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Numéro 21 05/2025 Numéros

Coacher la posture managériale au service de l’individu dans l’organisation

Cécile Muller intervient auprès des entreprises privées et organisations publiques depuis 13 ans en tant que consultante en conduite du changement et coach professionnelle certifiée depuis 2024. Responsable d’un centre d’expertise dédié au coaching, elle accompagne les individus, les équipes et les organisations dans leur transformation culturelle, métier, organisationnelle, outils (prise de poste, animation et cohésion d’équipe, changement de paradigme culturel, résistance à un changement, gestion des conflits, etc.). En tant que Senior Manager, elle encadre et accompagne également des Managers et des consultants juniors à seniors dans leur montée en compétences métier et leur trajectoire professionnelle RH. Cette connaissance fine du milieu de l’entreprise, des interactions sociales qui peuvent s’y jouer, lui permettent de proposer du coaching en tant que nouvelle dimension complémentaire afin d’accompagner plus spécifiquement les individus dans l’acceptation d’un changement souhaité ou subi, via un travail sur l’identité profonde, la posture et la communication managériale, la cohésion d’équipe et la gestion des conflits en entreprise.

Introduction

Depuis quelques années, on observe une évolution des modes de management en entreprise. La transition d’un mode de management hiérarchique vers une posture plus horizontale semble refléter la nécessité de s’adapter à une dynamique de changements rapides et imprévisibles : mondialisation, nouvelles attentes des consommateurs, émergence de nouveaux environnements et modes de travail, digitalisation, pandémie mondiale, modification du rapport au travail, arrivée des générations Y et Z sur le marché du travail, diversification des métiers. Autant de sujets qui impactent de près ou de loin l’organisation, au sens entreprise, et le Manager dans son identité profonde, dans son rôle vis-à-vis de sa direction et de son équipe ainsi que dans les défis qu’il lui faut relever. Dans ce contexte, il pourrait légitimement se sentir désorienté et se demander, quelle posture adopter, face à ces nombreuses attentes, internes comme externes. Comment accompagner un Manager dans son évolution posturale d’abord dans sa réflexion intrapsychique puis environnementale c’est-à-dire liée à l’organisation dans laquelle il évolue ?

Après avoir constaté l’évolution des modes de management et identifié les contours de la posture managériale actuelle, ses enjeux et problématiques en première partie, j’illustrerai ma vision de l’accompagnement d’un Manager autour de quatre problématiques-clés (légitimité, gestion du stress, organisation et communication).

  1. MANAGER ET POSTURE DANS L’ORGANISATION

Le terme « management » couvre autant de définitions qu’il existe aujourd’hui de Managers : à chaque époque correspondent des entreprises et leurs cultures, des modes de gestion qui influent sur l’organisation sociétale, ses besoins et ses attentes. Parce-que toute personne porte en soi des représentations et croyances, basées sur son système de valeurs, qui vont – elle aussi – influencer notre représentation du Manager, le coaching permet de prendre en compte aussi bien les personnes en tant que Manager que les systèmes humains, c’est-à-dire l’environnement dans lequel elles évoluent, travaillent et agissent.

1.1 Définition : du management au Manager

Le Larousse définit le management comme « un ensemble de techniques de direction, d’organisation et de gestion de l’entreprise », en d’autres termes, le management est un processus composé d’une multitude d’activités visant à gérer, planifier et organiser une entreprise. Le deuxième sens du terme fait référence à « l‘ensemble des dirigeants d’une entreprise », le Manager étant la personnification du management en tant que processus, il réalise l’ensemble des activités évoquées précédemment.

1.1.1 Etymologie et définition

La main qui dirige et qui fait faire : à l’origine, « management » provient du verbe italien « maneggiare » qui correspond au verbe français « manier », voire « manipuler », qui doivent tous deux leur radical au nom latin « manus » : la « main ».

De la ménagère au Manager : En vieux français, le mot se transforme en « ménager » au XVIIème siècle, on rejoint alors l’un des trois sens de « ménager » dans Le Littré « Conduire comme on conduit le ménage d’une maison, manier, diriger ».

A son retour d’Angleterre au XIXème siècle, le mot « manager » se rapproche du sens actuel de dirigeant d’entreprise, c’est-à-dire une organisation dans laquelle vivent et travaillent des hommes dans un premier temps, puis des femmes, petit à petit.

Le Manager peut donc renvoyer à deux notions étroitement liées.

  • Un métier : une place, un rôle, des attentes et objectifs au sein d’une construction sociale appelée organisation qui dispose d’une culture propre. En tant que responsables, les managers dirigent une équipe et ont un pouvoir de décision limité à leur niveau dans l’organisation, et qui dépend fortement des objectifs à atteindre fixés par le Dirigeant.
  • Une compétence : il est possible d’avoir des capacités voire des facilités en gestion humaine, en planification de projet, en organisation sans pour autant avoir le grade, le poste ou l’intitulé « Manager » dans la fonction occupée.

1.1.2 Qui sont les Managers dans l’organisation ?

D’après l’audit mené par OpinonWay – l’état de l’art du management – on compte plus de 3 000 000 de managers en France en novembre 2017 dont : 63% d’hommes, une population surreprésentée en Ile-de-France où 40% des salariés sont managers.

Manager ou Dirigeant ? Il est essentiel de faire la distinction entre ces deux postures dans l’organisation qui n’ont ni la même vocation ni les mêmes activités. Le Dirigeant est le représentant de l’organisation, il établit la stratégie de l’entreprise, a le pouvoir de décision ultime. En revanche, le Manager est celui qui met en œuvre et exécute les directives à son niveau, puis au sein de son équipe : il est un pivot nécessaire entre la strate décisionnelle, stratégique et la strate opérationnelle.

L’évolution vers le rôle de Manager : souhait ou passage obligé ? Un peu moins de la moitié des managers ont souhaité évoluer en tant que managers. Le management est aujourd’hui perçu comme une promotion, là où dans les faits, il constitue plutôt être une somme de compétences, relationnelles, humaines, de planification. Le passage au grade de Manager peut s’avérer d’autant plus compliqué s’il est subi et peut ainsi être source de questionnements.

1.2 De l’utilité du Manager dans l’organisation

1.2.1 La place du Manager dans l’organisation

Le métier de Manager prend tout son sens dans l’organisation, en tant que « système composé de personnes réunies dans un périmètre déterminé, dans une logique de moyens/d’actions/de temps ». Toute organisation se créée et se renforce autour d’une culture spécifique qui repose sur un ensemble de valeurs, de règles, de pratiques et de comportements, généralement définis et établis par la Direction. Elle va avoir des impacts :

  • sur les styles et les attendus managériaux, d’où l’intérêt en coaching, d’accompagner les individus qui doivent prendre ses postures managériales qui ne sont autres que des rôles à jouer dans une entreprise,
  • sur le niveau de collaboration et d’adhésion au projet d’entreprise, pouvant être représenté ou porté par un Manager comme le relai de la Direction, d’où l’intérêt de faire appel au coaching pour accompagner l’équipe dans l’organisation, comme un tout avançant vers un objectif commun.

L’approche systémique proposée par Mintzberg considère qu’une organisation se structure autour de 3 composantes clés, dont la répartition du pouvoir. Au sein d’une structure pyramidale, on introduit la notion de ligne hiérarchique qui nous intéresse particulièrement pour notre sujet. Elle pourrait être entendue aujourd’hui comme la ligne managériale, qui se distingue du sommet stratégique, représenté par les Dirigeants et de la base opérationnelle : les collaborateurs. La place du Manager dans l’organisation est ainsi clé car centrale, à la croisée de la stratégie d’entreprise et de l’opérationnel, il est l’intermédiaire entre le Dirigeant et les collaborateurs.

1.2.2 Le rôle et les fonctions du Manager dans l’organisation

Dans les fiches de postes managériales, on trouve souvent deux prérequis :

Le savoir-être du Manager – ce sont la posture et les comportements que l’on attend ;

Le savoir-faire du Manager – c’est le rôle au sens fonctions.

Les fonctions universelles du Manager selon Fayol : les 5 composantes de l’administration/du management sont encore largement diffusées aujourd’hui en entreprise au travers de l’acronyme PO3C :

  • la prévision ou la capacité à estimer l’activité dans le futur
  • l’organisation ou la capacité à gérer les moyens financiers et matériels ainsi que le « corps social »
  • le commandement ou la capacité à donner des directives
  • la coordination ou la capacité à créer du lien entre les différentes entités et personnes
  • le contrôle : ou la capacité à superviser, vérifier la bonne exécution des tâches

1.3 De la transformation de la posture managériale

1.3.1 De la posture « Command & control » au leadership managérial

Comme on le lit dans la Harvard Business Review « S’il est encore prématuré d’acter la fin du modèle traditionnel qui prévalait depuis l’ère industrielle, de nouvelles formes de management tendent aujourd’hui à éclore. Moins verticales, celles-ci privilégient des pratiques qui remettent l’humain au cœur de l’entreprise ».

1.3.2 Les facteurs d’évolution de la posture managériale

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce déclin progressif du modèle pyramidal ces 10 dernières années :

  1. Un nouveau rapport au travail multigénérationnel, l’arrivée sur le marché du travail des nouvelles générations faisant valoir des besoins d’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle, de liberté et de flexibilité.
  1. La crise COVID-19 et le développement du télétravail ou du travail « hybride » ont clairement marqué l’arrêt ou tout du moins le déclin de la posture hiérarchique. Ce climat d’incertitude a exacerbé les prises de consciences des salariés et le rapport de force s’est inversé.

Dans ce monde VUCA, les managers doivent faire preuve d’adaptation, d’agilité tout en étant performants et de véritables leaders pour embarquer leur équipe.

Maintenant que nous avons identifié les bases de la posture managériale, les acteurs, leurs rôles et fonctions, confirmé la place du coaching individuel dans l’accompagnement des Managers, comment allons-nous le réaliser ?

  1. COACHING DU MANAGER EN TANT QU’INDIVIDU AUTOUR DE SA POSTURE

Dans cette deuxième partie, je vous propose de me suivre dans mes accompagnements de Managers en tant qu’individus qui se représentent une posture, un rôle qu’ils jouent au sein de l’organisation. Pour illustrer notre accompagnement en tant que coach, je me suis fondée sur des phrases entendues dans mes expériences passées, des échanges passionnés et passionnants, mais aussi sur des extraits de mes séances de coaching.

2.1 Le questionnement du Manager autour de sa légitimité

2.1.1 La légitimité du Manager : entre estime de soi et confiance en soi

Qu’on soit primo-Manager ou Manager aguerri, la question de la légitimité est bien souvent au cœur des préoccupations intrapsychiques du Manager : elle repose à la fois sur des éléments extérieurs (organisation, environnement de travail, culture d’entreprise, vision de l’équipe) et intérieurs (comment je me perçois, comment je perçois ce rôle, qu’est-ce qu’on attend de cette posture, comment l’incarner ?). Ma passion pour les mots m’amène toujours à m’interroger sur leur étymologie pour en comprendre le sens premier : la légitimité vient du latin lex, qui signifie la loi. Lorsqu’on est légitime on est donc conforme à la loi, à la norme. Mais laquelle ? celle de l’organisation ? celle de son équipe ? la sienne, propre ?

Après avoir clarifié les termes de la demande du Manager, une des questions fondamentales du coach consisterait à lui demander : qu’est-ce-qui est en votre pouvoir dans cette problématique de légitimité ? Sur quoi pouvez-vous agir ? C’est le point de départ d’un travail sur soi, de la prise de conscience de ses propres fonctionnements internes (pensées – émotions) qui influent sur ses comportements (actions) et, par extension, sur l’image renvoyée aux autres. Ainsi, la légitimité du Manager est fortement liée à des notions très personnelles de représentation du rôle, de la posture, mais aussi d’estime et de confiance en soi, c’est-à-dire d’identité profonde.

« Je ne me sens pas légitime, pas à ma place en tant que responsable » / « Je ne sais pas comment m’y prendre, je ne suis pas faite pour ça » / « Je manque de confiance en moi dans ma fonction managériale » / « Je sais que je devrais tout savoir gérer mais ce n’est pas le cas, je ne suis pas à la hauteur du poste ! » / « Vais-je arriver à manager ? » / « Le costume est trop grand pour moi : je n’ai pas les épaules pour le porter » / « Les collaborateurs vont-ils me faire confiance ? » / « J’ai été promu mais je ne sais pas si je sais « faire le Manager » en réalité ».

Nous sommes ici dans des interrogations de posture du Manager qui sont directement liées à une certaine vision du monde, une construction mentale intrinsèque à un individu et qui peuvent le bloquer dans ses comportements managériaux et dans l’incarnation du rôle de Manager. Ainsi le coach pourra poser les questions-clés suivantes :

  • Comment vous représentez-vous en tant que Manager ?
  • Comment percevez-vous la représentation de votre fonction ? En général ? Et dans votre organisation ?
  • Quel temps de vie le rôle de Manager représente-t-il pour vous ?

L’estime de soi, reflet de notre positionnement au sein de l’organisation

L’estime que le Manager aura de lui-même reflètera la place qu’il s’attribuera dans les interactions sociales : ainsi un individu qui doute de sa légitimité se mettra a priori en position de retrait. Ces questions ouvrent la porte d’un axe de travail avec le coach autour de la connaissance de soi, de ses propres représentations de l’organisation et qui, telles un filtre, ternissent ou embellissent tout ce qu’il perçoit. En coaching, nous distinguons la notion d’estime de soi comme un jugement interne dans l’intériorité propre de l’individu et la confiance en soi qui, tournée vers l’extérieur, est une projection de soi, une mise en mouvement et en relation avec autrui.

2.1.2 Sur quoi le coaching va s’appuyer pour accompagner le Manager en tant qu’individu ?

Dans cette problématique de légitimité dans la posture managériale, le coach pourra explorer la représentation du rôle de Manager dans l’organisation et ce que cela génère chez l’individu, en termes de pensées, d’actions et d’émotions. Le coach pourrait ainsi travailler sur l’image que ces Managers ont d’eux, voire la représentation que les autres se font d’eux dans l’organisation (Dirigeant, équipe, RH) et en dehors (proches, famille, amis…). Pour ce faire, j’utiliserais les questionnements et outils suivants :

  1. a) Explorer le contexte et clarifier la demande

Dans l’hypothèse d’un coaching de Manager, le premier travail exploratoire consiste à clarifier la demande en demandant au Manager de préciser d’une part ce qu’il entend derrière chaque terme utilisé pour décrire son état problème, d’autre part les situations dans lesquelles intervient sa problématique.

Prenons l’exemple d’un échange avec Paris (prénom modifié), récemment nommée Manager dans son entreprise :

Paris : « J’ai été promue Manager il y a 6 mois et je ne me sens pas légitime pour ce poste ».

Coach : « Ça veut dire quoi se sentir légitime dans un poste pour vous ? »

Paris : « C’est être bien dans ses fonctions, être reconnue par les autres »

Coach : « Uniquement par les autres ? »

Paris : « Non bien sûr, c’est peut-être aussi, moi me sentir plus à ma place »

Coach : « Parce-qu’aujourd’hui, vous avez l’impression de ne pas l’être ? qu’est ce qui l’explique selon vous ? »

Paris : « Je ne sais pas. C’est nouveau pour moi, je ne sais pas « faire la Manager » En fait, c’est ça, je ne crois pas savoir faire ce qu’on attend d’une Manager ».

Coach : « Qu’attend-t-on de vous quand il s’agit de « faire la Manager » ? Et pour vous, ça veut dire quoi, concrètement ? »

Paris : « C’est difficile à expliquer : j’ai une équipe que je dois accompagner en mission, faire monter en compétence, mais aussi évaluer et contrôler donc faire preuve d’autorité tout en étant sympa parce-que je n’ai pas envie d’être tyrannique. (Silence). Or, un Manager c’est aussi être autoritaire et ça, ça me coûte ».

La légitimité telle que décrite par Paris revêt bien les deux aspects de sa définition : elle s’appuie sur des éléments extérieurs (sa représentation dans l’organisation, le regard/retour des autres) qui vont influencer des éléments internes (se sentir à sa place, les différentes parties d’elle qui « jouent » le rôle) voire créer un désalignement entre ses envies et besoins et ce qu’elle croit devoir être. Dans son questionnement, le coach prêtera une attention particulière au langage utilisé par le Manager afin de repérer, grâce au méta-modèle, toutes les distorsions, sélections, interprétations, suppositions et généralisations qui limitent la représentation du Manager. Chacun associe à un mot sa propre perception basée sur son expérience sensorielle : notre représentation du monde, des choses qui nous entourent, passe par les informations que nous envoyons à notre cerveau, via nos capteurs sensoriels, d’où l’intérêt en coaching, d’être attentif aux canaux de communication privilégiés du coaché (VAKOG : visuel, auditif, sensoriel, kinesthésique, olfactif et gustatif). Cette première expérience sensorielle constitue ce que Chomsky appelle la structure de référence. Cependant, la représentation linguistique la plus complète de notre expérience se manifeste, selon lui, au niveau de la structure profonde : elle est « liée au sens que nous donnons aux mots et notre représentation du monde ». Le fait de verbaliser l’expérience vécue nous fait changer de niveau de langage : on passe à la structure de surface ou superficielle, qui « reflète les mots que nous utilisons pour communiquer avec les autres ». Concrètement, cela signifie que pour passer du 1er niveau de langage au 2e, de l’intériorité et du vécu personnel à la verbalisation auprès d’autrui, nous transformons l’expérience, et ce, par 3 mécanismes :

  • la sélection: nous  choisissons ce que nous allons dire de notre expérience complète ou nous omettons de dire certaines choses, autrement dit, nous négligeons certains aspects du vécu : au travers de son questionnement, le coach va alors chercher ce qui ne s’exprimait pas complètement, voire pas du tout.
  • la généralisation: par ce biais, nous limitons nos représentations et notre raisonnement en créant des catégories, des vérités générales, à partir de très peu d’exemples spécifiques. Le coach sera à l’écoute de tous les expressions langagières généralisantes « tout le monde, tous, toujours, jamais » mais aussi aux règles internes que l’on s’impose « je ne peux pas, il faut que, je dois » et les jugements universaux « c’est mal/c’est bien, on ne fait/dit pas ça quand… ».
  • la distorsion : via ce processus interne, nous modifions nos représentations, nous interprétons toute information reçue (lecture de pensée), ce qui engendre potentiellement des raisonnements erronés (raccourcis, cause/effet). Le coach sera particulièrement attentif aux malformations sémantiques telles que « j’imagine que, il/elle pense que, dès que je fais cela, il se passe ceci ».

Pour comprendre la logique interne du Manager et parfois l’aider dans sa prise de conscience, le coach pourra ainsi utiliser la Boussole de Kourilsky, véritable représentation graphique du méta-modèle, afin d’identifier toutes les hypothèses, déductions, jugements, règles et interprétations. Ce sont ce que Françoise Kourilsky appelle « les réalités de 2e ordre », c’est-à-dire le sens que l’on donne à l’expérience, à un fait concret qui sont – quant à elles – des « réalités de 1er ordre », par nature inchangeables et partagées par tous. Le travail du coach consistera à poser ensuite des « questions clarifiantes », en se basant sur les critères d’analyse et de perception propres au Manager afin d’ouvrir le champ des possibles en revenant sur du factuel (Nord de la boussole).

  1. b) Comprendre ses représentations en prenant conscience de son mode de fonctionnement

La représentation ou lecture de cette carte mentale est le reflet de notre construction identitaire fondée sur nos expériences, notre éducation, notre système de valeurs, de besoins, de croyances. Ainsi, en s’appuyant sur le CVBLPE (Croyances, Valeurs, Besoins, Limites, Parasitages et Emotions), le coach pourrait ainsi montrer au Manager que son territoire est plus vaste. Son rôle pouvant être vu comme une carte des interactions et jeux sociaux dans l’organisation ne représenterait qu’une partie du territoire de son individualité.

Le CVBLPE permettrait alors d’aborder :

  • les croyances limitantes, issues de notre interprétation personnelle de nos expériences;
  • les valeurs, ce qui est important pour nous et qui déterminent le sens de nos actions/pensées et qui conditionnent aussi nos attitudes et comportements ;
  • la conscience et la satisfaction des besoins (ou leur frustration) ;
  • les limites aidantes qui agissent comme des protections vis-à-vis de nous-mêmes et des autres (lutte contre les parasitages) et les limites limitantes, issues de nos croyances et qui noircissent la perception de nos propres capacités ;
  • et enfin les émotions. Le coach aidera le Manager dans son travail d’intériorité en prenant conscience des émotions ressenties dans des situations spécifiques, lorsqu’il se sent en difficulté dans sa posture.
  1. c) Identifier le blocage et vérifier l’alignement

Dans le questionnement de la légitimité et de l’estime de soi peut apparaître le syndrome de l’imposteur. Le terme inventé en 1978 par deux psychologues américaines Pauline Rose Clance et Suzanne Imes fait référence à « une expérience interne de l’imposture intellectuelle qui semble être particulièrement répandue et intense parmi un échantillon de femmes ayant atteint un haut niveau de performance ». Qu’est-ce-qui bloque alors un individu dans son objectif, dans son rôle, sa posture managériale ? Pour l’identifier, le coach peut s’appuyer sur les niveaux logiques de conscience modélisés sous forme de pyramide par Robert Dilts, à partir des travaux de Gregory Bateson. Ce modèle pourrait ainsi permettre au Manager de comprendre son fonctionnement et d’identifier le niveau sur lequel se situe son point de blocage.

Ci-dessous mon propre questionnement à un Manager qui ne se sentirait pas légitime dans son rôle, dans sa posture au sein d’une organisation :

  • Niveau Environnement (où et quand ?) : Où êtes-vous ? Comment décririez-vous votre environnement de travail ? Que ressentez-vous dans cette organisation ?
  • Niveau Comportement (quoi ?) : Que faites-vous aujourd’hui en tant que Manager ? Quel est votre rôle vis-à-vis de votre équipe ? de votre responsable ? Comment vous affirmez-vous ? Quel est votre style managérial dans la pratique ?
  • Niveau Capacités (comment ?) : Quand vous managez, de quoi êtes-vous capables ? Quelles sont vos forces qui vous permettent de tenir ce rôle ? Que vous manque-t-il pour vous sentir plus légitime ?
  • Niveau Croyances (pourquoi ?) : Que croyez-vous au sujet des capacités précédemment citées ? Que pensez-vous de votre capacité à incarner ce rôle de Manager ? Qu’en dit votre équipe ? votre responsable ? vos proches ? En quoi est-ce important pour vous, de vous sentir légitime dans cette posture ? Qu’est-ce-que cela vous apporte concrètement ?
  • Niveau Identité (qui ?) : Qui êtes-vous quand vous êtes Manager ? Etes-vous en phase avec ce (nouveau) rôle ? Qu’est-ce-que cela signifie pour vous en tant qu’être humain ? Quelles sont vos aspirations personnelles à incarner ce Manager ?
  • Niveau Spirituel (qui d’autre ?) : Pour quoi ou qui voulez-vous êtes Manager ? Qu’est-ce-qui vous motive dans cette transition professionnelle / dans votre poste actuel ? Comment voulez-vous être perçu ? Quel impact voulez-vous avoir sur l’organisation ? votre équipe ?

2.2 La gestion du stress du Manager

2.2.1 Le Manager en constante adaptation

Le passage Manager ou les responsabilités et la charge de travail induites peuvent être une transition ou une période professionnelle génératrice de stress pour l’individu. Les problématiques d’un Manager ayant des difficultés à gérer son stress pourraient être : « Je suis stressé parce que je n’arrive pas à m’organiser et tenir les délais » / « Je m’énerve quand je suis stressée, je fais redescendre la pression sur mon équipe, ça créé des tensions entre nous ».

Dans son article, Patrick Légeron rappelle un élément-clé du stress « Il ne faut jamais oublier que la réaction de stress n’est pas pathologique en elle-même. Elle représente même un processus indispensable d’adaptation (tant biologique que psychologique) de l’individu à son environnement, quand celui-ci devient plus difficile. Le stress n’est donc pas une maladie, mais une formidable réaction de notre organisme […] pour s’adapter aux menaces et aux contraintes de notre environnement ».

2.2.2 Sur quoi le coach va s’appuyer pour l’accompagner à gérer son stress ?

En coaching individuel, le Manager peut demander être accompagné plus spécifiquement dans sa gestion quotidienne du stress.

  1. a) L’échelle du stress

Le coach commencera par demander au Manager d’évaluer son niveau de stress actuel, par exemple dans le cadre d’une prise de poste pour un primo-Manager ou dans le quotidien chargé d’un Manager en poste « Sur une échelle de 1 à 10, à combien situez-vous votre niveau de stress ? ». Par cette question, le coach amènera le Manager à s’extraire de sa situation, à prendre du recul et une distance émotionnelle : il lui demandera ensuite « De quel niveau de stress avez-vous besoin pour fonctionner ? ». L’objectif étant d’identifier les facteurs de stress ou stresseurs chez le coaché et non de creuser les effets du stress pour le coaché afin d’éviter d’augmenter son niveau de stress.

  1. b) La CMA

L’exploration contextuelle du coach peut se faire au travers de la métaphore de la bouteille ou Capacité Maximale d’Absorption. Le coach invite le Manager à dessiner une bouteille sur une feuille, qui représente le niveau de stress en réunion tel qu’il le perçoit avant de s’interroger sur le contenu de sa bouteille et la manière dont elle est compartimentée. Le coaché y positionne ses stresseurs qu’il nomme et identifie dans des couches distinctes. Après avoir une conscience plus claire de ce qui peut le stresser dans une situation particulière, le Manager pourra répondre à la question du coach « Qu’avez-vous besoin d’ôter dans cette bouteille pour redescendre au niveau optimal ? ».

  1. c) Zone d’impact / hors impact

Au-delà de la CMA, l’exploration contextuelle peut être approfondie par le coaché en classant les facteurs de stress dans des 2 zones distinctes :

  • La zone d’impact : les stresseurs sur lesquels le coaché peut agir et pour lesquels il lui appartient de réagir ou non.
  • La zone hors impact : les stresseurs qui ne dépendent pas de lui, qui sont hors d’atteinte.

A la croisée de ces deux zones, existe une zone d’influence : quand le facteur de stress ne dépend pas complètement du coaché, il ne peut pas l’éliminer mais il peut en revanche en atténuer les effets. Le coach accompagne ici le Manager à créer sa propre bulle de protection face au stress en mettant en place des actions confort. Chaque problématique liée au stress étant fondamentalement personnelle, il s’agit surtout pour le coach de proposer des outils visant à prendre du recul sur les facteurs de stress, à les analyser et les classer pour que l’individu reprenne le contrôle et puisse être autonome en situation de stress.

2.3 La maitrise de la communication, un enjeu managérial

2.3.1 La communication non violente, entre assertivité et empathie

La maitrise de la communication, qu’elle soit ascendante entre le Manager et le Dirigeant, ou descendante entre le Manager et son équipe fait également partie des attentes fortes du rôle de Manager ; en ce sens, elle constitue une problématique-clé dans le cadre du coaching, en ce qu’elle peut être perçue comme une ouverture à l’autre, en tant que réflexion interne et environnementale, c’est-à-dire dans l’organisation. Il y a des communications plus confortables que d’autres : une présentation maitrisée des objectifs atteints versus un feedback à faire à un collaborateur qui n’est pas au rendez-vous en termes d’objectifs. La communication dans la relation à l’autre peut ainsi être source de conflits ou de tensions, plus ou moins faciles à gérer pour le Manager.

Prenons l’exemple de Rome (prénom modifié : son objectif formulé était « Être en capacité de gérer une émotion pour communiquer efficacement auprès de mon équipe. Garder mon calme et communiquer sans violence ». Les rapports avec son équipe étaient « tendus, peu confortables, froids, voire houleux. Dans la détermination de l’objectif, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait deux aspects dans sa volonté de mieux communiquer :

  • Avec ses pairs et sa hiérarchie : « Je ne suis pas assez impactante, j’ai l’impression qu’on ne m’entend pas, je ne suis pas assez assertive dans mes prises de parole »
  • Avec son équipe : « Je suis trop dure avec mon équipe, je ne sais pas dire les choses calmement ni faire de feedback négatif, j’ai peur de blesser ».

On rejoint ici ce que Thomas d’Ansembourg appelle les dynamiques positives dans la relation à l’autre :

  • L’assertivité : « comment se positionner avec clarté et vigueur, sans agressivité »
  • L’empathie : « comment comprendre la position de l’autre, sans démission »

2.3.2 Sur quoi le coach va s’appuyer pour accompagner le Manager dans sa communication dans l’organisation ?

« La CNV a pour objectif la rencontre vraie avec soi et avec l’autre ». Elle présuppose donc une phase d’introspection préalable : qui suis-je en dehors de mon rôle ? pourquoi je réagis de cette façon ? qu’est-ce que ça dit de moi ? Quel est le besoin qui a causé cette émotion ?

Pour accompagner Rome dans la communication avec son équipe, qui était souvent conflictuelle, nous avons travaillé sur une autre manière de communiquer, plus apaisée avec les autres et aussi soi-même. En partant des principes théorisés par Marshall B. Rosenberg et des 4 étapes de la méthode décrite par Thomas d’Ansembourg dans Cessez d’être gentil, soyez vrai, nous avons réfléchi à la manière d’utiliser la communication non-violente pour résoudre un conflit avec un membre de son équipe. Dans ce cadre, j’ai proposé un jeu de rôles à Rome : elle était le collaborateur systématiquement en retard, nommé Berlin, et je jouais son propre rôle de Manager, en reprenant les mots qu’elle avait utilisés au début de la séance. A la fin de mon discours, j’ai demandé à Rome de me donner son sentiment sur cette courte communication : « Je l’ai vécue comme une attaque personnelle, j’ai eu l’impression d’être uniquement la cible de reproches, ce n’était pas agréable […] Ça m’a mise en colère, je n’ai pas trouvé ça juste ! ».

Le jeu de rôle proposé par le coach a ici servi à une prise de conscience de l’impact des mots et des répercussions sur l’autre et de sa responsabilité dans la relation : toute personne peut décider d’apaiser ou d’alimenter un conflit, selon la manière dont on s’adresse aux autres, dont on exprime ses émotions et ses besoins. M.B Rosenberg disait « A partir du moment où les gens parlent de leurs besoins plutôt que des torts des autres, il devient beaucoup plus facile de trouver des moyens de satisfaire tout le monde ». Après la prise de conscience, place à l’action visant à favoriser l’autonomie du coaché : nous avons échangé nos rôles. J’ai donc invité Rome à me décrire la situation comme si j’étais Berlin, de manière factuelle (Observation), c’est-à-dire en donnant des faits concrets afin d’écarter tout risque du jugement et la tentation du reproche. Puis en exprimant ce qu’elle a ressenti à ce moment précis (Emotions/Sentiments) et le Besoin qui n’avait pas été satisfait.

Rome : « La journée à l’atelier démarre à 9h et tu es arrivé à 9h30 deux fois cette semaine. Je me suis sentie agacée et perdue parce-que j’ai besoin de pouvoir compter sur mon équipe et de me savoir bien entourée pour que les produits finaux soient de qualité et que l’on respecte les délais imposés par la Direction ».

L’objectif du jeu de rôle était que Rome exprime ses émotions (le « je ressens) et les besoins (« parce-que j’ai besoin ») personnels et vis-à-vis de Berlin afin de faciliter la compréhension entre les deux parties et de l’inciter à en faire de même. Les besoins non-nourris causent des émotions chez l’individu, qui nous disent quelque chose et impactent directement nos pensées et de fait, nos comportements. La dernière étape de la communication non-violente étant d’arriver à formuler ce qu’on attend de l’autre (Demande), elle ne peut se faire que si les deux individus :

  • Sont alignés sur les faits (observation) ;
  • Ont pu exprimer de manière claire leurs ressentis et besoins respectifs.

Rome « J’aimerais que tu me préviennes si tu as du retard en période de rush, cela me permettrait de trouver une solution de repli plus rapidement ».

2.4 Entre organisation et équilibre pour une meilleure productivité

L’organisation est une des fonctions-clés du poste de Manager : il doit faire preuve d’agilité pour constamment s’adapter, revoir son organisation propre mais aussi celle de son équipe ; aussi, pourrait-on définir l’organisation dans le monde de l’entreprise comme la capacité à structurer son travail et celui de l’équipe afin d’atteindre les objectifs fixés par le Dirigeant. Concrètement, le Manager délimite les périmètres d’intervention, définit les rôles des membres de son équipe et organise leurs activités dans le temps.

2.4.1 De l’efficacité et la performance du Manager

La question de la gestion organisationnelle du Manager, mais aussi son rapport au temps peut être source d’angoisse, de difficulté à gérer son emploi du temps et les tâches qui lui incombent (réalisation d’objectifs précis et gestion humaine de son équipe notamment). Cette problématique est, selon moi, intimement liée à la gestion du stress, traitée en 2.2.

Dans le sondage Opinon Way de 2017 on lit que « le manque de temps est l’un des éléments jugés les plus frustrants par les managers (au 4ème rang) notamment dans les PME où il arrive en tête, cité par 40% des managers ». Frustrant car les journées n’étant pas extensibles, il est bien souvent difficile de savoir par où commencer : si la sursollicitation managériale peut être avérée dans certains environnements de travail, manque-t-on réellement de temps ? Dans son livre, Dream Team, Ludovic Girondon se questionne sur ce sujet dans son chapitre « Manager votre Dream Team au quotidien » : il évoque ainsi les retours, nombreux, des collaborateurs quand les points en tête-à-tête avec leur Manager sont annulés pour le motif « manque de temps » : « Les rendez-vous préparatoires à ce livre m’ont fait réaliser une chose aussi évidente que vraie : en fait, le temps, vous l’avez. Ce n’est pas un problème de temps mais de priorisation ». On en revient à la notion d’organisation personnelle du Manager qui passe par une nécessaire classification et priorisation de ces activités afin de gérer son emploi du temps, sans trop de stress, sans courir après le temps. L’organisation personnelle du Manager, mais aussi celle de son équipe, consisterait donc à mettre en place un ensemble d’action pour améliorer la productivité et l’efficacité au travail. Cependant, certains facteurs peuvent aller à l’encontre de la performance : le stress qui peut limiter les comportements humains (fuite ou désengagement, immobilité ou statuquo, mise en action par l’attaque), la surcharge de travail de laquelle peut découler un surinvestissement ou à l’inverse, un désinvestissement, la peur de ne pas être à la hauteur (syndrome de l’imposteur) mais aussi d’échouer. Cela peut notamment conduire à la procrastination, c’est-à-dire le fait de remettre à plus tard ce qui doit être fait dans la journée : dans cette hypothèse, le Manager accumule les actions dans sa « to-do list », se retrouve noyé dans son emploi du temps tout en continuant d’accepter de nouveaux RDVs, de nouvelles obligations. Cela nous interroge sur une autre problématique directement liée à la question organisationnelle : la notion d’assertivité, et la capacité à dire « non », de poser des limites pour mieux s’organiser. Pour le Manager, cela présuppose d’être en mesure de délivrer un message clair et efficace, de décrire concrètement les faits qui le font réagir, d’exprimer un ressenti de manière authentique pour finalement décrire les conséquences tangibles pour lui, dans une situation bien particulière et avec crédibilité.

2.4.2 Sur quoi le coach va s’appuyer pour accompagner le Manager dans son organisation de travail ?

  1. a) Faire un bilan avec la méthode KISS

Pour illustrer l’accompagnement de Manager ayant comme objectif de retrouver une meilleure organisation de travail pour se sentir plus serein dans son quotidien, je vous propose de suivre un échange avec Londres (prénom modifié). Suite à une promotion interne, Londres – Manager depuis 5 ans – passe Senior Manager : les attentes sont plus fortes en termes de chiffres d’affaires à réaliser et il récupère le management de deux Managers, en plus de son équipe actuelle. J’ai choisi d’utiliser la méthode KISS pour avoir une idée des éléments positifs, négatifs, à améliorer, à arrêter ou à démarrer dans son quotidien à 100 à l’heure. L’acronyme KISS signifie « Keep (garder) Improve (améliorer) Start (commencer) Stop (arrêter). En utilisant cette matrice, mon intention était triple :

  • aider Londres à se structurer cognitivement pour réaliser un bilan efficace de son organisation au travail,
  • le renforcer en lui montrant qu’il est toujours – contrairement à ce qu’il croit – quelqu’un de structuré quand il se pose les bonnes questions
  • lui permettre de prendre de la hauteur en mettant son quotidien à distance l’espace d’un instant.

En effet, la charge émotionnelle était très forte à son arrivée en séance de coaching : l’outil et le questionnement permettent une mise à distance émotionnelle et une mise en perspective de nos propres réflexions par l’effet miroir, la reformulation du coach qui incite à la prise de conscience.

En m’appuyant sur la méthode KISS, je m’en suis tenue à la traduction de chaque terme anglais correspondant aux lettres de l’acronyme, et j’ai proposé à Londres de dessiner quatre blocs sur une feuille A4 et de positionner un terme (Keep/Improve/Start/Stop) au-dessus de chaque bloc. J’ai demandé à Londres de contextualiser ses réponses au maximum, avec des exemples concrets, et d’avoir une réflexion rétrospective sur 3 à 6 mois pour affiner le bilan. Voici les questionnements que j’ai pu expérimenter pour guider sa réflexion :

  • Avec le Keep : « Qu’est-ce-qui a fonctionné au cours de ces 6 derniers mois dans votre organisation personnelle ? votre rapport au temps de travail ? / Qu’avez-vous mis en place pour vous sentir plus apaisé dans votre quotidien et que vous souhaiteriez garder pour les 6 prochains mois / Quelles sont les choses positives qui vous viennent à l’esprit en analysant votre travail, votre relation à l’équipe ? En quoi est-ce important pour vous de les maintenir ? Comment comptez-vous faire concrètement ? »
  • Avec le Improve : « Qu’est-qui selon vous nécessiterait d’être amélioré dans votre organisation ? De quoi avez-vous besoin pour le faire ? de quels moyens parle-t-on (financiers, humains, logistiques, personnels) ? Qu’est-ce-que cela changerait pour vous ? pour votre équipe ? » ;
  • Avec le Start : « Vous avez le champ libre : imaginez ce que vous pourriez changer, ce que vous souhaiteriez faire et que vous ne faisiez pas déjà ? Quelles nouvelles possibilités envisagez-vous dans votre organisation ? Vous parliez plus tôt de l’impossibilité actuelle de réfléchir ou de prendre du temps : est-ce quelque chose que vous souhaiteriez démarrer ? En voyez-vous d’autre ? »
  • Avec le Stop : « Qu’est-ce-qui n’a pas fonctionné ces derniers mois et que vous souhaiteriez définitivement abandonner ? Vous parliez tout à l’heure du temps en réunion, cela en fait-il partie ? Comment ? Est-ce envisageable et compatible avec votre rôle ? ».

Après cet exercice, Londres m’a confié avoir eu l’impression de s’auto-évaluer « un peu comme en entretien annuel », ce qui était précisément l’objectif de l’utilisation d’un tel outil. Faire un bilan, son bilan structuré, lié à une problématique spécifique d’organisation au travail. Dans ce cadre, il convient de préciser que le coach est en posture basse : il n’émet ni avis ni jugement quant aux activités de Londres. Le coach pose des questions clarifiantes qui permettent d’aller plus loin dans son bilan, en allant chercher le sens des actions, les bénéfices, les inconvénients, leur environnement afin d’avoir une approche plus systémique de la problématique organisationnelle.

  1. b) Prioriser et décider avec la matrice d’Eisenhower

En complément de ce bilan, j’ai utilisé un autre outil d’aide à la structuration cognitive mais avec une intentionnalité différente, la matrice d’Eisenhower. Nous avons identifié ce qui fonctionnait et ce que nous voulions continuer ou améliorer via le questionnement du KISS, mais pas comment faire rentrer tout cela dans l’emploi du temps de Londres, comment faire des choix-clés qui permettraient de mieux s’organiser. En effet, l’objectif de cet outil est « de nous faire gagner du temps, tout en augmentant le sens (tant la signification que la direction) de nos actions ». La matrice se fonde sur deux critères souvent confondus : l’urgence (sur l’axe vertical) et l’importance d’une tâche (sur l’axe horizontal) vis-à-vis des objectifs de l’individu, de l’équipe, de l’organisation selon le cas concerné. A partir de ces critères, et de leur position dans le schéma, j’ai questionné Londres sur les tâches précises à réaliser dans la semaine ou dans une journée de travail et qui l’empêchent d’être productif, efficace et serein. L’intentionnalité du coach ici est triple : explorer le contexte pour clarifier la situation, identifier les points de blocage rencontrés, et amener Londres à classer ses activités en 4 catégories pour prioriser son quotidien :

  • Les tâches importantes et urgentes : à traiter en priorité
  • Les tâches importantes mais non urgentes : à planifier
  • Les tâches non importantes mais urgentes : à déléguer
  • Les tâches non importantes et non urgentes : à abandonner

La posture du coach est primordiale ici. Il n’est pas consultant et ne préconise pas de faire telle ou telle chose, il n’est pas formateur et ne remplit pas la matrice à la place du coaché. Le coach est en posture basse, il accueille et rebondit sur les propos du coaché pour l’aider à la prise de conscience et la priorisation objective. Ainsi, ce n’est pas tant le contenu de la matrice qui nous importe que la façon dont le coaché réfléchit pour répondre à nos interrogations : l’objectif étant de le rendre conscient de ce qui est en son pouvoir et autonome dans son questionnement pour qu’il puisse reproduire l’exercice à l’infini. La matrice et le questionnement du coach permettent ainsi au coaché, de prioriser ses tâches, en les classant, c’est-à-dire de prendre une décision, en reprenant le contrôle sur son quotidien et d’en déduire une action (mettre en haut de la pile, planifier, déléguer, abandonner). Nous sommes bien ici dans une logique de responsabilisation, d’autonomie et de mise en action.

2.4.3 A la recherche de l’équilibre dans sa vie professionnelle

Le passage Manager, ou la promotion d’un Manager à Senior Manager est une période de transition professionnelle, qui comme tout changement, peut avoir des impacts sur l’individu et mettre en difficulté un équilibre professionnel existant et l’harmonie globale qui en découle. Comme nous l’avons déjà évoqué dans le 2.1 autour du travail sur l’identité profonde du Manager, si le changement est extérieur, la transition, elle, est bien intérieure. Selon l’approche de la systémique, le changement de type 1 est homéostasique, c’est-à-dire qu’il ne modifie pas les paramètres du système, « c’est un changement de façade » qui peut toutefois amener à une modification de l’environnement de l’individu, ses comportements et capacités. En revanche, un changement de type 2 s’apparente à une « transformation du système », un changement de paradigme ou identitaire qui influe de facto sur les croyances, les valeurs, l’identité mais aussi le sens d’une vie pour un individu.

Un processus de changement commence nécessairement par la fin de quelque chose, dans les cas de notre mémoire, la fin du rôle de collaborateur ou de Manager pour passer respectivement Manager et Senior Manager. Il se découpe en 2 temps :

  • Désengagement ou désidentification : on part du principe que plus la personne est investie dans sa fonction, plus cela sera difficile de se détacher de son ancienne identité, qui constitue encore un obstacle à sa transition vers le rôle de Manager.
  • Désorientation ou désenchantement : l’individu est en capacité de tourner la page de son ancienne vie/son ancien rôle mais il lui manque toutefois le cap, le sens qu’il souhaite lui donner, par exemple Londres dans son passage de grade a des difficultés à mettre de l’ordre, de l’organisation dans son nouveau quotidien, mais qui commence à voir qu’il peut y faire quelque chose.

Il me semblait intéressant de terminer cette sous-partie sur l’organisation du Manager avec une notion d’équilibre et d’harmonie qui nous amène à réfléchir au caractère systémique de la transition pour l’individu. Comme le disait Frédéric Hudson dans The Handbook of coaching « Le changement est permanent, ceux qui seront capables de résister le mieux dans ce contexte de changement permanent sont ceux qui pourront s’appuyer sur des valeurs essentielles solides et sur un sens de la vie sain. ». Le travail sur l’organisation nous permet de résoudre des difficultés du quotidien professionnel par de l’exploration contextuelle, ce qui permettrait au coach de démarrer un travail sur le CVBLPE. En complément, le coach pourrait questionner l’équilibre global de l’individu dans le cadre de sa transition professionnelle (type 2) : impacte-t-elle ses autres domaines de vie ? sa perception de ses propres capacités ? son identité ?

CONCLUSION

Dans ce mémoire, je vous ai présenté ma vision de l’accompagnement individuel du Manager. Le cheminement de ma réflexion m’amène désormais à penser qu’il n’existe pas un mais des Managers dans l’organisation. Et que si l’intitulé du poste décrit bien un rôle à jouer dans l’entreprise, le costume et l’interprétation sont en réalité propres à chaque individu, en ce qu’il est un être unique, doté de sa représentation du monde basée sur son système de valeurs et de croyances. Ainsi, il n’y a pas d’outil ou de démarche « miracles » que l’on pourrait appliquer à chaque fois dans du coaching managérial ; c’est précisément ce que le coaching nous permet d’entrevoir : la pluralité des situations, des contextes, des identités, des femmes et des hommes qui composent notre monde.

J’ai pris le parti de me concentrer uniquement sur 4 grandes problématiques :

– Retrouver sa légitimité en (re)définissant son identité ;

– Réduire son stress par la mise à distance émotionnelle ;

– Maitriser sa communication pour avoir de l’impact positif et résoudre les conflits ;

– Gérer son temps et son organisation pour plus de performance et d’équilibre.

Je n’ai pas la prétention d’avoir été exhaustive dans les situations managériales évoquées et dans les outils utilisés pour aider le coaché à y répondre ; ce sont les limites principales que je verrais à mon mémoire. Je les ai – en effet – choisis, volontairement, par mon retour d’expérience dans ce métier, par les demandes et objectifs qui m’ont été formulés dans mes processus de coaching durant la formation et qui ont véritablement nourri ma réflexion et, par là même, la rédaction de ce mémoire. Aussi, j’ai prêté une attention particulière à la posture et à l’intentionnalité du coach, en me demandant assise sur mon « petit vélo », si j’étais en posture basse, en accueil et rebond des propos du coaché, authentique et bienveillante et pour quel bénéfice j’utilisais un outil plutôt qu’un autre : jamais pour moi, toujours pour le coaché. Chaque outil est donc une suggestion personnelle répondant d’une part, à une intention du coach qui ne saurait être la seule façon de voir les choses, d’autre part à l’objectif de moyens (et non de résultat) que nous devons à nos clients dans le cadre de notre rapport collaboratif.

Mon choix de sujet n’était pas anodin : il m’a amenée à une réflexion plus personnelle sur ce poste de Manager que j’occupe depuis quelques années puis son mon passage, récent, au grade supérieur. Au travers de ce travail, j’ai notamment approfondi les notions d’estime et de confiance en moi, comprenant à quel point elles étaient conditionnées par mes croyances et perceptions du monde.

            Enfin, pendant ces quelques semaines, je me suis concentrée sur le coaching managérial au service de l’individu dans un rôle bien particulier ; dans un prochaine réflexion – qui constituait initialement ma 3e partie mais qui méritait, à mon sens, un mémoire à part entière – on aurait pu se demander cette fois comment le coaching managérial pourrait être utilisé au bénéfice d’une équipe. Ainsi un Manager, en tant qu’animateur d’une équipe, pourrait nous solliciter pour des problématiques de gestion des conflits et des tensions au sein de l’équipe, de cohésion et de la collaboration, de motivation et d’engagement vers un objectif commun. Comment le coaching collectif pourrait-il répondre à ces demandes, en prenant en compte le fonctionnement de l’équipe, comme un tout, au sein de l’organisation ? Sur quels outils et démarches le coach peut-il s’appuyer pour observer les phénomènes et dynamique d’équipe ?

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Graphiques

 

  • Fig 1 – L’approche systémique de Mintzberg – les 5 éléments de base d’une organisation

  • Fig 2 – La boussole du langage de Françoise Kourilsky dans Du désir au plaisir de changer

  • Fig 3 – Modèles des niveaux logiques de R.Dilts

  • Fig 4 – Gestion du stress – la zone d’impact/hors impact

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