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Numéro 19 09/2024

Le Pouvoir des Récits – L’Impact transformateur des histoires en Coaching

 Mathilde Loing 

Coach professionnelle et Conteuse transformatrice

Après 35 ans de direction d’équipes dans des sociétés internationales de restauration et de services, j’ai réorienté ma carrière pour accompagner ceux qui souhaitent exceller et embellir leur vie. Forte d’une riche expérience en développement personnel et certifiée en PNL, coaching professionnel et hypnose Ericksonnienne, j’utilise aujourd’hui le pouvoir des histoires pour guider mes clients vers leur propre légende personnelle.Connue aussi sous le nom de « La Contesse », je suis passionnée par le pouvoir transformateur des récits. Créatrice du podcast « Legendist », je combine mes compétences en coaching avec l’art du conte pour aider mes clients à dépasser leurs limites, stimuler leur motivation et atteindre leurs objectifs.Spécialisée dans le renforcement de l’assertivité, le développement de la confiance en soi et l’accompagnement de porteurs de projets, je crois fermement que chacun possède un « Legendist » intérieur, une source de sagesse et d’inspiration unique. Mon approche vise à révéler ce potentiel et à guider mes clients vers la concrétisation de leurs aspirations les plus importantes.

https://www.legendist.eu/

Introduction

Connaissez-vous Nasrudin ? C’est un personnage oriental haut en couleur, tantôt fou, tantôt sage, que vous pourrez rencontrer dans de nombreuses histoires.

En voici une :

Nasrudin, par une nuit noire, cherche quelque chose par terre à la clarté d’un réverbère. Son voisin passant par-là lui demande : Que cherches-tu Nasrudin ?

(Nasrudin) « Je cherche mes clés, pas moyen de mettre la main dessus. ». Le voisin se met à chercher également, sans succès. Après un moment, découragé, il demande : « c’est vraiment ici que tu as perdu tes clés ? »

(Nasrudin) « Non, je les ai perdues chez moi. ». Le voisin, interloqué par cette réponse lui réplique : « Mais enfin Nasrudin, pourquoi les chercher ici alors ? »

(Nasrudin) « C’est parce qu’ici, il y a de la lumière… »

Cette histoire, sous une forme anodine, ne s’adresse PAS à notre esprit cartésien, MAIS à une partie plus inconsciente, intuitive et imaginative.

En coaching, quand un client vient nous voir avec sa demande, souvent il a déjà essayé plusieurs choses pour « trouver la clé » du changement. Est-ce que lui aussi l’a cherchée dans la lumière de sa zone de confort, avec les mêmes stratégies depuis des années ? Et MAINTENANT, est ce qu’il est prêt à chercher ailleurs, avec nous comme coach pour l’accompagner ? Et est-ce que c’est « en rentrant chez lui », en cherchant à l’intérieur, en allant explorer ses croyances, ses valeurs, ses besoins, ses peurs aussi, comme des clés qui l’attendent dans l’ombre…

J’ai toujours adoré les histoires et j’aime les conter, dans le cadre de ma pratique de coaching ou en dehors, et j’observe à quel point elles peuvent nous donner des clés pour comprendre le monde et nous comprendre nous-mêmes.

 

Mon intention pour cet article est dans une première partie de comprendre en quoi certaines histoires sont source d’apprentissage et de compréhension, puis dans une seconde partie de partager avec vous les techniques narratives dont je me sens le plus proche et de les questionner dans l’exercice du coaching ; en pratique, comment et quand les mettre en œuvre, pour quel type de client, avec quelle intentionnalité, quels outils, comment est-ce compatible avec la posture du coach, haute sur le cadre mais basse sur le contenu, sans «plaquer» une histoire sur celle de son client, avec éthique et en respect des règles déontologiques qui caractérisent notre profession ? Les histoires ne sont certes pas une panacée, toutes ne sont pas bonnes à dire, alors quelle efficacité et quelles limites comporte leur utilisation ? Et quelles clés vont-elles pouvoir vous révéler à vous aussi ?

1       LES HISTOIRES, SOURCES ETERNELLES D’APPRENTISSAGE

Il n’y a pas une nation, pas une communauté qui ne possède ses histoires, et ce depuis que l’homme est homme :

Histoires pariétales : Déjà, plus de 40 000 ans avant notre ère, les hommes représentaient sur les parois de leurs cavernes des scènes de chasse, des rituels, des scènes de vie et d’activités humaines ; c’étaient déjà des « histoires visuelles », volonté des premières sociétés humaines de laisser une trace, besoin impérieux de communiquer et transmettre son expérience et sa vision du monde.

Ecrite au IVème siècle avant JC, l’allégorie de la caverne, de Platon[1] :

Figure 1: l’allégorie de la caverne. Source inconnue

Cette métaphore décrit le processus d’accès à la connaissance du Vrai, du Beau et du Bien, ainsi que la transmission de cette connaissance ; Dans cette allégorie, des humains enchaînés sont prisonniers d’une caverne, et contemplent sur le mur ce qu’ils pensent être la réalité, et qui n’est en fait que l’ombre projetée d’objets situés derrière eux et qu’ils ne peuvent voir. Parfois, certains d’entre eux sont libérés, ils se retournent, voient alors les objets et les hommes qui les portent et comprennent qu’ils ont vécu dans l’illusion. Ils dépassent ainsi le stade de l’enfermement dans les apparences et de l’ignorance, et entreprennent une ascension, parfois violente, vers la lumière du soleil, celle de la connaissance réelle et de la liberté. D’abord éblouis, ils s’habituent à leur nouvelle condition, à leur nouveau savoir. Parfois, ils pensent aux autres prisonniers encore dans l’ignorance ; certains redescendent dans la caverne afin de les prévenir mais ils sont pris pour fous et ne sont pas crus. On veut même les tuer. Leur message ne peut être entendu.

En tant que coach, c’est une métaphore que je rapproche du processus de coaching entrepris par le client : Le travail de coaching amène le client à se repositionner, à reconsidérer son point de vue sur lui-même, sur les autres, sur ses interactions aux différents environnements qui participent de son existant[2]. On peut voir dans les humains enchaînés de la caverne le client pris dans sa carte du monde restreinte, aux prises avec ses croyances limitantes. Lors du processus, à l’aide du questionnement et des différents outils du coaching employés tactiquement et avec intentionnalité, le coach va accompagner son client à « éclairer les angles morts », lui faire prendre conscience que ce à quoi il se référait dans sa propre histoire est parfois une illusion qu’il va pouvoir dépasser. Le client chemine vers son objectif, vers une meilleure connaissance de lui-même, en parcourant une quête identitaire et en faisant la lumière sur les aspects limitants de sa personnalités (croyances, limites, drivers, schémas de pensée conditionnée…) comme sur ce qui le porte (valeurs, croyances aidantes, ressources de tous ordres…). « Les principes d’autonomie, de responsabilité et de mise en action sont essentiels ». Le client, comme le « prisonnier » de sa propre caverne doit être décidé à se mettre en mouvement, vers l’autonomie, pour atteindre son objectif. Quant à aller tenter de « prévenir » ceux qui sont encore aux prises avec l’illusion que la réalité est ailleurs, si je poursuis dans ce parallèle avec le coaching, ce serait pour le coach comme vouloir coacher quelqu’un qui n’a pas de demande réelle, ou bien de se mettre en position de sauveur (position proche de celle du persécuteur comme on le sait) pour le tirer vers l’entrée de la caverne, vers la lumière. Cela n’est ni déontologique ni utile, c’est même contre-productif, voire violent ! Le coach ne peut intervenir utilement et éthiquement qu’à partir d’une demande explicite du client, qu’on pourrait en filant la métaphore exprimer de la manière suivante « aidez-moi à sortir de là, de cette situation dont je ne veux plus ».

Les contes traditionnels, source de morale et de sagesse :

A partir de l’antiquité, les civilisations du monde entier ont développé des mythes et des légendes pour expliquer l’origine du monde, de l’humanité et des phénomènes naturels. Ils ont développé aussi tout un folklore populaire de contes traditionnels, à la fois divertissants et sources de morale et de sagesse. En Europe, nous connaissons bien les contes des frères Grimm, notamment car ils ont été repris par Disney, avec bien des aménagements. A l’origine, ils recueillirent patiemment ces contes en Allemagne au XIXe siècle, à partir de sources orales et écrites : Cendrillon, Blanche-Neige, La Belle au Bois Dormant, le vaillant petit tailleur, Hansel et Gretel… Ces contes reflètent bien sûr les croyances, valeurs et cultures de l’époque, mais ils proposent aussi des aspects frappants de l’expérience humaine, comme le préface Marthe Robert (critique littéraire française connue pour sa lecture psychanalytique de la littérature) : En entreprenant de rassembler, de transcrire et de publier les contes populaires dont la tradition vivait encore à leur époque dans les pays allemands, les frères Grimm (…)(ont) mis pour la première fois en lumière l’expérience humaine tout à fait générale que le conte, comme le mythe et la légende, est chargé en même temps de voiler et de transmettre. Pour l’essentiel, il décrit un passage nécessaire, difficile, gêné par mille obstacles, précédé d’épreuves apparemment insurmontables, mais qui s’accomplit heureusement à la fin en dépit de tout. Sous les affabulations les plus invraisemblables perce toujours un fait bien réel : la nécessité pour l’individu de passer d’un état à un autre, d’un âge à un autre, et de se former à travers des métamorphoses douloureuses, qui ne prennent fin qu’avec son accession à une vraie maturité. Dans la conception archaïque dont le conte a gardé le souvenir, ce passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’état d’homme est une épreuve périlleuse qui ne peut être surmontée sans une initiation préalable, c’est pourquoi l’enfant ou le jeune homme du conte, égaré un beau jour dans une forêt impénétrable dont il ne trouve pas l’issue, rencontre au bon moment la personne sage, âgée le plus souvent, dont les conseils l’aident à sortir de l’égarement.[3]

Histoires d’aujourd’hui : Harry Potter, roman d’apprentissage

De nos jours, des histoires inspirantes et avec un caractère universel continuent à être créées dans la littérature, mais aussi dans le cinéma et à la télévision. Beaucoup d’histoires sont de simples divertissements modernes appartenant à la tendance montante de « l’Entertainment », mais certaines sont plus profondes, comme la saga Harry Potter : les 7 recueils qui la composent ont été un succès phénoménal, se sont écoulés à plus de 500 millions d’exemplaires dans 200 pays différents et ont été traduits dans 79 langues, adaptés au cinéma et déclinés en de multiples produits dérivés. Harry Potter découvre le jour anniversaire de ses 11 ans sa véritable nature de sorcier et l’existence de ses pouvoirs magiques, qu’il va expérimenter et développer jusqu’à ses 17 ans ; sa mission principale est de lutter contre les forces du Mal, représentées par le Mage Noir Voldemort et d’en protéger le monde sorcier. Cette grande fresque d’initiation, d’apprentissage et de connaissance de soi-même mêle la réalité et l’imaginaire. L’œuvre explore de nombreuses thématiques universelles au genre humain : être semblable ou différent, devoir lutter contre l’adversité, être animé de valeurs de fraternité, bravoure, honneur, amour, justice, se dépasser soi-même, expérimenter la « magie » dans sa vie. L’écrivaine française Zoé Hazera expose les liens entre cette histoire moderne et la littérature du Moyen-Age autour du Roi Arthur ; dans son exposé sur l’archétype du Mentor[4] « Les romans d’Harry Potter et l’ensemble de la littérature arthurienne décrivent des créatures magiques, un contexte de pays en guerre (contre l’invasion saxonne ou contre la montée du mal avec Voldemort), la forêt, espace sauvage dans lequel le chevalier ou le sorcier trouvera des réponses, des aides pour sa quête ou vivra des épreuves formatives. On trouve également la dimension d’apprentissage et d’initiation en ce qui concerne Arthur, Lancelot et Harry, les héros de ces œuvres. En effet, elles mettent en exergue l’histoire de jeunes hommes formés à leurs nouvelles conditions à travers des rencontres, des épreuves et des combats. Ces jeunes héros sont des personnages néophytes ayant grandi loin de leurs parents biologiques qui découvrent un monde nouveau (respectivement, la royauté, la chevalerie et le monde des sorciers), des élus qui présentent des qualités morales et physiques chevaleresques. Ils vont devoir acquérir des codes pour pouvoir évoluer, grandir et faire face à leur destin. En effet, ces jeunes hommes sont dotés d’une mission, celle de devenir eux-mêmes, c’est à dire, roi de Bretagne pour Arthur, celui qui trouvera le Graal pour Lancelot et celui qui vaincra Voldemort pour Harry. Dans les trois cas, cette mission a pour but la victoire du bien contre le mal ou la volonté de rendre le monde meilleur. ». Selon moi, cette merveilleuse histoire illustre par beaucoup d’aspects ce qu’est le processus du coaching : pour le client (comme pour Harry Potter), sortir d’une routine, d’un mode de fonctionnement habituel qui l’a amené à une situation A qui n’est plus acceptable (sa vie parmi les « moldus », dans une famille adoptive maltraitante, les Dursley), et aller découvrir, valoriser et mettre en œuvre ses potentiels pour l’atteinte d’une situation désirée B. Le processus met en lumière les dimensions identitaires du client : croyances, valeurs, besoins, limites, parasitages, émotions, , et fait expérimenter au client une véritable quête identitaire, dont la finalité est l’expression de l’identité pleine, entière et spécifique d’un individu libre de son engagement et de son travail de développement, en autonomie et en responsabilité de ses choix. Quant au coach, il n’est ni un mentor, ni un conseiller et à ce titre, il n’est pas le « Dumbledore » de son client ! Le coach est certes une figure de transition, un partenaire transitionnel, mais il n’a ni expertise ni expérience à transmettre quant à la problématique situationnelle du client, des compétences-métier à acquérir ou des objectifs professionnels à atteindre.

En somme, avec ces quelques exemples,  on peut déjà voir des thématiques essentielles qui se répètent, mêmes motifs dans la trame du tapis, comme si l’expérience humaine était, en partie du moins, composée de mêmes apprentissages à faire, de mêmes étapes à franchir dans le processus de découverte et de dépassement de soi-même, de mêmes figures archétypales de héros, de mentors ou d’adversaires…Ne serait-ce pas intéressant dans le cadre du coaching, de pouvoir se référer ainsi de façon explicite ou implicite à cette base de connaissance traversée des mêmes structures ?

Allons maintenant découvrir quelques théories à l’appui de cette hypothèse d’une structure commune : fonctions des personnages chez Vladimir Propp, structure commune des contes, processus de transformation identique pour le « héros aux mille visages » de Joseph Campbell et figures archétypales de Carl Gustav Jung …

Fonction, structure, trame, archétypes dans les histoires

Cette similarité dans les histoires héroïques du monde entier a été théorisée depuis le début du 20ème siècle. Cela ne signifie pas que toutes les histoires seraient une même histoire, racontée de mille façons différentes, il y a bien une pluralité des expériences vécues et des parcours retracés et narrés. Mais il y a sous la surface une structure et des « patterns », motifs semblables et répétitifs que plusieurs chercheurs ont discernés. Explorons ces différents modèles…

La Morphologie du conte de Vladimir Propp

C’est le folkloriste russe Vladimir Propp (1895-1970) qui le premier analyse quelle est la structure qui sous-tend les contes, dans l’ouvrage « Morphologie du conte »[5] publié en 1928. Dans cet ouvrage, Propp identifie au cœur de la structure de 100 contes de fées russes « une matrice dont tous les autres sont issus. » et permet d’en dégager des motifs et schémas narratifs sous-jacents :

Les fonctions des personnages : Propp identifie 31 fonctions narratives élémentaires, incluant des actions ou des événements clés (la quête, la récompense, la violation d’une interdiction, la victoire sur un ennemi, etc). Ce sont les éléments constants, permanents du conte. Propp démontre que « la succession des fonctions est toujours identique », identifiant ainsi une structure narrative de base, comprenant des étapes comme la situation initiale, le départ du héros, les épreuves rencontrées, l’acquisition d’un objet magique, la victoire sur l’adversaire, etc.

Propp extrait également des contes des archétypes de personnages tels que le héros, le méchant, le donateur, la princesse, etc. Chaque personnage est associé à des fonctions spécifiques dans le récit. Il met en lumière les transformations des personnages ou des éléments clés du récit au fil de l’histoire, montrant comment ces changements contribuent à l’évolution de l’intrigue. Le travail de Propp peut faire l’objet de plusieurs critiques, notamment la rigidité de sa structure en 31 fonctions, sa méthode non évolutive et qui ne prend pas en compte l’aspect émotionnel des histoires étudiées, ou bien encore la simplification parfois excessive ; mais cet ouvrage reste une contribution majeure à la compréhension des structures narratives et qu’il va être précurseur et influencer de nombreux travaux dans le domaine de l’analyse des récits chez Claude Lévi-Strauss ou Joseph Campbell.

Les archétypes de Carl Gustav Jung

L’autre aspect structurant des histoires est celui des archétypes[6] mythologiques et symboliques. D’après Carl Gustav Jung, psychiatre et psychanalyste suisse, fondateur de la psychologie analytique au début du 20ème siècle ils seraient présents dans notre inconscient collectif, une « couche de l’inconscient » partagée par l’humanité toute entière, sorte d’immense réservoir. Ce réservoir contiendrait des motifs universels, tels que les symboles ou les archétypes, modèles qui se retrouveraient dans les récits mythologiques, les contes de fées, les religions et les rêves.

Quelques archétypes principaux sont :

  • L’ombre, aspects refoulés et souvent négatifs de la personnalité d’un individu
  • L’anima et l’animus : tels le Yin et le Yang, les aspects féminin et masculin de la psyché, qualités féminines et masculines présentes dans chaque individu.
  • Le héros : désir de surmonter les obstacles, d’accomplir des quêtes et de se battre pour des idéaux, archétype associé à la bravoure, à la résolution des conflits et à la transformation personnelle.
  • Le vieil homme sage : incarnation de la sagesse, la connaissance et l’expérience accumulée au fil du temps, guide souvent le héros dans sa quête.
  • La mère : figure maternelle, associée à la fertilité, à la protection, à la nourriture et à la tendresse.
  • Le père : l’autorité, la discipline, la protection et parfois la sévérité.
  • L’enfant divin : l’innocence, la pureté et la potentialité infinie.

Ce sont des motifs généraux, que chacun nous façonne selon son histoire personnelle, son environnement, sa culture… Les histoires, mythes et légendes représentent donc les manifestations concrètes de cette réserve universelle d’archétypes et de symboles présents dans notre réservoir commun d’inconscient collectif. Ils sont utilisés pour exprimer et transmettre des vérités fondamentales sur la nature humaine, sur les dilemmes existentiels, sur les conflits internes, et sur les étapes de la vie.

Le Voyage du Héros de Joseph Campbell :

Les mythes sont les miroirs de l’âme

Joseph Campbell

Après les travaux théoriques de Vladimir Propp et de Carl Gustav Jung, Joseph Campbell, mythologue et écrivain américain est allé plus loin dans la démonstration d’une structure narrative récurrente, en élaborant sa théorie du « monomythe ». Dans son ouvrage « Le Héros aux mille visages », écrit en 1949, Joseph Campbell, après avoir étudié les quêtes héroïques venues du monde entier les apparente en proposant la théorie d’une structure commune, le « Voyage du Héros ». Dans ce voyage, le personnage principal va se mettre en mouvement suite à un « appel », et franchir un ensemble d’étapes universelles qui font l’emmener d’une routine bien en place (son « monde ordinaire », sa « zone de confort ») dans un voyage initiatique en quête d’un « trésor », matériel ou subtil, intérieur ou extérieur et revenir transformé dans son environnement habituel avec une fin heureuse. Il y a donc trois phases principales, qui se déroulent en plusieurs temps : le départ (ou la séparation), l’initiation et le retour, qui elles-mêmes se décomposent en de nombreuses étapes ou possibilités selon les histoires, en voici une présentation simplifiée :

Les principales étapes du voyage du héros :

  1. L’Appel de l’aventure : Le héros est confronté à un appel, un défi, un « incident déclencheur » qui le pousse à entreprendre un voyage ou une quête.
  2. Le Refus de l’appel : Par peur, hésitation et inconfort, le héros résiste parfois à l’appel dans un premier temps.
  3. L’aide surnaturelle : c’est une rencontre cruciale, celle du mentor ou du guide qui lui fournit des conseils, des outils ou des connaissances pour l’aider dans sa quête.
  4. Le Passage du premier seuil : « point de non-retour » ! Ici notre héros quitte son monde connu pour entrer dans un monde inconnu ou un territoire étranger, marquant ainsi le véritable début de sa quête.
  5. Les Épreuves et les Alliés : Le héros affronte des épreuves, des défis qui mettent à l’épreuve sa détermination et son courage, il rencontre fort heureusement aussi des alliés ou des ressources utiles à sa quête.
  6. L’Épreuve Suprême : Le héros fait face à une épreuve majeure, par exemple un combat ou un défi crucial.
  7. Le Trésor ou le Don : Après avoir surmonté l’épreuve ultime, le héros obtient une récompense, connaissance, objet précieux ou pouvoir.
  8. Le Retour avec le Don : Le héros retourne dans son monde d’origine, apportant avec lui le don ou la sagesse qu’il a acquis lors de sa quête.
  9. La Transformation : Le héros est transformé par son voyage, il a acquis de nouvelles perspectives, compétences ou compréhensions qui changent sa vie. Il peut partager ce don avec sa communauté, améliorant ainsi le bien commun.

Le « Voyage du Héros » a depuis inspiré George Lucas pour Star Wars, John Boorman pour Excalibur, Les Wachowski pour Matrix, Steven Spielberg et tant d’autres… Christopher Vogler, célèbre scénariste et consultant pour les plus grandes compagnies cinématographiques américaines forme ses concepts de storytelling selon le Voyage du Héros et en a tiré « Le guide du scénariste », une bible de ce métier.

Le « Voyage du Héros » parle de l’importance de la transformation personnelle dans les histoires ; Campbell souligne que ce parcours mythique implique généralement une métamorphose intérieure du protagoniste, une évolution spirituelle ou psychologique significative, comme dans l’histoire du jeune Prince Gautama Sakyamuni, qui deviendra le futur Bouddha au terme de maintes péripéties.

Eclairage scientifique : le rôle des histoires dans la cognition humaine

 « Nous apprécions le récit parce que sa structure habite notre cerveau.

Notre cerveau est façonné par le narratif. »

Doris Lessing, prix Nobel de littérature, en 1998

Quel est le rôle que les histoires jouent dans la cognition humaine (ensemble des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance) ? Quels processus cognitifs sont activés par les histoires, à la fois celle que je raconte de moi-même (mon « identité narrative ») et celles que j’entends ou que je lis, qu’elles soient fictionnelles ou réelles ?

Se raconter son histoire et prendre conscience de soi : l’identité narrative

Le neuroscientifique Antonio Damasio a écrit : « La conscience commence lorsque les cerveaux acquièrent le pouvoir, le simple pouvoir dois-je ajouter, de raconter une histoire » (Le Sentiment même de soi, 1999).

Dans Identity and Story : Creating Self in Narrative[7],  un groupe interdisciplinaire et international de chercheurs et de théoriciens examine comment les histoires que nous racontons créent nos identités. Selon de nombreux psychologues du développement, le moi émerge au cours de la deuxième année de vie sous la forme d’un moi autobiographique narrant, d’un sentiment naissant d’être le narrateur de sa propre expérience (Howe & Courage, 1997 ; Tomasello, 2000). Le moi raconte une histoire de soi, et cette histoire devient une partie du moi. A partir de l’adolescence et du début de l’âge adulte, l’identité narrative désigne les histoires que les gens construisent et racontent sur eux-mêmes afin de définir QUI ils sont pour eux-mêmes et pour les autres.

Nos identités narratives deviennent alors les histoires que nous vivons, et nos vies peuvent être le produit des histoires que nous racontons.

McAdams (1985, 1997) affirme que les histoires de vie intériorisées et évolutives – les identités narratives – ont pour fonction d’organiser et de rendre plus ou moins cohérente une vie entière, une vie qui, autrement, pourrait sembler fragmentée et diffuse. Les récits de vie peuvent donc être considérés comme rassemblant les différents aspects du moi en un tout unificateur et porteur d’objectifs. D’autres théoriciens de la narration ont toutefois souligné la mesure dans laquelle les récits de vie expriment des aspects différents et multiples du moi (Gergen, 1991). Par exemple, Hermans (1996) a suggéré que l’identité narrative elle-même s’apparente à un roman polyphonique à plusieurs voix. Pour une personne donnée, de nombreux moi différents (ce que Hermans appelle des « positions I ») expriment leurs propres voix distinctives. Dans la mesure où il y a intégration, celle-ci réside dans le dialogue changeant et dynamique entre les voix, une conversation permanente entre des moi autonomes

Peter T. F. Raggatt décrit son approche novatrice de la recherche sur le récit de vie, dans laquelle il souligne la multiplicité et le conflit dans les histoires que les gens racontent sur leur vie. Parallèlement, de nombreux chercheurs et théoriciens ont mis l’accent sur la construction sociale des récits de vie (par exemple, Rosenwald 6k Ochberg, 1992 ; Shotter & Gergen, 1989 ; Thorne, 2000). Les histoires sont jouées en présence de certains publics. Différentes situations appellent différents types d’histoires. Les histoires émergent au fil des conversations et dans le cadre de relations sociales en constante évolution. L’histoire et la culture façonnent les histoires que les gens racontent sur eux-mêmes. L’identité narrative émerge donc d’une interaction sans doute complexe mais mal comprise entre l’action individuelle et le contexte social. De nombreuses histoires différentes sont racontées dans la vie quotidienne, chacune d’entre elles étant jouée en fonction des exigences dramaturgiques de la situation sociale donnée. Les psychologues qui négligent ces représentations quotidiennes à la recherche de la grande histoire, profonde et intégrative de la vie d’une personne dans son intégralité manquent d’importantes occasions d’examiner la construction de l’identité in situ.

C’est aussi ce que suggère Jérôme Bruner en 1987, dans « Life as narrative », lorsqu’il écrit que Nous interprétons et réinterprétons inlassablement nos expériences, construisant une manière de nous raconter qui est inextricablement liée à notre identité personnelle et sociale.

Cette histoire versatile que l’on se raconte, c’est une des raisons pour laquelle la contextualisation est si importante dans le coaching, avec le temps de questionnement et d’investigation pris en début de coaching, une fois la demande posée, afin de la clarifier et de déterminer l’objectif à atteindre. Aider le client à élaborer un récit contextualisé est clé tout au long du processus.

Histoires et système de croyances

On a vu qu’à partir de l’adolescence, il y a à l’intérieur de chacun de nous une histoire, une représentation de nous-mêmes qui se narre (ou est narrée) en permanence, se répétant ou évoluant au fur et à mesure de nos expériences. Antonio Damasio le nomme le « Moi autobiographique » (Autobiographical Self).

L’histoire que nous nous racontons créé notre conscience de nous-mêmes ; elle est fondée sur des expériences que nous avons vécues, que nous avons mises en lien entre elles et dont nous avons tiré des conclusions, des généralisations parfois hâtives ou illogiques.

C’est ce que l’on appelle les croyances, informations que nous tenons pour vraies, voire pour si évidentes que nous ne les reconsidérons plus rationnellement, et dont nous ne sommes parfois même pas conscients. Elles fonctionnent alors comme une sorte de pilote automatique à partir duquel nous pensons et nous agissons. Aidantes ou limitantes, elles peuvent concerner notre environnement et nos capacités, mais celles qui touchent à notre identité sont de celles qui exercent la plus forte influence sur nous.

Notre système de croyances est donc une part essentielle de notre structure identitaire ; Il détermine notre vision du monde… et de nous-mêmes. La phrase qui restitue chacune de nos croyances pourrait démarrer par « je me raconte que… » ; « Je me raconte que je ne suis pas capable de manger de manière équilibrée », ‘je me raconte que j’ai de la chance dans la vie », « je me raconte que tant que je suis au chômage, je n’ai aucune utilité pour la société », etc…

Nos croyances ne demandent qu’à se confirmer, créant ainsi comme « une histoire qui se répète » ! Dans une situation donnée, elles nous poussent à agir d’une certaine manière, générant des conséquences qui à leur tour renforcent nos croyances vis-à-vis de cette situation, de nous-mêmes, des autres, de la vie et du monde en général. C’est l’effet « boule de neige » ! Nous passons ainsi beaucoup de temps à valider et à conforter nos propres croyances, les mettant « au service » de l’histoire intérieure, en filtrant ou en déformant ce qui ne concorde pas avec elle. Cela explique les process de confirmation, d’entretien et de renforcement du récit intérieur, qui sont des biais cognitifs.

Alors si les histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes, fondées sur nos croyances ont tant de conséquences sur notre réalité, dans le sens qu’elles nous « font » penser, ressentir, décider, agir… il devient essentiel de travailler ce récit intérieur, de le façonner de façon plus positive. Comme l’écrit Nancy Huston, « C’est parce que la réalité humaine est gorgée de fictions involontaires et pauvres qu’il importe d’inventer des fictions volontaires et riches », et notamment concernant notre récit intérieur !

Façonner le récit intérieur, c’est ce que proposent les approches narratives, en coaching ou en thérapie.

Interactions entre histoires et apprentissage : données probantes

Quelle est la manière dont notre cerveau traite les histoires, récits, métaphores, contes et autres formes narratives lorsqu’on les lit ou les entend ? Quels processus cognitifs sont à l’œuvre pour les transformer en apprentissage ?

Les réponses à ces questions comportent des aspects complexes :

  • L’attention du cerveau renforcée grâce à une narration structurée,
  • Le rôle des émotions créées par l’histoire
  • L’implication des neurones-miroirs lors de la narration,
  • La création d’images mentales multisensorielles formées dans le cortex.

La lecture de l’article « Données probantes en éducation : pourquoi les récits favorisent-ils l’apprentissage ? »[8] a été éclairante :

Par sa structure, un récit hiérarchise l’information et permet de la contextualiser en débutant par les premières informations dont il a besoin pour comprendre la situation et se situer dans un ensemble plus large. Les histoires ont souvent une structure narrative forte, avec un début, un milieu et une fin, ainsi que des éléments de conflit, de résolution et de transformation, ou bien encore des modèles du type du « Voyage du Héros », avec un départ, une initiation et un retour. Cette structure guide et renforce l’attention du cerveau et facilite la compréhension des étapes du récit, aidant ainsi à la prise de conscience des changements et des développements.

La structure du récit facilite la mémorisation et permet de simplifier le message, de le réduire à l’essentiel : C’est que notre mémoire fonctionne selon une logique séquentielle très proche de celle des récits : « [H]uman brains have evolved to process lived experiences sequentially in scripts, much like the narrative of a story (Hazel, 2008). Story gives us a way to organize and make sense of our memories that fits this sequential structure. […] Memory is memory for stories, and the major processes of memory are the creation, storage, and retrieval of stories. » (Schank & Abelson, 1995) [cités in Landrum et al., 2019]. L’auditeur « apprenant », qu’il soit étudiant ou client-coaché est donc plus facilement en mesure d’appliquer à de nouveaux contextes un concept présenté sous forme de récit. Cette recontextualisation permet de réintroduire de la complexité lorsqu’un concept a été simplifié pour le rendre plus accessible.

Émotion et empathie : Les histoires nous permettent de mieux comprendre les émotions, les motivations et les expériences humaines vécues par les personnages, aidant ainsi à développer notre empathie envers les autres. Parfois nous nous identifions particulièrement à un personnage ; car il nous touche par ce qu’il est, ou par la situation qu’il traverse ; ce mouvement d’identification permet de « vivre les faits comme par procuration ». Cela se produit notamment grâce à deux phénomènes appelés […] « intersubjectivité » (dans la compréhension psychologique du terme) et « transport narratif » (narrative transportation).

L’intersubjectivité permet d’entrer dans la peau des protagonistes, de ressentir ce qu’ils ressentent et de prendre leur parti

Le transport narratif est ce que vit l’auditeur lorsqu’il se sent immergé, captivé par le monde factice créé par le narrateur au point de s’y croire vraiment.  […] cela n’est pas seulement dû à la suspension volontaire de l’incrédulité (willing suspension of disbelief) des auditeurs mais également au fait que le cerveau se fait duper.» (in Landrum et al., 2019)..

Lors de cette immersion narrative, notre propre réalité est momentanément remplacée par celle du personnage, et il devient facile d’imiter, de modéliser le personnage qui nous inspire, notamment grâce à l’activité des neurones-miroirs ,sous-catégorie de neurones qui fonctionnent selon « un mécanisme de résonance » (Rizzolati & Sinigaglia, 2011, p.137). Il s’agit d’un processus cognitif complexe basé sur un apprentissage par l’imitation, qui permet de comprendre et d’anticiper les actions d’un autre individu, mais également de faire un transfert inconscient d’émotions vers celui-ci. Ces « neurones miroirs » sont aussi à l’origine de l’empathie entre les individus.[9]

L’infographie ci-dessous (OneSpot 2015) résume les découvertes récentes en sciences cognitives qui expliquent la puissance des récits.

Figure 3 : Source OneSpot, 2015 – détail

Couplage neuronal : L’écoute d’un récit active des parties du cerveau qui permettent aux auditeurs de comprendre l’histoire d’après leurs propres idées et expériences

Dopamine : Le cerveau libère de la dopamine dans le système lorsqu’il croit avoir rencontré des événements chargés en émotions, ce qui facilite la mémorisation des concepts et augmente la précision. La présentation d’une courte histoire à des sujets en laboratoire libère de l’ocytocine (hormone associée aux sentiments de sollicitude et d’empathie) et du cortisol (hormone associée aux sentiments d’urgence et d’inquiétude). Si la première molécule favorise la communication, la seconde amène à se concentrer pour être plus attentif… Il semble donc que les récits ont le pouvoir de modifier la chimie de notre cerveau.

Activité du cortex : Lors du traitement de faits présentés dans le cadre d’un cours ou d’une conférence, deux zones du cerveau sont activées (l’aire de Broca – production des mots – et  l’aire de Wernicke – compréhension des mots). Cependant, une histoire bien racontée peut toucher de nombreuses autres zones, y compris le cortex moteur, le cortex sensoriel et le cortex frontal.  Les descriptions détaillées dans une histoire aident le cerveau à créer des images mentales des événements et des personnages, images mentales, auditives, gustatives, olfactives et même tactiles qui associées créent des impressions multisensorielles. En effet, Le cerveau encode l’information suivant ce qu’il perçoit à travers nos cinq sens. Pour penser, celui-ci utilise les informations encodées. À partir de ces éléments reçus de l’extérieur il fabrique des REPRÉSENTATIONS internes[10]. Ces descriptions seront d’autant plus captivantes pour le lecteur ou l’auditeur qu’elles utiliseront son ou ses canaux sensoriels « favoris », parmi les modalités du « VAKOG » (Visuel – Auditif – Kinesthésique – Olfactif – Gustatif). Ces images mentales vont lui rendre les informations plus mémorables, faciliter la visualisation des concepts abstraits, et associées aux émotions, peuvent activer les réseaux cérébraux qui s’activeraient dans une situation réelle.

En somme, les histoires exploitent les mécanismes cérébraux liés à l’émotion, à l’empathie, à la mémoire et à la perception sensorielle. Cela permet, (surtout quand le conteur, le livre ou le film est bon) de créer une expérience cognitive immersive qui facilite les apprentissages et les prises de conscience en rendant l’information plus significative, mémorable et accessible.

En conclusion, ces différents éléments permettent d’éclairer comment les histoires contribuent à notre compréhension de nous-mêmes et du monde, comment elles nous aident à apprendre et à nous développer et comment elles imprègnent et façonnent notre propre histoire, telle que nous nous la racontons à nous-mêmes ou aux autres, dans un processus continu d’aller et retour. Voyons maintenant comment ces sources d’apprentissage, d’évolution et de transformation peuvent être mises à profit dans le coaching professionnel.

2       LES HISTOIRES MISES AU SERVICE DU COACHING

Le coaching, mise en mouvement de la personne… et de son histoire

L’émergence du récit intérieur

Au début, le client commence à raconter ce qui l’a amené à envisager un coaching. C’est rarement anodin pour lui de se retrouver là, à parler de lui. Pour certaines personnes c’est la première fois qu’ils vont s’accorder cette attention, ce temps rien qu’à eux, rien que pour eux. Alors si nous employons l’analogie du client comme le narrateur de sa propre histoire, à ce moment-là, que choisit-il de raconter ? Dans quel cadre l’histoire qu’il déroule se passe t’elle ? Qui sont les personnages ? Quelle est l’intrigue ? Quel scénariste, quel metteur en scène est-il de lui-même et de sa propre histoire ? Cela lui demande souvent du courage au client de revisiter cette histoire car quand il arrive, c’est avec son « problème », avec sa situation souvent difficile dont il ne veut plus. Et parfois les questions de contextualisation le font remonter très vite très loin dans le passé.

Etude de cas : Quand je reçois Dominique[11] pour l’entretien préalable, il me raconte être depuis quelques temps submergé par des émotions fortes, notamment la colère. Il souhaite réussir à « canaliser ses émotions ». C’est problématique pour lui car cela met de la tension dans ses relations, notamment dans sa relation amoureuse avec sa nouvelle compagne. Le fils de cette dernière, adolescent, le provoque parfois et récemment, une dispute a « éclaté » entre eux. Le ton est monté. Dominique a pris peur car il a senti que cela faisait « monter de la tension » dans tout son corps, et il a senti une gêne dans le bras gauche. Or il est suivi depuis quelques mois pour de l’hypertension artérielle et redoute de faire un AVC, il y a une prédisposition dans sa famille pour ce genre d’accident, comme une « épée de Damoclès » au-dessus de sa tête. Il « doi(t) rester calme », aussi pour sa santé. Alors il « refoule (s)a colère ». A la question « Depuis quand cela dure-t-il ? », Dominique me répond qu’il a « toujours fait comme ça », qu’il a peur du conflit, une peur physique, lié à l’enfance, car il se faisait « battre dans la cour d’école ». Quand on l’« agresse », il aimerait « casser la gueule » de son adversaire, mais il doit rester calme et ne sait pas comment faire autrement que de « refouler l’émotion » montante et toutes les représentations qui l’accompagnent. Alors il « s’écrase ». Je vois son désarroi et son émotion au souvenir de son impuissance d’enfant confronté à l’agressivité. Il y a à cet instant une dramaturgie dans la narration que le client fait de son histoire, liée à l’enjeu de de cette scène de dispute et ses ressorts « tragiques » (l’amour, la colère liée à l’impuissance, la peur de mourir), déclencheur d’une mise en action du client. Mon accueil de son émotion est clé à ce moment fort de construction du rapport collaboratif, il me fait déjà confiance pour me livrer des informations très personnelles, le mieux que je puisse faire pour honorer cette confiance c’est d’offrir un accueil sans jugement, simplement empathique, une écoute, une présence. Ce que je fais alors est de laisser un peu de silence et de renforcer subtilement la synchronisation avec Dominique : rythme de la respiration, de la voix, posture du corps. Tout est là dès le départ, et l’accompagnement va consister à aider le client à déconstruire ses récits qui ne sont plus aidants, notamment ici celui de l’enfant impuissant et à en intégrer de nouveaux, meilleurs pour lui.

Carte du monde et cadre de référence du client

Aidez les gens à élargir leur carte du monde et ils feront de meilleurs choix

Richard Bandler.

Chacun de nous vit « au pays de ses croyances », un territoire patiemment cartographié à partir de toutes nos expériences, pour former une carte du monde interne, qui représente la réalité et ne la contient pas tout entière : « La carte n’est pas le territoire » indiquait Alfred Korzybski. Cette réflexion est la base même de la programmation neuro-linguistique ; Un des présupposés de la PNL est en effet la différence entre la réalité (le monde) et ce que nous en percevons grâce à nos cinq sens, la manière dont nous filtrons ce que nous percevons et la manière dont nous nous le représentons (notre carte du monde). Dans une même situation, personne ne vit la même expérience, personne ne voit la même chose, ni n’entend ni ne ressent identiquement, car d’une part la réalité est complexe : à chaque seconde le cerveau est exposé à un très grand nombre d’impressions et de sensations, plusieurs millions, voire des milliards, selon certains chercheurs, en prenant en compte tous les stimuli sensoriels, la vue, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odorat, ainsi que les stimuli internes provenant du corps lui-même. Une grande partie de ce flux sensoriel est filtrée et traitée de manière inconsciente, seule une fraction minuscule parvenant à atteindre notre conscience à un niveau donné. Cette capacité de sélection des informations sensorielles est vitale dans un environnement fait de stimuli constants, sinon nous deviendrions fous ! D’autre part, chacun sélectionne l’information à partir de l’ensemble de ses « filtres », croyances et perception limitée. Notre modèle du monde est organisé autour de nos critères et de nos valeurs, dans un « cadre de référence » normatif, permettant l’évaluation (d’une personne, d’une chose ou d’une situation) et la prise de décisions. Ce système s’auto-confirme et se renforce tant qu’il n’est pas remis en question.

Ainsi, à chaque fois que nous communiquons avec les autres, nous leur présentons notre carte du monde, définie selon notre cadre de références. Et ce modèle est truffé de généralisations, d’approximations, de suppositions, de déformations et d’omissions, comme l’éclaire le conte de Rûmî [12] « l’Eléphant dans le noir ». Des hommes (aveugles ou, dans une autre version, des voyants dans une maison sans lumière) cherchent à tâtons et finissent par trouver l’éléphant, chose qu’ils ne connaissent pas. Chacun en touche une partie et, une fois dehors, fait une description correspondant à son expérience. Celui qui a touché les oreilles raconte que c’est une sorte d’éventail, celui qui a tâté les pattes, que cela ressemble à des colonnes ; celui qui a touché son dos, que c’est un trône… Et ainsi de suite. La sensation, passée au filtre de la carte du monde et de la grille normative de chacun donne lieu à une représentation distincte et personnelle, en l’occurrence limitée et fausse.

Le processus de coaching va amener le client à prendre conscience que l’histoire qu’il se raconte est limitée et va lui permettre d’enrichir et de moduler son cadre de références, de « cartographier » de nouvelles options, de faire de nouveaux choix, accroissant ainsi ses possibilités d’atteindre son objectif, de se développer et de s’accomplir.

Vocabulaire des systèmes de représentation : calibration du langage

Pour percevoir ce qui se joue pour le client qui commence à raconter son histoire, le coach va observer ses différentes réactions (calibration), il va aussi « observer » son langage, grâce à l’écoute active. Le langage du client révèle qu’elle est sa « modalité » préférée à un instant T, son canal de communication préféré pour « encoder » la réalité perçue : Visuel – Auditif – Kinesthésique – Olfactif – Gustatif (VAKOG). Selon le contexte, le client va utiliser plutôt un registre auditif, ou visuel, ou kinesthésique : « vous voyez ce que je veux dire ? », « j’étais sûr que nous allions nous entendre », « il a été touché à ce moment-là ». Communiquer sur le même canal que celui de son client permet d’augmenter les chances de se faire comprendre et de créer une forme d’affinité propice à une relation de confiance. On parle « la même langue » et on se comprend. Amplifier l’affinité avec le client-lecteur de cette façon, c’est aussi une clé bien connue des maisons d’édition, qui savent que les histoires dont le vocabulaire « nourrit » les 5 sens ont de meilleures chances de devenir des romans à succès.

Les biais cognitifs orientent notre histoire

Les biais cognitifs sont des distorsions dans le traitement d’une information, susceptible de fausser le raisonnement et le jugement (Dictionnaire Le Robert). Daniel Kahneman[13]  décrit dans son ouvrage de référence les ravages des partis pris et autres biais cognitifs dont nous sommes les jouets : illusion de familiarité, effet de halo, biais optimiste, illusion de causalité, effet d’ancrage, illusion rétrospective…Ils sont susceptibles d’influencer considérablement la manière dont nous percevons et interprétons le monde, façonnant ainsi notre histoire intérieure et influant sur nos prises de décisions, nos émotions et nos actions quotidiennes. En voici quelques exemples :

  • Biais de confirmation : Ce biais nous pousse à rechercher, interpréter et rappeler les informations qui confirment nos croyances préexistantes. Par conséquent, notre histoire intérieure peut être fortement façonnée par cette tendance à privilégier les éléments qui correspondent à nos opinions, même si elles ne sont pas objectives.

Les opérations de la mémoire associative contribuent à un biais de confirmation général. Quand on pose la question « Sam est-il aimable ? », on évoque des idées sur le comportement de Sam qui ne sont pas les mêmes que celles qu’éveillerait la question « Sam est-il désagréable ? » C’est en s’efforçant délibérément de confirmer une assertion que le Système 2 teste une hypothèse, ce que l’on appelle la stratégie de test positif. Contrairement aux règles édictées par les philosophes des sciences, qui recommandent de vérifier les hypothèses en tentant de les réfuter, les gens (et les scientifiques aussi, bien souvent) recherchent des informations susceptibles d’être compatibles avec les convictions qui sont alors les leurs. Le biais confirmatoire du Système 1 favorise l’approbation inconditionnelle de suggestions et l’exagération de la vraisemblance d’événements extrêmes et improbables.

  • Théorie de l’attribution : Selon cette théorie, nous avons tendance à expliquer les événements en attribuant des causes spécifiques à ces événements. Par exemple, si quelque chose de positif se produit, nous pourrions attribuer ce succès à nos compétences ou à notre mérite, tandis que si quelque chose de négatif se produit, nous pourrions l’attribuer à des facteurs externes. Ces attributions influencent la manière dont nous construisons notre récit personnel.

L’erreur fondamentale d’attribution consiste à accorder une importance disproportionnée aux caractéristiques internes d’une personne (caractère, intentions, émotions, connaissances, opinions) au détriment des facteurs externes et situationnels dans l’analyse de son comportement dans une situation donnée. Idée reçue : le comportement des gens est le reflet de leur personnalité. Vérité : le comportement des gens est davantage le résultat de la situation que de leur caractère. Par exemple, si quelqu’un vous passe devant dans la file d’attente, votre première réaction sera de vous dire que c’est un enfoiré. Mais il est possible qu’il ne coupe jamais la file, et qu’il le fasse cette fois-là seulement parce qu’il va rater son vol, celui qu’il doit prendre pour aller voir sa mère sur son lit d’hôpital. Il est intéressant de noter que les psychologues sociaux ont remarqué que nous commettons cette erreur fondamentale d’attribution à propos des autres mais très rarement sur nous-mêmes.[14]

  • Biais de rétrospective : « Finalement, je savais que ça allait arriver. » Le biais rétrospectif est la tendance à surestimer notre capacité à prédire le résultat d’un événement après que celui-ci ce soit produit. Une fois que nous connaissons les résultats d’un événement incertain (comme une élection politique, par exemple), nous avons tendance à dire que nous connaissions le résultat « depuis le début », même si ce ne pouvait être le cas. Trois formes de biais rétrospectif sont documentées à ce jour : la distorsion de la mémoire, la surestimation de la prévisibilité d’un événement, et l’impression que le résultat de l’événement devait nécessairement se produire. Dans la plupart des cas, nous modifions les croyances que nous avions en lien avec l’événement avant son dénouement, et percevons après coup le dénouement de l’événement comme étant plus prévisible qu’il ne l’était. La personne « s’ancre » dans son point de vue post-résultat, et est incapable de retourner à la croyance qu’elle avait avant que l’événement en question ne survienne. Le biais rétrospectif n’apparait qu’au moment où, lorsque l’on apprend quelque chose, on oublie la croyance qu’on avait avant d’apprendre ce qui s’est réellement passé. Dans un processus d’apprentissage, on devrait idéalement garder à l’esprit que nous avions, avant d’apprendre le dénouement réel d’un événement, certaines croyances erronées.[15] Ce biais peut nous pousser à revoir le passé et à reconstruire notre histoire personnelle en fonction de nos connaissances actuelles et de notre compréhension actuelle du monde. Nos souvenirs peuvent être modifiés ou déformés pour correspondre à notre état actuel, ce qui affecte la cohérence de notre récit intérieur.

Techniques existantes et inspirantes pour la pratique narrative

Il existe de multiples techniques faisant appel à la narration pour accompagner la personne, et ce depuis longtemps, comme on l’a vu dans la première partie. Certains outils « classiques » du coaching sont propices à ce que le client se raconte sa propre histoire et la revisite.

SCORE : L’outil SCORE permet de clarifier la demande du client et de structurer sa pensée grâce à une exploration systémique, lui permettant de passer d’un « espace-problème » à un « espace-solution ». La méthode, proposée par Robert Dilts dans son ouvrage « Des outils pour l’avenir »[16] est inspirée du « Voyage du Héros » de J. Campbell. La pratique se fait idéalement debout, le client « voyageant » étape par étape, pas après pas, en utilisant des ancrages spatiaux (feuilles posées en sol par exemple).

Partant de l’exposé de sa SITUATION, il va en diagnostiquer les CAUSES, définir son OBJECTIF, identifier les RESSOURCES dont il doit disposer pour l’atteindre et pourra déjà en goûter les EFFETS dans le futur, grâce à une projection. Il est invité à chaque étape à considérer les choses de ses propres yeux, puis de façon distanciée, en se plaçant dans une position META. Dans cette position, il peut s’aider d’une « référence externe », un modèle ou l’un de ses héros ou encore une figure archétypale qui l’inspire et « par les yeux » de laquelle il voit ce qui se joue, en « s’extirpant » quelques instants de sa situation problématique. Grâce à une alternance de questionnement « associé » et « dissocié » réalisée par le coach, le client peut élaborer une idée précise de la situation, prendre conscience de ses freins et ressources, passer d’un « je ne veux plus » à un « je veux ». L’alternance régulière entre les deux positions (lui-même puis sa référence externe) peut produire un effet de décalage de l’état de conscience habituel chez le client, lui permettant ainsi de formuler des réponses plus créatives et libres et d’ouvrir de nouvelles possibilités. L’outil SCORE offre au client une opportunité de structuration visuelle, corporelle et cognitive ; Il est particulièrement indiqué en cas de difficulté à poser un objectif, à sortir d’un objectif formulé négativement, de confusion, ou d’un client peu bavard qui va ainsi plus facilement pouvoir « se raconter » … Etant donné sa « filiation » avec le Voyage du Héros, il peut être employé de manière délibérément narrative.

  1. LIGNE DE VIE D’HUDSON[17]:

Cet outil permet de faire le « récit schématisé d’une vie », récit centré sur la problématique traitée dans le coaching. C’est un outil visuel, dans lequel le client trace sa ligne de vie de façon globale, depuis l’âge de 18-20 ans jusqu’à une projection quelques années dans le futur. Puis sont inscrits « les sommets », période de développement ou de réussite, au-dessus de la ligne ; au-dessous, les vallées, périodes de repli, de chute, de doutes. On note, pour pouvoir contextualiser, les personnes, lieux ou autres éléments importants de chaque évènement référencé. Une courbe reliant vallées et sommets est tracée, retraçant l’histoire du client avec sa problématique, sur laquelle il est invité à réfléchir. Y a-t-il des constantes ? Des récurrences ? Parmi tout ce qui dépend de lui dans ces évènements, y a-t-il quelque chose qui l’empêche d’avancer, ou bien le fait chuter toujours au même endroit ? De quelle nature sont ces éventuels facteurs d’échec ? Environnementaux, comportementaux, concernent-ils les croyances du client ? L’intentionnalité est de permettre au client une « vue d’ensemble » dont il peut tirer des enseignements pour la suite du processus.

Etude de cas : l’histoire de l’argent dans la vie de Béa.

J’entends parler de Béa par mon réseau ; Universitaire brillante au Brésil, presque tous ses engagements ont été supprimés depuis la pandémie de Covid faute de ressources dans l’université où elle intervenait, et sa situation financière s’est dégradé dramatiquement. Elle se retrouve au-dessous du seuil de pauvreté, obligée de faire appel à l’assistance alimentaire depuis quelques mois. Elle souhaite être aidée par un coaching, et j’accepte de l’aider bénévolement.

Lors de la deuxième séance, elle réalise l’exercice de la Ligne de Vie, retraçant « l’histoire de l’argent dans la vie de Béa », les sommets où l’argent a été présent dans sa vie, périodes de confort, de possibilités de voyages et les vallées, des périodes de précarité, dont celle qu’elle traverse maintenant est la plus critique jamais traversée.

Une fois toute l’histoire retracée grâce à cette ligne qui relie les principaux évènements, comme un fil rouge, Béa est choquée. Elle observe que les sommets, même s’ils sont parfois élevés, avec un niveau de vie très confortable, ne le restent jamais longtemps. Badaboum ! La prospérité du moment ne dure pas, un incident arrive, une relation professionnelle qui s’envenime et la « contraint » à changer d’affectation, un besoin de mobilité géographique par rapport à un sujet de santé, une pandémie… Alors que les périodes de « vaches maigres » elles, sont beaucoup plus longues. Tout se passe, selon Béa, comme si elle subissait des coups du sort qui l’empêchaient de vivre dans l’aisance financière. Les séances suivantes vont consister pour elle à reprendre la responsabilité et donc le pouvoir sur certaines de ses mécaniques de pensées et d’action « sabotantes ». Il y a à débusquer et à déconstruire nombre de croyances limitantes attachées à l’argent, pour Béa qui, politiquement très proche de Lula[18], revendique fièrement ses valeurs de gauche : égalité sociale et économique, redistribution des richesses, protection des plus faibles. Elle va comprendre qu’elle met cela en opposition avec la possibilité pour elle d’avoir de l’argent et de vivre dans le confort. Cela créé un conflit de valeurs, que Béa résout en s’employant à échouer, en « recréant » les conditions d’une précarité, difficile à vivre mais plus honorable selon elle que de se risquer à devenir riche, dans une vision assez manichéenne. Nous allons travailler ensemble à réconcilier argent et valeurs dans un nouveau récit, orienté sur l’argent comme une énergie, comme une capacité, l’argent qui peut se mettre « au service » des valeurs de Béa.

Aujourd’hui, Béa a monté son institut d’enseignement en ligne, vit confortablement et emploie 3 personnes.

Je fais le lien entre les redondances que cet outil peut révéler et le travail de Jean Cottraux[19] sur « La répétition des scénarios de vie »[20]. Dans cet ouvrage, Jean Cottraux montre comment par fidélité à certains schémas mentaux, nous devenons, sans le savoir, prisonniers d’un rôle et d’un personnage : en tombant systématiquement amoureux de la mauvaise personne : en nous obstinant dans une voie qui n’est pas la nôtre : en multipliant les conflits, les conduites à risques… Il analyse les principaux scénarios qui, comme au cinéma, façonnent les destins, des mécanismes psychologiques qui les sous-tendent aux conséquences dramatiques qu’ils impliquent, des grands mythes qu’ils véhiculent aux grands types de personnalités qu’ils expriment : tout est dit pour permettre à chacun de sortir du piège de la répétition et de réinventer sa vie.

Et sur le même sujet, je ne peux résister à l’envie de vous raconter ici « Autobiographie en 5 chapitres », un poème de Portia Nelson[21]  sur le chemin de la transformation :

Chapitre 1

Je marche dans la rue

Il y a un grand trou dans le trottoir

Je tombe dedans

Je suis perdue, impuissante

Ce n’est pas ma faute

Il me faut une éternité pour en sortir

Chapitre 2

Je marche dans la même rue

Il y a un grand trou dans le trottoir

Je fais semblant de ne pas le voir

Je retombe dedans

Je n’arrive pas à croire que je suis au même endroit

Mais ce n’est pas ma faute

Il me faut encore longtemps pour en sortir

Chapitre 3

Je marche dans la même rue

Il y a un grand trou dans le trottoir

Je le vois bien

Je tombe quand même dedans…c’est une habitude

J’ai les yeux ouverts

Je sais où je suis

C’est ma faute

J’en sors immédiatement

Chapitre 4

Je marche dans la même rue

Il y a un grand trou dans le trottoir

J’en fais le tour

Chapitre 5

Je prends une autre rue

L’utilisation des contes en coaching

 

« Mes amis, écoutez ce conte : en vérité, c’est le récit même de notre état… »

Rûmî

Les contes, et plus largement les métaphores, poèmes ou anecdotes sont des matériaux utiles dans le processus de coaching ; ils viennent ponctuer l’échange d’une manière stimulante et mémorable, pour peu qu’ils soient adéquats et correctement « transmis » et peuvent aider le client quand il s’agit de se fixer un objectif, de résoudre un problème, de débusquer une croyance limitante, de planifier une action, et bien d’autres choses encore…

Le bon moment peut être pendant la séance, ou bien dans l’inter-séance, cela dépend du client, du contexte et du résultat que l’on souhaite obtenir, donc comme toujours, l’intentionnalité et l’aspect tactique sont clés ! On ne raconte pas un conte « comme ça », au hasard, au cas où ça produirait quelque chose… La clé, c’est la conjonction de la bonne histoire, au bon endroit, au bon moment, pour la bonne personne. Et quand cette alchimie se produit, c’est « le récit même de notre état » comme le dit Rûmî.

Pour pratiquer l’art du conte en tant que conteuse, je prétends que les éléments qui soit vraiment communs aux deux disciplines de conter et de coacher c’est de savoir créer la relation de confiance et de proximité, utiliser au mieux sa voix, créer des « images verbales » pour impacter la psyché du client et utiliser l’humour comme une « arme de recadrage massif » !

Les contes relativement courts sont appropriés, entre 1 à 3 minutes, en particulier pendant les séances. Les contes utilisés en inter-séances peuvent être plus longs, car le client peut les lire à son rythme en y réfléchissant pendant les quelques jours qu’il a devant lui d’ici à son prochain rendez-vous.

Pour moi qui suis une « puriste » du conte, je n’en révèle pas « la morale ». Même si le client me la demande parfois… Il y a une bonne raison à cela ; j’ai choisi cette histoire en particulier car selon moi, elle a un lien avec la situation du client, et je souhaite que lui-même fasse le lien ; quand ça se produit, que cette compréhension se fait, c’est très beau, le client s’allume comme une lampe ! Il serait dommage de le priver de SA découverte à lui. D’autant plus que je ne peux savoir exactement la résonance que l’histoire va avoir en lui, et que je ne veux pas empiéter sur ce que l’histoire lui révèle avec les « gros sabots » de ma projection ou de mon jugement… Et si le client reste perplexe, je vais l’inciter à trouver le lien, grâce à des questions de réflexion.

Etude de cas : Juliette rencontre « Fatima la fileuse et la tente »[22]

Je coache Juliette, 25 ans jeune femme en pleine réflexion professionnelle. Juliette a déjà des expériences professionnelles intéressantes mais qui lui paraissent ne pas avoir de sens les unes par rapport aux autres. Elle s’en veut d’avoir « perdu du temps » et ne sait pas se positionner quand on lui demande ce qu’elle « fait dans la vie ». Alors que nous sommes en phase de clarification de sa demande et d’exploration contextuelle, mon intention est qu’elle puisse élargir sa « carte du monde » et opérer un recadrage sur la diversité de ses expériences professionnelles comme une richesse et non comme un fardeau. Car même si aujourd’hui elle ne voit pas forcément le lien entre ces expériences qui peuvent paraître erratiques, elle peut réfléchir à faire du lien entre elles et leur donner du sens.

Pour cela, je lui raconte l’histoire de « Fatima la fileuse et la tente », qui narre le parcours tumultueux d’une jeune fille, Fatima, dont le voyage est marqué par des épreuves successives. Après avoir survécu à deux naufrages et être devenue successivement filatrice, esclave, puis associée d’un constructeur de mâts, elle se retrouve à l’autre bout du monde devant l’Empereur de Chine qui la sollicite pour la fabrication d’une tente. Grâce à la diversité de compétences acquises dans ses expériences antérieures elle construit une tente exceptionnelle, lui apportant la gratitude de l’Empereur et le bonheur et l’épanouissement qu’elle cherchait à travers ses péripéties.

L’histoire lui plaît beaucoup et la fait réagir à plusieurs moments, notamment le moment de désespoir de Fatima, et le « happy ending » qui la fait sourire.

Le travail se poursuit avec mes questions et plusieurs ateliers qui vont l’aider dans sa réflexion :

Quelle est selon toi la « morale », l’enseignement de cette histoire ?

Quelle serait « la tente » de Juliette ? La chose la plus magnifique, merveilleuse, extraordinaire que tu rêverais de réaliser ? (travail sur la mission, réflexion à ses objectifs actuels et à ses intérêts professionnels).

Quels sont les liens que tu peux faire avec ton expérience personnelle ? Analyse et Éléments Communs : je l’encourage à dresser une liste des compétences, des valeurs et des apprentissages acquis dans chacune de ses expériences.

Narration de son Parcours : je l’invite à créer une histoire cohérente autour de son parcours à l’instant T et à réfléchir à comment ces expériences ont contribué à sa croissance professionnelle, et comment elles se connectent pour former un cheminement logique vers ses objectifs actuels.

L’idée principale est de l’aider à prendre du recul et à donner du sens à ses expériences professionnelles comme des pièces d’un puzzle, complémentaires et finalement cohérentes, même si cela peut ne pas sembler évident au premier abord. Cela l’aide à ouvrir des perspectives nouvelles et enrichissantes sur son parcours professionnel et la suite à y donner.

En somme, les outils SCORE, LIGNE DE VIE et d’autres, utilisés de façon narrative, ou les contes utilisés en coaching peuvent être de très bonnes façons de « saupoudrer » les histoires dans le processus de coaching. Mais on peut aussi aller plus loin, avec des processus de coaching entièrement « orientés histoires », tels que le coaching génératif du « Voyage du Héros » ou l’Approche Narrative utilisée en coaching.

Le coaching génératif du « Voyage du Héros »[23]

Le coaching génératif développé par Robert Dilts et Stephen Gilligan consiste à traverser les 8 étapes clés :

  1. L’Appel : symbolisant la vision et la mission poursuivies par un client, une équipe ou une entreprise
  2. Accepter l’Appel : il y a souvent en effet un moment de refus ou d’hésitation à se lancer dans l’inconnu
  3. Passer le seuil : le nouveau territoire, et les éléments d’incertitude et d’inconnu auxquels le client doit faire face pour mettre en œuvre sa vision et sa mission
  4. Trouver des gardiens, mentors et sponsors : les relations que nous développons et qui nous soutiennent dans l’acquisition des compétences nécessaires, nous encouragent à avoir foi en nous-même, et à rester centré(e) sur nos objectifs
  5. Faire face à un défi (ou « démon ») : les difficultés, les bouleversements, la compétition, la politique interne et tout autre obstacle ou crise
  6. Trouver de nouvelles ressources : les croyances et les compétences en matière de comportement et de gestion des affaires que nous réussissons à mettre en œuvre pour faire face à la complexité, l’incertitude et la résistance
  7. Créer une nouvelle « carte du monde » pour accomplir ce qui doit l’être : avec l’étape précédente, c’est le cœur du processus de transformation, de soi-même et de sa façon d’appréhender « le monde », dans un sens global (contextes, situations, relations, évènements, etc…)
  8. Trouver le chemin de la maison : revenir chez soi, revenir « à soi », transformé, et partager les fruits de cette transformation avec son entourage.

Ces étapes du récit mythologique sont utilisées comme métaphores pour guider les personnes à travers leurs propres défis et processus de croissance personnelle. Cela inclut l’exploration des croyances limitantes, la transformation des modèles comportementaux et la découverte de ressources internes pour atteindre des objectifs personnels et professionnels. L’accent est mis sur la création d’un changement profond et durable, en utilisant la puissance de l’imagination, des métaphores et des récits pour stimuler la croissance et la transformation personnelle.

Des ateliers et concepts de développement personnel émaillent le voyage : dessiner la carte de son voyage, apprendre la maîtrise de son « Jeu intérieur », concept développé par Timothy Gallwey[24], travailler son centrage en tant que coach avec la posture COACH versus la posture CRASH, entraîner sa résilience, etc…

Le coaching génératif du « Voyage du Héros » est une approche riche, créative et singulière, incorporant de nombreuses techniques de développement personnel et un aspect spirituel assumé. Elle encourage sans conteste la croissance personnelle et la libération du potentiel individuel. J’ai apprécié d’y être initiée par Robert Dilts lui-même, un homme extrêmement généreux dans sa transmission, d’un abord très facile et qui incarne une bienveillance sincère.

Certaines critiques peuvent cependant être faites au coaching génératif : L’accent étant mis sur l’imagination, la subjectivité et les métaphores, cela rend la démarche très libre, et finalement assez peu guidée, sinon par la structure du Voyage en lui-même. Cela a l’avantage de permettre l’expression de la singularité du coach, mais créé une dépendance à ses interprétations personnelles. Certaines notions peuvent paraître complexes ou manquer de clarté conceptuelle, rendant la compréhension plus difficile ou la prise en main plus aléatoire.

L’Approche Narrative

Les pratiques narratives proposent de soigner non pas les personnes, mais les histoires

Pierre Blanc-Sahnoun

Comme l’explique Céline Bedell[25], les pratiques narratives sont nées dans les années 80 en Australie, des travaux de deux thérapeutes, Michael White et David Epston, qui ont imaginé et développé cette approche lors de l’accompagnement de populations aborigènes. L’approche de Michael White a été de proposer aux Aborigènes qu’ils lui racontent comment ils perçoivent le monde (leur « carte du monde »), et de les faire rechercher dans leur culture et dans leurs traditions, vieilles de 50 000 ans, si des solutions ont déjà été élaborées pour résoudre les problèmes présents dans la communauté.

L’Approche Narrative repose sur la métaphore de la vie construite comme un texte littéraire, proposée par Jérôme Bruner[26], ainsi que sur un large éventail de sources et d’approches, notamment les approches systémiques, méthodologies de représentation et de modélisation d’un ensemble d’éléments en interaction dynamique.

Les bases de l’Approche narrative sont les suivantes :

  • L’identité d’une personne n’est pas sa biographie, mais se construit à partir des récits qu’elle se raconte et qui sont racontés à son propos,
  • La personne opère un « choix narratif» dans ce qu’elle retient et raconte des évènements de sa vie,
  • Certains de ces choix narratifs prépondérants, également confirmés par l’entourage, s’ancrent et deviennent les histoires dominantes que l’on se raconte à soi-même, comme de véritables caractéristiques identitaires, certaines aidantes, d’autres limitantes,
  • La personne finit parfois par se conformer à des histoires qui l’enferment, et qui peuvent devenir « saturantes » dans sa vie,
  • On parle alors « d’histoire dominante de problème», une histoire qui élimine toutes les autres jusqu’à devenir LA vérité sur la personne.

Comme le disait Carl Rogers[27], « la personne n’est pas le problème », et le travail du coach praticien narratif avec son client va consister à « dissocier le problème de son identité, le dissoudre pour atténuer son influence sur sa vie », et à trouver les clés d’une nouvelle histoire favorisant le développement et l’expression pleine et entière de son unicité.

Les grandes étapes de la démarche consistent à :

A- Externaliser l’histoire de problème: cette première phase va permettre au client de sortir de la « description pauvre » de la situation et de lui-même, grâce aux étapes suivantes :

  • Identifier l’histoire de problème
  • Donner un nom au problème
  • Explorer les activités du problème, en partant de l’expérience la plus récente et en remontant dans le temps : « Racontez-moi la dernière fois que PROBLEME s’est manifesté ? La fois juste d’avant ? La première fois qu’il s’est introduit dans votre vie ? »
  • Evaluer les effets du problème : « Quelles sont les conséquences de PROBLEME dans votre vie ? A quoi PROBLEME vois fait renoncer ? »
  • Etablir une carte de déclaration de position: l’objectif est de faire formuler au client les raisons pour lesquelles le problème ne lui convient pas, et relier ces raisons à des éléments identitaires plus proches des aspirations profondes de la personne.

B- Redevenir auteur: cette phase consiste à faire redevenir le client auteur de son histoire, de lui permettre de retrouver un sentiment d’initiative personnelle, de lui redonner du pouvoir, (au sens de capacité, possibilité) sur sa vie :

  • Identifier des « exceptions» au récit dominant, « réserves d’expériences non encore historiées », et on voit bien là le recoupement avec les zones non encore cartographiées de la carte du monde, vue précédemment,
  • Explorer et mettre en valeur les techniques de résistance au problème développées par le client lors des exceptions : « comment vous y êtes-vous pris cette fois-là ? Qu’est-ce que vous avez mis en place pour y arriver ? »
  • Dévoiler l’Absent Mais Implicite (AMI): cette notion désigne « la belle valeur que la personne défend », « une valeur qui n’est pas honorée, qui est cachée ou abîmée par l’histoire de problème »
  • Faire émerger l’identité préférée du client
  • Activer le « remembrement», c’est-à-dire sortir la personne de l’isolement qu’a pu créer autour d’elle son histoire de problème et la relier à un « Club de Vie » dont elle va choisir les membres.
  • Inviter des témoins extérieurs, qui vont venir constater les avancées de la personne pour ancrer son développement et soutenir l’identité préférée en cours d’élaboration.

Toute une « documentation narrative poétique » (journal intime, récits, contes, poèmes, diplômes, collages…) va pouvoir mailler le processus et des outils comme l’Arbre de Vie, le Chemin de Vie, le photolangage ou les cartes créatives peuvent être utilisés.

Etude de cas : Viviane voit ROUGE (intentionnalité : Identifier l’histoire dominante de problème, lui donner un nom et explorer ses activités)

Viviane est salariée depuis plus de 20 ans dans un groupe multinational qu’elle apprécie, et dans lequel elle a connu une progression importante, d’assistante de direction à responsable d’un pôle évènementiel important en interne comme en externe.

Viviane est une personne extrêmement appréciée de ses collègues et de ses supérieurs, très compétente, vive, créative, aiment rendre service. Mais lorsqu’elle détecte ce qu’elle pense être de l’injustice, elle m’explique qu’elle peut devenir confrontante et agressive, cela lui est déjà arrivé dans le passé et l’a desservi. Elle voudrait éviter de retomber dans cette attitude et développer d’autres options. Depuis quelques semaines, elle subit la « dureté managériale » de sa nouvelle supérieure hiérarchique et quand je la questionne sur ce qu’elle ressent lorsque cela arrive, elle me parle de colère, « je ne suis pas d’accord avec la façon dont elle me traite, et quand j’y pense je vois rouge ! » me dit-elle. Voilà le problème nommé, ROUGE, et le questionnement externalisant peut alors commencer, à partir des mots de la cliente VOIR – ROUGE.

  • Coach : C’était la première fois que vous voyiez ROUGE ? (Contexte)
  • Cliente : Non, j’avais déjà vu ROUGE avant, je sentais que ça montait à l’intérieur, je connais ces sensations
  • Coach : Et quand est-ce que ROUGE s’était manifesté avant ? (Contexte)
  • Cliente : Lundi dernier, quand j’ai vu ma boss qui parlait mal à une de nos petites stagiaires, à moi encore ça passe, j’ai de la bouteille, mais là, j’ai trouvé ça vraiment honteux et injuste de parler comme ça à quelqu’un qui débute
  • Coach : Et ça fait quoi quand ROUGE « monte à l’intérieur » ?
  • Cliente : j’ai chaud, ça boue à l’intérieur, je me dis que je ne suis pas d’accord, que je ne peux pas laisser faire ça, qu’elle n’a pas le droit de se comporter comme ça
  • Coach : Comment est-ce que ROUGE s’est introduit dans votre vie ? (Contexte)
  • Cliente : Oh là là ça fait longtemps qu’elle est dans ma vie, je ne me souviens pas comment elle a fait pour entrer !
  • Coach : Qu’est-ce que ROUGE vous demande de faire ? (Comportements)
  • Cliente : (avec spontanéité) me battre ! Me battre contre ceux qui se croient supérieurs aux autres et qui sont durs avec eux ! Et en plus, elle n’est même pas compétente cette nouvelle boss ! Non mais c’est dingue tout ce que je me raconte là…
  • Coach : Qu’est-ce que ROUGE vous raconte ? (ré-externalisation – Croyances)
  • Cliente : elle me dit qu’il y a des choses que je ne dois pas laisser passer, que je ne dois pas laisser faire, que je dois m’opposer
  • Coach : Et quand vous vous opposez, quelle utilité a ROUGE dans votre vie ?
  • Cliente : Elle me défend, elle est forte, elle empêche qu’on me marche sur les pieds ou qu’on soit injuste
  • Coach : Quelles sont les valeurs qui pourraient faire perdre ses moyens à ROUGE ? (Valeurs)
  • Cliente : Ah… ce serait la bienveillance, l’harmonie, le partage…
  • Coach : Et qu’est ce qui pourrait l’empêcher de prendre autant de place ?
  • Cliente : (avec émotion) ce serait qu’elle se sente plus en paix…

Lors de ce début d’échange les bases sont posées avec l’identification et l’externalisation du problème (ROUGE), et des premières pistes établies pour redevenir auteur de son état désiré (être en paix, cultiver bienveillance, harmonie et partage).

 

Utiliser les histoires au bénéfice du client : Comment ?

Utilisation explicite ou implicite des histoires : positionnement du coach

Les outils narratifs ou des histoires utilisées de façon ponctuelle font partie de la « boîte à outils » du coach avec beaucoup d’autres et ce dernier peut les utiliser de temps en temps quand cela lui semble tactiquement approprié. Ce premier cas de figure n’implique pas de « publicité » particulière auprès du client ; l’artisan charpentier n’explique pas à son client quel marteau, gouge ou pointe il va utiliser pour son chantier, c’est son expertise. Plus il avance vers la maîtrise de son art, plus il sait quel outil employer et comment l’employer, comme illustré dans cette métaphore d’Eric Berne[28] :

Un plombier appelé par un particulier pour réparer une chaudière découvre une valve bloquée. Après un rapide examen de l’installation, il saisit un marteau dans sa boîte à outils, frappe d’un grand coup la valve incriminée, remet son marteau en place, vérifie l’arrivée d’eau chaude et présente sa note à son client sans plus d’explications : il faut payer 100 dollars.

Estimant la somme excessive pour un simple coup de marteau, le client demande alors une facture détaillée.

Imperturbable, le plombier reprend sa facture et écrit : « 1 dollar pour frapper la valve avec un marteau, 99 dollars pour avoir trouvé l’endroit où le donner ».

On a vu également que l’on pouvait coacher un client à partir de processus complets d’accompagnement narratif, comme le « Voyage du Héros » et le « Coaching par l’Approche narrative ». Il s’agit là d’une spécialisation, le coach n’est plus simplement un généraliste mais un spécialiste d’une forme d’accompagnement bien particulière, qui fait partie de son positionnement, de sa proposition de valeur, de son ADN de coach et qui peut être présenté en tant que tel au client.

L’utilisation explicite ou implicite des histoires, visible ou invisible, va donc dépendre de la pratique et du choix de positionnement du coach et va également dépendre du client. Et d’ailleurs… l’utilisation des histoires en coaching est-elle bonne pour tout le monde ?

Pour quel type de client ?

L’utilisation des histoires en coaching est-elle bonne pour tout le monde ? Quand on s’attelle à cette question, même quand on est une « amoureuse des histoires » comme moi, la réponse immédiate est « Non », ne serait-ce que par principe !  En tant que coach, nous nous devons de nous garder de toute systématisation, c’est bien à cela que nous invite notamment la notion de « posture basse sur le contenu ». Donc l’utilisation ou non des histoires va dépendre de notre client, de qui il est et de la nature de sa demande.

Utiliser les histoires, c’est faire appel à l’imaginaire, à la capacité de rêverie, de créativité, cela ramène aux notions d’émotions, de jeux de rôles, d’enfance, d’une forme d’innocence…Alors si je réfléchis au portrait d’un client (ou « persona » en marketing, représentation fictive d’un client doté de caractéristiques psychologiques spécifiques) pour qui les histoires seraient adaptées en coaching, je projette une adéquation avec les typologies suivantes :

  • Personnalités créatives et artistiques : Les individus qui ont une orientation artistique, tels que les artistes, les écrivains, les musiciens, etc., car l’imagination et l’expression émotionnelle fait partie intégrante de leur processus créatif,
  • Personnalités empathiques et sensibles : Les personnes qui comprennent facilement les sentiments et les expériences émotionnelles sont souvent à l’aise pour explorer leurs propres émotions dans un contexte narratif,
  • Personnalités intuitives : Les individus ayant une forte intuition peuvent souvent se connecter plus facilement avec leur imagination, explorant des idées et des possibilités qui ne sont pas nécessairement fondées sur des faits concrets,
  • Personnalités orientées vers la communication et les relations humaines : Les personnes qui excellent dans les relations interpersonnelles comprennent l’importance des émotions dans la communication et les interactions humaines,
  • Personnalités ouvertes et non conventionnelles : Les personnes qui sont ouvertes aux idées nouvelles, non conventionnelles, avec une tolérance élevée pour l’ambiguïté peuvent être plus disposées à explorer l’imagination et les émotions dans un cadre narratif,
  • Personnalités exploratrices et curieuses : Les individus « voyageurs », qui sont naturellement curieux et qui aiment explorer de nouveaux horizons, qu’ils soient intellectuels, émotionnels ou créatifs, peuvent être très à l’aise avec les approches narratives basées sur l’imagination.

Bien entendu nos identités sont plurielles et ces traits de personnalité ne sont pas exclusifs les uns des autres et peuvent se combiner chez une même personne. En tout cas ils me semblent être de bons « atouts » pour les approches narratives.

A l’inverse, on peut aussi se poser la question de types de personnes « résistantes », qui ne se prêteraient pas au jeu des pratiques narratives, par exemples des clients :

  • très pragmatiques, cartésiens, axés sur les faits : Les individus qui privilégient les faits, les données concrètes et qui ont du mal à se connecter avec des concepts abstraits pourraient être sceptiques, ou trouver difficile d’adhérer à une approche narrative, axée sur les récits personnels,
  • cherchant des solutions concrètes immédiates : une approche narrative pourrait sembler trop axée sur l’introspection et moins orientée vers l’action directe,
  • réservés, introvertis, ayant du mal à exprimer ou à explorer leurs émotions, n’ayant pas de goût pour les mots, peu de facilité d’expression ou bien même complexés par leur manque de culture  : une approche narrative qui encourage l’expression émotionnelle et littéraire pourrait sembler inconfortable ou non adaptée,
  • préférant des approches structurées et directes : Ceux qui préfèrent un coaching avec des objectifs et des étapes claires, sans trop d’exploration ou de réflexion personnelle, pourraient ne pas être à l’aise avec une approche narrative qui est plus orientée vers l’exploration et la découverte personnelle.

Cependant, il est important de noter que parfois, même les personnes ayant ces caractéristiques peuvent bénéficier de l’approche narrative si elle est présentée d’une manière qui correspond à leurs besoins et à leur style de réflexion.

Pour quel type de demande ?

Quand je me suis posé la question de l’adéquation des techniques narratives s’agissant des demandes clients, je me suis référé à la liste de modes d’intervention que décrit l’EMCC[29]. Dans le cadre des coachings individuels, la liste est la suivante :

Coaching de développement : assumer des responsabilités nouvelles et opérer un changement de posture important (prise de poste, promotion, nouveau projet, nouvel enjeu de leadership…)

Coaching de résolution : problématique récurrente qui bloque le développement personnel et professionnel (gestion du stress, blocage relationnel, manque de confiance en soi, difficulté à s’affirmer, « peur de gagner », …)

Coaching de transition : préparation d’une mobilité ou un repositionnement professionnel ou personnel (reconversion, définition d’un nouveau projet professionnel, divorce, retraite…)

Coaching prise de décision : Choix d’investissement, choix d’orientation professionnelle ou d’études, choix personnels à fort enjeu…

Coaching de crise : lors de situations d’urgence pour donner du soutien à des personnes qui vivent une crise grave (perte d’un contrat majeur, évolution brutale de l’environnement, conflit relationnel…)

Coaching de soutien : retrouver une dynamique et une cohérence dans un passage difficile personnel ou professionnel, avec fragilisation individuelle (deuil, épuisement, perte de motivation …)

Coaching de guidance (ou d’introspection) : recherche d’une plus grande cohérence entre ses choix professionnelles et des dimensions existentielles voire spirituelles (mise en conscience des besoins existentiels, des valeurs, remise en perspective des choix antérieurs, travail identitaire…)

Coaching de performance : recherche d’acquisition de compétences supplémentaires (prise de parole en public, gestion des priorités, suivi des objectifs, leadership…)

 Le fait d’illustrer certaines parties des processus de tous ces différents coachings par les histoires ou quelques outils narratifs est tout à fait possible, il n’y a pas de contre-indication pour peu que le client n’y soit pas réfractaire et que l’intentionnalité soit la bonne.

L’approche du Voyage du Héros me paraît quant à elle plus appropriée pour les grands changements, ceux de Type 2 : prévisible parfois, imprévisible la plupart du temps, le changement le plus brutal, c’est le changement de paradigme individuel, le grand bouleversement qui entraîne un repositionnement, c’est un moment de dissonance, le moment où la construction identitaire vacille...[30]. Le changement de Type 2, c’est en quelque sorte une aventure héroïque avec sa quête identitaire. Dans la liste précédente, les coachings de transition et de guidance me paraissent pouvoir être structurés avec le Voyage du Héros.

Le coaching par l’Approche Narrative me paraît quant à lui particulièrement adapté aux coachings de crise et aux coachings de résolution, car l’approche va permettre dans un premier temps d’externaliser « vigoureusement » une problématique, qu’elle soit aiguë ou chronique, avant de faire place à une alternative bénéfique pour la personne… Cependant, à en croire Pierre Blanc-Sahnoun : « les pratiques narratives peuvent s’adapter à toutes les problématiques et à tous les contextes d’accompagnement en leur offrant à chaque fois de de nouveaux éclairages créatifs et de nouvelles possibilités d’action éthiques. »

Dimension stratégique et intentionnalité

Intégrer la dimension stratégique au coaching se réfère à l’art d’élaborer un plan vers l’objectif du client avec une vision d’ensemble et long terme, en coordonnant un ensemble de tactiques court terme.

Concernant l’utilisation des histoires, les questions d’intentionnalité à se poser pour le coach sont les mêmes que pour l’entièreté du processus et des autres outils, avec 3 « règles d’or » :

  • Quand j’utilise une histoire ou un outil narratif, quel but poursuis-je, quelle est mon intention ?
  • Si je n’avais qu’une seule histoire à raconter ou un seul outil narratif à utiliser, qu’est-ce que cela serait ?
  • On n’utilise pas une histoire ou un outil narratif par hasard, ou ”pour voir”…

Moments appropriés dans le processus

On a vu dans les exemples précédents que le recours aux histoires ou aux pratiques narratives pouvait être fait à de nombreux moments du processus, voire être utilisé comme LE processus dans le cas du Voyage du Héros[31] et de l’Approche Narrative[32] et j’aimerais le récapituler ici :

  • Clarification de la demande client, détermination de l’objectif : SCORE, DOMAINES DE VIE d’HUDSON
  • Exploration contextuelle : LIGNE DE VIE d’HUDSON
  • Exploration et identification des croyances/valeurs/besoins : DOMAINES DE CONSCIENCE DE BATESON (si blocage suspecté, en recherche d’alignement)
  • Séance de clôture : DOMAINES DE CONSCIENCE DE BATESON

Les CONTES et HISTOIRES peuvent intervenir à tout moment, même dès le premier entretien, pour peu qu’ils soient adaptés, c’est-à-dire « l’histoire juste au juste moment et au juste endroit du processus », au bénéfice du développement de la personne.

L’APPROCHE NARRATIVE propose un processus complet de détection et de transformation de « l’histoire dominante de problème » du client, à tout moment.

De même, s’agissant du VOYAGE DU HEROS, il est utilisé en coaching comme la narration complète du processus de changement. A chaque étape, le coach invite le client à réfléchir à sa problématique en l’inscrivant dans ce qui peut être vu comme un procédé de résolution de problème. Le schéma ci-dessous qui rapproche la structure du Voyage (en 12 étapes) à la progression du changement intérieur chez notre client-héros.

En somme, cela fait partie de la maîtrise et de l’art du coach, de connaître ces outils et de les employer au bon moment, grâce à son expérience, à son intuition mâtinée d’une bonne dose de calibration, de façon éthique et en respectant le cadre déontologique de notre profession.

Cadre déontologique et éthique personnelle pour l’utilisation des histoires

Au-delà des normes et prescriptions déontologiques que sont par exemple la confidentialité ou l’absence de conflit d’intérêts, le coach a une responsabilité professionnelle importante, qui inclut ses obligations envers sa profession, ses capacités à remplir ces obligations et le développement d’une pratique vertueuse[33].

Le coach possède une part d’influence sur la psychologie de son client. Cette influence n’est pas dangereuse et néfaste en elle-même, mais le coach se doit d’en avoir conscience pour la mettre au service du client. D’autant plus quand il incorpore les histoires dans sa pratique ; car on a vu que, même si elles arrivent sous une forme anodine et divertissante, elles peuvent avoir un effet puissant sur l’auditeur, elles ont aussi en elles-mêmes une forme d’influence et de pouvoir. Comme l’écrit Pierre-Blanc Sahnoun, « Ce sont les histoires qui fabriquent la réalité ». Il y aurait donc possiblement deux formes d’emprise, celle du coach et celle de ses histoires.

Alors il lui incombe d’être particulièrement attentif aux « histoires » qu’il raconte ; il sait que sa position et rôle l’amène à être « le co-scénariste du film que ses clients réalisent sur leur vie ». Être respectueux du client, « c’est s’abstenir de le définir de l’extérieur par un récit appauvri ou méprisant sur ce qui est précieux pour lui. Nous avons une influence permanente sur notre écosystème narratif. À notre insu, nous produisons, ou consolidons, ou détruisons, des mondes ». Être respectueux du client, c’est l’aider à se construire un nouveau récit plus riche, aligné avec tout ce qu’il est et qui va nourrir de nouveaux potentiels. C’est de tenter avec humilité et sincérité de lui fournir le matériau de réflexion et de compréhension composé d’histoires et d’outils narratifs adaptés au mieux à ce qu’il est et à son objectif.

Enfin, s’agissant de coacher avec les histoires comme avec tout autre outil, il est nécessaire d’être supervisé, en supervision individuelle et/ou en supervision en groupe de pratiques, afin d’analyser et de prendre le recul nécessaire, éclairé par un tiers expert, pour éviter toute dérive.

Efficacité et limites

Les histoires et pratiques narratives peuvent être des outils puissants, par leurs dimensions culturelle, mythologique, symbolique, et bien d’autres encore, qui nous touchent consciemment et inconsciemment pour nous aider à sortir de vieux schémas et croyances obsolètes pour nous créer de nouvelles possibilités et réalités de vie.

Mais ce ne sont que les outils dans la main de l’artisan. Leur qualité importe : il y a d’excellentes histoires et d’autres médiocres, quant aux pratiques narratives elles sont nombreuses. Alors c’est d’abord au coach qu’il faut qu’elles « parlent » afin qu’il puisse les transmettre correctement. Et il en va de ces outils comme du reste, c’est-à-dire que quand on fait l’expérience soi-même on peut partager à un autre niveau. Par exemple, les histoires qui m’ont le plus impacté et permis de comprendre quelque chose d’important et d’avancer, celles-là elles sont inscrites profondément en moi et quand je les utilise, je sens bien qu’il se passe quelque chose d’autre que juste raconter une histoire. Mais méfions-nous aussi de nos projections !

Les histoires faisant une large part à l’imagination, elles peuvent être interprétées différemment par chaque individu en fonction de son contexte culturel, social et personnel. La subjectivité de l’interprétation peut conduire à des résultats variés et parfois imprévisibles dans le processus de coaching. De même il existe une subjectivité de la part du coach dans la sélection des histoires et leur appropriation dans le contexte du coaching. Ces décisions exigent une grande compétence et sensibilité de sa part. Une mauvaise sélection peut entraîner des résultats non souhaités voire contre-productifs pour le client. Toutes les histoires ne conviennent pas à tous les individus ou à toutes les situations et il est crucial de considérer le contexte, la culture et la spécificité du client pour choisir des histoires pertinentes.

Comme pour tous les outils, il n’y a pas de panacée ! Ça ne « marche » pas à tous les coups, ou pas tout de suite… Un client m’a parlé lors de sa séance de clôture de « l’histoire des petits biscuits » que j’avais partagée avec lui en troisième séance. Cette histoire a eu un impact fort et a créé une dissonance cognitive vertueuse pour lui, mais ça ne s’est pas fait au moment même et il a fallu plusieurs semaines avant que l’histoire ne révèle son trésor pour lui.

J’avais d’ailleurs un peu hésité à lui raconter une histoire car il était du genre « client résistant », concret, très cartésien, s’attachant aux faits. Cette fois-ci, l’histoire l’a aidé, mais même si elle est puissance, l’approche narrative peut parfois négliger les aspects plus concrets et pratiques des défis auxquels le client est confronté, et qu’il nécessite des voies plus pragmatiques.

La mesure de l’efficacité des histoires est aussi une limite, car bien que cette efficacité soit largement acceptée, il manque de preuves scientifiques solides pour étayer leurs effets précis et mesurables.

L’intégration des histoires dans le coaching offre donc un potentiel transformateur significatif, amplifiant la prise de conscience et la transformation du récit intérieur du client. Les techniques narratives sélectionnées, de l’utilisation des contes à l’Approche Narrative et au Voyage du Héros, représentent des outils puissants pour cette exploration. Toutefois, la prudence est de mise : l’éthique, l’intentionnalité et la compréhension fine du moment opportun pour introduire ces récits sont essentielles. Les histoires en coaching ne conviennent pas à tous les contextes ni à toutes les demandes, nécessitant une évaluation attentive de leur efficacité et de leurs limites dans le respect des règles déontologiques, afin de garantir un accompagnement responsable et respectueux du client.

Conclusion

À travers cette étude approfondie, il m’est devenu clair que les récits ont une puissance remarquable pour faciliter la prise de conscience et l’atteinte des objectifs des clients lors des processus de coaching. En examinant leur nature universelle en tant que reflets de l’expérience humaine, j’ai remonté le temps et exploré les théories narratives classiques ainsi que leur impact sociologique, cognitif et émotionnel profondément enraciné.

J’ai constaté à quel point les histoires sont des outils évolutifs, façonnant nos perceptions et notre compréhension du monde, offrant des clés pour explorer nos récits intérieurs.

En se penchant sur l’opérationnalité de l’utilisation des histoires dans le cadre du coaching, cette étude a identifié plusieurs techniques narratives favorables à cette pratique : des outils de coaching « classiques » ayant un potentiel narratif important, avec lesquels le client peut vraiment prendre conscience de l’histoire qu’il se raconte et décider de la faire évoluer, l’utilisation de contes lors du coaching, l’Approche Narrative et le processus du Voyage du Héros.

Cependant, des champs d’étude connexes méritent encore d’être explorés, et la réflexion éthique doit rester primordiale : l’utilisation des histoires en coaching requiert une intentionnalité précise, une compréhension profonde du client, et une adhésion rigoureuse aux règles déontologiques de la profession. Les histoire ne sont pas des outils universels, mais plutôt des guides à manier avec discernement, elles ont leur efficacité et aussi leurs limites.

Néanmoins, cette investigation m’ouvre des portes vers une pratique réfléchie du coaching avec l’aide des histoires, offrant des perspectives enrichies et créatives pour accompagner les clients vers leur plein potentiel, m’incitant à une utilisation éclairée de ces outils dans le respect des individus et de leurs récits uniques.

Bibliographie

Livres

 – CELINE BEDELL (2023), Coacher avec l’approche narrative, Dunod-InterEditions

 – BRUNO BETTELHEIM (1976), Psychanalyse des contes de fées, Pocket

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 – JEAN COTTRAUX (2003), La répétition des scénarios de vie, Odile Jacob

 – ROBERT DILTS, GINO BONISSONE (2003), Des outils pour l’avenir, Desclée de Brouwer

 – STEPHEN GILLIGAN, ROBERT DILTS (2019), Le voyage du Héros, Dunod-InterEditions

 – DAVID GORDON (2021), Contes et Métaphores thérapeutiques, Dunod-InterEditions

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Articles

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 – JEROME BRUNER I (1987), « Life as narrative » in Social Research, Vol. 54, No. 1, Reflections on the Self SPRING, pp. 11-32

 – KATE P. NURSER, IMOGEN RUSHWORTH, TOM SHAKESPEARE, DEIRDRE WILLIAMS (2018), « Personal storytelling in mental health recovery » in Mental Health Review Journal, Vol. 23 Issue: 1, pp.25-36, Emerald Insight

 – MAUREEN, I.Y., VAN DER MEIJ, H. & DE JONG, T (2020). Enhancing Storytelling Activities to Support Early (Digital) Literacy Development in Early Childhood Education. IJEC 52, 55–76

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SITE EMCC I « Modes d’intervention » in emccfrance.org, disponible sur https://www.emccfrance.org/domaines-dintervention , consulté le 08/11/2023

 

 

[1] « La République » de Platon, écrit au IVème siècle avant JC

[2] Support pédagogique DCP Linkup

[3] Préface de Marthe Robert, CONTES de GRIMM, Folio Gallimard, 1976

[4] Zoé Hazera. De Merlin à Dumbledore : l’archétype du mentor. Sciences de l’Homme et Société. 2017. ffdumas-02044898f

[5] VLADIMIR PROPP (1965), Morphologie du conte, Pocket

[6] Symbole primitif et universel appartenant à l’inconscient collectif de l’humanité et se concrétisant dans les contes, les mythes, le folklore, les rites etc. des peuples les plus divers (définition CNRTL)

[7] DAN P. McADAMS, RUTHELLEN JOSSELSON & AMIA LIEBLICH I (2006), Identity and story: Creating self in narrative, American Psychological Association

[8] Jean-Sébastien DUBE I (2019), « Données probantes en éducation : pourquoi les récits favorisent-ils l’apprentissage? (Partie 1/2)» in Perspectives SSF

[9] Kate Balestra. La compréhension du fonctionnement des neurones miroirs permettrait-elle à l’enseignement d’agir sur la peur de l’erreur chez l’élève ?. Education. 2017. ffdumas-02091109

[10] Support pédagogique Linkup

[11] Les prénoms des clients des études de cas sont modifiés par respect de la confidentialité

[12] Djalâl AD-DIN RUMI, poète, théologien et mystique persan du 13ème siècle

[13] DANIEL KAHNEMAN (2016), Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée

[14] https://amaninthearena.com/erreur-fondamentale-attribution/# , consulté le 10 décembre 2023

[15] https://www.shortcogs.com/biais/biais-retrospectif, consulté le 11 décembre 2023

[16] ROBERT DILTS, GINO BONISSONE (2003), Des outils pour l’avenir

[17] Frédéric HUDSON, docteur de l’Université de Columbia est l’un des pères du coaching. Il est l’auteur du livre « The handbook of coaching »

[18] Luiz Inácio Lula da Silva, président de la République fédérative du Brésil

[19] Psychiatre, membre fondateur de l’Académie de thérapie cognitive (Philadelphie)

[20] JEAN COTTRAUX (2003), La répétition des scénarios de vie

[21] Actrice américaine (1920-2001)

[22] Idries Shah, Contes Derviches, page 79

[23] STEPHEN GILLIGAN, ROBERT DILTS (2019), Le voyage du Héros, un éveil à soi-même avec le coaching génératif

[24] Entraîneur et conférencier, il a développé une méthode référence de coaching et de développement des performances

[25] CELINE BEDELL (2023), Coacher avec l’approche narrative

[26] JEROME BRUNER I (1987), « Life as narrative » in Social Research

[27] Psychologue humaniste américain (1902-1987) connu pour son approche centrée sur la personne

[28] Créateur de l’Analyse Transactionnelle

[29] https://www.emccfrance.org/domaines-dintervention

[30] Support pédagogique Linkup

[31] Voir section 2.3.2

[32] Voir section 2.3.3

[33] Cf « Code de déontologie : une lecture de la responsabilité du coach », Revue Européenne de Coaching, 4, 10/2017

Par Diego Torraca

#Philosophe #R&D #Autrui #Intersubjectivité

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