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Numéro 6 05/2018 Numéros

Etats de présence poétique : performance, émotion et neurocognition

Diego Torraca et Gustavo Sol échangent autour des émotions et des neurosciences : La classification des émotions au sein d’une culture est en elle-même problématique, dans le sens où nous nommons des concepts généraux, des affections qui sont d’ordre extrêmement intimes. Quand nous parlons de neuroscience, le problème est encore plus profond : nous tentons de traduire en numéros et graphiques des émotions singulières et complexes.

Gustavo Sol
Première publication le 03/05/2018 – Entretien mené par Diego Torraca. Traduction du portugais au français par Jahdde Ben Amar et Diego Torraca


Pourriez-vous faire une présentation générale du travail de recherche développé dans le cadre de votre doctorat ?
Pendant mon doctorat, j’ai étudié la notion d’états de présences poétiques à travers le principe de la neurocomputation. J’ai utilisé un appareil d’électroencéphalographie (EEG) qui mesure différents états neurophysiologiques, un oxymètre basé sur Arduino pour avoir accès à la fréquence cardiaque, et des algorithmes d’intelligence artificielle pour analyser et classifier les données selon l’existence des possibles standards neurophysiologiques implicites dans les processus créatifs et scènes qui sont basées sur différents principes généalogiques performatifs.
Cette recherche a été reçue par l’ECA/USP (Brésil) où j’ai eu le plaisir d’être dirigé par le Professeur Luiz Fernando Ramos et d’être financé par une bourse du CAPES, au Brésil et en France, à l’Université Paul-Valery III à Montpellier. Dans cette université, j’ai été dirigé par les Professeurs Laurent Berger et Gabriele Sofia et travaillé dans le contexte du groupe RIRRA21, qui développe des études autour de la culture contemporaine et qui est coordonné par le Professeur Marie-Eve Thèrenty et par le Professeur Philipe Goddard. Toujours en France, j’ai eu l’opportunité de travailler avec Daniel Romero, musicien et artiste multimédia, directeur du Département d’Art et Technologie du hTh – Humain Trop Humain, à Montpellier. En outre, j’ai été dirigé par des chercheurs de l’équipe du Docteur Thomas Grunwald, du Centre d’Epilepsie Suisse, basé à Zurich, à propos de la neurophysiologie et des particularités de l’analyse des ondes cérébrales à travers l’EEG.
J’ai utilisé un EEG commercial de faible résolution qui mesure des expressions faciales, des états émotionnels, et des standards neuraux intentionnels, associé à des logiciels de computation orienté par des objets pour intéragir avec des vidéos et des sons en direct dans une performance scénique nommée Objeto Descontínuo (2013).
Dans ce travail, les états émotionnels, les standards neuraux intentionnels et les expressions faciales sont connectés directement à des qualités comme la luminosité ou la vitesse des échantillons de vidéos et des sons qui répondent aux fluctuations de ces états qui apparaissent grâce aux différentes procédures créatives que j’utilise à chaque moment de la performance. Au fur et à mesure que l’audiovisuel se modifie et devient quelque chose d’autre, je me sens touché émotionnellement, car ces matériaux sont inspirés par une espèce d’ethnographie et de biographie fictionnelles. Ma mémoire, ma prise d’attention et mes émotions réagissent à tout cela en m’inspirant et en changeant une fois encore mes états émotionnels, dans un jeu des nuances plus au moins prévisibles, qui dépend de ce système de feedback sensoriel.
Mon hypothèse initiale, et ma conviction, est qu’en tant qu’artistes performatifs, nous sommes détenteurs de connaissances millénaires qui permettent de créer une interaction entre nous et le monde, en utilisant notamment la mémoire et l’attention aux choses de manière spécifique et ciblée. Je crois depuis toujours que les entraînements auxquels nous nous soumettons dans le cadre de la pratique de notre art, ainsi que les techniques que nous créons pour différents contextes artistiques, nous permettent de créer des états neurophysiologiques particuliers pouvant être décrits sous la forme de généalogies esthétiques. Si cela est vrai, et si de tels états sont susceptibles d’être captés à travers l’EEG, il serait tout à fait possible de les organiser selon différents principes scénographiques, où chaque scène serait un jeu autour duquel des principes esthétiques déterminés pourraient refléter une espèce de dramaturgie d’états.
En outre, s’il était possible d’observer de tels états poétiques sous la forme de standards numériques, il serait également possible de les visualiser et de les étudier d’une autre façon, cette fois-ci en dehors de la scène. Il est fort probable que cela nous dévoilerait d’autres éléments que nous ne pouvons pas saisir en analysant la performance en direct et à l’œil nu, même si ce rapport direct à l’art et à la performance artistique en particulier est considéré comme l’un de ses fondements.
La première chose essentielle dans cette démarche est l’abandon de termes techniques tels que les « états neurophysiologiques », en faveur de termes plus littéraires tels qu’« états de présence poétique », car, dans ce cas, notre objet est précisé d’avantage.
La seconde chose essentielle à remarquer est que cette démarche ouvre la possibilité de réfléchir sur des relations grammaticales qui surgissent à partir de ces états standardisés. Par exemple, lors de l’utilisation de l’EEG et de l’oxymètre dans les exercices, dans les processus et dans les scènes organisées d’une telle façon à représenter quatre généalogies poétiques distinctes, l’ordinateur enregistrait les données biométriques. Ensuite, à travers une interface que j’ai dessinée pour étudier et classifier les généalogies poétiques grâce à l’intelligence artificielle, l’ordinateur a été programmé pour pouvoir analyser les données et identifier de possibles groupes généalogiques implicites (que l’on appelle également des variables latentes en psychologie). Le résultat nous a montré que, en utilisant ces standards d’états, l’interface a identifié quatre généalogies poétiques distinctes pendant la performance qui consistait en différentes scènes et exercices théâtraux. En outre, à partir de ces quatre états fondamentaux, l’interface a identifié chaque généalogie par rapports aux autres.
J’ai appelé ce processus la Grammaire Opérative d’Etats. Cette grammaire nous montre que les artistes performeurs savent opérer les rapports entre le corps et l’esprit à partir de principes neurophysiologiques qui sont accessibles de façon plus ou moins indirecte. Cette accessibilité, et les chemins pour y accéder, sont exactement ce que nous appelons performance. Et ces standards opérationnels que nous identifions sont ce que nous appelons les généalogies poétiques.
Dès le départ de la construction de la performance Objeto Descontínuo, il me semblait que cette identification a posteriori de ces standards était probable, puisque les données de l’EEG montraient en effet des répétitions. Cet œuvre est un work in progress, mais au départ les données avaient encore beaucoup de « bruit », donc mes conclusions étaient très intuitives, basées réellement sur ma large expérience en tant qu’acteur, professeur, préparateur et metteur en scène, mais aussi basées sur l’observation du public. Cependant, comme dans la performance Objeto Descontínuo les vidéos et les sons répondent directement aux variations de mes états capturés par l’EEG, il y avait beaucoup de changements non intentionnels qui portaient atteinte aux approches plus théâtrales, dans lesquelles il était nécessaire de créer des mouvements dramatiques de suspension ou de courbe de conflit, par exemple, qui sont des mouvements de changement de sens, dépendants d’une prévisibilité plus importante des états.
A partir de cette expérience, j’ai remarqué qu’il y avait un processus de court-circuit entre ma perception et l’ordinateur. Les données saisies par l’EGG qui déclenchaient les modifications dans les vidéos et sons se comportaient différemment lors de la performance en direct par rapport à ce qui était programmé auparavant pendant les répétitions. Les états ne perdaient pas ces standards, mais ils avaient une durée plus courte et étaient plus susceptibles de disparaître. J’ai donc remarqué que l’EEG enregistrait un changement dans mon état dû au stress de la performance en direct. Le problème est que dans le théâtre, sans qu’il y ait la possibilité de visualisation des états émotionnels de l’acteur à travers les graphiques, le public ne s’aperçoit pas de cette différence, et cela pour plusieurs raisons.
D’un côté, le public n’a pas assisté aux répétitions, donc il ne possède pas de données lui permettant de comparer. D’un autre côté, les entraînements théâtraux enseignent aux professionnels à encadrer la pression du direct selon la forme de l’intensité de l’action et le rapport entre les personnages. C’est notamment ce que montre Eli Konijn (2000). En ce sens, la technologie neurale « démasque » la représentation, qui est un processus flexible maîtrisé par les artistes expérimentés devant le public. Ce fait m’a obligé à développer un outil digital qui permet à l’ordinateur de répondre en direct à mes états, différemment de la façon par laquelle il répondait lors des répétitions. C’est-à-dire que l’ordinateur a été capable de s’adapter à la nature singulière du flux d’états poétiques dû à la pression émotionnelle et du stress de la performance en direct. A travers ce nouvel outil, l’ordinateur a commencé à réagir de façon beaucoup plus organique, en étant plus connecté aux flux émotionnels induits par la situation scénique. Ce changement a été tellement profond lors de l’interaction, et son interférence dans la dimension de la dramaturgie tellement belle, que j’ai décidé de nommer ce mécanisme digital Acteur Virtuel.
Au fond, ce mécanisme nous montre l’existence et le fonctionnement de ce qui a été développé par le philosophe français Dennis Diderot (1713-1784) dans le Paradoxe sur le comédien, à partir de 1733. En lignes générales, Diderot affirme que le bon comédien doit maîtriser ses émotions, sans les ressentir véritablement, pour que le public puisse s’émouvoir. Pour Diderot, les émotions rendent plus difficile la maîtrise des gestes et des expressions. Ce problème est fondamental pour le théâtre, et il a été débattu dès cette époque par tous les grands penseurs, artistes et pédagogues. Konijn a un très beau travail sur cette question. Mon humble apport, je le crois, est celui de montrer que cette question n’est pas exactement importante parce que les émotions ont un statut majeur dans le théâtre, puisque ce ne sont pas tous les genres de théâtre qui se fondent sur les émotions, mais celui de montrer que les émotions touchent plus précisément au problème de la conscience. La résolution de ce problème me semble beaucoup plus compliqué d’un point de vue épistémologique que d’un point de vue théâtral. Ce que je propose c’est que l’émotion et ses possibles corrélations avec l’action, les gestes et l’expérience, sont les moyens que le théâtre, les arts du spectacle et les performances utilisent pour discuter d’un problème plus profond : celui de l’émergence de la conscience.
A la fin de la recherche, afin de vérifier si les données et les normes d’état pouvaient, en fait, être représentées de manières différentes, j’ai imprimé dans la forme d’un objet en 3D la matrice de données que l’ordinateur utilise pour évaluer les qualités et états de présence. Dans cet objet il est possible d’observer différentes organisations de données qui reflètent la généalogie performative. Cet objet est également une provocation qui consiste à demander à ce que l’expérience d’interaction avec lui soit considérée en elle-même comme la performance poétique fondamentale. En référence à l’artiste brésilienne Lygia Clark (1920-1988) et ses Bichos (bêtes), les Parangolès de Hélio Oiticica et l’artiste allemand Oskar Fischinger (1900-1967) et ses Klingende Ornamente (Ornements Sonores, 1932 – une des premières expériences de transcodage de langage multimédia en utilisant les visuels de données sonores dans une forme de normes visuelles), une fois de plus je m’accomplis dans l’effort de la personne qui interagit avec l’objet et accomplit lui-même sa performance en voyant ses états incarnés dans une autre matérialité, dans un autre corps.
Cette recherche est un approfondissement et une continuation des études faites autour de ce thème depuis 1944, et elle n’a fait que changer le nom des états altérés de conscience en états de présences poétiques que les gens ont commencé à comprendre et à mieux accepter. Cela révèle combien le problème de la conscience est distant et difficile à aborder dans nos sociétés. Et quand le thème est mêlé à d’autres domaines de la science et de la technologie, les réactions contraires sont encore plus fortes. Même dans les arts. Après des années de travail et beaucoup d’aide, les hypothèses ont commencé à se confirmer, et aussi sceptique que l’on puisse être concernant l’utilisation de ce type de technologie pour observer les états créatifs, les nouvelles formes de créations, de communication et de conscience, je crois que cette série d’expériences en plus de l’œuvre Objeto discontinuo sont, au minimum, une avancée conceptuelle.
Les états de présence poétique semblent être le résultat à la fois d’un récit émotionnel crée précédemment par l’acteur mais également le résultat de toutes les influences que celui-ci reçoit durant sa performance en direct. Ces états sont traduits par des graphiques numériques qui ont été spécialement conçus pour exprimer ceux-ci dans un langage informatique. Pourriez-vous expliquer quels critères ont été retenus pour identifier et classer ces généalogies poétiques à travers les interfaces ?
L’équipement EEG que j’ai utilisé réalise ses propres évaluations et classifications d’états avec différents noms (émotions, états cognitifs et expressions faciales). La société qui fabrique cet équipement ne divulgue pas plus de détails, mais ils affirment utiliser des algorithmes connus, ce qui inclut une intelligence artificielle pour calculer le pourcentage de bandes de fréquence et leurs occurrences en accord avec la neuroanatomie générale. Par exemple, certaines intensités de fréquences enregistrées dans différents cadrants cérébraux peuvent signifier des états majeurs ou mineurs d’excitation et des émotions positives ou négatives. Ils indiquent qu’ils ont enregistré différents types de signaux physiologiques simultanément dans diverses situations contrôlées, créant une base de données utilisée pour la comparaison et la classification. Mais même si la captation multimodale est idéale pour la performance, cette base de données ne semble pas prendre en considération les performances poétiques et la logique des généalogies dont nous parlions tout à l’heure. Ma contribution a été de commencer à créer ce processus.
Pour cela, j’ai utilisé les classifications de l’EEG comme modèles généraux et ajouté des données enregistrées à partir d’un oxymètre, mesurant la fréquence cardiaque sur quatre séries différentes d’états poétiques, structurant une base de données qui reflète les nécessités et singularités des recherches et des créations dans les arts performatifs.
Chaque ensemble de procédures a été élaboré pour créer un état déterminé de présence qui correspond à un croisement de différentes dimensions de la performativité. J’ai fait et répété les procédures tout en enregistrant les données, et les ai envoyées à un algorithme d’intelligence artificielle connu sous le nom de réseau de neurone artificiel qui est un réseau multicouche composé de neurones artificielles qui simulent des neurones biologiques dans certaines de leurs activités fondamentales. Ce qui est simulé est parexemple la capacité de calcul des neurones pour traiter les stimuli, ainsi que l’auto-organisation à partir de modèles implicites de ces stimuli. Au cours de ces répétitions je disais au réseau : « Ceci est l’ensemble de données correspondant à l’état 1. Et ceci à l’état 2. » Et ainsi de suite, de façon à ce que l’interface reçoivent déjà les données préalablement sélectionnées. A partir de la récurrence de ce processus, le réseau va s’auto-organiser de manière dynamique, en fonction des standards implicites dont nous parlions tout à l’heure. En d’autres termes, c’est une association entre l’artiste/chercheur et une intelligence artificielle : je lui indique ce qu’elle doit considérer comme un état en me basant sur ce que nous savons déjà sur la performativité, et elle s’organise en fonction des schémas qu’elle rencontre. Mais pour être sûre, il lui faut être configurée correctement et là réside le secret du travail réalisé sur le terrain.
La matrice de valeurs enregistrée avec ces formations – la mémoire utilisée par le réseau pour la classification des états – a été organisée en suivant un continuum entre des aspects plus ou moins volontaires de performance. En plus de l’ordre des états ils représentent un continuum entre l’art performance et la représentation, étant donné que ceux-ci sont la base de notre savoir poétique. Au lieu de filtrer les activations musculaires, comme cela serait attendu pour une chirurgie cérébrale, j’ai décidé de les assumer, corroborant l’important effort durant le XXème siècle pour reconnaître le corps et ses relations avec le monde comme des fondamentaux de la performance, en considérant ces travaux, il aurait été imprécis d’effectuer une recherche neurophysiologique informatique de la performance d’une autre manière.
L’algorithme effectue une analyse aléatoire de ces données à partir des occurrences d’activations qu’ils présentent dans diverses répétitions des procédés et compare ces analyses à partir de cette base de données. Dans la mesure où je répète les mêmes procédures et leur donne les mêmes noms, la probabilité d’activation entre les neurones artificiels est en train de changer car, brièvement, une paire de neurones qui a été activée dans le passé avec un ensemble de données déterminées a une probabilité plus importante d’être activée dans le futur – dans le cas où un ensemble de données similaires est présenté à nouveau (étant donné, comme nous le disions tout à l’heure, que c’est un processus dynamique et auto-apprenant). Ainsi, le réseau s’organise seul à partir des modèles inhérents aux données. Les connexions internes se spécialisent dans la reconnexion des modèles/normes.
En outre, j’ai utilisé mes propres sensations en rapport avec des états spécifiques, car ce critère (le témoignage) est également important dans la science des émotions autant qu’il est largement utilisé dans l’art. Mon rôle, en grande partie, est également de présenter au réseau des données similaires, ce qui exige une certaine cohérence dans la reconstruction de ces états. C’est pourquoi le réseau et moi-même sommes formés à nous reconnaître. C’est un jeu. Ainsi, lorsque je fais une scène complètement nouvelle basée sur cette notion d’états, le réseau identifie les données enregistrées en direct, et il les met en perspective avec les pourcentages d’états qu’il a mesuré durant les entraînements.
La classification des émotions au sein d’une culture est en elle-même problématique, dans le sens où nous nommons des concepts généraux, des affections qui sont d’ordre extrêmement intimes. Quand nous parlons de neuroscience, le problème est encore plus profond : nous tentons de traduire en numéros et graphiques des émotions singulières et complexes. A quel point ce modèle neuro-conceptuel est fidèle à cette singularité des émotions individuelles ? Dans le cadre de votre recherche, ces modèles sont-ils propres à chaque performeur ?
Des discussions importantes sont en cours afin de déterminer quelles sont les émotions fondamentales et quelles sont celles qui varient en fonction des cultures ou des individus. Il est nécessaire de dépasser ce que j’ai appelé la singularité gênante : un paradigme qui imagine que les expériences subjectives de chacun sont si singulières qu’elles seraient impossible à généraliser méthodologiquement. Cela reflète la prérogative que les émotions dérivent de zones corticales responsables des sensations corporelles et que, par conséquent, les structures pré-cortes , comme la colonne et le tronc cérébral n’auraient pas de fonctions physiologiques.
Mais selon Neurociência Afetiva, les émotions basiques sont connues au moyen d’une série d’activations dans des zones spécifiques du système nerveux central étant, à la fois, cause et conséquence des modifications du système périphérique. Elles sont également décrites selon des combinaisons de valences positives et négatives qui réveillent dans l’organisme des tendances à se rapprocher ou s’éloigner de la source de stimulation. C’est commun à tous les mammifères et oiseaux étudiés jusqu’aujourd’hui et ne représente pas ce que les gens pensent ou ressentent. Entre autres choses à considérer, il y a encore des différences entre l’expression culturelle des émotions, qui implique la reconnaissance des accords symboliques collectifs et l’expérience émotionnelle – qui peut ne pas correspondre à cela – et, jusqu’à très récemment, beaucoup d’études ont confondu ces deux aspects en fonctions des approches méthodologiques avec des observations presque exclusivement comportementales.
En ce sens, je ne classifie pas les émotions en fonction d’expressions culturelles préconstruites, mais en fonction d’états pensés dans le cadre de cette recherche, et que j’évoquais tout à l’heure. Ce que j’ai fait, c’est que j’ai organisé l’expérience de construction des états que l’on connait dans le champ poétique, ce qui inclut émotions et aspects généalogiques culturels, en utilisant la technologie afin de suivre les fluctuations électriques et physiologiques. Ces données ont été analysées grâce à un type d’intelligence artificielle qui s’organise en fonction de la progression des expériences, qui sont des algorithmes d’apprentissage. De cette façon, elle classe les modèles en reflétant les répétitions des états qui dérivent des exercices poétiques et théâtraux. Ces apprentissages et entraînements sont plutôt individuels car l’algorithme se spécialise dans le comportement et les fluctuations qu’il reçoit de la personne, tout comme la personne change également en fonction des réponses de la machine. L’un s’organise en fonction de l’autre dans un processus co-adaptif. C’est cela qui rend l’expérience unique et me donne l’impression qu’il y a écoute et communication, dans un sens très spécial. Et plus la base de données est cohérente, plus il y a de possibilités de décrire les aspects généraux de la performance. Il y a probablement une limite, mais si quelqu’un d’autre respecte ces paramètres de recherche, tout indique qu’il sera capable de classifier ces états et de sentir que l’expérience est très particulière.
Et le plus important : sans perdre la connexion avec toutes ces dimensions historiques, culturelles, généalogiques, neurophysiologique et informatiques qui, d’une certaine façon, rendent les états poétiques collectifs. Ils sont appelés ainsi car les comprendre, même informatiquement, implique de considérer toutes ces dimensions et leurs relations intrinsèques, y compris la sensation de singularité. L’idée centrale n’a jamais été de décrire et classifier ce que nous ressentons, mais de comprendre certains processus fondamentaux qui s’activent en nous lorsque nous sommes en représentation et desquels nous savons peu de chose par des expériences directes de biométrie de mesure, en plus de construire des outils dramaturgiques basés sur ces procédés.
C’est un sujet qui a beaucoup éveillé l’intérêt international, mais qui nécessite plus d’investissement afin de franchir les différentes dimensions de l’expérience poétique qui aident à construire l’idée d’état.
 

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