Hélène Macaire
Première publication le 03/05/2018 – Article de recherche
Résumé
Le coaching est régulièrement critiqué par des chercheurs en sciences sociales, sociologues et psychologues notamment. Ces critiques peuvent être structurées selon trois axes : l’utilitarisme et la psychologisation des problèmes sociaux ; la conformation comportementale et le contrôle social ; la tentation de l’omnipotence et de la vente de « solutions miracles ». L’écoute attentive de ces critiques donne des orientations intéressantes pour penser et pratiquer le coaching. A titre d’exemple, la mobilisation de cadres conceptuels systémiques, la capacité à décrypter les jeux de pouvoir ou encore le développement d’une posture réflexive sont des compétences cruciales pour le coach.
Mots-clés : coaching, sciences sociales, sociologie, psychologie, critique, dérive, éthique
Abstract
Introduction
Se faire coacher dans le cadre de sa prise de poste ou d’une mobilité professionnelle, pour dépasser un conflit avec un proche ou un collègue, mieux gérer son stress, pour être plus performant dans son poste ou profondément soi-même…
De par l’alliance de l’humanisme et de l’efficacité qu’il propose, le coaching est séduisant : il offre en effet un espace de confiance au sein duquel le client est à même de développer son potentiel en vue d’atteindre un objectif.
Néanmoins, il apparaît que le coaching suscite tant l’engouement et l’enthousiasme les plus intenses que les critiques les plus violentes. Ces critiques émanent de chercheurs et d’universitaires – principalement des psychologues et des sociologues, parfois des philosophes – mais également de certains coachs eux-mêmes qui plaident pour réfléchir « aux fondements d’un coaching de qualité » et mettent en garde contre le coaching « marchandise » ou « produit miracle » (Jaillon, 2005).
Parmi les détracteurs les plus virulents figurent le psychanalyste Roland Gori et le philosophe Pierre Le Coz, qui dénoncent « l’empire des coachs » (Gori, Le Coz, 2007). Ces deux auteurs voient dans le coaching d’entreprise le triomphe de l’ultralibéralisme et du tout-économique, la dissolution de la frontière entre aspirations personnelles et activités professionnelles : l’individu consent librement à exploiter son potentiel et accroître sa performance au service de son organisation et fait de lui-même une entreprise à gérer, dont il conviendrait de maximiser la rentabilité comportementale.
Objet de passion et d’enthousiasme, tout comme de critiques acérées, le coaching l’est assurément.
Ce qui nous intéresse n’est pas tant ce constat que les questions qu’il peut soulever. Que se passerait-il si, en tant que coach, nous écoutions attentivement – « activement » même pour reprendre un des mots forts de notre pratique – les critiques faites au coaching ? Que révèle l’analyse fine des critiques issues des sciences humaines et sociales adressées au coaching ? Comment prendre en compte ces critiques et les intégrer dans sa pratique de coach ?
Nous analyserons au cours de cet article les trois grands axes critiques adressées par les sciences humaines et sociales au coaching : la critique de l’individualisme et de l’utilitarisme ; la critique de la conformation comportementale et du contrôle social ; et enfin, celle de l’omnipotence et de l’ingérence. Chaque axe fera l’objet d’une discussion à visée pratique pour les coachs désireux d’en tenir compte.
1. « Faire de l’individu un surhomme » : le coaching comme dispositif individualiste, narcissique et utilitariste ?
1.1. Le coaching pour devenir entrepreneur de soi-même : une vision utilitariste du travail sur soi
Le coaching d’entreprise « oscille en permanence entre humanisme et utilitarisme gestionnaire » (Verzanobres, 2006, p.177). Il y aurait une tension inhérente ou un équilibre à trouver entre les objectifs de développement humain assignés traditionnellement au coaching et les attentes utilitaristes des organisations, soucieuses de maximisation de leur capital humain et de retour sur investissement.
Le coaching d’entreprise tend donc à lier des postulats humanistes issus notamment de la psychologie rogérienne – croyance dans le potentiel des individus, dans leur capacité à croître, devenir responsables et autonomes – avec des visées utilitaristes. Comme le souligne Valérie Brunel, « le développement personnel n’est valorisé dans l’entreprise que parce que l’on considère qu’il s’agit du moyen le plus efficace de mobiliser l’individu contemporain vers les objectifs de l’entreprise » (Brunel, 2008, p.89).
Certains intellectuels sont plus « radicaux » encore dans leur critique du coaching. Pour le sociologue Vincent de Gaulejac, le développement du coaching est à mettre en perspective avec la « managérialisation » de notre société. L’impératif de rentabilité financière va aujourd’hui au-delà du cadre des entreprises pour embrasser l’ensemble des dimensions de la vie sociale (De Gaulejac, 2005).
1.2. Le coaching comme dispositif individualiste renforçant la psychologisation des rapports sociaux
Le développement du coaching est également à mettre en perspective avec la montée de l’individualisme. L’idée selon laquelle nous sommes des individus autonomes et entièrement responsables de nos existences est en effet largement répandue.
Ce mouvement d’individualisation va de pair avec une complexification du fonctionnement de notre monde et notamment de nos organisations. Comment comprendre ce qui se joue, alors même que nous sommes en perpétuelle mouvance ? D’où une tendance, décriée par certains auteurs comme le psychosociologue Eugène Enriquez, à une atrophie des réflexions sur les dimensions proprement organisationnelles des problèmes au profit d’une approche simplificatrice mettant en avant la seule responsabilité des individus. Le coaching, dans la mesure où il est centré sur la personne, ses capacités et sa marge de liberté, peut participer de cette lecture partielle des dynamiques à l’œuvre dans les organisations. Ainsi, « lorsqu’un problème sera, de toute évidence, un problème temporaire de dysfonctionnement organisationnel, il sera plus aisé de ne pas s’en apercevoir et de le transformer en problème psychologique, un individu étant plus facile à traiter qu’un dysfonctionnement crucial » (Enriquez, 2005, p.168).
Cette tendance à la psychologisation des problèmes organisationnels est à mettre en perspective avec les fondements théoriques du coaching. Si les théories psychologiques – approche humaniste de Carl Rogers, analyse transactionnelle d’Eric Berne, programmation neurolinguistique de Bandler et Grinder, élément humain de Schutz… – sont largement présentes parmi les référentiels conceptuels des coachs, les théories proposant une lecture davantage systémique comme la sociologie des organisations ou la psychologie sociale sont moins sollicitées.
Le coaching renforcerait par conséquent la « norme d’internalité », qui désigne en psychologie sociale une norme selon laquelle nous croyons être à la source de ce qui nous arrive. Cette norme correspond au sentiment individuel de pouvoir, en toute circonstance, choisir sa place, son rôle et de pouvoir agir sur les éléments extérieurs qui nous concerne.
Si le coaching peut – et cela nous semble heureux – amener l’individu à explorer et exercer sa marge de liberté quelle que soit la situation, deux dérives potentielles liées à la norme d’internalité sont néanmoins à anticiper : d’une part, une forme d’« hubris », de « démesure » concernant la vision du pouvoir de l’individu face à son environnement ; d’autre part, une forme d’auto-culpabilisation si d’aventure le coaché ne parvient pas à déployer autant qu’il le voudrait ses potentialités.
1.3. Discussion
Le coaching comme ressource réflexive, « capacitante » et porteuse d’autonomie dans un univers incertain
Au lieu de voir le coaching comme un dispositif individualiste et utilitariste, rabattant la réflexion sur soi à l’action au bénéfice de la rentabilité d’une organisation ou de l’optimisation de soi, il nous semble important de souligner que le coaching peut proposer une réponse aux transformations des sociétés contemporaines.
Dans un univers devenu incertain, caractérisé par le « déclin » des grandes institutions pourvoyeuses de normes et par la montée de l’individualisme, l’homme post-moderne est en quelque sorte livré à lui-même (Erhenberg, 1998).
Aussi, plus qu’un symptôme de l’individualisme triomphant, le coaching ne serait-il pas une ressource pour des individus de plus en plus autonomes et responsabilisés ?
Pauline Fatien-Diochon voit dans le coaching « une ré-création, temps durant lequel l’individu échappe aux contraintes, règles, pour jouer à être ce qu’il veut » (Fatien, 2005, p.16). En ce sens, le coaching est une nouvelle institution de l’autonomie individuelle (Kaufman, 2005). Il a une fonction à la fois réflexive et « capacitante », dans la mesure où il permet à la personne d’explorer ses ressources et sa marge de liberté, en lien avec son identité et ses valeurs profondes, pour ensuite passer à l’action.
Le questionnement de la demande et la mobilisation de cadre conceptuels systémiques comme « remparts » à la dérive de psychologisation
En ce qui concerne la critique de psychologisation, le questionnement de la demande dans un coaching d’entreprise nous paraît structurante. Le coaching est-il « la » ou « une » des bonnes réponses à la problématique du client commanditaire ? La demande initiale de coaching peut en effet masquer d’autres enjeux collectifs ou structurels, qui pourraient relever d’actions de conseil en organisation ou en management, de conduite du changement ou de formation. En fonction de ce qui ressortira de l’analyse de la demande, le coaching pourra être le dispositif indiqué ou pourra venir en complément d’autres dispositifs.
A ce titre, il nous semble intéressant de disposer en tant que coach à la fois de théories psychologiques centrées sur des mécanismes individuels ou de « micro-interactions » et de cadres analytiques davantage systémiques et « macro », tels que la sociologie des organisations, la psychologie sociale, ou encore la psychologie du travail.
Dominique Jaillon, ancien président de la Société Française de Coaching, plaide en ce sens : le coach a intérêt à mobiliser une approche pluridisciplinaire des relations humaines. Le coach devrait être à même de saisir l’individu dans ses aspects psychologiques tout comme le fonctionnement des groupes ou des relations humaines et les dynamiques institutionnelles et organisationnelles (Jaillon, 2007).
Le coaching comme instance de conscientisation et de réinvention de sa marge de manœuvre individuelle dans un environnement donné
Enfin, et ceci vient à notre sens diminuer la critique sociologique concernant le renforcement de la norme d’internalité via le coaching, le développement de celle-ci peut être bénéfique pour l’individu. En effet, des travaux récents en psychologie positive ont montré que le « locus de contrôle interne » – le sentiment d’être aux commandes de sa vie – est l’un des plus puissants moteurs de bien-être et de performance individuels (Achor, 2010). D’ailleurs, ce ne serait pas tant le degré de contrôle effectif qui compterait mais plutôt le degré de contrôle que la personne pense exercer.
Il nous semble donc important en tant que coach d’avoir un regard contextualisé et mesuré sur cette thématique : un renforcement de la norme d’internalité peut être porteur de bénéfices s’il se concrétise pour la personne par une conscientisation de sa responsabilité et de son périmètre d’action et de créativité. Le sentiment de maîtrise constitue un moteur puissant à la mise en mouvement. En revanche, il convient de faire attention aux effets pervers d’un excès de locus de contrôle interne : « hubris » (« ils me doivent tout ») ou auto-culpabilisation (« je porte la responsabilité entière de mon environnement et de moi-même »).
2. « Faire de l’individu un être adapté, voire soumis aux organisations » : le coaching comme dispositif de contrôle social, de conformation et d’acceptation ?
2.1. Le coaching comme instrument de pouvoir au service de divers acteurs
La question du pouvoir et de sa gestion est relativement peu présente dans les manuels de coaching, alors même que le coach – dans le cas de coachings d’entreprises – est amené à intervenir au sein d’un système d’acteurs complexe, aux interactions et aux enjeux divers. Cette tendance à « l’euphémisation des phénomènes de pouvoir » peut être mise en relation avec le « positivisme » des cadres théoriques à tendance fonctionnaliste usuellement mobilisés en coaching et qui tendent à présenter « les organisations comme des touts harmonieux et consensuels, où des mésententes passagères se résolvent par la plateforme du dialogue » (Fatien-Diochon, Louis, 2015, p.89).
Or les phénomènes de pouvoir, inhérents aux organisations (Crozier, Friedberg, 1977), peuvent venir bousculer le coach dans sa « posture idéale » de tiers neutre. Le coach n’est pas à l’abri de diverses dérives en lien avec les jeux d’acteurs au sein des organisations : demandes de coaching avec des « agendas cachés », usage du coach comme un substitut au management…
La gestion de « la bonne distance » dans l’organisation et par rapport aux différents acteurs qui la composent représente un défi pour le coach, qui pourrait osciller dans des cas problématiques entre la posture du sauveur et l’instrumentalisation. Ces tensions autour du positionnement du coach sont à relier à la dimension tripartite de la relation (« dans quelle mesure les intérêts et visions du monde convergent-elles ? ») et à une potentielle ambiguïté sous-jacente : qui est le bénéficiaire du coaching ? Pour qui le coach travaille-t-il ? L’organisation ? L’individu ? Les deux ?
L’analyse des discours de coachs à ce sujet montre l’hétérogénéité des pratiques puisque diverses catégories de bénéficiaires sont énoncées : l’organisation, l’individu apparaissant alors comme « une variable intermédiaire » ; l’individu, avant toute chose ; l’individu et l’organisation indistinctement (Fatien, 2008).
Du fait des potentielles divergences d’intérêts et de point de vue, il peut être difficile de « se placer au point de croisement entre le développement de l’individu et celui de l’entreprise » (SF Coach 1. La SFCoach est une des organisations professionnelles visant à représenter, à encadrer et à promouvoir le coaching en France. ).
2.2. Le coaching comme dispositif de conformation comportementale
Si l’on se réfère aux jeux de pouvoir analysés ci-dessus, la dérive de conformation comportementale – autre critique faite au coaching – est particulièrement marquée dans la situation d’instrumentalisation du coach par l’organisation.
Cette critique soulève à notre sens la question de la part de décision et d’adhésion de l’individu au coaching commandé par l’entreprise et, par extension, la question du respect de son écologie et de sa sécurité ontologique à partir du moment où il n’est pas décideur ou co-décisionnaire.
Cette dérive potentielle est par ailleurs à mettre en lien avec les mutations du pouvoir au sein des organisations. Selon Valérie Brunel, « l’introduction de la réflexivité et des pratiques de soi dans l’entreprise sous-tend un mode de pouvoir renouvelé, peu coercitif car reposant sur l’aspiration de chacun à se développer et à se rapprocher d’un modèle comportemental jugé souhaitable » (Brunel, 2008, p.117). Le coaching serait un dispositif permettant l’exercice de cette forme euphémisée de pouvoir.
La dérive de conformation comportementale potentiellement présente dans le coaching d’entreprise se rapproche finalement du risque d’amener le coaché à se forger un « faux-self », en lieu et place de son développement personnel authentique (Persson, 2009).
2.3. Le coaching comme dispositif « palliatif »
La sociologue Scarlett Salman pointe également la « fonction palliative » du coaching (Salman, 2008).
Scarlett Salman part de l’exemple suivant : le modèle ascendant de mobilité professionnelle à l’intérieur d’une même organisation issu des Trente Glorieuses a fait long feu. Les cadres sont désormais les principaux acteurs de la définition et de la gestion de leur parcours professionnel, désormais fait de mobilités principalement fonctionnelles. Par ailleurs, des règles implicites de sélection des cadres dirigeants prévalent dans bon nombre d’entreprises, comme par exemple la formation d’origine et le diplôme initial. Cela se traduit par des processus de cooptation dans des réseaux informels. Ces deux effets conjugués – fin du modèle ascendant de carrière et prévalence de certains diplômes dans l’accession aux postes de dirigeants – engendrent des frustrations pour les collaborateurs « ayant cru aux promesses de carrière qui leur étaient implicitement ou explicitement tenues et qui ont été finalement écartés de la voie ascendante » (Salman, 2014, p.4).
Le coaching constitue alors un moyen pour les entreprises de « calmer le jobard, c’est-à-dire gérer les frustrations nées de l’écart entre les promesses de carrière et les réalisations effectives ». Le coaching remplit une fonction palliative dans la mesure où « il permet de pallier des problèmes organisationnels en renvoyant la responsabilité sur les cadres, tout en leur permettant de trouver des issues à des situations critiques » (Salman, 2014, p.5).
Le coaching et la psychologisation du problème qu’il induit permettent à l’entreprise de renvoyer l’explication des plafonnements de carrière à des manquements individuels pouvant être comblés par le recours à un prestataire extérieur et de passer sous silence les logiques organisationnelles.
In fine, le coaching a un effet homéostatique de conservation du système, dans la mesure où les logiques globales de détermination des carrières ne sont pas remises en cause et « les apparences de l’idéologie méritocratiques sont sauves » (Salman, 2014, p.13).
2.4. Discussion
La présence d’intérêts multiples et de potentiels agendas cachés, la dérive de conformation comportementale ou de fonction palliative posent un certain nombre de questions ou de points de vigilance pour le coach soucieux de respecter les principes éthiques et déontologiques de sa profession.
Creuser la demande du commanditaire en préalable au processus de coaching
Tout d’abord, creuser la demande à l’origine d’un coaching dans le cadre organisationnel nous paraît être un prérequis essentiel. Il s’agit pour le coach d’aller au-delà d’une lecture « littérale », au pied de la lettre de la demande. En fonction de ce qui ressortira de l’étape de questionnement de la demande, le coach pourra décider de ne pas poursuivre plus en avant.
Dans le cas d’un marché de coaching, l’enjeu est de venir questionner les raisons du recours au coaching (Fatien, 2009, p. 47-48).
- « Quel est la connaissance réelle des situations des collaborateurs ciblés par le coaching ? ». Il s’agit ici de se prémunir du risque de « la tour d’ivoire » ou de « la myopie organisationnelle » de commanditaires potentiellement éloignées des réalités « terrain ». Le coaching constitue-t-il une réponse pertinente aux besoins de l’organisation et des individus concernés ?
- « A quel point le pouvoir est-il centralisé ? Les collaborateurs disposent-ils des moyens et de la latitude suffisants pour réaliser ce qui leur est demandé ?». L’enjeu est ici de venir jauger de la marge de manœuvre et du « pouvoir sur leurs actes » des personnes, autrement dit leur « capacité à agir sur leur réalité en activant des ressources organisationnelles ».
- « Est-ce que les collaborateurs éprouvent le même style de difficultés ? ». Il s’agit ici d’investiguer la dimension organisationnelle des problématiques rencontrées, afin d’éviter du coaching qui ferait office de « pansements individuels ».
Il convient également, dans le cadre de clarification de la demande, d’expliquer au commanditaire ce qu’est le coaching et ce qu’il n’est pas. En l’occurrence, il n’est pas un dispositif de conformation comportementale ou de « mise à la norme de la personne ». Comme le formule par exemple la SFCoach, la vocation du coaching « n’est en aucun cas de « formater » des individus, mais de contribuer au développement professionnel de personnes libres et conscientes de leurs choix ».
Allier développement individuel et développement organisationnel
La question de la fixation de l’objectif s’avère également très importante, si l’on s’intéresse aux réponses à apporter aux critiques de conformation comportementale.
Il s’agit en effet d’éviter les phénomènes de « soumission librement consentie ». Qu’il se fasse dans le cadre organisationnel ou non, que le commanditaire soit une entreprise ou un individu, toute intervention de coaching doit correspondre à une demande authentique du coaché (Amado, 2006). Le coaching ne doit en aucun cas être imposé, mais se réaliser en accord avec le coaché, sur la base d’une demande, d’objectifs et de cadre partagés. C’est ainsi que pourront s’allier développement individuel et développement organisationnel.
La prise en compte de la demande authentique du coaché est à notre sens plus ou moins facilitée par la méthode d’investigation de la demande et de définition de l’objectif qui sera mise en place. Nous avons en effet identifié– au moins – deux grands types d’exploration de la demande et de formalisation de l’objectif dans le cadre de coaching d’entreprise. Nous qualifierons ces méthodes de « top-down » et « bottom-up », en fonction de l’origine de la demande et du niveau de prescription.
La méthode « top-down » est la méthode la plus « prescriptive » et donc celle qui potentiellement contient le plus de risques de conformation comportementale. Elle correspond au cas où le manager ou le responsable RH suggèrent (voire tentent d’imposer dans certains cas) un coaching à un collaborateur, avec une demande précise. « Ils vont dans ce cas participer à la définition des objectifs du coaching, mais celui-ci ne peut être mis en place que dans la mesure où la personne s’en approprie l’idée et exprime sa propre demande » (SF Coach).
Une autre façon de procéder (celle que nous appellerons « Bottom-up ») consiste à travailler en amont la demande et les objectifs du coaching avec le coaché lui-même dans le cadre d’un premier entretien exploratoire. La réunion tripartite avec le coaché, le coach et le responsable du coaché (manager ou RH) doit permettre de co-élaborer les objectifs du coaching, sur la base du travail déjà mené en entretien exploratoire.
La démarche « bottom-up », qui part de la demande du coaché pour ensuite la relier à la demande de l’organisation nous paraît intéressante dans la mesure où elle favorise l’autonomie et l’engagement dans la démarche de la personne, principes qui sont structurants dans la philosophie du coaching.
Décrypter les jeux d’acteurs, s’interroger sur sa place au sein de ceux-ci et se servir du cadre comme d’une protection en cas de sollicitations non-éthiques
Le coach doit également être à même de détecter les jeux des acteurs en présence, afin de ne pas se faire manipuler et perdre le contrôle de l’intervention. Et ce, même quand la demande initiale a été travaillée, le contrat formalisé, le ou les objectifs du coaching clarifiés…
Le coach en organisation a donc intérêt à être sensible à la question de ces jeux de pouvoir et à la façon de maintenir son rôle et sa posture dans un univers potentiellement en tension. Il doit également être en posture réflexive sur son propre positionnement au sein de ce système d’acteurs et mobiliser si besoin le cadre et la charte déontologique pour réguler les relations.
Disposer de grilles de lecture « multi-dimensionnelles » (individu, relations humaines, organisation)
Plus largement, se pose la question de la prise en compte de plusieurs dimensions – individuelle, groupale ou encore organisationnelle – dans les grilles de lecture du coach : ces grilles peuvent en effet constituer des sortes de « garde-fous » aux critiques de psychologisation, mais aussi de conformation comportementale en lien avec les phénomènes de pouvoir au sein des organisations.
Dans cette perspective, Dominique Jaillon attire l’attention des coachs sur le fait que « la pratique du coaching repose moins sur des techniques sophistiquées que sur un véritable sens clinique, fondé sur l’écoute de la parole d’un sujet, considéré comme étant en interaction permanente avec son environnement organisationnel, économique et institutionnel » (Jaillon, 2007, p.3).
3. « Mesure et démesure du coach » : le coaching comme moyen de se servir en lieu et place du client ?
3.1. La tentation de l’ingérence et de l’omnipotence
« Le coach est en posture haute sur le cadre et basse sur le contenu », dit-on traditionnellement.
Dans la pratique, certains coachs sortent de ce principe fondateur et embrassent une posture tenant davantage du consultant, du conseiller du prince, voire – dans certains cas – de gourou. Le principe d’autonomisation et de responsabilisation du client tant dans sa prise de décision que dans son action est alors rompu.
Quelles peuvent être les conséquences de ce genre de posture ? Steven Berglas, coach et docteur en psychologie, s’est penché sur ce qu’il a nommé les « very real dangers » du coaching de dirigeants (Berglas, 2002).
Steven Berglas prend l’exemple d’un coach, mandaté par une entreprise, pour coacher un CEO promu Directeur du Marketing. L’enjeu était de l’accompagner dans sa prise de poste et dans la gestion de ses relations interpersonnelles. Au fur et à mesure du processus, le coach s’est positionné comme un prescripteur de style managérial. Face à l’anxiété croissante de son client, le coach a réagi par l’exhortation « musclée » : « Quitters never win and winners never quit » (Berglas, 2002, p.3). Au bout d’un moment, le coaché a arrêté de contrer les tentatives de son coach pour « le rendre plus fort » et « l’endurcir ». Il a même commencé à se comporter de la manière attendue et prescrite par le coach.
Une des conséquences de ce coaching a été l’accroissement de l’anxiété du coaché, qui est même entré dans une dépression sévère. Il avait développé « une peur morbide de l’échec » (Berglas, 2002, p.3). Il était également devenu obsédé par le fait que son nouveau style de leadership n’était pas le sien mais celui du coach et avait par là-même développé la peur d’être découvert comme étant un « imposteur ».
3.2. La sujétion à ses propres représentations et normes
Un des enjeux pour le coach est d’être une « page blanche » vis-à-vis de son coaché et de ce que celui-ci amène en séance. Au coach d’être particulièrement attentif à ce qui se passe en lui : représentations, pensées automatiques négatives, jugements de valeur, accords ou désaccords avec ce que dit le coaché…
Si ce principe est fondamental pour n’importe quel coaching, il nous semble important de mentionner que dans le coaching d’entreprise peuvent se jouer plusieurs niveaux de représentations, emboîtés les uns dans les autres.
Reine Marie Halbout, coach, distingue deux risques en matière de coaching d’organisation, en lien avec la dérive de la sujétion à ses propres normes et représentations :
Le premier écueil à anticiper est celui de coachs « blessés des organisations », qui s’orientent vers le coaching à la suite d’une rupture professionnelle délicate. Ces coachs risquent alors de vivre leur métier comme « une réparation personnelle », comme « une croisade visant à soulager la souffrance de ceux qui sont restés dans les organisations » (Halbout, 2015, p.68). Le coach tend alors à se projeter dans la situation de son coaché, voire à prendre une posture de « justicier » ou de « sauveur » …
Le second écueil à anticiper concerne davantage les coachs qui restent « pris dans une identification à une entreprise idéalisée ». Le risque est alors grand de prendre les demandes telles quelles, sans les questionner. Ce type de coach tend – dans une configuration extrême – à voir sa mission comme liée uniquement à l’augmentation de la performance de l’organisation et à l’obtention de résultats à très court terme : « il n’est pas en mesure de faire un travail d’accompagnement, centré sur le sujet en interaction avec son environnement, dans une visée questionnante et créatrice » (Halbout, 2015, p.69).
3.3. La dérive du coaching « fiches outils » et « solutions miracle »
Une autre critique faite au coaching concerne la façon de conduire le processus avec des logiques de standardisation : le coaching se bâtirait principalement à partir d’outils standard et non en lien avec ce que le coaché amènerait en séance.
Un des premiers dangers de ce « prêt-à-penser » concerne l’usage de tests, dont certains sont d’une scientificité douteuse. « Dis-moi ce que tu coches et je te dirai qui tu es… ». Le risque inhérent à ces tests est celui d’une réduction de la personne dans toute sa complexité à une série de paramètres mesurables.
Nous nous interrogeons pour notre part sur les effets performatifs de ce genre d’outils, surtout s’ils ont une visée normative. Comment ces tests vont-ils impacter la personne dans la verbalisation et la compréhension d’elle-même ? Dans quelle mesure peuvent-ils orienter ses comportements ? Comme le note Valérie Brunel, « tout se passe comme si le fait d’être rangé dans une case pouvait influencer la manière dont la personne se vit et ce qu’elle donne à voir d’elle, selon une sorte d’effet Pygmalion » (Brunel, 2008, p.84).
Un second point de vigilance tient à notre sens à l’usage des grilles théoriques mobilisées. Si elles constituent des outils précieux pour le coach en termes d’intentionnalité et de structuration de son questionnement, gare à l’effet « case » qui tendrait à simplifier la personne, son fonctionnement et son vécu !
Comme le remarque Valérie Brunel, « ces théories s’appuient sur des modélisations simplifiées de la psyché qui sont destinées à fournir des outils pour l’action, mais certainement pas à offrir une vision du monde » (Brunel, 2008, p.93). Le danger serait alors de prendre une modélisation efficace pour une vision du monde, universellement valable et que le coach appliquerait qui plus est avec un discernement sans faille.
3.4. Discussion
Que répondre aux critiques concernant la dérive de la posture haute, si ce n’est qu’en effet elles étayent la nécessité de la posture basse sur le contenu en coaching ?
La nécessité de la réflexivité, du travail sur soi, de la supervision et de l’échange sur ses pratiques
En ce qui concerne les critiques concernant la sujétion du coach à ses représentations, celles-ci constituent un plaidoyer pour la réflexivité, le travail sur soi, la supervision et les échanges entre pairs.
Il est en effet essentiel pour le coach de prendre de la hauteur, à la fois après chaque séance, mais également de manière plus globale sur ses convictions profondes concernant son choix de faire du coaching. Il s’agit d’être au clair sur ses motivations, sur ce que l’on vient potentiellement « mettre en jeu » dans cette pratique, dans la mesure où nous pouvons avoir des besoins plus moins conscients de puissance ou de réparation.
Laisser la place à l’ouverture, la créativité et la sérendipité dans le processus de coaching
Cette vision du coaching comme processus créatif se situe en porte-à-faux avec la vision du coaching « fiches-outils » et « processus standardisé ». Comment en effet introduire de la contingence, de la créativité et de la sérendipité, si le processus de coaching tend à normer la relation et les réponses ?
Dominique Steiler, coach et professeur à l’Ecole de Management de Grenoble, interroge l’ouverture et la créativité dans le coaching en venant confronter les modes de pensées occidentaux et chinois (Steiler, 2006). La vision occidentale repose sur un temps de diagnostic initial autour d’un problème, le fait de déterminer une solution idéale pour mettre ensuite en œuvre une démarche structurée et planifiée, reposant sur l’acquisition d’outils et de comportements optimaux pour atteindre la cible. La pensée chinoise, quant à elle, est fondée sur la permanence d’un mouvement, dans un monde contingent, complexe et en interconnexion.
Dominique Steiler souligne l’intérêt de la pensée chinoise dans le coaching, dans la mesure où elle permet de sortir d’une vision linéaire et qu’elle laisse plus facilement que la pensée cartésienne la place au « bricolage », à la pensée « hors cadre », en fonction de ce qui arrive au fil des situations rencontrées.
Vers une « humilité » dans le discours commercial du coach ?
Ces critiques concernant la posture et les outils mobilisés interrogent également le positionnement marketing et le discours commercial du coach. Elles incitent à notre sens à sortir de l’imaginaire de performance à court terme, à y sensibiliser nos clients et à venir interroger leurs éventuelles « croyances magiques » concernant le « coaching miracle ». Elles nous encouragent à être à la fois humbles, réalistes et confiants dans ce qu’est le coaching et ce que nous pouvons apporter en tant que coach, en fonction de nos compétences.
Conclusion
Ces critiques ne doivent pas nous conduire à « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Elles sont davantage à voir comme des « aiguillons » essentiels et bienvenus pour les coachs, dans la mesure où elles incitent à une vigilance renouvelée et à une réflexion en profondeur sur nos pratiques et conceptions. Car, comme le soulignent certains analystes du coaching, « la faculté critique du coach semble cruciale à l’avenir d’un coaching de qualité » (Fatien-Diochon, 2014, p.160).
De manière synthétique, nous tirons des critiques adressées au coaching les recommandations et points de vigilance suivants :
Critique adressée au coaching | Recommandations et points de vigilance pour le coach |
Une vision utilitariste du travail sur soi Un dispositif de gestion et d’optimisation de soi |
Positionner le coaching comme une ressource réflexive et « capacitante » dans un univers mouvant Ne pas forcer à l’action à tout prix, dans la seule logique de performance, et prêter attention à l’écologie du coaché (« La personne est plus importante que l’objectif poursuivi ») |
Un dispositif renforçant la psychologisation des rapports sociaux et une lecture individualisante des problèmes, qui occulte les dysfonctionnements de nature organisationnelle ou systémique | Questionner la demande et la pertinence du coaching par rapport à d’autres formes d’intervention dans les organisations Disposer d’un cadre théorique pluridisciplinaire permettant d’avoir une vision systémique Veiller à centrer son questionnement sur ce qui relève du coaché, de sa responsabilité et de sa marge de liberté |
Un instrument de pouvoir au service des divers acteurs Un dispositif de conformation comportementale Un dispositif palliatif, permettant la gestion des insatisfactions |
Creuser la demande du commanditaire en préalable au processus de coaching Allier le développement individuel (le coaché) et organisationnel (le commanditaire), notamment dans la formulation de l’objectif Décrypter les jeux d’acteurs et s’interroger, en tant que coach, sur sa place au sein de ceux-ci Adopter une posture haute sur le cadre et la déontologie, en cas de demandes ou de sollicitations non-éthiques Disposer de grilles de lecture « multi-dimensionnelles » (individu, relations humaines, organisation) |
Les dangers de l’ingérence et de l’omnipotence La sujétion à ses propres représentations et normes La dérive du coaching « fiches outils », « solutions miracles » et des processus standardisés |
Garder une posture basse sur le contenu Veiller à faire preuve de réflexivité (auto-évaluation, clarification de ses motivations pour faire du coaching, supervision, échanges entre pairs…) Adopter une posture d’ouverture, laissant la place à la créativité et à la sérendipité Proposer un discours commercial ne renforçant pas les « croyances magiques » dans le coaching |
Bibliographie
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3 réponses sur « En écoute active des critiques adressées au coaching – Que faire des analyses critiques des sciences humaines et sociales en tant que coach ? »
Cet article est intéressant mais il peut malgré tout intellectuellement faire sourire car on y retrouve la posture classique du coach qui a réponse à tout: A chaque critique / questionnement est proposée une adaptation visant consciemment ou inconsciemment à valider le fait qu’un bon coach vigilent peut passer outre ces faiblesses.
Il manque pourtant au moins 2 critiques fondamentales (au sens noble du terme, et non pas au sens individuel) qui ne s’adressent non pas au coach mais à la pratique elle même, et sur lesquelles on ne fait pas grand bruit et pour cause…
Tout d’abord le coaching est une pratique commerciale et sociale à grande échelle: A ce titre, elle se doit de plaire à la masse par une promesse, une vulgate à consonnance pseudo-scientifique, et surtout une problématisation extrêmement simplifiée des questions pyschologiques et sociales. Elle est un peu le Mac-Donald de la psychologie d’entreprise et indivivuelle. elle se vend si bien qu’on est parfois forcé d’y goûter contre son désir par le biais des décisions managériales. En définitive, et cela rejoindra un peu la thése de Valérie Brumel: Elle est la complice du système de pouvoir de l’entreprise car elle passe complétement sous silence les jeux de language, de pouvoirs, de hasards, les constructions imaginaires qui fondent la hierarchie des groupes sociaux.
Quoiqu’il en dise, le coach ne peut jamais être complétement neutre de manière implicite.
Ensuite, et c’est un corrolaire, la base théorique des modèles utilisés est un ersatz de théories et thérapies éparses (PNL, AT, philosophies humanistes…) sans aucune réflexion epistémologique, morale, historique sur ses fondements. Ce qui fait que tout universitaire, amateur éclairé, ayant un minimum de culture générale en philosophie, littérature, sociologie… est proprement horrifié par la suffisance et l’aveuglement des discours des coachs qui ne maîtrisent manifestement pas la nature et la relativité des concepts qu’ils utilisent, et baignent dans une sous-culture syncrétique évoluant au gré des modes de pensées.
D’une certaine manière, le coaching a transformé ce qui aurait dû rester un débat, des échanges privés ou publics, une culture et des philosophies, en une pratique commerciale maintenant bien marketée et structurée, qui biaise forcément la liberté des esprits, contraints de rester dans le cadre minimaliste et très fermé qu’on leur propose. Il est d’ailleurs probable que beaucoup de coachs ne comprennent même pas la subjectivité et l’emprise de leur propre discipline sur leur vision de l’humain, à moins que certains ne soient pas dupes et agissent cyniquement comme Docteur Jekyll et Mister Hide, avec une posture de coach le jour, et un retour à la normale la nuit… Mais il est vrai que parfois les gourous s’illuminent eux-même…
Ne disait-on pas la même chose autrefois de la psychologie? De la psychiatrie? Qui auraient du eux aussi rester à des débats, échanges privés ou publics?
Est-ce illusoire de croire en l’éthique professionnelle en générale?
Dr Jekyll & Hyde, la part d’ombre de chacun est-elle à nier ou à conscientiser pour une meilleure maîtrise de soi?
Des croyances ou de la théorie du complot que faut_il croire? Celui qui la propage ou celui qui la dénonce?
Bonjour,
C’est une analyse de qualité, bien construite, et qui passe en revue la majorité des situations que l’on peut rencontrer. Les théories et techniques employées pour parvenir à des résultats efficaces, avec et à travers d’autres personnes ont été largement testées et affinées au cours des siècles. Cependant, c’est une chose de connaître intellectuellement une théorie, un concept, et cela en est une autre de modifier son comportement, son style, pour le mettre en concordance avec cette théorie. Cela devient éclairant lorsque l’on constate parfois, le profond décalage qu’il y a chez certains individus, entre ce qu’ils déclarent être leur vision du leadership (i.e) et la façon dont elles l’exercent. C’est souvent incongruent ! Les recherches de Korzybski sur l’apprentissage et le changement en sont un bon exemple.
Bien Cordialement