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Numéro 2 04/2017

La construction identitaire en milieu carcéral

Les taux de récidive, alarmants, nous amèneront à nous intéresser à la fonction de réhabilitation de la prison et les difficultés qui lui subsistent en termes de réinsertion sociale et professionnelle. Nous nous focaliserons sur les méthodes grâce auxquelles il est possible de composer et négocier avec son identité-propre pour faciliter le passage d’entre les murs à la liberté pour un bénéfice individuel mais aussi sociétal.

Lucie Hapetian
Première publication le 4 avril 2017.

Résumé

Parce que la détention est une réalité pour un français sur mille, et que le nombre de détenus en France n’a de cesse d’augmenter, dans cet article, nous envisagerons la question de l’identité du détenu au regard de cette expérience. Nous vous proposons un éclaircissement sur les phénomènes de socialisation carcérale et de porter un regard empirique sur trois portraits croisés de détenus ordinaires, avant, pendant et après leur incarcération. Les taux de récidive, alarmants, nous amèneront à nous intéresser à la fonction de réhabilitation de la prison et les difficultés qui lui subsistent en termes de réinsertion sociale et professionnelle. Enfin, nous nous focaliserons sur les méthodes grâce auxquelles il est possible de composer et négocier avec son identité-propre pour faciliter le passage d’entre les murs à la liberté pour un bénéfice individuel mais aussi sociétal.
Mots-clés : Milieu carcéral, Prison, Détenu, Coaching, Réinsertion

Abstract

In this article, we will consider the question of inmate’s identity at the sight of the carceral experience. We will aim to enlight carceral socialisation phenomenon, through interwoven cameos between three ordinary inmates, before, during and after their incarceraton. France’s alarming recidivism rate will lead us to consider prison’s rehabilitation’s function, and the difficulties that remain in terms of social and professional reinsertion. At last, we will focus on methods that allow oneself to compose and negotiate with his identity in order to facilitate the transition from prison to freedom, at his own and society’s advantage.
Keywords : Carceral environment, prison, inmate, coaching, reinsertion


Introduction

Le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint en mars un nouveau chiffre record, avec 69.430 personnes incarcérées”, annonce l’administration pénitentiaire sur son site internet en Mars 2017. Au regard des statistiques fournies par le Ministère de la Justice en janvier 2017, on observe une inflation de près de 40% du nombre de personnes incarcérées sur les 15 dernières années, et c’est donc approximativement 1 français sur 1000 qui se trouve actuellement derrière les barreaux.
Cet article n’a pas pour but de considérer l’incarcération sous l’angle des politiques pénales, mais, s’il est nécessaire de condamner le hors-la-loi, force est de constater que la détention a des répercussions sur l’identité de l’individu l’ayant vécue. L’expérience carcérale provoque une quête de sens conscientisée ou non, modifie l’identité profonde de celui qui la vit, bouleverse les croyances, les valeurs, la perception que le détenu a de lui-même, des autres et de la société.
A l’heure où les mots récidive et insécurité occupent une place importante dans les discours politiques comme dans les médias, il devient d’autant plus intéressant de s’attarder sur les effets de l’incarcération, ses influences sur l’identité du détenu entre les murs, mais aussi, au-delà, au regard de sa réinsertion. Cet article aborde donc le lien dynamique existant entre l’expérience carcérale et la construction identitaire, d’un point de vue théorique, en croisant les portraits de trois anciens détenus ordinaires et apporte quelques éclairages sur les méthodes de renégociation identitaire. Il est illustré par quelques extraits d’entretiens menés entre septembre 2015 et février 2017 auprès d’anciens détenus. Anonymes, les initiales de ceux-ci ont été volontairement modifiées.
Au croisement de plusieurs disciplines, telles que la psychologie, la sociologie, la philosophie mais aussi la géographie, la notion même d’identité est complexe à définir tant les interactions qui entrent en compte pour la composer sont nombreuses. Du déterminisme social à la singularité individuelle, elle revêt plusieurs aspects, à plus forte raison, son absence d’immuabilité la rend inconstante. Véritable processus dynamique, elle se forme et se transforme au gré de nos parcours, rencontres ou expériences.
Quels effets peut donc avoir la mise en détention sur l’identité ? Quels processus la prison, décrite par Foucault (1975), par Lémire (1990) et par Chantraine (2004) comme l’outil privilégié de la répression, enclenche-t-elle chez les détenus ? Qui la personne incarcérée pense-t-elle être ? Qui est la personne qu’elle souhaite devenir ? Quelle “étiquette” pense-t-elle que les autres portent sur elle ? Auprès de quel groupe crée-t-elle un sentiment d’appartenance ? Quelles conséquences l’identité mouvante du détenu aura-t-elle sur sa réinsertion sociale et professionnelle ? Autant de questions sur lesquelles cet article tentera d’apporter un éclairage. Pour ce faire, nous aborderons dans cet article le choc que représente de l’entrée en détention et ses effets possibles sur l’individu. Suite à celui-ci, se font ressentir rapidement les différents types de pertes liées au caractère englobant du milieu, nous les décrirons ainsi que ce qu’elles peuvent impliquer à court ou long terme. Suite à cela, nous aborderons les processus de socialisation carcérale et de prisonniérisation qui s’établissent au cours de la détention. Afin d’apporter à cet article une dimension empirique, et d’observer la diversité des individus soumis à cette expérience, nous exposerons les portraits croisés de trois anciens détenus, en décrivant leurs situations, attitudes et sentiments avant, pendant et suite à leur détention. Enfin, nous aborderons la fonction de réhabilitation de la prison et nous intéresserons spécifiquement à la question de l’identité du détenu dans ce cadre, l’importance de son rôle et les méthodes avec laquelle il peut s’avérer nécessaire de la renégocier afin de retrouver une écologie.

Contexte

L’incarcération, notamment la première, est vécue comme une expérience carcérale, c’est-à-dire, selon Corinne Rostaing (2006, citée par Demailly et Bonny 2012, Chap. 2, §18) une “expérience extrême, composée d’une triple expérience: une prise en charge institutionnelle enveloppante ; une remise en cause identitaire ; une atteinte à la dignité”.
Malgré ce que chacun “sait” de la prison et des représentations qu’il peut en avoir, le quartier arrivant (par lequel presque tous les détenus transitent après un passage par le greffe et une fouille), est un moment qui produit sur la sensibilité ou sur l’esprit une impression vive, comme en témoignent ces quelques extraits de mes entretiens :

« A ce moment-là, j’ai eu peur, je me demandais ce que je faisais ici, ce qui allait m’arriver. »  W.

« J’ai regardé les autres personnes autour de moi, je me suis retenu pour ne pas me mettre à pleurer, je crois que je me suis rendu compte à ce moment-là que c’était réel, que j’étais en prison et que je ne savais pas quand j’allais en sortir. » N.

« Les arrivants, c’était le pire moment je crois, ça sentait mauvais, je sentais mauvais, j’avais envie de partir en courant, je ne comprenais pas vraiment ce qui m’arrivait, je ne savais pas quoi faire, pas quoi dire, je ne savais pas ce que les autres allaient me faire, c’était trop, je n’avais qu’une envie en fait, me mettre dans les bras de ma mère. » B.

Ce moment marque le passage dans un univers entièrement englobant : l’architecture, la gestion, l’isolement, la surpopulation, les règles, le lien rompu avec l’entourage, tout diffère du milieu initial qui précède la mise en détention. C’est aussi le lieu de la première rencontre avec la violence qui règne en ces lieux, qu’elle s’exerce entre détenus, à l’encontre du personnel et donc en direction de l’autorité, ou qu’elle soit auto-infligée.
Face à ce nouvel environnement, se développent immédiatement des symptômes émotionnels forts tels que le déni, la colère, la culpabilité, le désespoir, l’anxiété ou la peur.
Immédiatement, la personne incarcérée va devoir “comprendre, interpréter, agir et réagir à une situation sociale particulière”. (La compréhension sociologique de l’expérience carcérale, revue européenne des sciences sociales, n°135, 2006, page 39)
Rapidement et pour la plupart d’entre eux, le détenu va prendre conscience de toutes les pertes et privations qui accompagnent sa peine :
(1) Perte de sécurité : celle-ci est un facteur stressant très important qui favorise des comportements tels que le repli sur soi, l’attitude prostrée, des conduites d’évitement ou la naissance d’angoisses pouvant se traduire par de l’auto-mutilation. Par ailleurs, cette insécurité crée des répercussions dans les relations à autrui, on constate notamment l’apparition possible d’une méfiance exacerbée ou de violences verbales et physiques.

« J’ai commencé rapidement à me scarifier, (…) c’était automatique, je ne pouvais pas m’en empêcher, j’avais envie de me punir, de mourir, ça m’aurait bien arrangé de crever là et que tout s’arrête (…) et puis après j’allais faire un tour à l’infirmerie, ça me changeait les idées. » E.

(2) Perte d’autonomie, et avec elle, la perte de contrôle et de choix : l’absence de contrôle sur son environnement favorise les changements soudains d’humeur, l’augmentation de l’anxiété, la perte de l’estime de soi (Abramson 1978), ou l’augmentation de la sensibilité à la douleur (Miller 1979).
(3) Perte des liens, notamment des liens familiaux : lorsque les liens d’attachement étaient suffisamment solides, le détenu perd un ancrage, des repères structurels. Cela peut entraîner une certaine vulnérabilité dans le développement des fonctions de socialisation ou la création de repères symboliques dysfonctionnels.
(4) Perte des comportements : couper l’eau, fermer une porte, autant de gestes simples de la vie quotidienne qui s’effacent durant l’incarcération et peinent à être retrouvés à la sortie, d’autant plus si la peine a été longue.
(5) Pertes de stimuli ainsi que des « modèles positifs » : les difficultés d’accès aux cours, aux formations et aux différentes activités intellectuelles ou sportives peuvent entraîner une perte de stimuli et de motivation. Associé à la perte de modèles positifs, cela provoque sur le long terme une baisse d’estime de soi, au regard de l’autre, cela peut générer un sentiment d’injustice, de rejet qui peut se caractériser par un manque de coopération, voir des violences.
(6) Privation d’hétérosexualité : elle est un terrain fertile à la naissance de difficultés relationnelles, émotionnelles et sexuelles.
Les manifestations possibles décrites face aux pertes précédemment citées ne s’appliquent pas à l’ensemble des détenus, mais certains de ces troubles peuvent être sévères et prolongés, allant jusqu’à la mise en place de pathologies mentales. Il faut aussi être vigilant face aux erreurs d’attributions causales, les troubles peuvent être présents initialement et l’incarcération n’agirait sur eux qu’en tant que révélateur.
Pour autant, les effets néfastes de la situation carcérale ont aussi été démontrés par le biais de procédures expérimentales, notamment celle nommée « Expérience de Stanford », mise en place en 1971 et pouvant être mise en parallèle avec celle de Stanley Milgram (1974), également révélatrice des agissements des individus en matière d’autorité et de soumission à l’autorité.

Le cas de l’expérience de Stanford

Le professeur Zimbardo et ses collaborateurs ont émis l’hypothèse selon laquelle les gardiens de prison et les prisonniers adoptaient spontanément un comportement menant à une dégradation des conditions de détention. Pour cela, des citoyens sont invités à participer à une étude au cours de laquelle ils auront à jouer le rôle d’un prisonnier ou celui d’un gardien de prison. L’étude a pour objectif de comprendre les relations conflictuelles que peuvent entretenir ces deux parties au sein du milieu carcéral.
Après s’être assurés de la bonne santé physique et mentale des participants rémunérés modiquement, ils ont séparé les 75 volontaires : un groupe de gardiens et un groupe de détenus. Afin de créer des conditions les plus « réalistes » possibles, les prisonniers sont réellement incarcérés dans un espace prévu à cet effet, appelés par leur numéro d’écrou et non plus par leur nom. De plus, ils portent une chaîne aux chevilles, pour leur imposer en permanence le sentiment de leur emprisonnement et leur oppression.
Aux gardiens, on fournit uniformes et matraques, mais également des lunettes de soleil afin d’éviter tout échange de regard entre eux et le groupe des prisonniers. Zimbardo fit cette déclaration aux gardiens durant la formation :
« Vous pouvez créer chez les prisonniers un sentiment d’ennui, de peur jusqu’à un certain degré, vous pouvez créer une notion d’arbitraire par le fait que leur vie soit totalement contrôlée par nous, par le système, vous, moi, et ils n’auront aucune intimité… Nous allons faire disparaître leur individualité de différentes façons. En général, tout ceci mène à un sentiment d’impuissance. Dans cette situation, nous aurons tout le pouvoir et ils n’en auront aucun. »
— The Stanford Prison Study video, citée dans Haslam & Reicher, 2003.55
Si elle devait durer deux semaines, l’étude dût s’arrêter après six jours. Les gardiens ont pris leur rôle trop au sérieux : humiliations, brimades, des activités dégradantes, des mises à nu, des provocations sadiques et/ou sexuelles… Les sujets de l’expérience étaient devenus incontrôlables du côté des gardiens et les prisonniers présentaient des symptômes mentaux et physiques alarmants. L’hypothèse de l’étude se confirmait au regard de cette expérience bien qu’elle fut vivement critiquée notamment sur le plan moral et éthique.
Il est à noter également la critique d’Haslam et Reicher, deux psychologues, qui en 2003 ont dirigé une reproduction partielle de l’expérience du professeur Zimbardo et dont certaines scènes ont été diffusées en tant que programme de télé-réalité appelé « The Experiment ». Leurs résultats et conclusions diffèrent de l’enquête initiale dont elle est inspirée, ils relevèrent en effet un plus grand nombre d’oppositions du côté des gardiens et mettent en valeur l’importance du ou des meneurs dans l’émergence d’une tyrannie. Par ailleurs, l’apparition des symptômes sur le groupe des détenus est moins flagrante et leur manifestation plus diversifiée bien que largement présente.
Les effets néfastes de l’incarcération sont pour autant une réalité (Goethals 1980), et les conditions de détention décrites par Vasseur en 2000 sont confirmées par les rapports de l’Assemblée Nationale et du Sénat, ainsi que ceux de l’OIP qui confirment tous l’état préoccupant de la situation carcérale en France.
Face à ces éléments, on ne peut que concevoir la sensation pour le détenu d’être dépossédé de lui-même :

« Tout ce que j’ai pu être ou faire avant n’avait aucune importance, j’étais un numéro d’écrou parmi d’autres. » D.

« On ne me traitait pas pour ce que j’étais mais pour ce que je représentais. » M.

« Je ne me reconnaissais plus, je passais d’état d’ennui à celui de tristesse, à celui de colère, je ne savais plus où j’en étais. » V.

« Pendant les parloirs, je ne savais même pas quoi raconter à ma sœur, ce qui se passait dedans n’avait pas d’intérêt pour elle, ce qui se passait dehors, je ne pouvais plus m’y intéresser vraiment, ça me paraissait débile vis-à-vis de ma situation, ou alors ça n’avait rien à voir avec ce que moi j’aurais fait si j’avais pu être libre. » C.

« (Il était en détention à l’étranger) Au fur et à mesure que je n’en pouvais plus de ne pas entendre parler français, de me concentrer tout le temps pour comprendre, de ne pas avoir les bons mots pour dire ce que je voulais, parfois je criais en français juste pour entendre la langue, comme si je voulais être sûr de m’en souvenir.» N.

Pour autant et pour eux, « il faut bien vivre ! », partager des repas et des biens, créer des relations, s’approprier l’espace restreint de sa cellule, cohabiter avec ceux qui la partagent, ainsi commence le phénomène de socialisation qui se superpose à l’identité. L’appartenance au groupe permet de se recréer un espace où l’on se sent être et appartenir à quelque chose, et l’adaptation individuelle n’est pas dissociable de l’adaptation du détenu au groupe, elle-même inséparable de l’adaptation du groupe à l’environnement carcéral.

Processus de socialisation carcérale

Selon Raymond Boudon, sociologue français, un individu s’adapte socialement à son milieu à deux conditions : 
(1) Ses opinions et attitudes ne doivent pas être en contradiction avec les opinions et les attitudes lui permettant de confirmer son appartenance à un milieu donné.
(2) Les opinions et les attitudes véhiculées dans ce milieu ne doivent pas contredire les attitudes profondes de l’individu, ni remettre en cause ses valeurs.
“Il s’agit, à la fois, de l’adaptation sur le plan individuel et sur le plan social; les deux aspects sont indissociables et la thèse fondamentale postule d’ailleurs la trans-construction de ces deux processus. On ne peut comprendre l’un sans l’autre et il est nécessaire de saisir leur genèse conjointe. Loin des thèses déterministes et positivistes, nous trouvons dans cette approche, en référence à l’épistémologie constructiviste, l’affirmation de la construction dialogique du réel comme résultante de l’activité du sujet épistémique en relation avec son environnement. (…) Par la trans-construction, l’adaptation des uns est à la fois source et conséquence de l’adaptation des autres qui ensemble produisent de la société qui en retour intervient dans leur processus identitaire ” (Taché 2003 pp. 98 et 277 ).
Le milieu carcéral est cependant spécifique. L’enfermement expose l’individu à une proximité directe avec des groupes sociaux qui peuvent être opposés à ses valeurs et attitudes. Pour autant, le déracinement qu’implique l’incarcération pousse l’individu soit :         
(1) à une adhésion totale au groupe primaire d’autant plus qu’il se retrouve dans une institution totale où les lieux de vie, de loisirs et parfois de travail ne sont qu’un seul et même espace. L’individu côtoie alors les autres détenus, participe aux jeux de hasard (les paris, notamment sur les activités sportives, sont très présents en milieu carcéral, ils permettent de « tuer le temps »), utilise l’argot… Autant de signaux qui indiquent qu’il a été assimilé par l’univers carcéral. Souvent, il adopte aussi un code tacite impliquant solidarité et cohésion en tant que groupe pour faire front avec les autres contre l’autorité. Ce type de rapprochement est très naturel lors d’une situation émotionnellement compliquée. Il est d’ailleurs illustré par l’expression « se serrer les coudes ». Ce phénomène peut avoir une ampleur impressionnante, le rapprochement peut en effet être étendu à une population très importante. Je pense d’ailleurs pour illustrer ce propos à la mobilisation nationale à laquelle nous avons pu assister en France en Janvier 2015 avec les rassemblements « JE SUIS CHARLIE » ou, plus fort encore, le malheureusement célèbre « PRAY FOR PARIS », mondialement clamé et affiché suite aux terribles attentats dont la capitale a été victime le 13 novembre 2015.   

«  Mes co [co-détenus] c’est un peu devenu ma nouvelle famille, au début je me méfiais parce qu’ils se connaissaient déjà, et puis ils m’ont mis à l’aise, on partageait ce qu’on avait et dans les problèmes on se soutenait, heureusement qu’ils étaient là en fait (…) Quand l’un partait on était content pour lui, quand un autre a fini au mitard (à l’isolement), on a fait le bazar toute la nuit, par solidarité en quelque sorte. (…) C’est sûr qu’à l’extérieur, on se serait pas côtoyés mais voilà quand on est dans le même bateau il vaut mieux ramer dans le même sens » A.  

(2) à de nombreux troubles adaptatifs se concentrant souvent autour de la fuite qui peut être physique (l’individu s’isole volontairement du groupe) ou même mentale (prise de drogue, voir suicide).

« (…) j’étais d’autant plus seule que les autres n’avaient rien à voir avec moi, elles, elles étaient là parce qu’elle avait fait quelque chose de mal, enfin, moi aussi, mais ça n’était pas pareil, je n’ai pas voulu. Bien sur j’ai créé les conditions qui m’ont mené à ça, mais je n’avais rien à voir avec elles, je n’avais rien gagné, j’avais fait une erreur. C’était tragique parce que je les regardais comme une meute hostile et que je ne voulais pas leur ressembler. Je trouvais ça injuste d’être mêlée à elles. Du coup je ne parlais à personne. Et c’est aussi pour ça je pense que je me suis si souvent fait frapper. J’étais seule. Et différente. C’est important ça, il faut bien l’expliquer, parce qu’on imagine toujours que les prisons sont remplies de criminelles, mais je n’étais pas comme ça, j’étais une personne normale. » E.

Les phénomènes de socialisation carcérale et de rapprochement permettent à l’individu de mieux accepter et supporter les pertes causées par l’incarcération. Ces manques majeurs entraînant forcément un sentiment d’infériorité et une image de soi négative, l’appartenance au groupe permet de se recréer un espace où l’on se sent reprendre une existence propre.
Le type de détention, le type de délit et l’expérience carcérale sont trois facteurs déterminants dans le processus d’intégration. Un individu dont le temps de détention serait court, la personnalité stable, gardant des liens positifs avec l’extérieur et se mélangeant peu avec les autres détenus pourrait résister aux pressions tendant à une assimilation du milieu qui l’entoure et garder sa propre identité sans trop en souffrir.
Ce phénomène de socialisation carcérale étudié depuis des années par de nombreux sociologues (Donald Clemmer en 1940, Gesham Sykes en 1958, Guy Houchon, 1969, Nigel Walker en 1987 notamment) est accompagné et complété par le processus de prisonniérisation.

Le processus de prisonniérisation

Ce processus a été décrit en 1968 par Léaute sous le terme « Détentionnalisation » puis par Lémire en 1990 comme la « Prisonniérisation ». Il s’agit de l’assimilation progressive des valeurs de l’univers carcéral, en opposition aux valeurs de ses représentants, qu’ils soient surveillants pénitentiaires, conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation ou tout autre professionnel gravitant autour de la sphère carcérale. L’enfermement prolongé est synonyme de l’intériorisation de la part du détenu des habitudes spécifiques du milieu de réclusion. Selon Clemmer (1940), elle touche l’ensemble des détenus et est liée à plusieurs facteurs :
(1) La durée de l’incarcération :
« La durée de l’incarcération a pour effet la diminution de la conformité des valeurs des détenus avec celles du personnel (…) Les résultats indiquent que l’incarcération plonge les détenus dans un univers de valeurs propres à leur monde. Ils mettent ainsi en évidence que les 6 premiers mois correspondent à des tiraillements entre les valeurs des uns et des autres.  Le temps fait son œuvre, les détenus s’orientant ensuite dans une direction confirmant la prisonniérisation. » (Vacheret et Lémire 2007, tableau 1.1 p. 19).
Les six premiers mois sont appelés phase initiale. Toute la vie carcérale se structure autour de la notion de temps. Cohen et Taylor (1974) lui attribuent une signification particulière en milieu fermé. En effet, si lorsque nous sommes libres il s’agit d’une ressource dont on manque, en étant détenu on ne sait plus qu’en faire. Il est considéré comme du temps perdu, du temps d’attente, le temps que l’on doit passer pour atteindre la libération, Bettelheim évoque cette notion au regard de son expérience des camps de concentration  « Les prisonniers ne vivaient que dans l’heure présente ; ils devenaient incapables de faire des plans pour le futur ou de renoncer à des satisfactions agréables immédiates pour en obtenir de plus grandes dans un avenir proche. Ils étaient incapables d’établir entre eux des relations durables.» (Bettelheim, “Survivre” Chapitre “Comportement individuel et comportement de masse dans les situations extrêmes” 1976). On appelle phase centrale la période commençant après les 6 premiers mois et se terminant avant les 6 derniers mois de peine. Plus la période centrale est longue, plus le phénomène de prisonniérisation s’accentue.
(2) La durée de peine restant à accomplir : Lors de la phase dite terminale correspondant aux six derniers mois, on constate une légère baisse de la prisonniérisation alors qu’elle n’avait eu de cesse d’augmenter durant toute la phase centrale de la peine. La perspective de la sortie semble inverser ce processus de croissance. Ce phénomène se constate sans distinction pour les récidivistes qui vivent ces mêmes phases bien que l’univers carcéral soit déjà connu.
Thomas, Peterson et Zingraff (1978) ont décrits plusieurs particularités propices à l’adhésion au phénomène de prisonniérisation tels que les caractéristiques de vie antérieures à l’incarcération, classe sociale d’origine, l’âge du détenu, le nombre de ses condamnations, l’occurrence de ses contacts avec l’extérieur, les caractéristiques des autres détenus qu’ils sont amenés à côtoyer, les caractéristiques du personnel pénitentiaire ou les perspectives post-carcérales. En 2003, de nouvelles recherches, notamment celles de Walters, Wood et Newton permettent d’ajouter des caractéristiques à ce « terrain favorable » telles que la personnalité du détenu ou son identité criminelle.
La manifestation de cette prisonniérisation n’est pas irréversible et surtout n’est pas incompatible avec une réinsertion future. En témoignent d’ailleurs les détenus qui ont purgé de longues peines (plus de dix ans) et qui ne récidivent pas. Cela marque bien qu’il peut être le résultat d’une intelligence adaptative pour une situation identifiée et temporaire.

Portraits croisés de trois anciens détenus ordinaires

Au regard des différents entretiens menés pour rédiger cet article, la diversité de la population carcérale est flagrante. Chacun entre en détention avec sa propre histoire et ce sont autant de parcours qui sont marqués, positivement ou non, par ce passage par la « case prison ». Il est nécessaire de préciser que nous avons ici trois portraits isolés, qui ne représentent qu’un échantillon très étroit et que les extraits de nos conversations apparaissent ici dans un ordre qui peut différer de celui qui a été énoncé au cours de nos entretiens. Les initiales des prénoms ont été modifiées pour préserver l’anonymat de ceux ayant témoigné.

Situations avant la mise en détention :

A. est un jeune homme qui a aujourd’hui 25 ans. Issu d’un milieu plutôt défavorisé, il s’est ancré très jeune dans une délinquance chronique et son casier judiciaire portait déjà à sa majorité plusieurs mentions. Livré à lui-même le soir après l’école puis après sa dé-scolarisation à 16 ans, il occupait le bas de son immeuble. Parazelli (1997) décrit ce phénomène comme un processus de socialisation marginalisée où la rue devient objet de compensation. L’absence de figure parentale accentue le besoin de se positionner dans un autre modèle et pour se faire, A. s’est approprié l’espace urbain. « (…) L’espace de la rue serait le point d’organisation de pratiques précaires de recomposition identitaire.» (Parazelli 2002, p. 47)
Dès lors, les tentatives de le « déloger » des autres habitants ou les contrôles de police sont vécus par A. comme une déstructuration non conscientisée de sa socialisation.

« Je pense que mon parcours de délinquant comme ils l’appellent a commencé à ce moment-là, ma mère rentrait tard alors j’étais tout le temps dehors (il ne vit pas avec son père qui s’est séparé de sa maman alors qu’il était encore un bébé) je trainais avec les grands, je faisais comme eux, je parlais comme eux et ils m’acceptaient avec eux. J’étais très fier. Ils me faisaient un peu rêver, ils avaient les vêtements que j’aurais aimé porté, les baskets que j’aurais aimé avoir, les motos, les voitures, tout ce qui me plaisait en fait. (…) Quand la police venait, on courrait dans tous les sens, j’avais la rage contre eux et contre ceux qui les appelaient, on ne faisait pas de mal, même si on faisait du bruit, on faisait rien d’illégal quoi, c’est comme s’ils ne voulaient pas qu’on soit là, pas qu’on existe, ils auraient voulu qu’on soit enfermés chez nous à jouer à la console peut être. Mais j’avais pas de console. »

L’incarcération de A. apparaît comme inéluctable, le parcours de celui-ci l’y mène, contrôles de police fréquents, multiplication des condamnations, rapport conflictuel avec les autorités, accumulation de contraventions, pratiques illicites… A cela s’ajoute une désillusion presque candide : « à un moment, j’ai voulu changer et travailler, mais je ne trouvais rien. Je n’avais pas de diplômes, pas de compétences. Je déposais des cv dans les boites d’intérim mais on ne m’a jamais rappelé ». Son parcours fait écho à l’approche inégalitariste décrite par Robert K. Merton à la fin des années 30. Le décalage entre les aspirations et la réussite sociale, encouragée par l’idéologie individualiste des sociétés modernes, génèrent des frustrations, le sentiment “d’injustice subie” peut être un élément déclencheur du passage à l’acte délinquant ou criminel.
E. est une femme de 42 ans à ce jour. Elle occupe avant son incarcération un poste à responsabilités, et mène une vie très classique. Elle a fait des études, est entourée d’une famille aimante :

« Je n’avais aucune prédisposition pour aller en prison, je n’ai jamais pensé à un seul instant de ma vie que j’y mettrais un jour les pieds. C’était pour moi un univers totalement étranger. J’étais une femme ordinaire, comme les autres, j’aimais les choses de mon âge, voir mes copines, faire la fête, décompresser car mon travail était un peu stressant. Je ne sais pas quoi vous dire, j’avais la vie la plus normale qu’on puisse imaginer, métro-boulot-dodo, une vie insouciante, parfaite en somme. »

W. a 36 ans aujourd’hui. Il menait avant son incarcération une vie en apparence paisible, il avait un travail de manutentionnaire et une vie de famille. Il explique qu’il a commencé tard les petits « trafics » car financièrement, il avait du mal à s’en sortir et qu’une proposition lui a été faite :

« (…) financièrement, je ne pouvais pas refuser, je savais que je prenais des risques mais j’avais pesé le pour et le contre, j’étais prêt à prendre le risque car le bénéfice me paraissait plus grand que ce que j’avais à perdre. J’ai pu bénéficier pendant quelques années de ce que je faisais et ça nous rendait la vie plus belle. On a pu notamment s’offrir une grande télé, un beau salon, partir en vacances … Plus ça marchait, plus je me sentais puissant et malin, j’avais trop confiance, du coup, j’ai pris de plus en plus de risques. L’appât du gain était trop fort, même si je savais qu’à force de jouer avec le feu, je pouvais me brûler. Je me disais que c’était le dernier coup à chaque fois. »

On constate ici une insensibilité flagrante à la fonction inhibitrice de la prison.

Situation et attitude pendant l’incarcération

A. : « Au début ça a été un peu dur, mais après je m’y suis fait. Surtout grâce à mes co (codétenus) qui m’ont bien accueilli. C’était en plus très important car au départ, je ne recevais pas d’argent, ma mère m’en voulait trop, elle a rompu la communication avec moi pendant plus de huit mois avant qu’elle ne me réponde, même si je lui écrivais souvent.».
On constate que la relation aux autres est immédiatement évoquée lorsqu’on évoque la détention, ceux avec qui la situation de détention est partagée et la famille. « Oui, je pense que les amitiés sont plus fortes dedans que dehors, parce qu’on vit la même chose, on se comprend, on reste solidaires face aux surveillants. » Cet attachements aux pairs est accentué dans le système carcéral car c’est un microcosme social. Et il se renforce dans l’opposition inhérente aux fonctionnements de la prison. « Ensemble, on arrivait à rire de ce qui nous arrive, on partageait nos histoires, on se donnait des conseils. C’était sûr qu’on se verrait une fois dehors. » Ainsi naissent les phénomènes de connexité délinquante décrits par Chantraine (2004) « qui font partie intégrante de la prison, assurent le développement de complicités délinquantes futures et l’apprentissage de techniques délinquantes. »
Pour E., le temps de détention a été très compliqué à vivre, son changement brutal de statut social, l’éloignement avec son cercle amical et familial, le caractère « accidentel » de son incarcération sont autant d’éléments qui l’ont plongée dans un état de sidération et d’injustice :

« La première année a été la plus dure, je présentais des symptômes de dépression, j’avais notamment énormément maigri. Je n’avais plus goût à rien et j’avais l’impression que je n’allais jamais sortir. Au début, j’avais aussi beaucoup d’appréhension, notamment par rapport à l’homosexualité, j’avais peur de me déshabiller. J’ai vécu ma détention comme une longue période hors du temps. J’étais extrêmement isolée et j’attendais avec impatience les visites de ma famille, même si souvent, je faisais la forte devant eux et que je pleurais une fois de retour dans ma cellule. Mon isolement et mon mutisme m’ont causé des problèmes, je me suis faite agressée et frappée plusieurs fois. Pour les autres, j’avais un comportement bizarre, je m’en foutais car quoi qu’il arrive, je ne voulais pas leur ressembler. Je ne dis pas que j’étais victime car je méritais d’être là, mais je pense que je ne méritais pas pour autant une peine aussi violente. »

W. commence à raconter sa période de détention en me racontant à quel point la religion a été salvatrice pour lui dans cet univers. Il est donc important de rappeler que la prison est un lieu « propice aux conversions religieuses, tout autant qu’au prosélytisme, notamment musulman.» (Khosrokhavar 2004, p. 165-175)  mais il est à noter que cet engagement dans la religion (pour des personnes qui étaient auparavant non-croyantes ou non pratiquantes) existe en milieu fermé depuis de longues années déjà, en témoigne la conversion, non loin d’être rare, de Verlaine au catholicisme en 1874 lors de sa détention.

Dans les médias, le phénomène de radicalisation en prison a été beaucoup relayé, notamment après que celle de Merah, Kouachi et Coulibaly, auteurs d’attentats, se soit faite durant leur détention. Ce phénomène est, par ailleurs, souvent lié à l’influence d’imams autoproclamés au sein de la communauté des détenus. Il est à noter également une disproportion dans le nombre de ministre du culte (513 ministres du culte catholique dont 181 indemnisés en 2013 contre 267 protestants dont 82 indemnisés ou 69 musulmans dont 30 indemnisés selon les statistiques de la Direction de l’administration générale et de l’équipement) ce qui rend difficile l’accès à un imam et favorise le développement de l’islamisme radical, véhiculé par des fondamentalistes prônant une revanche symbolique contre l’Occident. Ce défi pressant qu’est la lutte contre la radicalisation a donné lieu à plusieurs programmes tels que la mise en place de cinq unités de prévention. Mais faute de résultats probants, en octobre 2016, le ministre de la justice a annoncé l’abandon de ce programme phare. Celui-ci a été remplacé par des “quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER)”, à ce jour, des conclusions sont à tirer, mais il est nécessaire d’avoir du recul pour le faire. L’impact de ces dispositifs ne pourra être réellement mesuré que sur la durée. Face à cette problématique nouvelle, les aumôniers pénitentiaires, quelle que soit leur religion, se sont aussi positionnés. Pour eux, comme pour les détenus qui ont fait le choix de se tourner vers la religion, tous sont unanimes sur les raisons qui les y poussent. Tout comme le fait d’entretenir une correspondance, de pratiquer un sport ou de participer aux activités, s’inscrire dans une dimension religieuse en prison permet de recréer du lien. La solitude, les liens familiaux ébranlés, l’isolement culturel de certains détenus sont de véritables atteintes à leur identité, ils peuvent alors chercher dans la religion une « famille ». Elle apporte aussi un cadre et une structure qui sont choisis. Si cette recherche peut étonner, elle est révélatrice d’un besoin de repères à adopter de son propre chef et non imposés. Enfin, la religion répond à un besoin d’écoute, de chaleur, pour apaiser la culpabilité. Elle permet de se construire un code éthique qui n’aurait pas été acquis avant l’incarcération. Cette nouvelle identité permet de mieux supporter ses propres faiblesses.

« C’était déjà ma religion avant de rentrer en prison mais je ne la pratiquais pas. J’ai mis à profit mon temps là-bas pour lire, et ça me permettait aussi de me remettre en question plus peut être même que ma peine elle-même. Ca me permettait aussi de mieux accepter d’être enfermé. Avec l’aide de Dieu, je parvenais à ne pas me sentir trop seul dans les moments les plus durs. Je repense aux anniversaires de mes enfants. C’était très douloureux de ne pas pouvoir être auprès d’eux. Au fur et à mesure, je me sentais plus en paix avec moi-même. Attention hein, je ne suis pas en mode radicalisation tout ça, ça, c’est n’importe quoi, ça n’a rien à voir avec la religion. Tu sais, il y en a qui arrivaient et qui se convertissaient en un mois, ils voulaient surtout bénéficier de protection je pense, en tout cas, ils pensaient qu’ils seraient plus respectés s’ils faisaient ça, j’aimerais bien savoir où ils en sont aujourd’hui (Il rit) Plus sérieusement, c’est un peu comme une mode, en fait, le fait que l’Islam soit autant critiqué devient un argument pour certains pour pratiquer ou se convertir. (…) moi c’est ce qui m’a permis de ne pas me mélanger aux mauvaises personnes là-bas, je ne dis pas que c’est la solution, mais c’était la mienne en tout cas. Tu en as qui se mette à fond dans le sport, moi c’était ça mon rempart, contre la folie, contre la solitude et pour ne pas partir encore plus en vrille quand je sortirai. Et en même temps, ma compagne ne me reconnaissait plus vraiment, je ne voulais pas qu’elle porte le voile, hein, non mais écris-le, c’est important, non, en fait, j’avais d’autres préoccupations, et elle me disait durant les parloirs que je m’en fichais qu’elle soit dehors toute seule, qu’elle galère et qu’elle n’avait pas que ça à faire de prier, elle. Nos relations se sont tendues et nous avons fini par nous séparer. C’était dur, d’autant plus que je voyais moins mes enfants au parloir mais c’est comme ça. Tu sais, en général, les relations là-bas, quand il y a des peines longues, elles ne tiennent pas. En même temps, je ne peux pas lui en vouloir, si elle avait été à ma place, je ne sais pas si j’aurais fait tout ce qu’elle a fait pour moi au début, supporté ce qu’elle a supporté …(…)»

Et aujourd’hui ?

Au moment où A. a été interrogé, il portait un bracelet électronique et faisait les démarches nécessaires pour intégrer une formation. Voici ce qu’il disait alors :

« J’aurais fait n’importe quoi pour sortir mais maintenant que je suis dehors, je me dis que j’étais peut-être mieux dedans, j’avais moins de soucis et tout le monde était comme moi. Là, je me sens comme un chien en laisse avec ce bracelet, c’est la prison après la prison, Je ne sais pas si ça va marcher pour ma formation. En vrai, je m’en fous… Je la fais pour faire plaisir au SPIP, à ma mère, mais je m’en fous. Ça ne m’intéresse pas. Du coup, je vais dans mon ancien quartier, je vois mes potes, on passe la journée ensemble et je rentre quoi. C’est comme si tout ce qui se passait n’avait pas d’importance je ne sais pas si on peut comprendre ça, moi-même je ne me comprends pas. »

On percevait alors une réelle quête de sens dans l’existence de A. et le manque d’accompagnement dans la construction identitaire de cette personne avant sa mise en liberté sous condition. A l’heure où cet article est rédigé, A. a été réincarcéré après avoir à plusieurs reprises manqué à ses obligations. Ce témoignage est révélateur de la nécessité de mieux préparer certains détenus à leur libération qui peut s’avérer ne pas être évidente.
Lorsque E. est sortie de détention, elle a éprouvé beaucoup de difficultés à accepter « la peine après la peine » dans sa vie quotidienne :

« Je commence à accepter la situation, notamment grâce à l’aide d’un psychologue que je vois une fois par semaine. Mais au départ, je mettais tout en œuvre pour éviter d’y penser, d’en parler. Même au quotidien, je faisais des détours sur mes trajets pour ne pas passer devant une prison, j’évitais tout ce qui réveillait mes souvenirs, j’avais complètement arrêté de consommer certains produits qui me rappelaient que je les mangeais là-bas, je mettais toute mon énergie à essayer de ne plus y penser et c’était encore pire ».

Ces difficultés se sont aussi répercutées dans son parcours de réinsertion :

« Pendant toute ma détention que je vivais comme un cauchemar, je me disais qu’un jour, lors de ma libération, j’allais me réveiller. Mais la sortie a été toute autre, je devais repartir de zéro. Je n’avais plus de but, plus d’envie, après une phase d’euphorie d’une semaine, tout me paraissait insurmontable. Je ne pouvais pas accepter que je ne retrouverais jamais ma vie d’avant et que cette épreuve m’avait brisée pour toujours. Ma situation judiciaire était réglée mais j’étais toujours dans la culpabilité et j’avais l’impression que tout le monde me jugeait, le voyait que ma situation se lisait sur mon visage comme si le mot meurtrière était gravée sur mon front, et les cicatrices de mes mutilations accentuaient cette impression, je ne voulais plus voir personne. »

Manifestement, E. présentait alors des pensées et comportements symptomatiques de l’ESPTC (état de stress post traumatique carcéral) décrit dans le DSM 5 (Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychiatrie (APA), manuel de référence, publié par l’association américaine de psychiatrie qui décrit et classe les troubles mentaux). Il est à noter que la situation d’incarcération correspond à un choc de niveau 63 sur l’échelle Holmes et Rahe (1967) qui évalue le stress causé par la nécessité de s’adapter à un changement. Sur 40 éléments évalués, il apparaît donc en quatrième position, au même titre que la perte d’une personne très proche. On note aussi que E. a perdu confiance en elle, elle ne parle pas du jugement d’autrui mais transpose son sentiment de culpabilité dans le regard de l’autre.

« Oui, je vais mieux aujourd’hui, j’ai fait un bilan de compétences. J’ai la chance d’être bien entourée, d’avoir eu un diplôme avant ma détention, que mes parents m’hébergent. J’étais tellement détruite en sortant que je comprends à quel point ça peut être dur pour une personne libérée qui n’a pas tout ça… Je me rends compte, dans mon malheur, la chance que j’ai. Aujourd’hui, il faut bien vivre, c’est comme une nouvelle vie pour moi, et je me suis engagée à faire savoir ce qui se passe entre les murs, parce que ça ne devrait pas exister en France à notre époque. »

Le témoignage de E. est révélateur de la difficulté que peuvent éprouver certains détenus et de la scission entre l’avant et l’après l’incarcération.  
W. est sorti de détention. Ses liens avec sa famille sont aujourd’hui plus forts.

« J’ai beaucoup parlé avec ma mère à ma sortie, surtout par rapport à ses remises en question, elle avait l’impression d’avoir raté quelque chose et se disait aussi que si j’avais fait ça, c’est que je ne l’aimais pas suffisamment. On peut dire qu’on est plus proches, plus complices. Je ne la remercierais jamais assez de sa présence à mes côtés dans cette épreuve et de son courage, face au regard que nos voisins ont porté sur elle par ma faute par exemple. Je ne me suis pas remis avec ma compagne de l’époque mais on a de bons rapports, surtout pour les enfants. »

On constate que la détention impacte aussi les liens familiaux et les interactions entre les différents membres d’une famille sur le long terme.

« Je travaille, je gagne le smic mais je le gagne honnêtement et je m’en contente. Je pense que cette escalade dans les conneries devait s’arrêter et que sans ça, je n’aurais pas réussi seul. C’était cher payé cette leçon, mais c’était efficace. Je ne conseille ça à personne, parce que quoi qu’il arrive, ces années dedans, je ne les rattraperai pas. Je pense que je suis devenu plus mûr, adulte quoi, je le vois dans mon entourage, dans mon travail. Est-ce qu’on peut dire que mes valeurs ont changées ? Oui, c’est certain, il me fallait un grand coup de frein pour changer de route, j’ai fait quelques tonneaux, j’ai eu des blessures mais je suis sur la bonne voie (il sourit)».

Au-delà de la punition, la fonction de réhabilitation de la prison

Les fondements de la mise en détention reposent sur les fonctions dites traditionnelles de la peine ainsi que sur des fonctions plus contemporaines, dont fait partie la réhabilitation. Les fonctions traditionnelles correspondent en premier lieu à l’expiation et à la rétribution, on exprime ici toute la dimension morale liée à la peine. Celle-ci se doit d’être une souffrance infligée en compensation du mal causé à la société. Elle est indissociable de la notion de faute et de culpabilité.
Traditionnellement, l’enfermement a également pour fonction la dissuasion et l’intimidation. L’idée générale étant de dire que celui-ci a un pouvoir inhibiteur de nature à empêcher le passage à l’acte. Les auteurs du XIXème siècle, tels que Charles Lucas ou Tocqueville, évoquent le fait que l’individu n’est pas incarcéré pour avoir volé un cheval mais que pour d’autres chevaux ne le soient pas. Pour autant, la fonction “utile” de la peine n’est certainement que construction intellectuelle. Nous savons aujourd’hui, grâce aux études et travaux contemporains, notamment ceux du sociologue Thorsten Sellin, que la peine n’est pas dissuasive. Ce criminologue a en effet mené des travaux en comparant notamment l’Etat du Michigan où la peine de mort a été abolie en 1846 et celui de l’Illinois qui la pratique. Leurs taux d’homicides sont voisins, aucune différence significatives n’apparaît alors même que la peine capitale devrait jouer son rôle de dissuasion. On retrouve notamment le résultat de cette étude sur le site du Sénat, au sujet de la proposition de loi relative à une journée nationale pour l’abolition universelle de la peine de mort.
Une autre fonction connue de la peine est celle de la neutralisation qui consiste à empêcher le délinquant de nuire à la société en l’écartant de celle-ci. La solution de neutralisation la plus forte est l’élimination. Sa forme extrême pourrait être la peine de mort. Son objectif est de réduire la dangerosité de l’individu. Néanmoins, l’efficacité de ces mesures cesse quand elles prennent fin, il faudrait qu’elles soient à durée « éternelle » pour obtenir une certitude quant à la sécurité qu’elles apportent.
Chacune des fonctions énoncées précédemment n’apporte de solution concrète, stable et durable. Ce sont les sciences sociales du début du XXème siècle qui vont se recentrer sur l’Humain et permettre d’assigner de nouvelles fonctions à la peine, communément nommées fonctions modernes.
Marc Ancel, magistrat, théoricien du droit et auteur d’une théorie de la politique criminelle appelée « La Défense sociale nouvelle » s’est attelé à repenser tout le système pénal en s’appuyant sur la défense des droits de l’Homme et non plus sur la défense de la Société. Pour lui, la première nécessité est de faire en sorte que, socialement réinséré, le délinquant ne commette plus d’infraction. Le but est donc de lutter contre la récidive. Le respect de la loi, c’est le résultat de la socialisation de l’individu, l’idée du « vouloir vivre ensemble ».
Il est en effet impensable de ne proposer qu’un emprisonnement pour la personne et la relâcher ensuite sans suivi. Rééduquer une personne, c’est lui faire faire des stages, des formations, lui proposer des solutions pour trouver un logement, l’aider dans sa recherche de sens, l’accompagner… Dans la pratique, les moyens sont souvent trop peu importants et l’opinion publique peine à comprendre la puissance de cet outil qu’est la réinsertion. Politiquement, faire le pari de celle-ci et lui attribuer plus de moyens peut paraître risqué.
Nous pourrions donc résumer comme suit les fonctions de l’emprisonnement :
(1) Punir, et pénaliser le manquement aux règles.
(2) Protéger, en mettant à l’écart une personne pour préserver la société de celle-ci.
(3) Décourager, et créer un frein chez celui qui serait tenté de désobéir.
(4) Empêcher la fuite, en imposant à l’individu le respect des mesures prises à son encontre.
(5) Réhabiliter, en permettant au détenu de se transformer et de préparer au mieux sa nouvelle vie hors des murs, et c’est cet aspect qui va nous intéresser.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’incarcération représente un désengagement de responsabilités, une soumission à la décision d’autrui, une passivité imposée et une existante ancrée dans un univers infantilisant. Dans le même temps, il est demandé au détenu de mettre en place un projet de réinsertion. Il est pour cela accompagné par différents intervenants tels que le conseiller référent justice en mission locale, le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, des associations, etc. Toutefois, il est difficile, au sein d’un même univers, englobant qui plus est, de s’impliquer dans un projet dont on ne connaît pas les termes, et d’être pour cela acteur de son propre changement, tout en se soumettant à la conformité et la dépendance de l’institution.
Intéressons-nous spécifiquement à la réinsertion sous le regard de l’identité du détenu. Il est nécessaire qu’il parvienne à négocier avec lui-même une identité plus valorisante, celle-ci, ne pouvant prendre de sens que dans sa relation avec l’autre, se construit, selon Bajoit (2003), en trois points :
(1) L’identité désirée : ce que le détenu souhaite devenir.
(2) L’identité assignée : qui correspond aux attentes réelles ou supposées des autres à l’égard du détenu. Il s’agit d’une dimension complexe de la reconstruction identitaire, d’autant plus si l’individu est très ancré dans le groupe carcéral et encore en phase de prisonniérisation ou s’il fait un déni de reconnaissance sociale accentué par son épisode de détention.
(3) L’identité engagée : ce qu’il est vraiment.
C’est ce qu’elle appelle la gestion relationnelle de soi, dont elle propose une figure (Bajoit 2003) :

La mise en œuvre d’une stratégie identitaire, d’une reconstruction de celle-ci est possible si on réconcilie les différents niveaux de l’identité. On arrive ainsi à un sentiment d’accomplissement personnel, de congruence, de reconnaissance sociale et d’écologie.
Re-négocier avec soi-même une nouvelle identité nécessite une motivation haute et stable et un travail personnel souvent important de la part du détenu. Cela est d’autant plus vrai s’il suit ce que le « père fondateur » de l’analyse transactionnelle, Eric Berne, décrit comme le scénario de vie. Ce concept théorique décrit une trame inconsciente, suivie tout au long d’une vie. Elle se dessine avec les croyances que l’individu entretient sur lui-même, sur les autres, sur le monde mais aussi avec les messages qui lui ont été envoyés, notamment par son entourage, tout au long de sa vie. La prison étant « [… ] réservée aux « vrais délinquants », elle accélère largement un processus de désaffiliation qui prédispose ensuite au retour en prison, venant « confirmer » le diagnostic initial» (Chantraine 2003 p.381).
Le monde du travail étant de plus en plus complexe, la main d’œuvre non qualifiée est de moins en moins nécessaire. Sans diplômes ni expérience, il est de plus en plus difficile de trouver un emploi. Ainsi, un sentiment intense et partagé de victimisation et d’inaptitude au travail peut apparaître chez des anciens détenus qui ont du mal à se réinsérer professionnellement et socialement. L’envie de participer à la société de consommation et l’impossibilité réelle ou présumée d’accéder à un poste permettant un salaire à la hauteur des attentes engendre de la frustration et un sentiment d’appartenance fort à un groupe déviants « d’exclus » du système. « Le système nous rejette, alors on le rejette aussi, on a créé notre propre système dans le système » (A.).
Par ailleurs, la réinsertion est d’autant plus complexe que la plupart des anciens détenus retrouvent à leur sortie de détention leur situation de vie initiale, et dans le même temps leur positionnement identitaire initial, dégradé davantage par l’expérience carcérale. La prise de conscience individuelle et l’importance du soutien et du regard de l’autre seront donc des éléments indispensables à une reconstruction identitaire en adéquation avec les attentes de la société.

Conclusion

Cet article n’apporte qu’un éclairage, s’il permet de mieux comprendre les effets d’une incarcération il n’excuse pourtant ni les actes commis ayant menés à la situation de détention, ni les éventuelles récidives. Pour autant, s’attarder sur les phénomènes qui se mettent en place et se développent, avant, durant et après l’incarcération donne matière à un véritable travail de réflexion. La société fabrique-t-elle elle même ses propres délinquants et criminels ? Force est de constater que dans les tribunaux, souvent, les histoires se répètent, issus de milieu défavorisés, parents défaillants, sentiment d’impuissance, colère montante sont autant de signaux avant-coureurs observables chez les personnes peuplant nos prisons. C’est souvent lors de l’adolescence que la recherche d’identité et d’appartenance mène à des fréquentations socialement et professionnellement marginalisées, qui plus est lorsqu’elle est associée à la prise de substances anesthésiant des souffrances intérieures trop longtemps tues. Si un milieu complexe et une enfance abîmée ne mènent heureusement pas de manière inconditionnelle à l’incarcération, il est à rappeler que la société se doit de protéger ses citoyens, cela fait par ailleurs écho à  Beccaria, “Le moyen le plus sûr mais le plus difficile de prévenir les délits est de perfectionner l’éducation” (Des délits et des peines, p. 293) et qu’il convient à nous tous de veiller à la bonne intégration de chacun à la vie de la cité dans son sens premier et au soutien de l’ensemble des individus qui la composent. A l’instar d’Albert Camus qui, dans l’essai “Réflexion sur la guillotine”(nouvelle revue française n°54), exprime que la dissuasion ne règle rien, Denis Salas, magistrat, chercheur et auteur de “La volonté de punir : essai sur le populisme pénal” (2005) accorde une interview au journal “Le monde” en 2007 au cours de laquelle il dit “ Aujourd’hui, nous ne devons pas laisser croire que la dissuasion carcérale va réduire la criminalité. Il faut évidemment réprimer les actes, mais aussi déployer une pluralité d’initiatives pour s’attaquer aux causes de la délinquance.” Pour autant, la société ne peut-être tenue entière responsable car la prison comporte aussi des personnes aux parcours heureux, issus de milieux grandement favorisés et dont l’histoire de vie ne présente, en apparence, aucune ombre au tableau. Il existe donc bien un phénomène de transgression au sein duquel l’individu est un acteur à part entière, qu’il en ai ou non conscience, et ce, même si le choix initial de la transgression est inexpliqué. Celle-ci, peut être définie vulgairement par le fait de ne pas se conformer aux règles communes, de passer outre une limite, une loi. Cette notion, bien que relativement complexe et plurielle (en témoigne l’ouvrage lui étant dédié : “Paradoxes de la transgression” de Nicolas, Passard et Hastings (2012)) observe certaines constantes : elle est propre à l’humain, en effet, chez l’enfant ou l’adolescent, elle intervient comme une manière de construire son identité, d’expérimenter où sont les limites. Elle existe depuis la nuit des temps, que ce soit dans l’art, par exemple avec la transgression dans l’image à l’époque médiévale, dans la religion, à l’instar de Eve dans le premier chapitre de la Genèse, dans l’Histoire avec les sacrilèges, vols, viols ou combats ayant eus lieux dans les sanctuaires dans l’Antiquité (Rituels et transgressions de l’antiquité à nos jours, Hoffman et Gailliot, quatrième de couverture) … Cela démontre donc de l’importance de notre libre arbitre, de la nécessité pour chacun de croire à la vie civique et de se donner les moyens de protéger ses droits mais aussi ceux des autres. La notion de responsabilité est donc à partager, responsabilité individuelle mais aussi responsabilité de la société à l’égard de ses membre. Elles sont  donc toutes deux à pointer du doigt pour permettre de diminuer les crimes et délits.
Si ce travail est donc nécessaire en amont, il est tout aussi important de composer avec “l’après”. Se pencher sur les effets de l’incarcération sur la construction identitaire permet de visualiser un panel avec autant de réponses que de personnes détenues car chacune de ces personnes est différente. Pour autant, nous pouvons constater que la majorité des personnes interrogées et les chiffres communiqués par le Ministère de la Défense concernant la récidive (plus de 61% de personnes incarcérées dans un délais de 5 ans après leur libération) ne sont pas optimistes quant à la pertinence de la détention telle qu’elle existe actuellement pour une réintégration en conformité de la vie sociale. La question se pose donc de savoir quel est, pour les individus comme pour la société, l’objectif de la prison aujourd’hui ? Quelle fonction cherche-t-on à remplir en emprisonnant une personne ? Le psychologue Paul Watzlawick, fondateur de l’école de Palo Alto disait « Toujours plus de la même chose donne toujours plus du même résultat”.
N’est-il donc pas l’heure de mettre l’accent sur des méthodes alternatives parmis lesquelles on retrouve notamment le sursis avec mise à l’épreuve ou la semi liberté mais aussi des projets plus “utopiques” ? Pour en citer quelques uns, pensons à la ferme de Moyembrie accueillant les détenus en fin de peine et leur permettant de progressivement reprendre leurs marques, un travail, une vie sociale ou les centres pénitentiaires agricoles belges de Marneffe, Ruiselde et Hoogstraten. Nous pouvons aussi citer la prison sans barreaux sur l’île de Bastoy en Norvège ou nous inspirer du modèle carcéral suédois, permettant de fermer chaque année des prisons, et où la réhabilitation est au coeur de la politique carcérale. Les prisons ouvertes de Kolmården et Skenäs assurent six heures d’activités chaque jour à leurs détenus, travail, formations et activités éducatives et culturelles rythment les journées. Ce sont par ailleurs les prisonniers eux-même qui assurent le bon fonctionnement de l’établissement, en étant responsables de tâches telles que le ménage, la cuisine ou la maintenance. Dès leur incarcération, ils sont acteurs de leur réinsertion et sont accompagnés pour mettre en place un plan d’actions. Aujourd’hui, 6 suédois sur 10.000 sont incarcérés (contre 1 francais sur 1.000) et le taux de récidive est parmis les plus bas d’Europe puisqu’il approche les 30% soit deux fois moins que sur le territoire français. Des résultats probants qui devraient nous faire réfléchir et envisager de nouvelles perspectives. Au regard de cette dynamique axée sur l’Humain, il est important de réfléchir aux horizons que cela peut nous offrir. Ne serait-il pas l’heure de faire évoluer notre système carcéral ?


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« Les chiffres de la justice 2017 », Ministère de la Justice


Citer cet article

Hapetian L., « La construction identitaire en milieu carcéral », Revue Européenne de Coaching, Numéro 2, Avril 2017

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