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Numéro 20 12/2024 Numéros

Réduire l’anxiété liée à l’orientation scolaire : Place(s) du coaching dans l’accompagnement systémique de la génération Z

Aurélie AIELLO 

Diplômée d’une licence de lettres modernes option préprofessionnalisation me destinant à l’enseignement depuis toute petite, j’ai finalement choisi l’Education populaire pour m’épanouir professionnellement plutôt que le concours. Titulaire d’un Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et du Sport (BPJEPS) et d’un 3e cycle en Métiers de la Culture obtenu à l’IESA de Paris, mon expertise mêle coaching scolaire et accompagnement de projets de jeunes. J’interviens auprès d’eux sur leur temps dans des contextes variés depuis 23 ans, notamment l’accompagnement de projets de jeunes.

À la recherche de nouvelles compétences pour soutenir adolescents et étudiants dans la découverte de leur potentiel, j’ai obtenu en 2023 le titre certifié RNCP de coach professionnel et la spécialisation de « Coach scolaire, spécialisée décrochage scolaire » chez Linkup coaching. Je développe actuellement mon projet d’entreprise, Diacamma coaching.
Pour en savoir plus : https://www.diacamma-coaching.fr/

Introduction

L’adolescence est une période importante de la constitution d’un individu. La génération Z, en particulier, soulève ces derniers temps de nombreuses questions. Les collégiens et lycéens, en pleine transition physique et cognitive, doivent de plus en plus tôt faire des choix d’avenir déterminants en matière d’orientation scolaire.

Cet article tente d’explorer de manière approfondie en quoi le coaching contribue à réduire l’anxiété de l’adolescent(e) lié à l’orientation scolaire au collège et au lycée général en répondant aux spécificités de la génération Z.  Comment le coaching peut-il aider à réduire l’anxiété liée à l’orientation et s’intégrer dans le système scolaire pour contribuer à l’amélioration du bien-être adolescent ?

  1. Qu’est-ce qu’une génération?

La notion de « génération » est polysémique et complexe. Elle couvre successivement : l’Ensemble de ceux qui descendent d’une même origine; chaque degré de filiation, laps de temps qui sépare ces degrés de filiation (environ trente ans) et lEnsemble de ceux qui vivent à une même époque et qui ont sensiblement le même âge[1]. Cette définition basique ne tient compte que des aspects généalogiques et sociologiques.

De plus, dans son article Générations X, Y, Z… l’alphabet d’un concept qui se cherche[2],  Elodie Llobet insiste sur la multiplicité des références médiatiques, culturelles et sociales à la notion de « génération ». En effet, l’usage dévoyé du terme contribue d’une part à véhiculer une image peu réaliste des populations représentées, d’autre part à rendre le concept plus flou et connoté. Il faut donc se départir d’une vision simpliste du concept pour en saisir les enjeux et puiser dans divers domaines des sciences humaines tels que la philosophie, la sociologie ou l’histoire pour aller plus loin.

Auguste Comte, aux prémices du XIXe siècle, adosse le concept de « génération » à celui de « progrès ». Le rythme de renouvellement du premier donne le rythme du second.[3] Ce faisant, il contribue à définir la « génération » comme l’unité de temps nécessaire au renouvellement continu du genre humain, permettant à la suivante d’introduire le progrès par rapport à la précédente, plus âgée, donc plus encline à l’inertie et au conservatisme de ses acquis. Pour autant, cette dernière est aussi la garante de la mise en œuvre du progrès puisque le temps est une nécessité du processus. Ainsi, une génération n’est pas tant une unité de durée qu’une projection dans un progrès commun construit avec la génération précédente, issue d’une certaine continuité autant que de ruptures.

François Mentré complète cette définition en 1920, dans Les générations sociales. La « génération » y est définie comme une unité spirituelle, un état d’âme collectif qui implique une philosophie de la vie contemporaine, […] une conception latente qui justifie les actes et imprègne les habitudes. Une génération serait définie par un ordre moral supérieur partagé, transcrit dans les comportements récurrents du collectif observé.

Pour Karl Mannheim et Marc Bloch, une génération englobe des aspects sociaux, historiques, et émotionnels partagés par un groupe d’individus au sein non seulement d’une même période, mais aussi d’un même système. Pour Marc Bloc, les caractéristiques d’une génération sont le fruit d’influences sur la jeunesse de celle-ci. Elles évoluent dans le temps et s’inscrivent dans ses comportements collectifs. Les expériences partagées au cours de la formation des individus façonnent la manière dont ils perçoivent le monde autant que leurs agissements en tant que groupe.

Si le concept de « génération » est si complexe à définir, c’est qu’il est à la fois le mouvement du temps et les conséquences de ce dernier, les individus, événements et impacts qui la composent. Nous retiendrons donc pour la suite de cet article, la définition suivante du concept de « génération » : Groupe d’individus partageant un vécu collectif dans un contexte historique et social donné, dont ils ont subi l’influence dans la constitution de leur identité propre, conscients de partager des valeurs et des aspirations communes visant le progrès commun générant une réalité subjective traduite dans des comportements partagés.

L’allongement global de la durée de vie de l’humanité contribuant à développer et diversifier les interactions intergénérationnelles, il paraît dans un second temps essentiel au propos de contextualiser les rapports entre les générations précédentes et la génération Z pour en préciser les caractéristiques intrinsèques.

1.2 Approche systémique de la génération Z et contextualisation des liens intergénérationnels

Les personnes qui appartiennent à une même génération sont considérées avoir été marquées par des événements historiques et des phénomènes culturels qui se produisent à des stades de développement clés (Noble et Schewe, 2003) et qui contribuent à la formation d’une mémoire collective saillante (Dencker, Joshi et Martocchio, 2008). Ces effets notamment historiques, sociaux et culturels influencent le développement d’attitudes, de valeurs et de caractéristiques de personnalité chez des individus ayant vécu des événements dans des contextes semblables (Caspi, Roberts et Shiner, 2005).[4] L’approche systémique de la génération Z implique donc d’avoir une vision d’ensemble des générations précédentes qu’elle côtoie tout au long de sa vie.   Attention toutefois, chaque individu dispose d’un système de croyances, de valeurs et de besoins, de ses limites et de ses émotions propres. Il est également nécessaire de prendre quelques précautions concernant une vision médiatique stéréotypée uniformisante de ces informations qui tendraient par un biais de confirmation à opposer les générations entre elles.

1.2-1 — Portrait de la génération des «baby boomers» (naissance entre 1946 et 1964)

Les « baby boomers » ont grandi dans l’abondance matérielle des Trente glorieuses, l’historien Jean Sirinelli les décrit ainsi : «Quand ils sont nés, quils ont grandi, des fées se sont penchées sur leur berceau. Quatre fées, la paix, la prospérité, le plein-emploi et la croyance dans le progrès.». Première génération àbénéficier de la télévision dans les foyers, ils assistent à l’émergence de la culture de masse. Lindsey Pollak précise dans son ouvrage The Remix, que cette génération a connu le contexte initial le plus favorable. Son influence est prégnante dans de nombreuses organisations qu’elle a contribué à mettre en place. C’est aussi la génération encore en activité la plus flexible qui a su traverser des évolutions sociétales et technologiques majeures. Pour autant, elle privilégierait le face-à-face au virtuel. Elle serait caractérisée par une valeur travail très importante et une fidélité accrue à l’entreprise (Jorgensen, 2003). Cette génération considère le travail comme un marqueur social fort, vecteur de valorisation sociale et de pouvoir d’achat. Elle aurait une vision plutôt émancipatrice et familiale de l’entreprise.

1.2-2 Portrait de la génération X (naissance entre 1965 et 1980)

La génération X a connu la résilience face à des bouleversements socio-économiques et écologiques majeurs : déclin de l’impérialisme colonial, début de la Guerre froide, chocs pétroliers successifs et émergence du chômage de masse, l’Amoco Cadix, trou dans la couche d’ozone… Les fondements traditionnels de la famille sont profondément modifiés par la libération sexuelle, la loi Veil qui établit le droit à disposer de son corps, l’accès à la contraception et le divorce.

Cette génération a redéfini le rapport à l’autorité. Elle aurait aussi développé cette résilience grâce à une autonomie plus grande, en raison de l’absence des deux parents au travail et de la hausse du nombre des familles monoparentales. Scepticisme social, remise en cause des valeurs du travail traditionnelles, la question du sens est centrale pour la génération X. Consciente de l’utopie d’une carrière linéaire, elle aurait tendance à privilégier son épanouissement et l’équilibre entre vie sociale, familiale et professionnelle. Elle présente le même caractère de loyauté à l’entreprise que la génération précédente, mais va plutôt rechercher le poste optimal correspondant à ses besoins.

1.2-3 Portrait de la génération Y, ou «Millenials» (naissance entre 1981 et 1996)

Souvent plus ouverte au changement et aux innovations que ses aïeux, la génération Y ou « millennials » évolue dans un monde globalisé, instable, régi par le libre-échange, les conflits armés, les catastrophes naturelles, le terrorisme, le VIH… Moins optimiste sur l’avenir du monde, elle ne dispose plus d’utopies alternatives comme le socialisme ou le communisme. Elle rencontrerait donc certaines difficultés pour se projeter dans l’avenir. Cela induit à la fois une grande flexibilité et une adaptabilité relative et, selon leurs aïeux, un individualisme grandissant. Pour autant, socialement consciente des enjeux et engagée, la génération Y reste très sensible aux problèmes sociaux et environnementaux. Elle contribue plutôt à des causes qui lui tiennent à cœur à l’échelle de son premier cercle ou via les réseaux.

L’enseignement et l’éducation ne sont plus seulement issus des canaux école — famille — armée — religion. La prédominance d’internet et des réseaux valorise l’influence des tribus de pairs. La légitimité de l’adulte n’est plus innée, mais à acquérir. Ce rapport à l’autre via l’image est très différent du rapport physique ou de l’écrit. Il est immédiat et donne l’habitude aux millenials de juger d’un coup d’œil. Donc à décider sans trop réfléchir.[5] Les constantes sollicitations et l’absence d’ennui conduisent cette génération à peu prendre le temps de se retrouver et donc de bien se connaître.

Les enfants de cette génération sont qualifiés d’« enfants-roi », désirés et fruits d’une conception maîtrisée et surtout surprotégés. La relation parentale serait devenue plus amicale ou partenariale. Cette illusion d’autonomie aurait entraîné chez la génération Y des difficultés à gérer l’échec ou l’interdit.

Le rapport à l’emploi des Millenials est caractérisé par l’instabilité socio-économique. Plus mobiles, ils recherchent plutôt un métier-passion valorisant à travers l’autonomie et une relation horizontale proche du « réseautage ». Estimée plus méfiante et plus insolente à l’égard des institutions et l’autorité, cette génération serait plus encline à tenir compte de ses besoins d’accomplissement et à attendre en retour un feed-back rapide et une reconnaissance monétaire.[6] L’ambiance au travail est pour eux aussi importante que l’intérêt du poste.

1.2-4 Portrait de la génération Z, (naissance entre 1997 et 2012)

La génération Z est complexe à définir. Elle interpelle autant qu’elle questionne, car elle invite les générations précédentes à se confronter en permanence à des problèmes qu’elles-mêmes n’ont pas connus. Le sens du devoir dont elle fait preuve, la recherche de la stabilité et de la sécurité, la tolérance et l’hypersensibilité qui la caractérisent ont amené les sociologues à les appeler émo-boomers (émo comme émotifs et boomers en référence au sens du devoir des baby-boomers).

À la fois fils/filles des X et frères/sœurs des Y, la génération Z est témoin de leurs réussites, difficultés et échecs. Bien plus jeune, elle s’adapte le plus souvent seule aux mêmes bouleversements. On retrouve des caractéristiques similaires avec les Y, démultipliées : choix déterminés par l’affect, rejet des institutions et de l’autorité abusive, questionnement, connectivité. Toutefois, les Z sont décrits comme plus prudents et réalistes. Ils recherchent plutôt la sécurité et la sérénité.

Citoyens du monde hyperconnectés et multisupports, ils sont dans l’instantanéité. Au gré des mises à jour et évolutions techniques dans un tourbillon d’informations continues, cette génération a le monde à portée de main via son mobile. Ceci modifie en profondeur sa conscience du monde, son rapport au savoir et à l’information. Hypersensible et impatiente, elle remet en question le rapport à l’adulte, dont elle revendique parfois être l’égale. Consciente des injustices qu’elle déplore et solidaire, elle est en recherche d’une identité sociale qui lui est propre, de sens et de réassurance.

Préférant comprendre plutôt qu’apprendre, elle oblige l’adulte à convaincre plutôt que contraindre et privilégie les résultats immédiats clairement identifiables. Apprendre est pour cette génération plus fastidieux, car elle perçoit plus difficilement le contexte et la finalité des apprentissages. Elle les consomme finalement en vue d’évaluations comme elle « scroll » des vidéos TikTok. Elle favorise surtout l’autoapprentissage multicanal et l’échange avec les pairs. La COVID a impacté également de plein fouet la perception de l’institution scolaire par cette génération.

Le maintien de limites cohérentes et rassurantes répondant à leur besoin de stabilité et de sécurité, elle reste attachée à un certain ordre moral. Les Z attendent de l’adulte qu’il soit juste et authentique. Paradoxalement, en matière d’emploi, cette génération est caractérisée par un goût marqué pour le collectif et un besoin important de personnalisation. La reconnaissance dans la collaboration est importante pour elle. Elle semble aussi privilégier les études plus courtes et valoriser l’expérience terrain comme l’alternance plus lucrative.

  1. Enjeux de l’Insertion sociale et professionnelle de la Génération Z au Collège et au Lycée

Me Élodie Gentina, professeure à l’IESEG School of Management, explique dans une interview pour Pôle emploi qu’en 2030, 75 % des actifs seront issus des générations Y et Z. La question de l’insertion sociale et professionnelle de la génération Z est donc un enjeu majeur. Dans cette seconde partie, nous dresserons un état des lieux des institutions scolaires et des dispositifs mis en place pour favoriser son éducation formelle et informelle.

2.1 Éducation formelle et informelle de la génération Z

Les caractéristiques de la génération Z et l’évolution du contexte global qui constitue leur système induisent de repenser fondamentalement l’éducation formelle qui leur est dispensée. Les statistiques en matière de décrochage scolaire indiquent que 90 000 à 95 000 décrochent chaque année en France, ce qui représente environ 8 % des élèves. Sur le terrain, la question du « climat scolaire » est prédominante et les réformes successives visant l’amélioration des résultats scolaires occultent les problématiques identitaires et comportementales liées aux spécificités de la génération Z.

2.1.1 Un système éducatif en flux tendu et à bout de souffle

En 2023, William Lafleur dans son ouvrage[7] explique au grand public les travers du système qu’il a quitté après 12 années d’enseignement d’anglais : forte paupérisation à la suite du gel du point d’indice, manque réel de moyens sur le terrain, maltraitance institutionnelle à différents échelons, prof bashing récurrent, division au sein de la profession entre titulaires du premier/second degré et entre titulaires et contractuels freinant toute mobilisation, réformes successives sans concertation et déconnectées du terrain… En l’espace de 12 ans, le nombre de démissions dans l’Éducation nationale a augmenté de 528 %[8]. Les résultats des tests européens PISA soulignent la nécessité d’un changement. Celui-ci est essentiellement perçu comme un « choc des savoirs », fondé sur la verticalité de l’enseignement et l’autorité de l’institution.

Les enseignants dénoncent une dégradation du climat scolaire. Celle-ci pourrait être en partie liée à l’évolution rapide des besoins de la génération Z par rapport à l’organisation de l’institution et ses attentes, parmi d’autres facteurs tels que l’impact de la surexposition précoce aux écrans ou la banalisation de la violence dans la société en général, ainsi que probablement d’autres facteurs diversifiés. De ce point de vue, l’expression de la violence scolaire semble relever de l’exutoire émotionnel. L’interaction ordinaire suppose une régulation émotionnelle constante. Dans l’interaction violente, l’agression verbale est cathartique pour l’élève, lieu d’un mécanisme de décharge, qui lui permet de diminuer la pression émotionnelle. […] Répondre par la violence peut signifier chez les élèves violents une impossibilité à utiliser la fonction d’«isolation du langage» qui, par nature, est porteur de «distanciation» (Luquet, 1987). Dans un deuxième temps, c’est l’impossibilité de «métacommuniquer» (Marc & Picard, 1990), c’est-à-dire de corriger la relation pour la considérer sous un autre angle et repartir sur d’autres bases.[9] L’institution scolaire est à la fois un lieu de socialisation, de personnalisation et d’intégration, mais aussi de moquerie, de violence et de marginalisation. La question de la prise en compte émotionnelle des élèves est balbutiante. Il y a 3600 psychologues scolaires, soit 1 pour 1500 élèves d’après un rapport de l’Éducation nationale publié en 2021. Les postes d’infirmières scolaires se raréfient également : 7 700 infirmières scolaires pour 12 millions d’élèves et d’étudiants (chiffres publiés par le Point, en mai 2023). Autrement dit, le « choc des savoirs » attendu ne répond pas pleinement à l’enjeu de l’effort nécessaire aux deux générations pour mieux communiquer et se comprendre.

2.1.2 Un système éducatif de moins en moins adapté à ses cibles

Les pratiques de terrain peinent à retranscrire les évolutions apportées par les sciences de l’éducation et les neurosciences. La méthodologie d’apprentissage et le goût de l’effort d’apprendre ne sont pas innés. L’institution scolaire est profondément remise en cause par la génération Z. Mais quelles sont ses attentes concrètes ? Pour cette génération, la première cause liée au contexte familial de décrochage scolaire est liée à un lieu de vie difficile (58 %), des parents non impliqués dans les études de leur enfant (57 %) et le manque de confiance et de valorisation des parents (54 %). Elle estime également que le décrochage est favorisé par un système éducatif qui n’aide pas à donner confiance en soi, qui ne valorise pas les talents et compétences des élèves (54 %), qui ne tient pas compte de l’équilibre psychologique des élèves (51 %), qui ne sait pas tenir compte des difficultés d’apprentissage des étudiants (48 %)[10]. La confiance et l’accompagnement émotionnel sont des attentes fortes de cette génération, aussi bien à la maison qu’à l’école. Or, la microsociété que constituent les établissements scolaires répond en décalage de manière insuffisante à cette demande.

Si tout le savoir est accessible en un clic ici et maintenant et que se projeter dans l’avenir est difficile, alors apprendre pour apprendre n’a pas de sens. Cette conception est liée autant à la perception qu’a l’élève du système scolaire, son contexte propre, que celle qu’il a de lui-même en situation d’apprentissage. Un élève qui a une confiance en soi et une estime de soi faibles, couplées au rejet de l’institution, va être enclin à focaliser toute son énergie sur sa propre préservation émotionnelle plutôt que sur sa stratégie d’apprentissage. Chaque élève cherche nativement à développer son potentiel et atteindre une certaine homéostasie dans sa courbe d’apprentissages. Or, le sentiment d’efficacité personnelle théorisé par Bandura (2003) souligne que l’engagement est intimement lié au sentiment d’efficacité. Contrairement aux perceptions négatives véhiculées, les générations Y et Z sont une force de proposition et disposent d’un dynamisme incroyable pour qui sait être attentif « ici et maintenant », s’adapter et soutenir l’émergence de leur conscience de soi de manière à leur permettre d’être acteurs de leurs apprentissages.

2.2 L’orientation scolaire de la génération Z

2.2-1 Définition et enjeux de l’orientation scolaire

«L’orientation consiste à mettre l’individu en mesure de prendre conscience de ses caractéristiques personnelles et de les développer en vue du choix de ses études et de ses activités professionnelles dans toutes les conjonctures de son existence avec le souci conjoint de servir la “société” et l’épanouissement de sa responsabilité»[11]. Quête identitaire de recherche de sens pour définir en conscience son propre parcours, l’orientation est aussi l’épanouissement de sa responsabilité individuelle à travers sa contribution sociétale.

Le dispositif national d’orientation scolaire s’étend de la 6e à la fin de la durée d’obligation légale d’instruction sous le nom de « Parcours Avenir ». Le référentiel précis de ce parcours est mentionné en annexe de la publication au BO[12], en voici une brève synthèse.

L’objectif principal est d’accompagner la construction de l’orientation en fonction des aptitudes, des intérêts et des réalités du monde du travail. Ce parcours est fondé sur un principe d’égal accès pour tous à une culture citoyenne, économique. En étroite relation avec les familles, il s’appuie sur l’expérience personnelle pour favoriser la construction du projet d’avenir. Pour cela, il articule à la fois une dimension collective (projets collectifs), une dimension individuelle (élaborer son propre parcours, le formaliser) et propose des situations d’apprentissage actives sous forme de stages, quel que soit le niveau de qualification visé.

Conçu comme une ouverture culturelle en articulation avec les contenus disciplinaires, censée faire sens lors des périodes de stage et destinée à sensibiliser les élèves aux différents métiers pour alimenter leur réflexion, Parcours avenir a pour finalité de favoriser la construction progressive d’un projet d’orientation réaliste et en adéquation avec le profil de chacun. Il précise également la prise en compte d’ajustements de l’orientation facilités par les dispositifs Passerelles.

2.2-2 Atouts et limites du Parcours Avenir

Sur le papier, Parcours Avenir répond tout à fait aux besoins de la génération Z que nous avons identifié : travaux concrets, immersion en entreprise, accompagnement et possibilités d’ajustement… Pourtant, sa principale limite est liée à son application individualisée sur le terrain.

L’accompagnement des élèves sur le plan de leur connaissance d’eux-mêmes est limité au sein de l’école : manque de temps et de moyens, formation réduite des interlocuteurs, amotivation de certains élèves, difficulté à soutenir les jeunes contre le déterminisme familial ou social… Ainsi, sur la base du modèle de Luyckx, Schwartz et coll. (2006 ; 2008), on peut s’interroger sur la capacité des cibles du parcours à sortir de l’exploration de surface vers une exploration en profondeur perçue comme une analyse active de ses engagements en toute conscience conduisant à l’intégration de ces derniers dans son concept même de soi. Se pose également la question des moyens de lever les blocages liés à l’exploration ruminative.[13]

La modélisation du choix de Linda Susan Gottfredson (1984) évoque la prédominance du moi social, ce que les autres voient et attendent de moi, sur le moi privé, ce à quoi j’aspire réellement pour mon épanouissement personnel, dans le choix d’orientation. L’accent est mis sur les éléments sociaux et publics du soi (sexe, classe sociale, intelligence normée, salaire) plutôt que sur les éléments personnels et privés (ex. : intérêts, valeurs intrinsèques, personnalité). Les activités pédagogiques du Parcours Avenir sont trop ponctuelles dans le temps pour faire sens par une partie de la cible. Impossible donc d’affiner avec chaque élève sa perception de sa carte cognitive des professions et sa manière de se construire à travers ses représentations.

Dans les faits, l’orientation se fait plutôt par la compétition scolaire. Le choix s’articule surtout entre liberté individuelle, contraintes matérielles objectives et influences sociales intra et extrafamiliales par rapport aux représentations des filières. Cela débouche pour une partie des élèves sur des orientations subies. Quatre sur dix élèves considèrent que leur orientation est subie et non voulue[14], soit 12 élèves sur une classe de 30. Les professeurs principaux font de leur mieux avec les moyens qu’ils ont. Cela affecte la qualité de l’accompagnement des élèves et contribue à renforcer les disparités de traitement. Certaines familles peuvent aussi ne pas être suffisamment informées ou engagées ou au contraire imposer une forme de déterminisme. L’accompagnement des élèves en situation de handicap représente aussi un défi.

L’expérimentation sur le terrain du projet d’orientation ne va pas de soi non plus. La mobilité des collégiens et lycéens ne permet pas toujours de trouver un employeur. [15] Certains élèves n’envisagent même pas la possibilité de quitter leur lieu de vie où ils se sentent en sécurité. La signature de la précieuse convention est souvent liée au réseau des familles. Les élèves en plus grande difficulté finissent par se décourager et se rabattre sur une possibilité accessible qui n’a rien à voir avec leur projet professionnel.

Par ailleurs, le volume horaire global théorique consacré à l’orientation est fixe, mais non sanctuarisé. Chaque établissement dispose d’un financement sous forme d’une dotation horaire globale calculée par le rectorat à partir de laquelle des choix pédagogiques doivent ensuite être opérés. Les actions et les moyens mis en œuvre dans le cadre de Parcours Avenir sont donc inégaux selon les établissements. Les actions consacrées à l’orientation ne permettent donc qu’une exploration partielle insuffisante, en particulier pour les élèves les plus éloignés du système scolaire.

La mise en place d’un stage pour les élèves de seconde générale et technologique, sur la période des 15 derniers jours de juin 2024, a été validée par décret mi-novembre 2023. Si elle paraît renforcer le processus de Parcours Avenir, dans les faits elle ne réduit pas les inégalités d’accès aux stages et ne tient pas compte de la capacité des entreprises à les accueillir. Le contexte socio-économique local et son implication dans le dispositif génèrent aussi des inégalités. Certains établissements peuvent avoir du mal à trouver un large éventail de professionnels prêts à intervenir ou accueillir des stagiaires.

Le stage n’est pas toujours en perspective avec le projet professionnel et peut parfois être vecteur du sentiment d’exclusion. La majorité des établissements proposent leurs dates sur des périodes précises, rendant de fait la recherche très concurrentielle. Ce phénomène est accentué en fonction de la sinistralité du tissu économique local. Certains élèves peuvent être limités dans leurs ambitions professionnelles par leur localisation. Les collégiens et lycéens manquent d’expérience, sont limités par leur minorité en entreprise et les tuteurs estiment ne pas avoir le temps de les encadrer. Beaucoup d’entreprises les refusent au profit d’alternants en BTS ou Licence déjà formés pour bénéficier des aides d’État.

2.2-3 L’orientation, déterminante sur le plan identitaire et facteur de stress

Le choix de l’orientation est avant tout intimement lié à la manière dont l’adolescent se perçoit à la fois au passé, au présent et au futur. Le stress n’est pas un facteur négatif systématique lorsqu’il est ponctuel et motivant. Nous nous intéresserons donc ici spécifiquement aux aspects négatifs du stress, en particulier l’anxiété scolaire, par souci de circonscrire la réflexion pour en garantir la clarté.

Lazarus et Folkman définissent en 1984 la notion de « stress » comme une «une transaction particulière entre la personne et l’environnement, dans laquelle la situation est évaluée par l’individu comme taxant ou excédant ses ressources et pouvant menacer son bien-être». Dans le cadre scolaire, les stresseurs potentiels sont multiples et dépendent de la perception de chacun du contexte et de lui-même. Ils peuvent être liés :

– À des événements ponctuels en milieu scolaire ou extérieurs, impactant de manière forte, mais brève l’élève (Ex. : relation enseignants-élèves familiale ou entre pairs ponctuellement problématique, évaluation non suffisamment préparée, etc.).

– À des situations chroniques qui agissent par accumulation sur son image de lui-même à long terme (Ex. : harcèlement, violence, rôle social non satisfaisant, accumulation de difficultés, attentes parentales en matière de performance et d’orientation, etc.).

En réponse à ces facteurs, l’adolescent met en place, consciemment ou non, des processus de régulation : recherche de l’approbation d’autrui (parents, enseignants, pairs), tentatives plus ou moins réussies de dialogue avec les adultes pouvant amener au conflit, mais surtout au sein du groupe de pairs solidaires qui partage les mêmes craintes et doutes, accentuation de l’intérêt pour les loisirs ou la procrastination, sommeil accru ou insomnies, échappée dans des univers virtuels, conduites à risque, violences verbales et/ou physiques…

Le stress scolaire chronique, diffus, conduit à une situation réelle d’inconfort qui s’installe dans le temps. Nuisible au développement neuronal, la présence continue de cortisol en grande quantité dans le sang impacte le fonctionnement du corps, le système immunitaire et le comportement. Dépossédé de contrôle sur la situation vécue comme un échec, l’adolescent en plein questionnement identitaire est prompt à douter de lui-même autant que de son entourage. Il perd progressivement pied. Il met en place des mécanismes de régulation du stress de plus en plus complexes : hypervigilance, perte de confiance en soi, prostration, fuir ou s’en prendre à un tiers estimé responsable, gestions des émotions, rupture du dialogue, conduites à risque, décrochage scolaire, oppositions avec le personnel…

Peu d’études récentes sont accessibles sur le phénomène d’anxiété scolaire en France. Les travaux de Aurélie Simoës-Perlant, Marion Barreau et Caroline Vézilier (2023) font état des données suivantes illustrées par le graphique ci-après, sur un panel de 493 adolescents inscrits dans 49 écoles françaises publiques et privées différentes[16].

Observons que ces chiffres ne reflètent pas la dichotomie entre classes dites « de transition » (6e et seconde) et celles dites « d’évaluation » (3e, première et terminale). Mis en place par la loi Haby en 1975, le modèle dit du « collège unique » a pour objectif initial d’établir un socle commun de connaissance pour tous à l’issue de la période d’instruction obligatoire fixée à 16 ans, censée réduire les conséquences des inégalités sociales. Les ajustements successifs ont été conduits par réformes. La plus récente, l’introduction de groupes de niveaux dans les classes remet en cause l’universalité de ce modèle. L’obtention obligatoire du brevet pour entrer directement au lycée ou l’obligation de passer par une Prépa seconde en 2025 et la prise en compte de l’examen final à 60 % dans la notation tendent à rapprocher le fonctionnement du collège de celui du lycée.

La 6e est relativement préservée. En effet, elle bénéficie d’accompagnement et d’un suivi particulier. Le programme, largement fondé sur le renforcement des acquis du cycle précédent ainsi que sur l’initiation aux méthodes de travail du secondaire et l’absence d’examen peuvent potentiellement expliquer cet écart. L’orientation est légèrement abordée dès la 6e, mais plus marquée à partir de la 4e. Dès 14 ans, les élèves peuvent réaliser sur demande leurs premiers stages et intégrer des classes d’initiation préprofessionnelle en alternance (CLIPA) puis des classes de préapprentissage (CPA) pour rejoindre à terme un CAP en alternance. Ces dernières permettent de découvrir le monde professionnel tout en poursuivant l’apprentissage des fondamentaux. Elle donne accès à une préqualification pour l’apprentissage ou un retour en voie classique, en fonction du projet de l’élève.

L’étude confirme également que les lycéens sont majoritairement plus soumis à un niveau de stress élevé et à l’épuisement scolaire. Durant cette période, peuvent s’ajouter au questionnement d’orientation tout type de changement mineur ou majeur lié à des événements de vie ponctuels ou quotidiens, qui dépendent principalement de trois facteurs : facteur identitaire (lié à l’évolution des valeurs et croyances, le caractère, la confiance en soi, l’estime de soi…) ; facteur familial (valorisation, communication, cadre éducatif, contexte socio-économique familial, fratrie…) ; facteur social (influences culturelles, groupe de pairs, rencontre d’adultes ressources, loisirs…). La connaissance de soi et la capacité à se projeter dans l’avenir sont moins évidentes pour la génération Z, dans l’instantanéité elle semble tendre à privilégier le critère de l’affect, ce qui semble à première vue incompatible avec un choix éclairé d’orientation.

La notion d’orientation scolaire couvre une réalité supposant autant idéalement l’idée d’un choix de parcours en pleine conscience, librement consenti par les élèves appuyés par leur famille, que la réalité de l’imposition finale d’un choix arbitraire d’affectation par un algorithme sur la base des résultats. Paradoxalement, deux réformes successives majeures initialement prévues pour permettre la fluidification des parcours en maximisant la prise en compte du choix des élèves ont finalement contribué à augmenter leur anxiété sans qu’on puisse pour le moment en mesurer pleinement l’impact : le remplacement d’APB par Parcoursup et la réforme du Baccalauréat introduisant l’enseignement par spécialités en classe de seconde, respectivement en 2018 et 2019.

Les conséquences de l’enseignement par spécialités au lycée général

Pour des raisons pratiques, dans cet article nous nous intéressons essentiellement au dispositif d’orientation de la voie générale, plus documenté. Les élèves doivent choisir trois enseignements parmi 13 spécialités en fin de seconde. Ils en conserveront deux en terminale et celle abandonnée sera évaluée en fin de première. Si chaque élève peut sur le papier suivre les enseignements de son choix, en réalité toutes les combinaisons d’options ne sont pas accessibles dans son établissement de secteur. Cela induit un nouveau facteur de choix potentiellement limitant : l’éloignement. S’ajoute à cela une visibilité beaucoup plus floue sur la sélection des matières. L’ONISEP propose l’application Horizon 21 pour simuler les combinaisons possibles et obtenir une liste ciblée de formations. Peu engageante, elle n’éclaire pas plus sur le plan identitaire les modalités du choix à accomplir. La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale indique qu’en 2022 la majorité des profils de spécialisation suivis collent aux filières traditionnelles qui les ont précédées. Le choix d’option est-il vraiment libre si l’on reproduit toujours massivement le même modèle, correspondant aux représentations des attentes supposées du supérieur et/ou si l’élève privilégie les voies qu’il estime lui ouvrir le plus de choix ultérieurs ?

Pourtant, l’impact de ce choix de spécialités est clairement déterminant et contribue largement à renforcer le stress scolaire dès la classe de seconde. Si la réorientation est prévue grâce au dispositif Passerelle, dans la pratique, celle-ci est beaucoup plus complexe. Selon l’article D331-29 du Code de l’Éducation, «à l’intérieur du cycle terminal de la voie générale et de la voie technologique du lycée, un changement de voie d’orientation peut être réalisé, en cours ou en fin d’année, sur demande écrite des représentants légaux ou de l’élève majeur, après avis du conseil de classe» dans les faits, celui-ci est possible en première dans le même bloc de spécialité sans changement d’établissement. Les procédures de transfert d’établissement doivent être dûment motivées, sont complexes et ne vont pas de soi en raison des effectifs. En terminale, le dispositif Passerelle doit être engagé impérativement au plus tôt et avant la Toussaint. Ce délai est très court pour repérer les élèves. Objectivement, il est donc très dur de se réorienter en cours de parcours.

Les emplois du temps à la carte conduisent à l’éclatement du groupe classe et à l’allongement des journées. Cela réduit la stabilité des synergies entre pairs. S’ajoutent la densité des contenus et les échéanciers d’examen : intensification des devoirs notés à la maison, rythme plus intense d’évaluations… Concernant l’orientation, véritable paradoxe, les textes officiels semblent partir tous du principe que c’est à l’élève et sa famille de formuler initialement le projet professionnel du jeune qui serait la base même de l’action éducative dispensée, mais le soutien de l’émergence de cette réflexion reste insuffisant.

Les conséquences de Parcoursup 

Parcoursup, a pour vocation initiale de recueillir et gérer les vœux d’affectation post-bac. En 2023, 917000 candidats ont postulé via la plateforme auprès de 23000 formations proposant des diplômes reconnus par l’État, dont 9000 par la voie de l’apprentissage. […] 93,5 % d’entre eux ont reçu au moins une proposition d’admission à l’issue du processus[17]. En 2023, 6,5 % d’élèves non affectés, soit 59 605 personnes, ont attendu 7 mois sans obtenir d’affectation. Ce système génère donc une véritable pression, qui pousse à accepter des choix non par préférence, mais par crainte de ne rien obtenir.

Toutes les filières non sélectives (universités publiques) sont tenues en théorie d’accueillir autant de candidats que de places vacantes. Certaines filières en tension sont extrêmement concurrentielles. Par conséquent, si théoriquement on peut tout oser dans le choix des spécialités et la composition des vœux, la réalité de l’accès à la formation choisie est tout autre. Alban Mizzi[18] souligne dans son article que les commissions de candidatures sont fastidieuses pour les personnels, s’ajoutant à leurs missions respectives. Les critères d’admissibilité transmis aux candidats via la plateforme font l’objet d’un premier tri par logiciel estimé plutôt efficace. Une commission élargie étudie les dossiers « inclassables » et définit la réponse aux vœux. Toutefois, les universités émettent des réserves sur les limites d’une réelle étude qualitative face au rapport nombre/temps alloué/effectif disponible d’enseignants-chercheurs.

Enfin, Parcoursup introduit la prise en compte des résultats scolaires de première et terminale ainsi que l’avis du conseil de classe dans les candidatures. Chaque note compte. À cela s’ajoute la note de contrôle continu, qui correspond désormais à 40 % du baccalauréat depuis 2020 et l’examen lui-même. De fait, la pression scolaire s’accentue fortement sur les élèves. Notons qu’en 2024, le passage des épreuves de spécialité a été repoussé en juin, afin d’éviter la désertion estudiantine. Par conséquent, les notes de ces épreuves ne sont pas prises en compte sur la plateforme, entraînant un retour plus ou moins similaire à l’état précédent la réforme, soit la prise en compte des notes jusqu’au 2e trimestre de terminale. Cela contribue donc à accentuer la pression des résultats en première sur ces matières.

Le système scolaire demande à des êtres en pleine construction de définir un projet professionnel dans une logique sélective stressante, sans donner les moyens réels d’un accompagnement sur le plan identitaire pour opérer un choix éclairé. Le processus de sélection mis en œuvre est donc aux antipodes des caractéristiques de la génération Z que nous avons détaillées. Finalement, notes et appréciations restent le critère principal dans une temporalité qui laisse peu de place à l’évolution et peu de droits à l’erreur. Tenant compte des critères que nous avons évoqués, la génération Z paraît objectivement moins adaptée que ces prédécesseurs à ce processus sélectif. La pression scolaire, le sentiment de perte de contrôle et d’autonomie se traduit dans une variété de symptômes allant du simple manque de confiance, au comportement disruptif ou à la dépression, voire au burn-out scolaire. Le manque de prise en charge du questionnement identitaire de l’élève par rapport à son avenir et la compétition scolaire exacerbée sont des facteurs de stress institutionnalisés. Ils exposent une partie des élèves au risque de démotivation ou d’amotivation scolaire et renforcent potentiellement la tendance de la génération Z à la défiance envers l’institution scolaire.

  1. Apports du coaching dans le processus d’orientation

Une étude systémique complète de l’institution scolaire nécessiterait de prendre en compte à égale importance tous les acteurs et leurs interactions mutuelles : coachés, famille, institution, partenaires et coach. Il est impossible de fournir dans le cadre de cet article une étude qualitative et documentée aussi détaillée. L’univers scolaire semblant avoir la volonté de s’ouvrir aux partenariats extérieurs, la relation entre le coach et l’institution est un axe d’entrée pertinente. La réflexion commune avec les secteurs professionnels et associatifs lors des Journées départementales organisées par les services déconcentrés de l’État en atteste.

Néanmoins, le système scolaire a ses propres code et temporalité qui rendent tout changement complexe difficile. Il constitue le contexte de l’action éthique du coach, avec laquelle il se doit de composer. En quoi le coaching peut-il renforcer la démarche initiée par le système actuel en améliorant le bien-être scolaire des élèves de la génération Z et ainsi faire évoluer progressivement les paradigmes de celle-ci en matière d’orientation scolaire ?

3.1  Quelle intentionnalité et quelle place dans ce système en tant que coach ?  

Rappelons que les caractéristiques générationnelles mentionnées dans cet article restent des tendances. Le coaching ne saurait tendre vers une universalisation de celles-ci qui serait contraire à une pratique éthique puisque niant le caractère libre, unique et autonome de l’individu. C’est pourquoi l’intentionnalité du coach repose à mon sens sur l’accueil dans le cadre du développement d’interactions visant à accompagner chacun dans l’action par une médiation de soi-même qui encourage la mobilisation de ses aptitudes.

Chacun en soi est porteur des ressources nécessaires à son épanouissement. Or, le coach se doit dans sa pratique de respecter et valoriser les potentiels, la capacité de jugement et la libre décision du coaché. Le coach n’est pas un guide, mais un catalyseur. Son questionnement et l’utilisation d’outils adaptés spécifiques en lien avec son intentionnalité permettent au jeune la découverte de son plein potentiel et ses ressources propres. D’une certaine manière, le coach est directif dans le contenu proposé en mettant au service de son client ses connaissances et son professionnalisme, tout en lui offrant un temps et un lieu sanctuarisé de liberté où s’exprimer, penser, expérimenter en toute confidentialité (règle des 3 P).

M’appuyant sur la pensée de Alfred Korzybski « La carte n’est pas le territoire. », l’intentionnalité de base de ma démarche vise à permettre aux jeunes d’explorer leur territoire intérieur dans et au-delà de leur propre carte. Cette exploration vise le renforcement du sentiment d’efficacité personnelle nécessaire à la construction de leurs propres frontières structurantes, ici et maintenant. Ils trouvent y du sens et la persévérance nécessaire à la réalisation de leurs objectifs (conscientisation de croyances limitantes, représentations du milieu scolaire, image et estime de soi, inclusion…).

3.1.1 De l’importance de l’entretien préalable en coaching scolaire

Souvent prescrit par un tiers, le coaching scolaire s’inscrit dans une relation interpersonnelle souvent non réclamée. Tout l’enjeu du rendez-vous préalable est autant de présenter le coaching aux commanditaires que d’évaluer l’engagement librement et en toute conscience du jeune dans un rapport collaboratif constructif pour lui. Ce rendez-vous vise le consensus et permet à tous les acteurs de faire un choix en conscience :

– pour le(s) commanditaire(s) et le coaché, celui de choisir de s’engager ou ne pas s’engager dans un processus de coaching après avoir reçu tous les éléments déontologiques et contractuels qui permettent de comprendre la spécificité de cet accompagnement, le rôle de chacun dans le processus, les engagements de chacun, les aspects pratiques et financiers.

– pour le coach, évaluer sa capacité éthique d’agir au seul bénéfice du coaché tout en répondant aux attentes des prescripteurs, installer le rapport collaboratif, poser le cadre et recueillir les premiers éléments contextuels de la demande initiale.

Ce point de vigilance sur la libre adhésion dans une relation contractuelle tripartite ou quadripartite préfigure les bases de la sécurité ontologique. Il est déterminant pour permettre la définition d’un objectif précis et à terme la mise en œuvre de décisions autonomes congruentes, facteurs de motivation intrinsèque.

Second point de vigilance, le coach doit aux autres acteurs du système d’être pleinement conscient de son rôle, de ses possibilités et limites d’action. Cela signifie notamment d’évaluer en toute objectivité et neutralité sa capacité à répondre à la demande et la présence ou non d’une souffrance, d’un traumatisme. Par exemple, détecter une situation qui relèverait du soin implique d’orienter le cas échéant avec bienveillance vers des professionnels adaptés.

Dans le contexte d’interventions en milieu scolaire dans le cadre de Parcours Avenir ou dans le secteur associatif (Mission locale, associations d’aide à la parentalité…), cette question est plus délicate. Le coach doit s’assurer de son extériorité politique vis-à-vis de l’organisation et garantir sa neutralité. Dans le cadre d’une relation quadripartite (coaché-famille-institution-coach), il est important d’insister sur le principe de libre adhésion et de modéliser dans le contrat un « filtre » dans la stratégie globale proposée. On peut imaginer, par exemple, une première information collective suivie de travaux en petits groupes de volontaires propres à repérer les profils nécessitant un suivi individuel en rendez-vous, suivis d’un entretien préalable ciblé.

La massification du fonctionnement de l’école tend à limiter de plus en plus la prise en compte de la dimension humaine, psychologique et émotionnelle des élèves. Or, la génération Z telle que nous l’avons définie semble y être particulièrement réactive. Pour une partie d’entre eux, la pression systémique du milieu scolaire réelle ou perçue n’est ni un problème ni une angoisse, car ce n’est même pas un sujet de discussion. Cela semble aller de soi pour une partie invisible des élèves non identifiés par leur comportement problématique. Pour autant, cela ne veut pas dire que cette pression doive être acquise comme positive pour tous.

La prise en compte des caractéristiques générationnelles évoquées est propice à faire comprendre que l’espace-temps du coaching est fait justement pour permettre d’exprimer pleinement ce que le coaché a à dire ici et maintenant à un adulte présent pour accueillir sa parole d’une part. D’autre part, qu’il sera pour une fois le seul maître à bord de son navire durant la durée de son exploration du territoire, à la fois navigateur, timonier et capitaine.

3.1.2  L’écoute active, vecteur de relations intergénérationnelles

Il est à mon sens impossible de ne pas prendre en compte l’influence du coach en tant qu’adulte dans le processus à travers son intentionnalité et le cheminement proposé découlant de sa stratégie de questionnement. Par extension, il est impossible de nier la mise en œuvre de la relation intergénérationnelle qui se joue. Le coach engage donc, d’un point de vue éthique, sa responsabilité à travers une obligation de moyens et s’interdit toute forme d’influence.

Mes interventions reposent sur le constat que la société d’une manière générale est prompte à juger la jeunesse et son apparent manque d’implication dans la vie de la cité, mais peu efficace quant à donner aux jeunes les moyens de la comprendre pour répondre à ses attentes et les y intégrer. Or, « La collaboration des générations est une des conditions de l’habitabilité de notre planète. Nous ne pourrons construire quoi que ce soit qu’une fois que tous les points de bascule seront dépassés.» écrit Salomé Saqué dans la conclusion de son ouvrage Sois jeune et tais-toi !, appelant l’union générationnelle face à l’urgence écologique et les aînés àmodifier leur regard sur la génération Z. En s’appuyant sur le rapport collaboratif et en pratiquant le coaching comme forme de médiation systémique, le coach scolaire contribue à restreindre des croyances et des préjugés intergénérationnels délétères pour tous.

L’écoute active est le cœur même de la posture de coach (accueil chaleureux — authenticité — empathie — professionnalisme). Elle semble répondre à l’importance que revêt l’authenticité des relations pour la génération Z et sa remise en cause du caractère inné de l’autorité. Le coaching favorise une médiation neutre entre perception de soi et perception du monde, entre ses croyances et représentations sur le monde des adultes et ses attentes réelles. En ce qu’il permet au coaché d’évoluer dans sa situation, de mieux se comprendre et par extension mieux comprendre son rapport au monde et à autrui, le coaching relève d’une forme d’interaction intergénérationnelle a priori adaptée au profil des adolescents et jeunes adultes.

3.1.3 Le coaching comme moyen d’affirmation de soi

Parce qu’il invite le coaché par son questionnement à l’exploration de son propre système CVBLPE (Croyances — Valeurs — Besoins — Limites — Parasitages — Émotions), le coach met à disposition de l’adolescent et du jeune adulte un levier puissant d’assertivité. En plus de ses qualifications, son expérience ou de l’actualisation constante de ses connaissances par la formation, le coach scolaire, doit avoir en premier lieu ce regard sur soi en tant qu’adulte pour adopter le pas de côté nécessaire vis-à-vis de la jeunesse qui favorise sa mise en action.

Parce que le coaché prend conscience de son fonctionnement, mais aussi de ce qui peut entraver son authenticité, il contribue en renforçant sa connaissance de lui-même à renforcer sa confiance et son estime de lui-même. Ce faisant, il est plus apte à composer avec son environnement proche en mutation. Le coaching est par essence une « safe place » d’expérimentation des possibles, dans le cadre clair constitué par l’atteinte de l’objectif et sa sécurité ontologique. Ainsi, il me semble important de porter une attention particulière aux stratégies éventuelles d’ajustement de la génération Z, quelle qu’en soit la cause, aux notions de locus de contrôle interne ou externe, définies par le psychologue américain Julian Rotter dans les années 1960, et au sentiment d’efficacité personnelle, théorisé par Bandura pour permettre aux jeunes de prendre conscience de ou renforcer leur pouvoir d’agir sur une situation donnée vécue comme subie. L’intentionnalité en tant que coach est alors d’amener progressivement à la notion de responsabilité hors de toute logique de culpabilisation. L’idée pour le coaché est de trouver l’équilibre entre locus interne et externe et d’évaluer la part de pouvoir sur une situation donnée puis d’élaborer sa stratégie pour améliorer son propre confort.

3.2  Le coaching scolaire, vecteur de l’exploration identitaire nécessaire au processus d’orientation scolaire. 

En demandant à l’élève de formuler un projet d’orientation scolaire et professionnelle « autonome» et « cohérent» avec ses résultats scolaires et sa « personnalité », « l’institution scolaire rend responsable l’élève —et sa famille — de la réussite, mais aussi de l’échec, de son projet.»[19] Aux yeux de l’institution scolaire, l’échec de l’élève est lié à une impossibilité de prendre la mesure des enjeux auxquels il est confronté et de mobiliser les outils nécessaires. Pourtant, le développement de cette capacité n’est pas inné. Comment le coaching peut-il renforcer par son approche spécifique de la question identitaire les dispositifs liés à l’orientation scolaire des lycéens et collégiens ?

3.2.1     La multiplication des stages d’immersion, une vraie et fausse bonne idée

Multiplier les occasions d’expérimenter le milieu professionnel tout au long de la scolarité est une excellente démarche pour agrandir l’étendue de sa carte des professions sur le plan cognitif et, par accumulation progressive, son développement vocationnel. Néanmoins, la corrélation entre réussite du stage, satisfaction de l’élève et capacité de réaliser un choix d’orientation ne saurait constituer un lien de causalité suffisant pour induire de fait la détermination de son orientation.

De plus, le rapport de stage, dont la trame est relativement factuelle, n’est pas systématique. Souvent rédigé à la hâte par les élèves, son contenu dépend aussi de la disponibilité du tuteur. L’écrit ne donne pas toujours lieu à un retour constructif sur l’expérience en dehors de l’entretien tripartite factuel avec le maître de stage. Il ne questionne pas non plus en profondeur l’analyse de l’expérience du coaché ou la prise de conscience de remédiations éventuellement nécessaires pour adapter son orientation.

En vue de l’élaboration d’un projet professionnel fiable, il me paraît important de proposer un accompagnement complémentaire au dispositif existant qui permette à ces expériences de faire sens au plus profond de lui-même. L’orientation in fine, c’est avant tout grandir et se projeter en tant qu’adulte et cette problématique ne me semble pas pouvoir être dissociée de celle de la construction identitaire.

Le coaching en milieu scolaire me paraît être une manière efficace de s’assurer que l’élève ne répond pas à une injonction extérieure qu’elle soit sociétale, parentale ou amicale. Le coach en s’appuyant initialement sur le protocole de formulation de l’objectif, puis sur la puissance du questionnement facilite la projection du coaché l’accompagnant de fait vers une perception de plus en plus fine des raisons qui motivent ses choix. Ce faisant, le coaching semble proposer une réponse partielle à la tendance de la génération Z à éprouver des difficultés de projection. Dans le cadre de mon activité, l’usage du questionnement en méthode rétrograde antérograde pour les plus âgés de mes coachés s’est avéré très porteur. Certains collégiens ont cependant rencontré quelques difficultés, la baguette magique, est pour eux conceptuellement plus accessible. En clarifiant le propos obtenu à l’aide du métamodèle, on peut soulever les freins potentiels pour garantir une autonomie réelle et assumée.

Restons toutefois vigilants. Il reste nécessaire d’interroger les limites de l’intégration du coaching à ce dispositif, notamment liées à l’influence institutionnelle sur le coach, dans le cas d’un coach interne ou prestataire par exemple, ou sur la détermination des contenus potentiels qui seraient abordés dans le cadre d’une introduction du coaching dans le dispositif lui-même.

3.2.2     Les apports du coaching face à l’injonction du choix

Le système d’orientation scolaire gagnerait aussi en pertinence dans son approche de la génération Z par une remise en perspective globale de l’acte de choisir. Nul ne conserve aujourd’hui le même métier toute sa vie. À ce titre, l’orientation n’est pas tant un choix ponctuel qu’un continuum. Donald Super théorise le développement de carrière à partir de l’individualité : chaque personne est unique et convient à un ensemble de professions qui correspondent à des aptitudes spécifiques, des intérêts particuliers et des traits de personnalités. Autrement dit, le premier facteur déterminant du choix est avant tout de bien se connaître. Tout au long de la vie, les compétences et préférences professionnelles évoluent au cours des expériences successives et du développement physique, émotionnel et cognitif personnel de l’individu. Le droit à la formation tout au long de la vie et la Validation d’Acquis d’Expérience permettent de donner de la flexibilité au parcours postscolaire de chacun. Le choix initial d’orientation n’est par conséquent qu’un point de départ, pas une finalité. Or, il n’est pas perçu comme tel dans les représentations des familles et des élèves, faisant peser sur ces derniers une pression forte. Le processus de coaching peut être l’occasion de sensibiliser à cette évolution contextuelle et d’atténuer cette pression. L’accompagnement du coach peut alors permettre le développement d’une maturité vocationnelle reposant sur un niveau de connaissance de soi et de conscience de son environnement suffisant pour acquérir l’autonomie et la capacité d’adapter son choix en conscience.

La dimension stratégique du coaching d’orientation consiste à s’appuyer sur le développement de la maturité vocationnelle. La dimension tactique est extrêmement variée en fonction du contexte de la demande et des individus. Le modèle des valeurs de Schwartz a permis lors de mes coachings de clarifier les valeurs de mes coachés. Approfondies par le questionnement CVBLPE, elles leur permettent de découvrir les besoins associés et la manière dont ils sont ou pas nourris et quelles émotions en découlent. J’ai également adapté et utilisé les domaines de vie d’Hudson pour leur permettre d’évaluer l’importance de certains domaines pour eux et introduire parfois la prise de conscience d’une régulation nécessaire au regard de l’objectif à atteindre. Le SCORE a pu aussi dans certains cas compléter la recherche de congruence nécessaire à une base de projection stable.

L’identification à des références externes en coaching peut faciliter la projection. Le CV projectif peut également être un support de base de la verbalisation du projet pour amener le coaché sous forme de questionnement rétrograde à établir sa stratégie, même si je n’ai pas encore eu l’occasion de le tester en séance avec cette dimension stratégique. Il faut toutefois rester vigilant à ne pas forcément proposer cet outil en première intention et à adapter l’éloignement de la projection pour ne pas mettre en échec le coaché.

Le photolangage, le tableau des rêves ou la cartographie scolaire peuvent être une approche plus créative intéressante, en particulier si le coaché peine à exprimer son ressenti, en proposant un détour artistique pour amener le coaché à s’exprimer. Autant de portes d’entrée en coaching qui s’enrichissent des travaux et rencontres réalisés sur le temps scolaire dans l’établissement dans le cadre de Parcours Avenir et qui inscrivent le coaching dans une continuité possible de ce dispositif.

Il s’agit alors dans la dimension stratégique pour le coach de s’assurer que :

–                L’élève est correctement informé des conditions objectives qui potentiellement l’influencent,

–                L’élève s’appuie sur son expérience en tant que stagiaire ou sur une carte cognitive des métiers suffisamment riches pour déterminer ses choix.

–                L’élève est pleinement conscient de ses limites, atouts et aptitudes

–                L’élève identifie pleinement ces centres d’intérêt

–                L’élève fait des choix stratégiques réalistes et les actualise d’une manière ajustée et autonome.

3.3  Le coaching, une réponse partielle au besoin de personnalisation de l’accompagnement de l’orientation

La finalité du système éducatif repose sur trois fondamentaux : l’instruction (transmission des savoirs de base purs), l’éducation et la socialisation (formation des individus), pour finir la formation professionnelle (savoirs et compétences métier). L’atteinte de cet objectif est mise en œuvre dans un environnement éducatif constitué de l’ensemble des éléments extérieurs concrets ou abstraits qui peuvent l’influencer. Cet environnement étant en constante évolution, le système va s’adapter sur deux niveaux : un niveau hiérarchique national qui se charge de l’adaptation au métaenvironnement et un principe de régulation local à l’échelle de l’établissement. Toutefois, l’adaptation est toujours en différé et l’écart générationnel entre la génération X (génération dominante en place) et les suivantes (Y et Z, qui ont une culture plus commune) est de plus en plus en tension. Quelle place pourrait occuper le coaching scolaire dans ce système d’un point de vue éthique et déontologique ?

3.3.1     De la nécessité de prendre en compte la question émotionnelle dans le projet d’orientation des élèves

« Le métier d’élève est assigné aux enfants et aux adolescents comme un métier statuaire, à la manière dont un adulte est mobilisé par l’État dans un jury ou une armée. Juridiquement, le travail scolaire est plus proche des travaux forcés que de la profession librement choisie», selon Philippe Perrenoud (1994). À partir de là, une partie d’entre eux intègrent de fait le système scolaire et les apprentissages perdent la mobilisation nécessaire à l’établissement d’un projet professionnel face aux difficultés rencontrées.

Les modalités d’accompagnement et de remédiations internes au système éducatif des élèves les plus éloignés des codes scolaires visent souvent en priorité à réguler les conduites disruptives ou délictueuses dans une logique parfois tautologique et circulaire, au risque d’alimenter l’éloignement du jeune du système éducatif. Ainsi, les ateliers et classes relais, en lien avec la Projection Judiciaire de la Jeunesse, sont des dispositifs à effectifs réduits (12 par classes) ouverts aux moins de 16 ans. Pour une durée de quelques semaines à maximum 6 mois, ils proposent une scolarité aménagée sur demi-journées. Les motivations de l’élève et son projet d’orientation sont pris en compte à travers des activités de découverte et stages pour favoriser la persévérance scolaire le reste du temps. Ils ont pour objectif le retour dans un parcours de droit commun, de favoriser la maîtrise du socle ainsi que l’appropriation des règles de la vie sociale et scolaire. La notion de bien-être ou d’estime de soi n’est absolument pas abordée dans les textes officiels. L’absence de prise en compte de la dimension émotionnelle du sentiment d’échec dans l’intentionnalité mise en avant par l’institution contribue à mon sens à limiter l’impact du dispositif sur la génération Z au regard des tendances préalablement identifiées.

En s’appuyant sur ces besoins spécifiques, le coaching scolaire permet de cultiver son intelligence émotionnelle. Cette notion est liée à la capacité de comprendre ses émotions, celles des autres et d’en tenir compte. Savoir accueillir ses émotions, les comprendre et les réguler quand il le faut, c’est déjà apporter le changement nécessaire avant d’arriver au burn-out ou au conflit. Or, cela n’est pas inné.

Selon Moïra Mikolajczak, psychologue, proposer un programme de 18 h pour renforcer les compétences émotionnelles des élèves permet de renforcer la résistance au stress et à l’anxiété de 20 à 40 %, de diminuer les petits maux du quotidien d’entre 15 à 30 % (migraines, maux de dos…), à quotient intellectuel et compétences techniques égales d’améliorer la performance au travail et de diminuer de plus ou moins 20 % des conflits avec des tiers. Cette approche personnalisée, intégrée au sein des établissements, favoriserait une culture éducative plus inclusive et holistique, répondant aux diversités des parcours scolaires.

3.3.2     Apports spécifiques du coaching dans les situations d’orientation précoces liées à des situations de décrochage scolaire

La posture du coach repose sur la compréhension du système de valeurs du coaché, sur la manière dont il s’approprie les savoirs, sur son rapport à l’autorité et au travail, sur ce qu’il met en œuvre ou pas pour atteindre ses propres buts et sa manière de mobiliser ses propres ressources à cet effet. Le coaching scolaire favorise par conséquent l’émergence d’une médiation systémique intergénérationnelle. En cela, le processus répond aux enjeux de la personnalisation de l’accompagnement, en particulier en permettant un autre regard sur eux-mêmes pour les publics les plus éloignés et en voie de décrochage.

Le déficit d’estime de soi provoqué par l’accroissement de l’écart entre niveau scolaire réel et niveau attendu par l’institution est un des facteurs importants du décrochage scolaire. Or, le coach scolaire pourrait compléter l’action d’autres acteurs éducatifs internes ou externes dans ces dispositifs. L’intentionnalité dans ce type d’accompagnement est de favoriser à la fois l’acceptation du passé scolaire et l’émergence d’un futur possible qui passe par une volonté objective et manifeste, rendue tangible par des résultats clairement mesurables à court terme de remise en projet de soi-même et de réinvestissement dans les apprentissages en vue d’une orientation choisie adaptée.

Le processus de coaching tel que nous l’avons détaillé peut venir en appui sur le plan émotionnel de la démarche institutionnelle initiée en favorisant l’émergence de la prise de conscience intrinsèque de la nécessité d’opérer un changement, par opposition à un changement contraint extrinsèque. Correspondant aux attentes et tendances comportementales et sociologiques de la génération Z, cette posture permet d’assurer une plus grande probabilité de persévérance du changement. En parallèle des détours pédagogiques et enseignements mis en œuvre dans le cadre des dispositifs, le processus de coaching pourrait contribuer à faire un lien en mobilisant notamment la capacité à planifier et s’évaluer pour faciliter sa projection dans l’avenir.

Sur le plan tactique, mettre en place des outils de suivi adaptés et un accompagnement personnalisé tant sur le plan émotionnel que cognitif est nécessaire. La grille de restructuration des émotions de Beck par exemple permet au coaché d’accueillir et rationaliser ses émotions pour développer de nouveaux comportements plus efficients en amenant une analyse bénéfice/coût de ses actions. On peut aussi construire l’estime de soi en amenant le coaché à identifier régulièrement les choses ou événements positifs susceptibles de renforcer ses comportements au quotidien. L’élaboration d’un support d’évaluation de l’évolution des indicateurs d’atteinte d’objectif clairement identifiables rend également tangible la progression et favorise l’acceptation d’un possible futur scolaire pour ses élèves ou d’un projet d’avenir adapté.

Au-delà du cas spécifique des élèves en situation de décrochage particulièrement éclairant pour illustrer ce propos, le niveau de performance scolaire est au cœur du processus sélectif que constitue l’orientation pour tous. Indépendamment des résultats de chacun, tous les élèves sont soumis à différents degrés à un nombre important de facteurs de stress potentiels. Quel peut-être l’apport du coaching scolaire dans la gestion de l’anxiété scolaire ou peur de l’échec ?

3.4          Le coaching, un accompagnement personnalisé de la gestion de l’anxiété scolaire

Parce qu’il prend en compte les difficultés du coaché comme résultant des interactions entre les caractéristiques propres de l’élève, celles de sa famille, de l’institution et du milieu dans lequel il vit, dans une perspective systémique des besoins particuliers du coaché, le coaching est une forme d’accompagnement personnalisé de l’anxiété scolaire. Donner les moyens à l’adolescent de prendre conscience des stresseurs sur le plan physique, cognitif, comportemental ou émotionnel, c’est lui permettre de mesurer leurs impacts sur sa scolarité. De fait, la possibilité de se structurer pour mieux appréhender cette dernière émerge. En analysant ses réactions, le coaché est amené à en évaluer la pertinence et à formaliser le cas échéant des stratégies adaptatives résilientes.

 3.4.1     Résilience scolaire et apports méthodologiques du coaching scolaire

Le concept de résilience repose sur la capacité à s’ajuster avec succès, à fonctionner positivement ou à se sentir compétent (Garmezy, 1991), et désigne tantôt le fait de maintenir un fonctionnement adaptatif en dépit d’une menace dans l’environnement (Rutter, 1987), tantôt le fait de retrouver un niveau d’adaptation antérieur ou supérieur après avoir subi un stress (Steinhauer, 1998). Nous considérons ici la résilience scolaire comme la capacité d’un élève à rebondir dans une situation stressante ponctuelle ou récurrente au cours de sa scolarité, et à capitaliser sur ses expériences dans ce cadre pour prendre de nouveaux risques dans ses apprentissages en s’appuyant notamment sur ses interactions dans une logique systémique.

Accompagner l’élève ou l’étudiant dans sa compréhension de lui-même et du système éducatif en lui donnant le champ libre d’y affirmer son identité, de prendre le contrôle de ce sur quoi il peut agir et se responsabiliser par rapport à ses choix d’orientation, contribue au développement de sa résilience scolaire. En s’intéressant à ce qui le motive vraiment et à l’image qu’a le coaché de lui-même dans son environnement scolaire et extrascolaire, le coaching alimente chez lui des processus qui s’interposent entre lui et le stress.

Le processus de coaching permet d’ancrer les apprentissages dans une perspective concrète positive que constitue l’objectif et qui fait sens avec le processus d’orientation. En cela, il peut réduire certains facteurs d’anxiété scolaire en restructurant la pénibilité du parcours et en apportant un levier de mise en mouvement supplémentaire significatif. L’apprentissage, la mémorisation et la restitution des savoirs ne vont pas forcément de soi pour la génération Z et peuvent constituer un stresseur important en lien avec la performance aux évaluations. Le coaching scolaire peut intervenir de manière complémentaire et métacognitive sur ces difficultés par l’apport méthodologique sur la mémorisation et l’organisation.

En réalité, la dimension stratégique du coach en matière de gestion du stress scolaire repose avant tout sur l’exploration avec le coaché de sa posture d’apprenant dans l’analyse du rapport stress perçu/contrôle perçu, en lien avec le locus interne/externe du coaché. Elle vise aussi à questionner l’efficacité des stratégies d’évitement et/ou de vigilance mises en œuvre et à restructurer les comportements déficients autour de leur pertinence vis-à-vis de l’objectif. La finalité du coach est toujours d’amener le coaché à faire sens, à passer de la pensée automatique au questionnement réel qui le rend acteur du changement présent et ceux à venir. Ainsi, le coaching doit aussi, parfois, permettre d’objectiver de manière rationnelle la transition vers un projet d’orientation réalisable si la situation scolaire de l’élève nécessite de faire le deuil de l’orientation choisie.

La dimension tactique du coach peut passer par :

– La verbalisation précise des stresseurs en début de processus : circonstances de manifestation du stress, symptômes, intensité, durée.

– L’utilisation d’une échelle du stress et son questionnement, permettant de qualifier et quantifier un critère possible d’atteinte d’objectif et de rendre tangible au coaché l’évolution au fil des séances.

– L’utilisation de la capacité maximale d’absorption en séance matérialiser visuellement l’ensemble des facteurs stressants et en préciser la cartographie. Questionner leur degré d’importance les uns par rapport aux autres est souvent le déclencheur d’une prise de conscience suffisante pour voir émerger des pistes d’amélioration. Quand cela s’avère nécessaire, l’utilisation de l’outil impact/hors impact peut être aidante.

L’analyse transactionnelle, en particulier les notions de strokes négatifs ou positifs, est un indicateur intéressant dans le discours du niveau d’estime de soi. Par la suite, l’identification par le questionnement des causes profondes qui motivent les comportements symptomatiques permet aux jeunes d’identifier en prenant du recul les biais cognitifs qui y sont associés et faire émerger des pensées alternatives qui modifient les cognitions dysfonctionnelles.

En s’assurant systématiquement de la sécurité ontologique, le coach contribue à sécuriser l’évolution progressive du jeune tout au long du processus. Une fois l’objectif défini (PFDO), il va accompagner l’émergence d’une stratégie et de l’engagement sur sa mise en place. S’il apparaît au cours du questionnement que la perfection scolaire est importante pour le coaché, il peut être intéressant de questionner la perception de l’erreur. Un échange autour des drivers et des permissions peut en effet contribuer à diminuer progressivement l’anxiété liée à la notion d’échec. Ce changement de paradigme amène aussi à s’autoriser à oser. On peut également proposer au coaché d’accueillir les effets corporels négatifs du stress par différents exercices de respiration contrôlée ou d’utiliser le brouillage pour reprogrammer positivement une situation négative si nécessaire.

Le processus de coaching n’est pas linéaire, inscrire de nouvelles habitudes n’est pas automatique et prend du temps. Il est nécessaire d’encourager au maximum les tentatives essai-erreur. En effet, l’échec donne matière à questionner les modalités de celui-ci jusqu’à trouver la bonne façon pour le coaché d’y remédier d’une part, d’autre part dans la bulle que constitue le processus l’erreur ne porte pas à conséquence, elle constitue même un progrès en ce qu’elle est un premier mouvement vers une solution. Les strokes positifs du coach peuvent faciliter la prise de risque tout en renforçant l’estime de soi.

3.4.2     De l’importance de la motivation

Le choix d’orientation n’est pas dénué d’enjeux et d’influences diverses : faute d’accompagnement identitaire suffisant, le risque pour les élèves est de baser leur choix avant tout sur la performance scolaire, les possibilités de poursuite d’études et la perspective d’insertion ou salariale. Or, l’importance de la motivation dans les apprentissages est largement documentée, notamment l’impact positif de l’autodétermination sur la performance scolaire.

D’après Alain Suchet, « La perspective d’avenir est associée positivement de manière significative avec le résultat scolaire. Les élèves qui relèvent se projeter mentalement dans le futur réussissent mieux scolairement (Kooji et coll., 2018 ; Peetsma & Van Der Veen, 2011). Un élève qui accorde de la valeur pour une tâche scolaire a également une perspective d’avenir plus optimiste (Husman & Shell, 2008). De plus, s’il éprouve un coût psychologique élevé au fait de réaliser une tâche scolaire, il est plus probable qu’il ait une perspective d’avenir optimiste. En revanche, une relation négative entre la perspective d’avenir et la procrastination a également été relevée (Zabelina et coll., 2018). Un élève qui procrastine aura tendance à avoir une perspective d’avenir plus pessimiste. Finalement, nous avons mesuré que la perspective d’avenir à elle seule explique 7 % de la variance dans le résultat scolaire de l’élève.»[20]  Le coaching scolaire a donc toute sa place au côté des autres professionnels de l’éducation pour répondre aux enjeux d’une orientation scolaire plus humaniste : comment la motivation influe-t-elle sur le processus d’orientation ? Et surtout, que peut apporter le coaching à cette question ?                 

a) Un changement de posture de l’adulte nécessaire

Quelle image renvoyons-nous, nous les adultes, à la génération Z qu’on présente faussement comme apathique, désengagée, inadaptée ? Que le problème vient uniquement d’elle. Or, si nous prenons objectivement du recul, ne pourrions-nous pas admettre nous aussi notre part de responsabilité dans la réalité d’un système éducatif en tension de plus en plus déconnecté de la sphère émotionnelle et axé sur l’exigence de performance en vue d’inclusion sur le marché du travail ?

En effet, la réussite n’est pas qu’une question de résultats, de compétences ou d’adaptabilité. Elle n’est pas plus liée à l’adoption de telle ou telle méthode de travail. Elle est avant tout liée à la motivation de devenir un adulte accompli et épanoui. Accueillir la jeunesse telle qu’elle est et l’accompagner pour trouver comment dealer avec ce contexte peu favorable pour se construire en société est une nécessité. La conférence TED Le pouvoir du bientôt de Carol Dweck illustre l’importance modifier notre regard d’adulte pour faciliter l’entrée de la jeunesse dans un état de croissance positif.

J’ai été régulièrement confrontée à la vision utilitariste de l’orientation dans mon cadre professionnel et à l’injonction, toujours implicite bien entendu, d’orienter coûte que coûte vers des secteurs en tension. Et ce n’est ni normal ni souhaitable. Cette manipulation est non seulement malsaine en tant que telle, mais aussi socialement délétère en ce qu’elle favorise à court terme le décrochage scolaire et à long terme les tensions intergénérationnelles. De plus, elle prive à long terme la société des profils les plus créatifs, par nature aptes à produire plus facilement de l’innovation comme l’explique Emilie Wapnick dans sa conférence TED Pourquoi certains d’entre nous n’ont pas de vocation ? 

b) Quête identitaire, objectif et motivation

Parce qu’il replace la perspective scolaire comme un moyen d’atteindre un objectif plus grand, propre à chacun, quelles que soient les difficultés rencontrées, le coaching scolaire offre un espace à l’adolescent où il peut prendre réellement la main sur son avenir en tant qu’humain en devenir. Le coach scolaire accompagne la découverte du sens que le coaché souhaite donner à sa vie d’adulte. Qu’est-ce qui compte réellement pour lui ? Qu’est-ce qui compte bien plus encore ?

La bulle que constitue l’ici et maintenant du coaching permet au coaché de se reconnecter à ses rêves et désirs profonds. En identifiant ses valeurs et les besoins qui en découlent, en accueillant ses émotions et en les canalisant dans un second temps à travers son objectif, le coaché se découvre au-delà d’un simple choix d’orientation. En prenant également en compte les croyances positives et négatives, les parasitages de ses pensées et actes automatiques et ses limites propres, le coaching devient l’espace d’une mise en mouvement positive du statut d’enfant à celui de jeune adulte. C’est le point de départ pour construire son avenir positivement et la manière dont il souhaite s’inscrire dans la société et dans son rapport aux autres.

Le processus de coaching favorise dans sa dimension tactique l’autodétermination comme besoin d’être à l’initiative de ses choix et ces actions. En cela, il semble en corrélation avec le besoin d’autonomie de la génération Z. La définition de l’objectif l’amène en effet à questionner la manière dont il fait société, notamment son vécu en tant qu’enfant, élève, pair et comment tout cela s’articule positivement ou non dans une logique de sens congruente pour lui, à travers ses difficultés et ses réussites, ses talents et surtout ses envies de futur adulte. La question de l’amotivation ou de la démotivation au regard de l’orientation scolaire peut alors être questionnée. Quels freins dans sa situation actuelle l’empêchent d’atteindre le but qu’il se fixe ? Que lui manque-t-il exactement pour l’atteindre ? Et pour le dépasser ?

La réduction de l’anxiété scolaire en matière d’orientation, et plus généralement l’amélioration du climat scolaire global, ne peut être envisagée qu’à partir d’une attention empathique visant le rapprochement optimal entre questionnement identitaire et apprentissages inculqués comme préalable motivationnel à une orientation choisie. Cela passe notamment par une autre approche plus attentive à l’aspect émotionnel et plus inclusive, propre à assouplir les relations entre les X et les Z. L’inclusion des adolescents dans le monde des adultes passe par notre capacité à encourager l’autonomie d’agir, principal vecteur de motivation individuelle de l’élève.

 c) Le coaching scolaire, une réponse adaptée à l’anxiété scolaire ?

Étant le point d’ancrage de la réflexion par le cadre qu’il propose et le professionnalisme qu’il met en œuvre pour clarifier un objectif concret et mesurable et l’atteindre dans une temporalité fixe, le coach répond ainsi au cours du processus au besoin de stabilité et de sécurité de la génération Z. Il suscite la clarification du flot d’informations continues qu’elle reçoit dans un monde en perpétuel changement, de la ligne de conduite qu’elle souhaite adopter pour son avenir dans un rapport à l’adulte authentique, constructif et rassurant.

De plus, les outils adaptés proposés ont une finalité claire, efficiente à court terme. Ils sont aussi challengeant et calibrés, mis en place pour faciliter l’engagement cognitif par le questionnement qui suit sa réalisation. Autrement dit, le coaching en lui-même porte intrinsèquement presque l’ensemble des caractéristiques présentées par Roland Viau d’une activité pédagogique engageante au niveau motivationnel adaptée pour la génération Z.

Définir un choix d’orientation tel que décrit plus haut indique un but clair vers lequel tendre, désirable et désiré par l’élève. Ce but répond à ses besoins les plus intimes et plus seulement à une nécessité ponctuelle de performance ou une injonction extérieure. Il constitue un facteur motivant dans l’accomplissement des étapes pour y parvenir. Par conséquent, les évolutions comportementales qui en découlent s’inscrivent dans une logique de persistance au profit d’une autosatisfaction alimentant l’estime de soi et une nouvelle motivation sur la durée à saisir de nouvelles opportunités.

 d) Le renforcement positif du coach, vecteur de transition et de motivation

Le coaching correspond dans un premier temps à une forme de motivation extrinsèque. Puisque qu’il permet au coaché, au cours des séances, d’identifier, pas après pas, ses talents (savoir-être et savoir-faire), ses leviers d’action, les curseurs sur lesquels jouer pour améliorer sa performance, les paliers à atteindre ou à prévoir… il renforce sa motivation intrinsèque, c’est-à-dire comment atteindre ce à quoi il aspire de plus profond pour lui-même, qui inspire son estime de soi et qui motive sa mise en action.

Plus que de simples encouragements, ces strokes positifs vont contribuer à renforcer la détermination du jeune dans l’atteinte de l’objectif et sa confiance dans son potentiel, en marge des résultats concrets observables et des retours positifs externes éventuels. A contrario, en revenant ensemble sur les difficultés éventuelles rencontrées, le coach accueille la vulnérabilité, comprend et questionne l’échec pour mieux rebondir tout en assurant la sécurité ontologique. L’espace interséance est essentiel, en ce qu’il contribue à développer l’autodétermination progressive chez le coaché par l’expérimentation et la réflexion. Ainsi, le coaché affine progressivement les ajustements nécessaires selon lui tout au long du processus dans ses différents domaines de vie.

L’estime de soi, c’est aussi se connaître, savoir identifier et être à l’écoute de ses émotions avec bienveillance. La confiance en soi, avec laquelle elle est souvent confondue, revient à garder foi dans le fait qu’on peut toujours avancer avec ce qui se présente à nous en prenant le recul suffisant pour regarder la situation sous le bon angle. Ces deux notions contribuent à une connaissance maîtrisée de soi qui crée un contexte favorable à un changement positif de comportement. Le jeune devient à la fois navigateur, barreur et capitaine de son navire, apte à découvrir non plus seulement la carte, mais l’ensemble du territoire.

8 % d’élèves se sont perdus dans la régate en 2023. C’est en partie parce que le dispositif Parcours Avenir, et plus généralement le système éducatif, est amputé de la prise en compte du développement identitaire et de l’intelligence émotionnelle, se privant de fait de facteurs motivationnels majeurs pour la génération Z. Notons les récentes annonces ministérielles évoquant la mise en place dès 2024 de cours d’empathie en maternelle et en primaire, elles semblent aller vers une prise de conscience timide du sujet. C’est pour cela que le métier de coach scolaire a toute sa place aux côtés du système scolaire.

3.5          Limites de l’intégration du coaching scolaire dans la systémique éducative.

Le coach n’est ni enseignant, ni tuteur, ni mentor, ni psychologue, ni assistante sociale, ni conseiller d’orientation. Cependant, il inscrit son action auprès des jeunes en complément de ces professionnels. Tout en faisant partie intégrante du réseau du système éducatif dont le coach connaît les acteurs, les usages et les contraintes, sa posture déontologique est neutre vis-à-vis des familles et de l’institution. Elle facilite l’accueil bienveillant du jeune dans la société. Cela nécessite une adaptabilité constante pour rester authentique.

Faisons donc fi des stéréotypes. Tenons compte dans notre pratique de nos éventuels a priori liés aux caractéristiques de notre propre génération pour favoriser l’accueil authentique, empathique, professionnel et chaleureux de la génération Z. Comme le colibri du conte africain, « Je fais ma part. » pour contribuer àl’épanouissement d’adulte en devenir. Ce faisant, je développe, une adaptation unique des approches éducatives à cette génération d’individu à individu, facilitant notamment l’autonomie dans l’apprentissage et son insertion sociétale.

Pour autant, il est nécessaire aussi de rester réaliste quant aux limites du coaching scolaire perceptibles dans l’approche systémique du système éducatif. Nous n’avons traité ici qu’une infime partie des interactions complexes entre seulement trois acteurs et composants de ce système : le coach, le coaché et le système éducatif. Bien que le coaching puisse apporter des avantages significatifs, il présente des défis intrinsèques.

Le coaching n’est pas un modèle réplicable standardisé, ce qui tend à en limiter l’efficacité globale à l’échelle du système éducatif : il se joue principalement dans la relation individuelle. D’autre part il n’est pas une prise en charge universelle de l’ensemble des problématiques. Dans certaines situations, le coaching n’est pas approprié : réactance de l’élève institutionnelle ou familiale, suspicion de problèmes de santé mentale, grave crise familiale récente, pressions externes, manque de confidentialité… Quand il est mal maîtrisé, le coaching peut s’avérer inutile, voire contre-productif. Coach et coachés doivent aussi composer quoi qu’il arrive avec l’équipe éducative, les politiques éducatives et les décisions au niveau institutionnel sur lesquelles ils n’ont aucun pouvoir et qui ont pourtant un impact direct sur le processus. Une grande partie des problèmes systémiques liés à l’éducation dépassent largement le champ d’action du coaching : lacunes dans les programmes scolaires, obstacles structurels à la réussite éducative…

Par nature, le coaching a tendance à se concentrer sur le développement individuel de l’élève. Cela peut parfois amener à négliger des influences systémiques plus larges ou moins perceptibles qui peuvent affecter l’apprentissage. Certaines problématiques telles que la politique de formation des enseignants, les disparités de financement entre les écoles, les inégalités d’accès aux ressources éducatives ou les politiques éducatives globales ne trouvent pas de solution dans le coaching.

Les relations entre le coaching scolaire et les différentes parties prenantes du système restent aussi à construire. La coordination des acteurs est primordiale pour s’aligner avec des objectifs malgré une temporalité nécessairement différente et une planification stratégique à plus grande échelle.

Cet article ouvre la réflexion sur la manière dont les pratiques de coaching scolaire peuvent enrichir le parcours éducatif des élèves. Un rapprochement et une ouverture de chacun sont nécessaires pour créer ensemble des solutions éducatives holistiques et dynamiques qui répondent aux besoins des élèves tout en s’attaquant aux enjeux structurels plus vastes du système éducatif.

CONCLUSION

Explorer la problématique de l’anxiété liée à l’orientation scolaire chez les adolescents de la génération Z suppose de définir la notion complexe de « génération » et d’établir une approche systémique intergénérationnelle.

Dans un second temps, l’analyse détaillée des dispositifs met en lumière les différents facteurs de stress et leurs impacts en soulignant l’impératif d’ajustements ciblés. L’approche décrite dans cet article répond partiellement aux besoins spécifiques de la génération Z que nous avons établi : écoute active, personnalisation de l’accompagnement en prenant en compte la dimension émotionnelle, solutions adaptées et résultats tangibles à moyen terme.

Par conséquent, le coaching scolaire émerge comme une réponse efficace parmi d’autres à l’anxiété scolaire. En favorisant la résilience scolaire, en intervenant métacognitivement sur les difficultés d’apprentissage, et en stimulant la motivation basée sur des perspectives positives, il offre une approche globale et personnalisée qui renforce le dispositif Parcours Avenir.

Des perspectives collaboratives entre professionnels de l’éducation et coachs restent à créer pour intégrer au système éducatif des approches novatrices pour cocréer un environnement éducatif plus flexible et plus adapté à la génération Z, en phase avec les besoins évolutifs des apprenants d’aujourd’hui. 

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[1] Trésor de la langue française, article « Génération ».

[2] Dans cet article Elodie Llobet traite en particulier de la construction sociale des âges à travers les médias et la manière dont les représentations médiatiques façonnent les nouvelles générations tout en galvaudant le concept lui-même.

[3] ATTIAS-DONFUT Claudine, 1988, p. 19

[4] SABA, Tania, 2017

[5] LAVALLARD, J. (2019).

[6] DALMAS, M. et LIMA, M. (2016).

[7] LAFLEUR, W. (2023)

[8] Rapport d’information du Sénat n° 649 (2022)

[9] Bertucci, M. (2006).

[10] Opinionway pour les apprentis d’Auteuil (2021)

[11] Danvers (1992, p. 190), citant le comité d’experts de l’UNESCO

[12] Arrêté du 1er juillet 2015 relatif au Parcours Avenir, Légifrance

[13] CANNARD, C.(2017)

[14] FARCY, A (2018)

[15] MAKHCHOUN, M. (2024)

[16] SIMOËS-PERLANT, A., BARREAU M., VESILIER C. (2023)

[17] https://www.education.gouv.fr/parcoursup-bilan-de-la-session-2023-379617

[18] MIZZI, A. (2021)

[19] [19] Oller, A. (2012).

[20] [20] SUCHET, A. (2023)

Par Diego Torraca

#Philosophe #R&D #Autrui #Intersubjectivité

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