Vincent LEGLAIVE
Pendant 25 ans, Vincent Leglaive a exercé différents postes au sein de la communication du Groupe Renault dont, ces douze dernières années, celui de Directeur de la Communication de plusieurs de ses sites industriels majeurs en France. Résolument tourné vers le monde de l’enseignement depuis 2018, il anime plusieurs séminaires sur la communication et la conduite du changement destinés à des étudiants en Licence et en Master, notamment au Celsa, à Paris 3 Sorbonne Nouvelle, à l’Université Gustave Eiffel ou encore à l’Université de Versailles Saint Quentin – Paris Saclay.
Dans la continuité de son engagement professionnel, il dirige aujourd’hui le Campus parisien de l’ISEG, école qui forme jusqu’au Bac+5 aux métiers de la communication, du marketing et du digital.
Titulaire d’un DESS de Marketing et de Politique de Communication au Celsa, d’un Master en Histoire Contemporaine, spécialisé en histoire des entreprises, obtenu à Paris-Nanterre, il est Coach Professionnel certifié depuis juin 2023.
Synthèse d’ouvrage
Après 25 ans passés à exercer plusieurs postes au sein de la fonction communication, en agence ou chez l’annonce, notamment ces dix dernières années en tant que Directeur de la Communication de différents sites de production majeurs du paysage industriel français, nous avons progressivement découvert le métier de coach professionnel.
Cette nouvelle expertise nous alors semblé en totale cohérence avec notre posture professionnelle mais aussi avec une certaine conception du métier de communicant acquise sur le terrain au contact de nos parties prenantes, tant internes qu’externes. C’est ainsi que nous sommes naturellement venus à nous former au métier de coach professionnel. Dans ce cadre et en lien avec notre activité initiale, nous avons assez naturellement fait porter notre regard sur tout ce que le coaching pouvait apporter au métier de communicant, en recensant et ordonnant des réflexions pour certaines d’entre elles très anciennes.
Ce travail résultant à la fois d’un regard nouveau sur des pratiques de communication totalement intégrées (mais sur lesquelles il était d’autant plus difficile d’en faire une analyse critique) et d’un apprentissage progressif du métier de coach (qu’il serait illusoire de penser assimilable à l’issue de quelques semaines de formation) nous a ainsi permis de construire des passerelles, structurer des articulations et établir même un nouveau paradigme pour une fonction qui, plus que toute autre, doit en permanence se réinventer pour toujours mieux s’adapter à celles et ceux pour qui l’on communique, nos clients et nos cibles. J’ai ainsi tenter d’apporter une contribution nouvelle, opérationnelle et dotée d’une réelle valeur ajoutée à mon domaine d’expertise premier : la communication au sein des organisations.
Pour mieux cerner le gain de cette réflexion générale, il nous semble important de rappeler d’abord ce qu’est le métier de communicant des organisations. Cela nous permettra ensuite de mieux apprécier les connexions avec le métier de coach et leur apport concret.
Pour cela, nous proposons la matrice ci-dessous constituée de deux axes : un axe structural ou macro relationnel, qui repose à la fois sur une expertise métier définie et reconnue d’une part et sur un cadre d’intervention propre à un secteur particulier d’autre part, qui lui est totalement étranger. Cela peut être le monde de la finance, l’industrie, la grande distribution, etc. Il s’agit du métier client pour le communicant.
Ce premier axe existe en amont de toute action de communication et ne présente pas en soi de caractère dynamique. Il s’agit d’une sorte de contexte général. Le second axe est un axe postural ou micro relationnel qui oppose , du point de vue du communicant, un savoir-faire très opérationnel à une nécessaire posture d’humilité face aux problématiques de ses clients, qui sont le plus souvent totalement étrangères au communicant des organisations, quel que soit son niveau d’intervention au sein de la ladite organisation (du chargé de communication junior au directeur de communication).
En somme, un communicant est un expert qui intervient dans un milieu qu’il ne connaît pas nécessairement ou qui n’est en tout cas pas le sien à l’origine (il est peu de communicants qui interviennent dans un environnement professionnel constitué exclusivement ou même majoritairement d’autres communicants…). Il en est ainsi de la communication comme de toutes les fonctions dites « support » au sein des organisations comme les Ressources Humaines, les Systèmes d’Information, la Finance, etc. Ce second axe est celui de la mise en action de la communication.
Dans chacun de ces quatre cadrans, on trouve quatre postures bien distinctes qui constituent le cœur de la valeur ajoutée si particulière au communicant : analyse des données d’entrée et définition de la stratégie, pilotage opérationnel et production de contenus, accompagnement personnalisé de dirigeants ou de managers dans le cadre de projets ou de prises de parole, écoute, veille, questionnement et curiosité, base de toute mise en œuvre d’une communication adaptée, pertinente et performante.
En somme, on voit que le communicant occupe à la fois une posture haute par son expertise, son savoir-faire, sa pratique et une posture basse sur le terrain, en relation avec ses clients et face aux multiples problématiques auxquelles il est confronté. Cette analyse qui souligne sinon des similitudes du moins une proximité qui nous a amenés à envisager des convergences entre les deux pratiques de coach et de communicant.
A partir de cette constatation nous avons tenté de bâtir une hypothèse de départ qui nous permettrait de d’édifier une réflexion originale et susceptible de déboucher sur une véritable valeur ajoutée opérationnelle pour la fonction communication dont nous sommes issus et qui pourrait profiter d’une relecture de ses pratiques à la lumière du coaching.
Figure 1 – Qu’est ce qu’un communicant ?
La première étape que nous avons pu aisément franchir dans la mise en œuvre de l’une des pratiques au service de l’autre se place du point de vue du coach. Il s’agit donc de se décentrer du point de vue du communicant que nous avons été durant de longues années. En effet, il est clair qu’en tant que manager, un communicant pourrait utilement bénéficier d’un processus de coaching à titre professionnel, comme n’importe qu’elle autre salarié.
La seconde étape m’est apparu assez naturellement en rechaussant mes lunettes de communicant lorsque nous avons fait le constat que le communicant était également susceptible de travailler au service de clients qui ont bénéficié eux-mêmes d’un processus de coaching. Et force est de constater qu’au sein de ces deux processus une première convergence inédite entre coaching et communication semble évidente (et qui fonde notre hypothèse de départ) : les deux pratiques reposent sur la relation, la parole, l’interaction, aux fins de servir les intérêts du client, qui est celui qui connaît le mieux son sujet (que ce soit pour lui-même dans le cas du coaching ou au profit de la stratégie de son organisation pour celui de la communication). Nous avons donc été naturellement amené à nous interroger sur le bénéfice que l’un, le communicant, pourrait tirer de l’autre, le coaching, dans une sorte de regard méta.
Fort de ce constat, nous nous sommes demandé s’il n’était pas possible d’aller plus loin et de faire endosser au communicant jusqu’aux habits du coach pour faire sien ses méthodes et pratiques au bénéfice de l’exercice de son métier, de la performance de son organisation et de sa qualité de prestation auprès de ses clients. Mais dans ce cas, il ne s’agirait pas tant de faire de lui un simple communicant-coach doté de deux casquettes distinctes mais bien plutôt de l’élever au rang d’une nouvelle fonction au sein de l’organisation en le dotant d’une seule (mais double) casquette, celle de que nous avons pris la liberté de baptiser Coach’municant.
Le communicant bénéficie donc du coaching à deux niveaux : celui de manager et celui de communicant. Mais il peut aussi changer de posture pour passer de .client du processus ou du méta processus à une posture nouvelle, inédite et puissante au service de l’organisation avec cette fonction dont nous nous proposons de tracer les grandes lignes.
Figure 2 – Les 3 niveaux de la relation communication / coaching
Cette dynamique nous semble en effet être bénéfique à l’ensemble de l’écosystème formée par l’organisation, depuis les collaborateurs jusqu’aux équipes dirigeantes en passant par toutes les parties prenantes internes (managers, syndicats, prestataires) ou externes (journalistes, pouvoirs publics, clients, grand public, etc.) susceptibles non pas tant d’être les clients du coach’municant mais des cibles vers lesquelles sa capacité à communiquer s’en trouverait renforcer. Plus qu’une simple dilution d’une des pratiques dans l’autre, ce qui n’aurait évidemment aucun sens et reviendrait en quelque sorte à vouloir faire des casseroles en empilant des passoires, il s’agirait d’une expertise nouvelle, combinant habilement ces deux compétences.
Nous avons souhaité mener cette réflexion dans une approche très opérationnelle et en progressant dans l’exploration à la manière d’un processus de coaching, c’est-à-dire en explorant la demande de manière la plus objective possible, sans jugement ni a priori, de sorte de l’accueillir pour mieux faire émerger une solution souhaitable.
Et comme il est toujours difficile de s’extraire de sa propre réalité, nous avons mené un premier diagnostic sur la base de nos quelques 25 ans d’expérience de communicant. Une fois ce travail nécessaire fait, comme pour évacuer d’inévitables a priori, nous avons mené une recherche bibliographique qui nous a permis d’identifier des premières pistes de réflexion sur le sujet.
Toutefois, si celles-ci attestent d’un réel intérêt pour la question dans le champs de la recherche, il est clair qu’en nous limitant à cette dimension par trop théorique, nous étions à l’opposé de notre démarche, à savoir nous situer en prise directe avec le réel. C’est donc vers ce réel que nous nous sommes tournés pour approfondir l’expression de la demande auprès de communicants en chairs et en os, au travers de deux questionnaires quantitatifs et de six entretiens qualitatifs. C’est donc essentiellement ce travail amont qui nous permis de dégager les grandes lignes de convergences de deux expertises qui présentent similitudes et complémentarités, mais aussi qui nous a permis de mettre en avant des différences profondes, voire des risques ou des dangers qu’il s’agit évidemment de mettre sous contrôle.
Après cet état des lieux et l’identification d’une demande bien réelle, nous avons véritablement engagé notre cheminement qui devait nous conduire au Coach’municant.
Un premier nveau a d’abord consisté à identifier les éventuels bénéfices que le communicant pouvait retirer des grands principes et de la méthode du coach pour renforcer sa posture au sein de son organisation. Il ne s’agit pas là tant d’une mise en œuvre active de la démarche de coaching mais bien plutôt d’un changement de regard sur son propre positionnement, en appliquant une démarche Méta.
Pour aller un cran plus loin et dans une approche résolument toujours plus opérationnelle, nous avons vu, à un deuxième niveau, comment la mise en œuvre des outils ou des techniques du coaching pouvait venir renforcer l’efficacité de l’intervention du communicant en interaction avec ses différents interlocuteurs. Toutefois, à ce stade, gardons bien à l’esprit que l’usage des outils du coach ne fait évidemment pas du communicant un coach pour autant, et que celui-ci reste cantonné à son expertise métier dans le cadre d’une fonction qui ne change pas du point de vue de l’organisation, de son donneur d’ordre ou de ses clients internes et externes, sans parler bien sûr de ses cibles qui n’ont finalement pas à retrier un bénéfice particulier d’une quelconque transformation de son métier.
C’est en passant au troisième niveau que nous avons élargi l’action du communicant à une nouvelle mission officiellement reconnue par l’organisation : celle de communicant-coach. Il reste avant tout un communicant mais il fait figure de référent dans le domaine du coaching en interne de son organisation, pour sa hiérarchie ou ses pairs bien sûr mais aussi pour ses clients. C’est arrivé à ce stade que nous identifions des différences et des points aveugles qu’il s’agit de mettre sous contrôle pour lever d’éventuels risques.
Afin de permettre ce glissement vers cette nouvelle mission, nous proposons (et toujours dans cette perspective très opérationnelle) la définition d’un avenant au contrat de travail du communicant-coach pour sa protection et d’un contrat de coaching spécifique pour celle de son client. Ces documents nouveaux sont évidemment complétés à la fois par une certification au métier de coach professionnel reconnu par un titre RNCP de niveau 6 ou 7 et de l’application de la charte de déontologie du coach.
Enfin, nous atteignons notre quatrième et ultime niveau où il ne s’agit plus tant d’une nouvelle mission du communicant qui s’ajouterait simplement à son cœur de métier, mais bien de la création d’une fonction nouvelle au sein de l’organisation, celle de coach’municant. C’est en faisant se télescoper les deux pratiques, comme à la manière d’un collisionneur de particules qui permet d’en identifier une nouvelle, que nous avons tenté de procéder pour permettre de tracer les contours de ce que pourrait être ce nouveau métier aux bénéfices de tous, dégageant à la fois une nécessaire protection et de nouvelle permissions.
Mais là encore, gardons-nous de trop d’angélisme : des risques ou des dangers existent et il s’agit évidemment de s’en prémunir. Coaching washing de la part de l’organisation, instrumentalisation du communicant par les dirigeants ou, à l’inverse, toute puissante toxique du communicant « gourou » : pour mettre à distance ces risques, nous proposons un contrat de travail original entre l’organisation et le Coach’municant, en plus du contrat de coaching avec le client, de la charte de déontologie et de la nécessaire certification dont nous avons parlée précédemment. L’ensemble de ce dispositif permettrait de dégager une puissance nouvelle au service de tous.
Figure 3 – De l’expression d’une demande à une nouvelle fonction au sein des organisations
En synthèse, nous proposons une approche systémique de la convergence de ces deux pratiques, certes voisines mais fortes de différences qui les nourrissent l’une l’autre. Encore une fois il ne s’agit pas de faire en sorte que l’une prenne le pas sur l’autre, ni même d’en tirer une équation du type 1+1 = 2 mais de s’appuyer sur l’une et l’autre pour démultiplier leurs effets. En quelque sorte, faire que 1+1 = 3. Nous sommes persuadés que cette pratique conjointe peut contribuer aux intérêts de toutes les parties prenantes.
Pour conclure, jetons un œil rapide sur les principaux bénéfices
Pour l’organisation, outre l’accroissement du bien-être au travail de chacun ou de la performance globale, un bénéfice très concret réside dans l’économie engendrée par l’intégration de cette fonction.
Pour les équipes dirigeantes, en tant que donneurs d’ordre ou que clients, c’est l’assurance d’avoir un caoch’municant Familier avec l’organisation et Flexible dans ses interventions, comparé à des intervenants extérieurs qui, aux coûts éventuels, ajoutent souvent une méconnaissance voire pire : une connaissance de façade de l’organisation-même, ce qui serait forcément contreproductif pour la mise en œuvre du dispositif.
Du point de vue du communicant, il s’agit d’y voir un tripe bénéfice : renforcement de ses missions traditionnelles par les outils et méthodes du coach, reconnaissance de cette nouvelle expertise au sein de son organisation et enfin renaissance de sa fonction dans un nouveau rôle par l’évolution de son champs d’action. Ce dernier aspect nous semble d’autant plus important à l’heure où la question de l’intelligence artificielle se pose dans tous les domaines et notamment dans celui de la production de contenus, de supports visuels voire de stratégie de communication, vouant ainsi le communicant dans son rôle traditionnel à une possible disparition comme cela sera le cas de bon nombre de métiers. Renforcement, Reconnaissance, Renaissance, ce sont donc là les 3R au bénéfice du communicant.
Enfin, sommet de notre pyramide de bénéficiaires, le client interne qui outre les traditionnelles Protections, Permissions et Puissances engendrées par le processus de coaching qui se trouvent renforcées par les outils que nous proposons, trouverait en la personne du Coach’municant un interlocuteur de Proximité, pour intervenir rapidement et régulièrement sur des problématiques spécifiques en relation avec son activité, un peu à la manière de formation, mais bien évidemment en gardant la posture basse nécessaire à tout processus de coaching. Aux traditionnels 3P du coaching au service du client, nous nous permettons ainsi d’en ajouter un quatrième, ce qui démontre la capacité de notre approche à agir tant sur le métier du communicant que (certes de manière marginale) sur celui du coach. Là encore, nous pouvons écrire 1+1 =3…
Figure 4 – Des bénéfices attendus à tous les niveaux
En somme, par le truchement de cette nouvelle fonction que serait celle du coach’municant, nous proposons de faire entrer le coaching dans l’entreprise non plus comme une sorte de recours exceptionnel ou ponctuel ni comme un ajout de compétences à des compétences déjà existantes mais comme un levier permanent au service de l’ensemble de l’écosystème pour améliorer les échanges, définir la vision, dessiner la stratégie, faire émerger les messages et produire les changements nécessaires. Echange, vision, stratégie, messages, changement : nous retrouvons là ce qui fait le cœur du métier de communicant au sein des organisations.
C’est l’ensemble de cette réflexion qui a conduit mon travail de recherche dans le cadre de ma formation au métier de coach professionnel grâce à Linkup Coaching. Ce fruit de cette réflexion est désormais à la disposition de tous, étudiants en communication, professionnels de la communication, managers, responsable de Ressources Humaines, etc. depuis le 21 décembre 2023 avec la parution de Communication et Coaching : vers le coach’municant© publié aux éditions de L’Harmattan et complété par des ressources en ligne à l’adresse www.coachmunicant.fr.
L’ouvrage est disponible directement auprès de votre libraire et sur les principales plateformes d’achat en ligne (Amazon, Fnac, Cultura, Decitre, Furet du Nord, etc.)