plusieurs éléments d’analyse élaborés par Moscovici. Il reconnaît en particulier le caractère fondamentalement mobile des représentations sociales ainsi que la mise en œuvre dans leur fonctionnement de processus cognitifs tels que la sélectivité, la cohérence, l’objectivation ou l’ancrage. Toutefois, s’intéressant davantage encore à la pensée sociale, « niveau de réalité plus profond et déterminant », il considère que c’est sur celle-ci que « prennent appui les représentations sociales dans leur processus de construction ». Il précise quelques lignes plus loin : « nous ne parlons pas de représentations sociales d’une manière générale, mais de modes de pensée sociale différents, avec des fonctionnements spécifiques et propres à des groupes d’individus. » (Windisch 2003 : 194). A l’intérieur d’une même société, il distingue donc des groupes qui se différencient par leur mode de perception et d’interprétation du réel en fonction, d’ailleurs, de leur intégration dans des réseaux sociauxdavantage que de leur appartenance à un milieu social. Sans rejeter l’idée que les diverses représentations d’un même objet émergent d’un sentiment de mise en danger de l’identité collective, il montre qu’elles se construisent selon des mécanismes d’adaptation ou de rejet face à cet objet.
Par conséquent, la représentation sociale, certes foncièrement dynamique, est également conçue comme éminemment interactive. Pour décrire ce phénomène, il introduit le concept d’interaction conflictuelle constituante. Il insiste également sur le fait que cette interaction ne fait pas seulement intervenir des raisonnements intellectuels mais aussi, et ce de manière prépondérante, les émotions et les sensations des individus en contact. Il souligne enfin la nécessité de prendre en compte, dans l’étude des phénomènes langagiers révélateurs des représentations sociales, « la multiplicité et la variété (des actions, des comportements, des interprétations, etc.) [qui] supposent nécessairement le différend, l’antagonisme, le conflit » (ibid. : 199). Poursuivant sa réflexion sur ce qu’il nomme « les sujets politiques « brûlants » fortement controversés », il confirmera plus tard que « les représentations sociales ne naissent pas « hors sol » » et analysera « le rôle de la dimension politique et idéologique dans la dynamique de la construction des connaissances et des représentations sociales » (2007 : 299). Ces remarques nous invitent une fois de plus à nous pencher sur les conditions d’émergence et de transformation des représentations sociales, qu’elles soient appréhendées comme une modalité de connaissance d’un groupe social ou comme une des formes d’expression de la pensée sociale.
Nous venons de voir qu’une représentation sociale est, en quelque sorte, un savoir de »bon sens » qui imprègne la pensée individuelle et collective, guide les comportements désirables au sein d’une société tout en étant susceptible d’évoluer en fonction de circonstances externes. La définition que Jodelet propose dès 1989 me paraît intéressante à retenir : « C’est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet 2003 : 53). Les deux adjectifs « partagée » et « commune » sont significatifs de la principale caractéristique d’une représentation sociale : sa reconnaissance ou sa mise en œuvre implique un rapport d’inclusion à unecommunauté. Le groupe qui se répartit un ensemble de représentations finit également par se retrouver dans une identité collective qui le différencie des autres groupes ; d’ordre à la fois cognitif et émotionnel, elles lui permettent de façonner au fil du temps sa propre culture, son propre imaginaire communautairequi imprègne non seulement les sociétés mais également les individus qui en sont membres.

2.2. L’apport de la sociolinguistique dans l’approche des représentations

Le sociolinguiste Henri Boyer (2003) explique que l’imaginaire communautaire (ou imaginaire ethnosocioculturel) concerne aussi bien l’identité de sa propre communauté que l’identité des autres communautés, que celles-ci soient intégrées à l’intérieur de l’espace national ou situées à l’extérieur. Les représentations de soi constituent les autoreprésentations. Quant aux représentations de l’Autre, qui entrent notamment dans le cadre des représentations interculturelles, elles sont appelées hétéroreprésentations. Outre l’importance du stéréotypage, sur lequel je reviendrai dans le paragraphe suivant, on associe aux autoreprésentations et aux hétéroreprésentations une teneur normative plus ou moins élevée. La représentation suppose en effet une interprétation qui s’apparente à une évaluation, et permet donc généralement d’établir une hiérarchisation des objets sur lesquels elle porte. Il faut par ailleurs signaler que les représentations ethnosocioculturelles ne touchent pas uniformément tous les membres d’un même groupe social. Boyer propose une distinction entre les représentations communautaires« consensuelles sur le plan de la communauté » et les représentations intra-communautaires« différenciatrices des groupes constitutifs d’une société » (2003 : 14). Poussé à l’extrême, son raisonnement s’applique également aux représentations individuelles, différenciatrices de chaque personne, constitutives de l’identité de chaque sujet au sein du groupe.
En ce qui concerne le stéréotype, c’est une représentation collective figée que Ruth Amossy (2000 :110) qualifie également d’élément doxique : sans lui, « non seulement aucune opération de catégorisation ou de généralisation ne serait possible, mais encore aucune construction d’identité et aucune relation à l’autre ne pourrait s’élaborer ». C’est un marqueur et un vecteur d’évidence partagée qui s’inscrit facilement dans une production discursive : « Le stéréotype peut se définir comme une représentation ou une image collective simplifiée et figée des êtres et des choses que nous héritons de notre culture, et qui détermine nos attitudes et nos comportements ». L’ensemble des représentations typiques d’une communauté à un moment donnée correspond à la doxa, c’est-à-dire de façon plus simple et schématique au sens commun. Christian Plantin, dans le Dictionnaire d’analyse du discours, la définit comme « un ensemble de représentations socialement prédominantes, dont la vérité est incertaine, prises le plus souvent dans leur formulation linguistique courante » (Charaudeau et Maingueneau 2002 : 197). Amossy rappelle que « dans l’Antiquité, elle s’opposait à l’epistémè, à la connaissance authentique » (Amossy 2000 : 90). Mais l’espace du plausible ou du probable ne suscitait pas alors la méfiance qu’il engendre aujourd’hui. La modernité considère en effet la doxa comme « la marque de la grégarité ». Certes, elle produit du consensus mais elle le fait en s’appuyant davantage sur le vraisemblable que sur le vrai. Dans un discours à visée informative ou argumentative, la référence à la doxa peut être perçue comme une tentative de manipulation. L’un de ses plus virulents détracteurs est certainement Roland Barthes : « La Doxa (…), c’est l’Opinion publique, l’esprit majoritaire, le Consensus petit-bourgeois, la Voix du Naturel, la Violence du Préjugé » (Barthes 1975 : 51, cité par Amossy et Herschberg Pierrot 2004 : 63). Plantin souligne quant à lui qu’une idée « endoxale » est « une idée appuyée sur une forme d’autorité : du (plus grand) nombre, des experts, des personnes socialement en évidence » (Plantin 2000 : 197) et qu’en ce sens, la doxa est un terme préservé des connotations péjoratives. En revanche, on constate que les chercheurs s’accordent sur le fait qu’elle renvoie à la pensée d’une majorité ou d’une autorité représentative, instances susceptibles d’être contestées. Elle est en général mise en scène dans les médias et portée par l’opinion publique.
Notons enfin que le concept de représentations interculturellesa été introduit dans le cadre de la didactique des langues et cultures. Geneviève Zarate, en utilisant la notion de représentation en tant que « mode à part entière de connaissance de la réalité », met explicitement en relation les sciences sociales et la didactique : elle explique que, même en contexte pédagogique, les acteurs d’un échange langagier « impriment l’empreinte de leur identité dans la relation au réel » (Zarate 1993 : 29) et qu’il est désormais difficile d’enseigner une langue étrangère sans garder à l’esprit les termes d’image, de regardou de point de vue. Ainsi, pour tout contact interculturel, il est nécessaire de prendre en compte sa propre vision du monde mais aussi celle de l’Autre. Zarate insiste par ailleurs sur les effets d’éloignement et de proximité dans la perception de l’étranger, qui peuvent aller jusqu’à entraîner les deux attitudes opposées que sont la xénophobie ou la xénophilie, et plus généralement sur ce qu’elle appelle les représentations de l’étranger, qui immanquablement mettent en jeu l’identité du groupe qui les produit. Elle précise : « Les représentations ne se côtoient pas dans une relation de simple juxtaposition, mais dans un espace concurrentiel où les enjeux sont ceux d’une lutte symbolique pour la conquête d’une reconnaissance sociale et parfois politique. » (ibid. : 31) Ainsi, une représentation qui pose l’altérité de l’étranger, de sa culture, de son mode de vie, de ses représentations, renvoie inévitablement à l’ancrage communautaire de celui qui y a recours. On peut dire que les représentations interculturelles fonctionnent comme des miroirs qui reflètent l’appartenance identitaire des uns et des autres ; elles soulèvent alors des questions d’autodéfinition (qui suis-je ? comment se caractérise ma propre culture ? en quoi est-elle spécifique ?) et d’hétérodéfinition (qui est l’autre ? en quoi est-il semblable ou différent de moi ? quelles conséquences cela peut-il avoir dans l’interaction ?), qu’il est par exemple important d’aborder en situation d’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère. Une relation interculturelle suppose donc une décentrationpar rapport à soi. De manière plus large, ce concept de représentation interculturelle peut être utilisé dans le domaine des relations interpersonnelles pour lesquelles se posent les mêmes questions d’autodéfinition et d’hétérodéfinition, qui constituent des enjeux cruciaux dans un processus de coaching.
Nombreux sont les chercheurs qui, à l’instar de Zarate, se sont penchés sur les représentations interculturelles, dans une perspective essentiellement pédagogique. L’enjeu des perceptions entrecroisées dépasse toutefois largement ce cadre et concerne directement la sociolinguistique. Comme le souligne Windisch en 1989, « de l’étude comparative des milieux sociaux, on passe à  l’étude des rapports interculturels, ce qui signifie en matière de langage l’étude des contacts entre langues différentes » et on ne peut éluder le fait que « les contacts entre cultures et langues différentes sont (…) largement fonction des représentations réciproques, des stéréotypes, des préjugés, soit de tout un côté subjectif et vécu, côté que l’on cherche maintenant à cerner plutôt qu’à évacuer » (Windisch 2003 : 197). Dans la communication verbale, ces phénomènes, qui font partie de l’intervention directe du sujet dans la production de ses discours et dans son interprétation du discours des autres ainsi que dans sa propre perception du monde, relèveraient en fait de ses stratégies de discours, c’est-à-dire de stratégies individuelles de communication.  Parallèlement, certains auteurs développent également la problématique de la communication non verbalequi reste un versant non négligeable de la communication interindividuelle. Le XXIèmesiècle, siècle des lumières numériquesoù tout n’est que réseaux et interconnexions, construit un nouveau monde dans lequel les acteurs sociaux se déplacent avec une incroyable mobilité : de nouvelles identités apparaissent, composites, et avec elles leurs représentations sociales, culturelles et individuelles, toutes en symboles. Les relations s’épanouissent sur un terreau interculturel d’où émerge une inévitable dynamique des constructions identitaires et les inévitables rapports de force qui en découlent.

  • Représentations sociales, représentations individuelles et coaching

Les représentations de Soi et de l’Autre sont normatives : elles impliquent un jugement. Elles sont généralement ambivalentes ainsi que versatiles. Alors que les autoreprésentations communautaires sont plutôt positives car fondées sur l’ethnocentrisme, les hétéro-représentations ethnosocioculturelles sont plutôt négatives car basées sur le sentiment de menace pour sa propre identité que fait naître l’altérité. Mais en ce qui concerne les représentations mentales ou  individuelles (toujours normatives et souvent ambivalentes également), elles manifestent plutôt la tendance inverse : les hétéroreprésentations, fortement imprégnées par l’air du temps, les idéologies ambiantes et les croyances doxiques, tendent à valoriser l’Autre comme un modèle possible (référence externe) tandis que les autoreprésentations, en particulier pour nos potentiels clients, souvent fragilisés et en demande de changement, endossent une charge négative, influencée par la crainte de ne pas réussir, le manque de confiance en soi, la peur du regard des membres de l’entourage personnel et professionnel… N’oublions pas non plus que les drivers ou messages contraignants font également peser sur la plupart des individus un sentiment d’obligation qui les dépasse, l’impression de ne pas y arriver pleinement, associés à des représentations de Soi plutôt négatives et décourageantes dans la mesure où il est difficile, voire impossible, d’atteindre le sommet de ces contraintes intériorisées : « sois parfait », « dépêche-toi », « essaie, fais des efforts », « sois fort », « fais plaisir ». Nos clients expriment souvent l’idée qu’ils n’en font pas assez, ce qui entraîne une dévalorisation de soi. C’est donc à un effort de recentration sur soi pour et parle client, de revalorisation et de renversement axiologique des représentations, que le coach doit œuvrer  tout en faisant de son côté un travail de décentration dans une optique liée à l’Approche Centrée sur la Personne, dont lestrois attitudes : congruence, empathie, regard positif inconditionnel, sont les trois composantes nécessaires et suffisantes pour être dans une dynamique de développement, d’épanouissement, d’évolution, de croissance. Carl Rogers, le fondateur de l’ACP (1961), explique que « chaque individu a en lui des capacités considérables de se comprendre, de changer l’idée qu’il a de lui-même, ses attitudes et sa manière de se conduire ; il peut puiser dans ces ressources pourvu que lui soit assuré un climat d’attitudes psychologiques « facilitatrices » que l’on peut déterminer ». En tant que coach, j’adhère à cette conviction et à cette autre affirmation de Rogers qui dit de l’ACP :

Elle vise directement à une grande indépendance et à une grande maturation de l’individu, mais n’espère pas que de tels résultats seront améliorés si le conseiller aide à résoudre le problème.  C’est l’individu et non le problème qui est au centre. L’objectif n’est pas de résoudre un problème particulier, mais d’aider l’individu à se développer afin qu’il puisse faire face au problème actuel et à des problèmes ultérieurs d’une façon plus appropriée. S’il peut parvenir à un développement suffisant pour traiter un problème de façon plus indépendante, plus responsable, moins confuse, plus organisée, il traitera également de la même façon les nouveaux problèmes qui se présenteront à lui.

L’inversion axiologique initiale dont nous venons de parler, favorable aux autres et défavorable à soi-même, peut donc être lourde de conséquences, et le coach sollicité par un client ayant des autoreprésentations négatives doit mettre en place un accompagnement adapté pour revenir à une normativité basée sur une auto-appréciation, plus saine, plus constructive, fondée sur une self-estime prenant davantage en compte ses propres atouts et ses propres potentialités. Cela fait d’ailleurs écho à un des grands principes de la profession : le coach croit en son client, il a confiance en lui, en ce qu’il est, en ce qu’il porte en lui. Pour revenir aux apports de Zarate dans le domaine de la didactique des langues-cultures, le coach prend en compte le point de vue de l’autre, son regard sur le monde et sur lui-même, son imaginaire communautaire et personnel, mais il adopte également par rapport à son client :

  • Un point de vue ouvert: j’entends ce que me dit mon client de lui-même mais je peux penser autre chose, je vois en lui autre chose ;
  • Un regard bienveillant: mon client est dur envers lui-même mais moi, je n’ai pas à avoir ses exigences, je peux le considérer avec plus de douceur et l’amener à être plus tendre envers lui-même ;
  • Une image favorable: mon client à une représentation négative de lui-même basée sur des croyances inspirées entre autres de l’imaginaire social de l’environnement dans lequel il évolue, mais moi, j’ai des croyances différentes, ma réflexion m’amène à m’éloigner des stéréotypes et des idées reçues, j’ai une représentation positive de sa personne et de ses ressources.

Face à une situation d’autoreprésentations négatives, il me semble que l’objectif du coach sera de favoriser une recentration sur soi (et non pas une décentration) en permettant au client au cours du processus d’acquérir une vision de soi valorisée axiologiquement. Pour préciser cette pensée, nous allons nous appuyer sur deux cas rencontrés lors de ma pratique professionnelle de coach.

3. Etudes de cas : analyser le discours des clients pour mieux les accompagner

3.1. Prégnance inconsciente des auto-représentations négatives

Lors d’un des processus de coaching que j’ai menés, j’ai rencontré *Funambule*, en recherche d’emploi. Voici quelques échanges que nous avons eus lors de l’entretien préalable d’une heure, qui m’ont alertée sur l’intrusion permanente d’auto-représentations négatives dans le système de croyances de mon client et leur poids dans son existence. Cette verbalisation du négatif est réapparue dans certaines séances suivantes, en particulier lors des séances 3 (dans son analyse de sa propre prestation dans le premier jeu de rôles que nous avons mis en place) et 9 (période de découragement). Ce qui est peu par rapport à l’ensemble du processus de coaching qui s’est déroulé sur 10 séances. Je me focaliserai ici sur ce qui a été dit en entretien préalable dans la mesure où c’est à ce moment-là que les auto-jugements négatifs sont apparus pour la première fois avec une grande virulence. Une rapide analyse de discours m’a montré que *Funambule* n’en était pas réellement conscient.
 
Début de l’entretien préalable :
 
Moi : « Quelles sont tes qualités dans le travail ? »
*Funambule* : « Je suis quelqu’un de rigoureux, de calme. Je fais attention à ce que je fais. Mes défauts sont le manque de confiance en moi. Je ne suis pas sûr de moi, ça me fait perdre du temps. »
Moi : « Pour le moment, je voudrais que tu me parles de tes qualités. Tu peux m’en dire plus ? »
*Funambule* (après une longue hésitation) : « J’ai un tempérament qui me permet de m’intégrer dans une équipe. »
 
Mon client m’a donc parlé de ses défauts sans que je l’interroge dessus. Un automatisme doxique, sans doute lié aux techniques généralement utilisées dans les entretiens d’embauche, associé également à l’idée reçue selon laquelle il est souhaitable d’évoquer ses défauts si on parle de ses qualités, comme si l’un ne pouvait pas aller sans l’autre.
 
Fin de l’entretien préalable :
 
Moi : « Comment se sont déroulés les derniers entretiens d’embauche que tu as eus ? »
*Funambule* : « J’étais très stressé, très bloqué. J’ai du mal à faire la conversation, à répondre à la question, je bloque. »
Moi : « Et là, qu’est-ce qu’on est en train de faire ? »
*Funambule* : « On est en train de parler, de converser justement. »
Moi : « Comment tu as l’impression que ça se passe ? »
*Funambule* (long silence, pas de réponse).
Moi : « Comment tu te sens ? »
*Funambule* : « Stressé, bloqué, j’aime pas parler de moi. »
Moi : « Est-ce que tu m’as dit quelque chose ? »
*Funambule* : « Oui, bien sûr. (Après une pause)Je t’ai dit les zones où j’étais pas très confortable, mes défauts, ce que je voudrais corriger. »
Moi : « Que ça ? »
*Funambule* : « Mes qualités aussi. Brièvement. »
Moi (après avoir repris mes feuilles de notes et regardé avec lui quantitativement les passages où il m’a parlé d’éléments négatifs et ceux où le positif sous toutes ses formes a été évoqué) : « Alors ? »
*Funambule* : « J’avais l’impression d’avoir parlé de mes problèmes surtout. Alors non, apparemment. »
Moi : « Qu’est-ce que tu en penses ? »
*Funambule* : « Je retiens trop ce qui est négatif et pas assez ce qui est positif. C’est un vrai problème en entretien : je mets le négatif en avant. Je parle trop de mes défauts et pas assez de mes qualités. Cela entraîne un avis négatif du recruteur. »
 
Dès l’entretien préalable, le repérage par le coach des auto-représentations négatives est un grand pas vers la prise de conscience du client de leur présence et de leur place importante dans son discours, dont il ne se rendait vraisemblablement pas compte auparavant. Une partie du travail fait lors de ce processus de coaching a donc été de porter une attention particulière sur l’ensemble des auto-représentations pour faire décroître la prégnance des appréciations négatives et faire émerger l’expression des appréciations positives.
Grâce à cette prise de conscience, j’ai pu noter une intensité décroissante dans la mise en mots des auto-jugements défavorables, mais il a fallu compter sur le facteur temps du processus de coaching ainsi que sur la mise en œuvre de certaines techniques qui me semblaient adaptées à ce cas en particulier :

  • Faire noter au client toutes les choses positives, tout ce qu’il fait de bien, toutes les qualités qu’il met en œuvre… entre deux séances de coaching ;
  • Demander au client de retravailler sur son curriculum vitae et sa lettre de motivationen mettant davantage en lumière ses qualités au travail et ses accomplissements ;
  • Mettre en scène des jeux de rôles mimant un entretien d’embauche, moi dans le rôle du recruteur (plutôt sympathique, puis franchement désagréable), *Funambule* dans le rôle de la personne qui recherche un emploi ;
  • Faire écrire une lettre de motivation pas du tout conventionnelleoù il faut se mettre en mode « je suis le meilleur » ;
  • Proposer un travail à partir de la ligne de vieconcernant les dernières semaines correspondant au processus de coaching.

J’ai suggéré toutes ces activités en les inscrivant dans une même logique de sens : reléguer les pensées négatives sur soi-même à l’arrière-plan, derrière (et, si possible, loin derrière) les pensées positives qui correspondent à mon avis à la réalité profonde de mon client : *Funambule* est effectivement riche de qualités intrinsèques (qu’il a lui-même répertoriées en « qualités sociables », « qualités intellectuelles » et « traits de caractère » regroupés sous l’expression « une bonne personnalité » ) qu’il a su mettre en lumière au fur et à mesure ou dont il a fait preuve tout au long du processus de coaching : fiabilité, persévérance, bonne humeur malgré les difficultés… Je me suis appuyée sur ces observations pour faire régulièrement du renforcement sur la personne et essayer de pérenniser, au-delà de la fin du processus de coaching, les résultats obtenus.
En effet, dans cette démarche de prise en compte des auto-représentations dans une perspective normative visant à ce que le client en devienne conscient pour pouvoir travailler lui-même dessus, j’ai pu noter que j’avais procédé de manière plutôt intuitive en trois étapes majeures :
1/ Le repérage des auto-représentations négativeset un questionnement permettant au client de s’en rendre compte lui-même assez rapidement, pas pour susciter une auto-stigmatisation (qui est un risque à prendre en considération) mais au contraire une envie de renverser la tendance en mettant en lumière les auto-représentations positives souvent latentes mais tues pour des raisons morales et sociales (« ce n’est pas bien perçu si on se met trop en valeur ») ou davantage psychologiques et individuelles, liées à l’environnement familial et à l’histoire personnelle du client ;
2/ Le déploiement d’approches et de techniquespermettant d’une part la consolidation de la prise de conscience par le client de ses croyances limitantes vis-à-vis de lui-même et d’autre part une plus grande assertivité quant à ses qualités multiples et aux réussites accomplies. Cela passait par un processus d’auto-reconnaissance plus équilibré, comme *Funambule* l’a mentionné lui-même dès la séance 1 : « Je pense globalement que ça peut être plus équilibré », « On peut faire pencher la balance du bon côté, il manque pas grand-chose, c’est plutôt positif ». Cela passait également par une forme de déculpabilisation par rapport aux attentes supposées de la société basées sur des hétéroreprésentations doxiques concernant par exemple les recruteurs, l’entourage professionnel ou familial ;
3/ Une analyse des résultats obtenusavant la séance de clôture pour amener le client à les verbaliser et à les ancrer dans sa nouvelle réalité.
J’ai donc procédé en deux temps à l’analyse des résultats dans le domaine des auto-représentations concernant *Funambule* et ils me paraissent aller dans le bon sens. J’ai tout d’abord fait le point de mon côté pour préparer un questionnement qui lui permettrait de verbaliser lui-même la reconnaissance de ses progrès. Je suis ensuite revenue, au moment de la dernière séance en face à face avec mon client, sur les étapes qu’il avait franchies pour atteindre son objectif, ce qui lui a permis d’énoncer de lui-même une autovalorisation discrète mais assurée : « ce travail a mis en lumière des choses en moi que j’ignorais, de passer d’une attitude négative au début à une attitude positive maintenant. J’ai compris qu’il était bon pour moi d’exprimer le positif en premier et d’encadrer le négatif par le positif. » On constate donc que le renversement axiologique attendu a bien eu lieu : le client est passé d’auto-représentations plutôt défavorables à une représentation de Soi (mais aussi de son univers intérieur et extérieur) plus valorisante. Même si *Funambule* continue d’avoir du mal à s’exprimer à la première personne, l’analyse de son discours montre une véritable recentration sur lui-même, sa personnalité, ses envies et ses projets.

  • Prégnance consciente des auto-représentations négatives

Un autre processus de coaching que j’ai mené devait me permettre d’accompagner *Sentinelle* vers un objectif qui n’était pas encore clairement défini mais pour lequel la demande initiale était : « y voir plus clair (en moi) pour l’avenir ». Ma cliente est une jeune femme autodidacte et indépendante, qui n’a pas obtenu son baccalauréat, qui hésite à reprendre des études, qui a un emploi d’hôtesse d’accueil qui lui a permis de s’épanouir et de s’affirmer, mais qui ne la satisfait plus complètement. Un travail approfondi de questionnement en relation avec ces problématiques a été mis en place dès l’entretien préalable et lors des trois premières séances de coaching, avant que je n’établisse un diagnostic de réactance et que ce processus ne soit suspendu. Cet accompagnement m’a toutefois permis de mieux cerner le fonctionnement de représentations individuelles issues de représentations collectives entraînant des croyances limitantes. Mais dans ce cas particulier, ce qui m’a intéressée tout spécialement, c’est le fait que *Sentinelle* verbalisait une conscience de ces représentations et une prise en compte des limites qu’elles lui imposaient ou qu’elle s’imposait à elle-même en fonction de ces perceptions qui, même erronées, favorisaient son évolution dans une zone de confort rassurante.
Pour être plus précise, je vais prendre un exemple concret tiré de l’entretien préalable. Comme je viens de l’indiquer, le questionnement portait sur son désir éventuel de reprendre des études et les options qu’elle envisageait pour le travail, une interaction visant à contextualiser sa demande et à faire la part des choses entre ce qu’elle veut et ce que d’autres (son compagnon, ses amies proches…) veulent pour elle. Un objectif potentiel émerge : « devenir manager, c’est le seul travail que je voudrais et que je pourrais faire aujourd’hui. »
 
Moi : « Que peux-tu faire pour aller vers cet objectif ? »
*Sentinelle* : « Je sais pas. Peut-être que je peux pas y arriver. »
Moi : « Est-ce un fait ou une pensée ? »
*Sentinelle* : « C’est ce que dit mon propre compagnon, et aussi mes amies, même une amie de très longue date. »
Moi : « Qu’est-ce que toi tu en penses ? »
*Sentinelle* : « C’est un peu vrai. Mais j’ai envie de faire autrement, d’être dans l’exception. Mais je n’ai pas beaucoup de chances. »
Moi : « A ton avis, qu’est-ce qui est le plus important : ta pensée ou celle des autres ? »
*Sentinelle* : « Celle des autres ! Ils ont une expérience professionnelle, eux. Oui, celle des autres est plus importante. Et je reconnais que je suis une personne influençable. »
Moi : « Et eux, est-ce que ce sont des personnes infaillibles ? »
*Sentinelle* : « Absolument pas, mais ce sont des personnes convaincantes. Et j’ai besoin d’être convaincue de quelque chose. Si quelqu’un me dit : « Tu as les capacités pour faire quelque chose, je vais le croire ». Dans le cas contraire, aussi. Et cette hypothèse, j’y crois. »
Moi : « Pourquoi ? »
*Sentinelle* : « Parce que, si tu as fait des études, y a tout qui te sourit, mais si tu n’as pas fait d’études, tu galères, tu n’évolues pas. »
Moi : « Cela arrive, en effet. Mais il existe quatre situations réelles et tu n’en évoques que deux. Il y a des gens qui font des études et qui n’ont pas de travail ou qui ont un travail qui ne leur convient pas, et des gens qui n’ont pas fait d’études, mais qui trouvent un emploi qui leur plaît ou qui créent leur propre job. Tu n’en connais pas ?
*Sentinelle* : « Si, bien sûr que si. Y en a plein, même. Mais pour moi, les chances sont infimes. »
Moi : « Est-ce qu’elles sont nulles ? »
*Sentinelle* : « Non. »
Moi : « Que préfères-tu ? Explorer ces chances, même infimes, ou t’arrêter là, en fonction de ce que pensent les autres ? »
*Sentinelle* (pas de réponse verbale, émotion, pleurs).
 
Plus tard, nous explorerons, à sa demande, la possibilité pour elle de repasser le bac ou de faire un DAEU, d’envisager un autre travail ou un changement de poste dans son entreprise actuelle. Elle fera souvent preuve d’une intelligence adaptative, d’une capacité à anticiper les changements et les réactions des autres (sa hiérarchie, ses collègues…). J’essaierai le renforcement sur la personne au fil des séances, mais elle continuera de se disqualifier jusqu’à la séance 3 : « Je ne suis pas une personne intelligente. Je sais ce que tu vas me dire. Que ce n’est pas vrai. Ou que je peux travailler sur moi-même. Mais je ne veux pas qu’on me le dise. Je sais qu’on a besoin de s’apprécier. Mais pas moi. » Je lui rappellerai alors que je ne suis pas là pour la juger mais qu’on peut s’interroger sur la poursuite de ce processus, et nous serons d’accord pour le suspendre.
Ce qui m’interpelle le plus dans ces échanges, c’est que *Sentinelle*, contrairement à *Funambule*, est consciente de ses auto-représentations négatives influencées par les autres. L’analyse qu’elle mène de sa situation, de sa perception du monde, de sa vision des autres, est pertinente et elle s’en rend pleinement compte. Son discours est émaillé d’expressions comme : « je sais », « j’ai appris », « je constate », « je vois bien », qui sont d’un tout autre registre que des expressions plus communes chez les personnes n’ayant pas confiance en elles-mêmes, davantage en proie au doute : « je crois », « il me semble que », « j’ai l’impression » … Avec *Sentinelle*, on est quasiment dans la revendication de ses propres croyances limitantes, ce qu’elle exprime ainsi : « je sais que ce n’est pas vrai, mais pour moi c’est vrai. » C’est le cas très clairement dans l’extrait que j’ai cité ci-dessus où elle s’appuie sur une doxa à laquelle elle ne croit pas elle-même, mais qu’elle finit par s’appliquer pour ne pas sortir de sa zone de confort relative, c’est-à-dire sa situation actuelle qui ne lui convient pas parfaitement mais dans laquelle elle a trouvé un équilibre, une position sociale, un statut, une raison de se lever chaque matin…
Pour ne pas aller vers le changement auquel elle aspire pourtant mais qui menacerait fortement sa sécurité ontologique actuellement protégée, elle me renvoie la représentation doxique qui imprègne l’imaginaire collectif français : « sans études, pas de bon travail, pas d’évolution de carrière ; avec un diplôme, on travaille, on avance, on réussit. » Et même si notre discussion révèle qu’elle connaît de nombreux contre-exemples et que ses arguments sont basés sur des distorsions ou des généralisations dont elle admet explicitement le caractère abusif et donc fallacieux (elle me dira également : « Je sais ce que tu veux me faire dire, je ne le dirai pas parce que je ne le crois pas et même si j’y croyais je ne voudrais pas le dire »), elle se réfugie dans ce cadre fixé par les autres, ne sachant pas encore comment définir son propre cadre. Bien sûr, cela renvoie à un questionnement identitaire profond, un sentiment de menace par rapport à son essence-même, au sens de son existence. Le fait d’intégrer en surface et de mettre en valeur une doxa qui la condamne à stagner, justifie cette stagnation. A moins qu’elle ne retente le baccalauréat, à moins qu’elle ne se lance dans des études, à moins qu’elle ne remette en question ce que lui dit son entourage et qu’elle n’accepte alors de se mettre en danger… En l’occurrence, *Sentinelle* n’était pas encore prête à rejeter ses représentations limitantes mais protectrices, ce que j’ai strictement respecté, en conformité avec la déontologie du coach et mon éthique personnelle. En tout cas, à travers les verbalisations successives de *Sentinelle*, on retrouve bien les différentes fonctions des représentations : fonction de savoir, fonction identitaire, fonction d’orientation et surtout fonction justificatrice. Ces connaissances permettent, me semble-t-il, de renforcer notre attitude de non-jugement et de compréhension de l’univers complexe du client.
 

Conclusion

Nous arrivons au terme de ce cheminement sur les routes entremêlées des Sciences du Langage et du coaching. Cette étude confirme tout d’abord ce que Fatien Diochon, Chanut et Molinié relèvent en 2014 : « Les pratiques d’accompagnement regroupées sous l’ombrelle « coaching » se distinguent […] par différentes dimensions, ayant trait à la position du coach (intervenant extérieur ou membre de l’organisation comme coach interne), aux influences théoriques qui sous-tendent les approches, aux objectifs visés, etc. » Il ne s’agit pas pour moi de proposer une nouvelle théorie concernant les fondements ou le fonctionnement du coaching, mais d’ouvrir des perspectives au niveau des dispositifs, des références, des concepts ou des activités à la disposition du coach professionnel, en explorant un domaine qui finalement se révèle partie prenante du coaching : les Sciences du Langage, avec une attention particulière à cet outil transversal qu’est l’analyse de discours.
En fait, en utilisant le méta-modèle pour repérer les manifestations linguistiques des mécanismes que sont la sélection, la distorsion et la généralisation, lorsqu’il a recours aux différents filtres sémantiques pour affiner ses interrogations, quand il repère les expressions caractéristiques des indicateurs de l’orientation sensorielle, le coach pratique l’analyse de discours parfois sans le savoir, parfois en le sachant. Ce champ d’exploration en lien avec des éléments aussi importants que l’intentionnalité, la prise en compte de l’interaction, les réseaux interdiscursifs, l’accès à la signification… me paraît particulièrement intéressant à découvrir ou à revisiter dans l’optique d’un processus de coaching, dans la mesure où il fait écho à des notions primordiales dans ce domaine : l’intention qui guide le coach mais aussi le client, l’écoute active et le questionnement adapté, la perception des informations vagues ou manquantes, celle des présuppositions ou des jugements universels, la logique de sens. Pour ma part, je trouverais dommage de ne pas aller plus loin dans l’interprétation des données verbalisées par le client en me privant des savoirs et des savoir-faire que m’apportent mes connaissances en analyse de discours.
Être au courant des caractéristiques du discours, moyen de communication et moyen d’action structuré de façon interne (normes linguistiques et discursives) ou externe (usages sociaux et culturels), orienté pour atteindre les objectifs visés par le sujet en situation de communication, interactif et dialogique, contextualisé et subjectif, est à mon avis un atout supplémentaire pour mener à bien un accompagnement basé sur l’échange verbal. Avoir conscience des règles de fonctionnement du discours peut également renforcer notre crédit vis-à-vis de nous-mêmes (qui nous devons d’être authentiques) et de nos clients (en qui nous plaçons une confiance inconditionnelle) car nous saurons pleinement que les interactions verbales constitutives des entretiens de coaching correspondent notamment à des lois d’intérêt, d’enchaînement, d’informativité, d’exhaustivité, de pertinence et de sincérité, ce dernier aspect étant tout particulièrement significatif en coaching.
Dans les accompagnements que je mène, cette casquette d’analyste de discours m’est très utile pour détecter rapidement les problématiques essentielles des clients et les enjeux qui se cachent derrière, pour vérifier si les premières pistes sont les bonnes, pour ne pas perdre de vue des choses parfois à peine verbalisées mais suffisamment présentes à un moment de parole donné pour être explorées, pour prendre en compte la dimension interdiscursive des énoncés prononcés au cours de l’accompagnement. C’était le cas par exemple avec *Ménestrel* pour qui la gestion du temps était un problème épineux sans qu’il le mentionne au départ dans sa demande initiale ou par la suite dans la formulation de son objectif. Pourtant, lors de l’entretien préalable, le mot « temps » était revenu plus d’une douzaine de fois dans son discours, généralement associé au terme « violence ». Des phrases comme « je manque de temps » ou « je dois me faire violence » revenaient de façon récurrente, comme un leitmotiv, sans que mon client n’en ait véritablement conscience. Des indications horaires précises, des durées. Pour lui, le problème, c’était plutôt la méthode de travail (cause) et le stress (conséquence). Ainsi, nous avons d’abord exploré son univers de travail et fait plus tard une évaluation du stress, mais j’ai gardé cette notion de temps comme un fil rouge ténu tout au long du processus et nous en avons reparlé en fin du parcours, lorsque ces expressions avaient quasiment disparu des séances. Et il m’a dit qu’en effet il arrivait mieux à gérer son temps au travail. Je lui ai rappelé que cela faisait partie des premières difficultés qu’il avait évoquées, et il m’a répondu l’air étonné, comme s’il l’avait oublié : « Ah oui ! j’avais commencé par là. » Ainsi, même sans que l’on propose d’activités particulières, la conscience par le coach de certains éléments du discours du client peut l’aider à amener celui-ci vers une résolution en douceur de problèmes annexes.
En ce qui concerne le coaching, une question que l’on doit se poser me paraît tout à fait pertinente à retenir dans le cadre de cette étude : « S’agit-il de représentations ? » En effet, comme le montrent certains points de l’analyse de discours, la parole du sujet est à la fois reflet et vecteur de représentations sociales et individuelles importantes à mettre au jour pour faire progresser le client vers son objectif. Les représentations, dont l’étude correspond d’abord à des champs disciplinaires tels que la sociologie, la psychologie sociale ou encore l’anthropologie, sont en étroite relation avec les croyances aidantes ou limitantes qui vont faciliter ou freiner l’atteinte de l’objectif par le client. Comme nous l’avons vu, les Sciences du Langage, notamment la sociolinguistique, ont enrichi la réflexion sur les représentations en visitant les représentations communautaires ou intra-communautaires ainsi que les représentations interculturelles. Ces différents concepts permettent de baliser un terrain où s’entrecroisent les questionnements identitaires, les autoreprésentations et les hétéroreprésentations, ainsi que des formes de normativité qui oscillent entre le rejet et l’acceptation. Ces approches des représentations posent les questions d’autodéfinition de sa propre identité et d’hétérodéfinition de l’identité de l’Autre. Ces interrogations généralement étudiées au niveau des groupes (nationaux, professionnels, confessionnels…) se posent également aux sujets membres de ces groupes dans leurs relations interindividuelles. Les réponses sont elles aussi marquées par un positionnement axiologique de valorisation ou dévalorisation. Dans le cas du coaching, nos clients sont en demande de changement, d’évolution, mais aussi de renforcement, parce qu’ils sont très souvent fragilisés par des situations réelles dans lesquelles leur jugement vis-à-vis d’eux-mêmes est négatif. Le travail du coach est de prendre en compte cette auto-dévalorisation pour renverser l’auto-évaluation normative négative en une auto-appréciation positive. C’est en effet ce renversement axiologique qui permettra au client de gagner en autonomie et de pérenniser le travail accompli pour son propre bénéfice durant le processus de coaching.
Malgré les connaissances acquises grâce à ma spécialisation en sociolinguistique des représentations et en didactique interculturelle, je ne trouve pas qu’il soit aisé d’amener un client à effectuer ce renversement axiologique. Il faut parfois partir d’une forme d’auto-stigmatisation et passer par des étapes de prise de confiance en soi et de prise de conscience de soi très progressives pour arriver à une reconnaissance positive de soi, alignée et sereine. Cela remet en perspective l’approche de Kurt Lewin sur le changement (1947), qu’il s’agisse de ruptures dans les représentations mentales, les valeurs, les règles du jeu, l’identité des personnes, l’environnement ou encore les relations avec l’entourage. Les trois phases qu’il distingue dans la mise en place de ces changements peuvent nous aider à comprendre les résistances dans le renversement axiologique que nous évoquons. Lewin mentionne :
– Une phase de dégel, avec abandon des anciennes pratiques, qui entraîne toujours deux conséquences : un climat anxiogène et pour y répondre un élément de protection.
– Une phase de modélisationqui passe soit par l’analyse, soit par l’imitation. Cette phase correspond à l’adoption de nouvelles manières de voir et de faire.
– Une phase de regel, soit au niveau personnel, soit au niveau institutionnel, pour faciliter les comportements nouveaux et faire que l’habitude devienne une seconde nature.
Même si Lewin se situe dans le cadre de la dynamique de groupes, son approche nous permet de mieux cerner les difficultés de la phase de dégel.
Ainsi que je l’ai expliqué, cet objectif de rupture au niveau des autoreprésentations négatives peut être atteint, ou pas. Si je m’en réfère à mon expérience de coach, le renversement axiologique a bien eu lieu pour mon client *Funambule* mais pas pour ma cliente *Sentinelle* qui revendiquait ses autoreprésentations dévalorisantes ainsi que ses croyances intra-communautaires (ou pseudo-croyances, en l’occurrence) comme une carapace protectrice. Certes, elle a manifesté un comportement de réactance et le processus a dû être interrompu, mais cela montre bien qu’il n’est pas facile de quitter les oripeaux de l’auto-dévalorisation (favorisés par la doxa, encouragés à être portés via les drivers…) pour les vêtements d’une reconnaissance de Soi qui valorise le positif.
Cette dernière remarque me rappelle un des éléments fondamentaux à ne pas perdre de vue lorsque l’on souhaite devenir coach : le fait que les relations entre le langage et l’expérience sont complexes. Nos perceptions du monde, de notre environnement, de Soi et de l’Autre, se traduisent par des signes linguistiques :  ce que nous disons de notre réalité. Et celle-ci se trouve modifiée, influencée, déterminée, par nos propres discours et les discours environnants. Cette dimension dialectique est incontournable et nous ne pouvons l’occulter lorsque nous entamons un processus de coaching, que ce soit en tant que client ou en tant qu’accompagnant. C’est de ce point de vue que je me place pour témoigner de l’intérêt de l’intégration des Sciences du Langage dans le domaine du coaching. Les relations étroites entre ces deux champs disciplinaires ne sont plus à démontrer puisque le coaching repose fondamentalement sur un échange verbal, une mise en jeu du langage dans une certaine situation de communication professionnelle où un accompagnant se met en posture d’écoute active et de questionnement pour aider un client à atteindre un objectif important pour lui. L’analyse de discours et l’étude des représentations de Soi et de l’Autre sont des composantes pratiques ou théoriques de certaines disciplines des Sciences du Langage qui pourraient davantage être prises en compte, de façon judicieuse et appropriée, dans des processus de coaching. Mais ce ne sont certainement pas les seules. De plus, on peut aussi considérer que des domaines liés aux Sciences du Langage comme les recherches en sociolinguistique des langues et des locuteurs ou l’enseignement-apprentissage des langues vivantes (sur Objectifs Professionnels ou Universitaires) gagneraient aussi à intégrer des éléments relevant du coaching.

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