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Numéro 4 10/2017

Enjeux et réflexions autour du Code de déontologie

Gabriel Hannes, coach professionnel, superviseur certifié programme ESQA, conférencier et président de l’EMCC France, a accepté de répondre aux questions de Linkup Coaching sur les enjeux à la fois globaux et spécifiques du Code de déontologie global (dénommé « Code » pour la suite de l’article) dont l’EMCC est signataire.

Gabriel Hannes
Entretien réalisé par Gérald Portocallis, première publication le 19/10/2017


Préambule

Gabriel Hannes, coach professionnel, superviseur certifié programme ESQA, conférencier et président de l’EMCC France, a accepté de répondre aux questions de Linkup Coaching sur les enjeux à la fois globaux et spécifiques du Code de déontologie global (dénommé « Code » pour la suite de l’article) dont l’EMCC est signataire. Tous les points analysés ont été abordés à partir de l’initiative de Linkup Coaching. Etant donné la longueur du code et le niveau de détail des articles, nous avons donc fait le choix de questionner Gabriel Hannes autour de quelques points sur lesquels il nous semblait importants d’avoir son regard de professionnel et institutionnel. Il tient à souligner qu’il prend lui-même la liberté d’apporter sa propre contribution et pensée et qu’elle ne saurait être celle de l’institution qu’il représente dans son ensemble.
Il s’agit moins d’une analyse exhaustive des articles du Code que d’une mise en perspective permettant de nous donner les clés de lecture conceptuelles et opérationnelles afin de mesurer sa portée éthique pour les trois grands métiers de l’accompagnement professionnel qu’il épouse : Coachs professionnels, Ingénieurs en mentorat, Superviseurs de coachs
Par commodité, nous utiliserons systématiquement l’expression « accompagnant professionnel » en lieu et place de ces trois métiers, consubstantiels, certes, mais comportant de réelles spécificités, les uns ne pouvant pas se réduire dans d’autres.
Mots-clés : Déontologie, EMCC, éthique, Linkup Coaching, Coaching

Preamble

Gabriel Hannes is a professional coach, an ESQA certified tutor, a lecturer and EMCC France’s president. He agreed on responding to Linkup Coaching’s questions about both global and specific stakes around EMCC’s code of ethics. All talking points have been brought up by Linkup Coaching. Given the length and articles’ level of detail, we made the choice of exchanging with Gabriel Hannes about some of the themes and key points we believed to be of the greatest importance regarding the exercise of coaching. Gabriel Hannes underlines the fact that he’s bringing his contribution out of his own liberty and that this contribution shall not be that of the institution he represents otherwise.
This article is putting in perspective aforesaid code, hence giving readers conceptual and operational keys to mesure the ethical significance of the three great professions of professional support : Professional coaches, Mentoring engineers, Coach’s tutors.
Keywords : Code of ethics, EMCC, Ethic, Linkup Coaching, Coaching


Introduction : le positionnement du Code de déontologie

Alors que de nombreuses fédérations professionnelles et entreprises se dotent de plus en plus de codes ou de chartes de déontologie, il serait intéressant de souligner à la fois l’état d’esprit qui a animé la rédaction du présent Code, son lien avec la pratique professionnelle mais aussi et surtout la garantie d’une incidence positive réelle et durable sur la pratique des professionnels de l’accompagnement et de la relation d’aide.
Comme le soulignait MacIntyre (1977), en questionnant notre manière de « nous confronter aux tâches que nous impose l’imperfection morale … même l’adoption de codes d’éthique … est largement hors propos. » Même si la prétention d’un code de déontologie, définissant les règles et les comportements d’une profession n’a pas l’ambition de réduire l’imperfection morale de l’humanité, la critique soulevée par MacIntyre sur l’intérêt d’un code a toutefois sa légitimité car elle questionne l’application et l’intériorisation par le membre d’une profession de ce qui est dit dans le code de déontologie.
A cet égard, force est de constater que le Code destiné aux coachs , aux ingénieurs en mentorat (remplacé dans les textes par le seul texte de « mentor »  mais qui désigne non ceux qui délivrent le mentorat mais ceux qui accompagnement le développement des politiques mentorales, forment les mentors et évaluent pour le compte des acteurs de l’organisation), superviseurs, est d’emblée pensé comme le socle et la colonne vertébrale d’une fédération professionnelle et visant à assurer une structuration solide et pérenne du métier.
En effet, le Code n’est pas la simple traduction et transcription de bonnes pratiques. Il n’est pas non plus un simple regroupement de règles formelles, ni une liste d’actions de ce qui devrait être fait ou interprété comme une forme de service minimum requis.
Le Code est en réalité le point de départ philosophique et structurant de l’organisation elle-même en ce sens qu’il constitue un ensemble de règles formalisant une norme indicative qui va permettre à chaque professionnel d’évaluer la qualité de sa pratique, de pouvoir la revisiter et de solliciter le soutien ou le regard de ses pairs en vue d’accroître la qualité du travail délivré.
Il conduit également tous les acteurs et régulateurs, aussi bien publics que privés, à se positionner autour d’un socle commun de pratiques et de compétences qui doivent être développées par tout professionnel.
En retour, il permet au client de garantir un haut degré de qualité et une visibilité sur le processus d’accompagnement déployé.
Ainsi conçu et envisagé, le caractère déontologique du Code se voit doté d’une place tout à fait intéressante entre la morale et l’éthique. D’un côté, il se démarque à la fois de l’éthique, qui traduit plutôt un potentiel conflit entre deux valeurs personnelles du coach. D’un autre côté, il se démarque de la morale, qui annonce directement une régulation intersubjective et une visée pensée en termes de bien et de mal.
D’un autre côté, le terme de « déontologie », privilégié en France par rapport aux Anglo-Saxons qui parlent plutôt d’ « Ethics », permet également de saisir en une expression la dimension prescriptive de la morale, c’est-à-dire le caractère incontournable de sa prise en compte dans l’analyse de sa pratique en terme de règles socles et de conduites à privilégier.

Une approche globale et dynamique

Cette approche du Code donne des points de repères précis permettant aux professionnels de s’assurer qu’ils respectent bien les us, coutumes et prescriptions de leur métier reconnus à un instant donné. Il permet également à une structure fédératrice, régulatrice et représentative sur un territoire donné et au niveau international tel que l’ambitionne l’EMCC, d’avoir la capacité de reconnaître et d’accompagner trois métiers consubstantiels, c’est-à-dire très proches et de même nature, mais qui nécessitent une contractualisation et une utilisation parfois fort différente et distincte d’outils et de protocoles d’intervention comme le vivent les trois métiers ici représentés.
A ce titre, il est important de rappeler ici que la supervision est considérée par l’EMCC comme un métier spécifique, dotée d’accréditation et d’une labellisation des programmes de supervision. L’ingénierie en mentorat a également fait l’objet de nombreuses études et enquêtes tant en France qu’à l’internationale.
La reconnaissance de la supervision est une spécificité unique sur le territoire français. Cette reconnaissance est cohérente avec le point 4 du Code traitant de l‘excellence de la pratique et qui mentionne l’obligation de suivre une supervision permanente et ce, à deux niveaux. D’une part, elle est présentée comme un recours à un pair plus expérimenté, multi référentiel et spécifiquement formé pour apporter le soutien nécessaire à un accompagnant professionnel.
D’autre part, cette reconnaissance est l’alliée d’une démarche intègre de développement professionnel et de réflexion épistémologique sur le sens même du métier de coach ou d’ingénieur en mentorat. Nous retrouvons ainsi une certaine connexion et complémentarité entre la morale et l’éthique au sein de la déontologie au travers des règles à suivre et au développement de la pratique.
C’est également cette volonté d’ouverture qui caractérise la rédaction d’un Code qui n’a jamais été envisagé comme un élément figé. Sa rédaction doit en effet suivre les mutations de la profession elle-même, être également  le reflet des mutations et des besoins vécus par les organisations clientes (entreprises, associations, collectivités territoriales, administration d’Etat).
Comme fédération d’associations nationales, l’EMCC International, à travers les espaces de recherche, les réunions et conférences internationales, permet aussi un croisement précieux des regards sur les différentes pratiques au sein des différents pays membres.
La présence d’écarts significatifs (les questions du développement identitaire du coach en France, par exemple, ou l’orientation vers une pratique très « one to one » en Angleterre) est extrêmement nourrissante. Ces écarts permettent de conscientiser nos pratiques et de les recontextualiser dans des représentations culturelles particulières.
Le Code fait l’objet d’un réexamen tous les deux ans. La rédaction actuellement en vigueur date de Février 2016 et une réactualisation est envisagée pour Février 2018. Ce Code a été travaillé et écrit en étroite collaboration avec une autre fédération internationale, l’Association for Coaching (AC), non présente sur le territoire français mais qui regroupe environ 4 000 praticiens dans le monde.
Le Code a l’ambition d’être le vecteur d’un référentiel commun et partagé par une proportion élevée des coachs professionnels, ingénieurs en mentorat et superviseurs. Il vise à développer une pratique à la fois diverse, identifiable, partagée et évaluable des accompagnements. A la différence d’autres structures consœurs telles que la Société Française de Coaching, qui n’accepte et ne fédère que des coachs accrédités par elle, au-delà de la certification d’une école, et l’International Coach Federation, qui vise, elle, à la diffusion d’un étalonnage international de la pratique, l’EMCC adopte une vision radicalement différente et profondément européenne. Chaque identité étant utile et profondément respectable, mon propos différenciant, ici, ne vise nullement une quelconque disqualification de telle ou telle identité. Bien au contraire. Il vise à apporter un éclairage clé qui met en lumière l’existence et l’importance de la diversité dans nos métiers. Les trois sont utiles, correspondent à une partie de l’histoire de ce métier.
L’EMCC valorise d’abord la diversité des pratiques autour d’une vision humaniste centrée sur la croissance de l’individu dans sa globalité. C’est cette volonté indéfectible de valoriser la diversité des pratiques en Europe et dans le monde qui marque tant notre identité.
Elle vise la croissance des différentes pratiques, leur visibilité et l’excellence pour le client final. Voilà ce que nous entendons par l’expression « renforcer l’excellence permanente du coaching » qui est le but déclaré du Code de déontologie : d’une part, garantir l’excellence du métier, c’est-à-dire un haut niveau d’exigence avec des « standards » mondiaux clairs et transparents et, d’autre part, assurer la diversité des pratiques à travers plus d’une trentaine de cadres de référence différents et complémentaires (l’Analyse Transactionnelle, la PNL, la Systémie, la Gestalt …).
Alors qu’un étalonnage des pratiques conduit souvent dans les fais à homogénéiser ses pratiques, l’ambition du code de déontologie de l’EMCC a l’ambition de satisfaire deux exigences intrinsèques de l’éthique :

  • viser l’excellence d’une pratique
  • contextualiser cette pratique dans un espace temps donné en tenant compte des spécificités culturelles

« Bien comprendre les attentes »

Afin de favoriser au mieux cet ajustement au contexte et à la situation donnée, le point 2.1 du Code stipule que les membres doivent veiller « à bien comprendre les attentes de leurs clients et commanditaires ». Cette remarque générale est n’est pas anecdotique car elle met en lumière l’extrême hétérogénéité des marchés de l’accompagnement professionnel, du profil des bénéficiaires, de leurs attentes, enjeux et problématiques.
A titre d’exemple, accompagner le dirigeant d’une entreprise du Cac 40, le dirigeant de TPE, un manager de proximité ou un étudiant sont autant d’actions différentes qui demandent à la fois une grande adaptation au contexte, une capacité à savoir aussi « chausser les lunettes » de son client pour comprendre comment il regarde le monde, quelles sont ses valeurs, croyances et représentations pour créer les conditions d’une résolution saine et durable, dans un profond esprit de respect et d’autonomisation.
C’est moins la pratique elle-même de l’accompagnement qui va être différente que le cadre dans lequel le processus va s’inscrire. Et cela va conditionner à la fois la prise en compte de la demande initiale et la nature du contrat qui sera passé.
Alors que les besoins en accompagnement sont en quelque sorte illimités, les demandes restent encore quantitativement limitées. Le premier rôle du coach, avant même la contractualisation, est donc de créer des conditions saines et propices (sans « hameçonnage » ni contrainte sur le client) pour que le client puisse faire émerger ses besoins et formuler sa demande pour que potentiellement la contractualisation puisse avoir lieu.
Il est important de souligner l’aspect seulement « potentiel » parce qu’il est fondamental de pouvoir créer les conditions de respect du consentement le plus libre possible des parties, tel que l’a rappelé Claude Steiner dans les principes fondamentaux d’un contrat réussi. Le premier rôle du coach est donc de permettre à son client de faire émerger et de conscientiser ses besoins afin de clarifier une demande correspondant aux attentes de son client potentiel.
C’est dans sa capacité à faire émerger les besoins et la demande du client que le professionnel pourra s’assurer qu’il a suffisamment bien compris ses attentes pour s’autoriser à contractualiser et à accompagner. C’est également en créant des conditions saines que le client pourra aussi trouver, le plus librement possible, sa propre solution. C’est ici que réside la « valeur ajoutée potentielle du travail du coach » dont parle l’article 2.7.
Le travail du professionnel de l’accompagnement est d’abord un travail à partir d’une posture car c’est cette posture qui créera les conditions d’une émergence la plus libre possible des options et solutions que le bénéficiaire pourra et voudra mettre en œuvre.
La spécificité de ce professionnel réside ainsi dans le fait qu’il ne doit pas imposer sa vision du monde à son client tout en ayant la mission de transmettre des techniques, de l’éclairer, de mettre en conscience de ce qui peut se jouer. Il n’est ni formateur ni consultant et doit pourtant transmettre lorsque c’est indispensable pour contribuer à l’autonomisation (tel un formateur) et faire adopter de nouveaux comportements quand il s’agit d’une des clés de la transformation ou de la résolution (tel un consultant). C’est pourquoi il doit dire ce qu’il fait et ce qu’il ne fait pas, ce qu’il s’autorise et ce qu’il ne s’autorise pas à faire, communiquer sur ce qui se passe… Pour le dire encore autrement, il doit « meta » communiquer, c’est-à-dire communiquer sur la communication, sa stratégie, les enjeux perçus et diagnostiques effectués. Cette clarification et cette transparence permettront de mettre à jour des croyances qui, non actualisées, auraient pu devenir limitantes au fil des années, ou encore mettre en lumière une vision fantasmée que pourrait avoir le client sur le rôle de son accompagnant. A ce sujet, les travaux de Fanitah English et de Claude Steiner sur la contractualisation et l’approche tri-partite, le modèle Seven-Eyed de Peter Hawkins and Robin Shohet, développé pour la supervision, entre autres,  sont autant d’éléments éclairants sur cette notion de dimension « fantasmatique »
A cet égard, le coach doit avoir une conscience la plus éclairée possible sur le travail qu’il conduit, du rapport qu’il entretien à la loi, aux règles, us et coutumes du métier et à la confidentialité que ces accompagnements subtils, parfois intimes, nécessitent.

Confidentialité et rapport à la Loi

Les professionnels de l’accompagnement opèrent dans des écosystèmes de plus en plus complexes, tendus et subtiles. Ces évolutions sont marquées et rythmées par les mutations organisationnelles, managériales et socio-économiques vécues par les entreprises, les sociétés d’économie mixte et les délégataires de service public, le monde associatif, les collectivités territoriales et même les administrations d’Etat. La fonction même de l’accompagnant professionnel dans l’organisation, et du coach professionnel en particulier, a profondément changé depuis son apparition en France à la fin des années 80.
De « super animateur choyé » mettant joie et créativité, permettant une prise de recul et agissant comme facilitateur, le professionnel est progressivement devenu le vecteur des transformation, le stimulant de l’intelligence collective, potentiellement le « super héros » apte à faire face, gérer et résoudre tous les problématiques comme par enchantement. Il n’est plus rare que l’organisation soit tentée de le solliciter à la place du psychologue du travail qu’il n’est pas, ou d’acter, voire de valider, une décision de la médecine du travail alors même qu’il ne fait pas partie intégrante du corps médical.
Ces évolutions conduisent le professionnel à accroître de manière très significative sa vigilance, sa capacité à recontractualiser, à refuser à prendre un charge à la place d’autres praticiens mais également de mailler de plus en plus finement sa pratique avec celle de métiers connexes pour intervenir avec congruence et efficacité.
Il est de plus en plus confronté à des situations extrêmes où il apparaît alors comme un « tiers régulateur », un « tiers de confiance » ou un « tiers témoin ». A ce titre, les points 2.9 et 2.10 insistent sur les moyens à mettre en ouvre pour assurer la confidentialité du client. Par exemple, il n’est plus rare qu’un professionnel de l’accompagnement soit appelé par une des parties, entreprise ou collaborateur, à témoigner devant une instance judiciaire. Toute la complexité de cette situation est qu’elle confronte simultanément le professionnel à la loi de l’Etat de droit, à la déontologie de son métier et aux interférences que génère son questionnement éthique telles que sa loyauté à la personne qu’il accompagne ou à celle de celui qui finance.
Pour sortir de cette triple contrainte, le professionnel doit pouvoir veiller à la manière dont il compile et archive les éléments qu’il collecte à l’occasion de ses interventions et de ses interactions avec le système client. Il doit faire preuve d’une vigilance maximale quant à la nature de ses notes qui doivent limiter au mieux les inférences, protéger au plus ses clients contre des interprétations inappropriées.
Le professionnel peut également faire le choix de prioriser la qualité de la relation et le degré d’alliance avec les acteurs du système plutôt que de chercher à interagir d’abord avec lui pour valider son diagnostic ou identifier les contours de l’homéostasie de celui-ci. C’est une piste à envisager sérieusement même si elle fait débat au sein même de nos communautés professionnelles. En faisant prendre conscience aux partenaires du degré de confidentialité dont ils ont besoin et qui est requis, il est possible d’accroître significativement la protection et la sécurité de toutes les parties prenantes car toutes sont potentiellement concernées par ces enjeux. A l’occasion des tri ou quadri-partites, chaque acteur doit pouvoir être sécurisé et en conscience sur ces enjeux.
En revanche, s’il émerge un conflit d’intérêts ou un doute sérieux sur les modalités d’intervention ou tout autre aspect dans l’exécution de l’accompagnement, les instances régulatrices du métier que sont les fédérations professionnelles ont un rôle central de régulateurs et de tiers de confiance à assurer et assumer.

Egalité et diversité

Pour compléter le phénomène de prise de conscience par toutes les parties de ce qui se joue dans les processus d’accompagnement professionnel, les articles sur l’égalité et la diversité apportent aussi un éclairage et des précisions clés sur les pratiques.
Les actions menées dans le cadre des accompagnements ne doivent pas mettre en place des pratiques discriminantes ou ne doivent pas conduire à des actions illégales. L’idée est moins simple qu’il n’y paraît car même si le contrat est légal, des objectifs non explicités, non formalisés ou sous-jacents peuvent conduire, à l’occasion d’actions prescrites, à sortir du cadre légal. Les conditions requises pour respecter la loi deviendraient inopérantes. Des demandes plus ou moins cachées pourraient remettre en cause l’égalité des personnes ou mettre en place des pratiques discriminantes en rapport à l’origine sociale, culturelle, du sexe ou du handicap d’une personne. Le métier d’accompagnant professionnel peut aussi être fortement impacté par la géopolitique et les changements de cadres législatifs du pays dans lequel il se réalise. A titre d’exemple extrême, nos consœurs et confrères membres de notre fédération internationale qui subissent des reculs démocratiques majeurs sont brutalement et très fortement confrontés aux conséquences qui en découlent.
C’est alors au professionnel à être simultanément vigilant et lucide sur ces risques et à créer les conditions de pouvoir s’appuyer sur un réseau ou des groupes ressources, des groupes de soutien, qui limiteront ce sentiment de solitude et d’impuissance qui pourraient en découler.
Sans aller jusqu’à l’évocation de ces basculements politiques, le simple changement de gouvernance au sein d’une organisation peut créer des difficultés tout à fait similaires. Le degré de dépendance financière de l’accompagnant par rapport à son client pourra alors être un élément clé, enfermant ou non, pour le praticien. Si ce dernier a créé les conditions d’une liberté importante à cet égard, le refus d’intervenir ou de poursuivre l’intervention sera probablement la meilleure réponse si une recontractualisation saine à partir d’une relation paritaire n’est plus envisageable.
A ce titre, il est important pour le professionnel de se rappeler que l’individu doit toujours être d’abord considéré comme un être de croissance avant d’être un objet de production.

Conclusion : identité et déconstruction

Le rôle des fédérations est de venir en soutien aux adhérents et le rôle du Code de déontologie est de faire réfléchir chaque professionnel de l’accompagnement sur l’évolution, la justesse et la clarté de ses pratiques. Les règles du Code, une fois appropriées par le professionnel, deviendront autant de points de repère et d’éléments guidants, tant dans sa pratique que dans sa réflexion. Les règles ne sauraient être des « normes couperets » auxquelles il s’agirait « d’obéir » de façon mécaniste. Où se situerait alors la saine capacité d’analyse critique et la liberté du professionnel de l’accompagnement à agir en intelligence de situation, dans des contextes forcément complexes puisque liés à l’humain? Et en même temps, il ne peut simultanément se recommander d’elles sans s’assurer régulièrement d’une certaine convergence entre elles et sa propre pratique.
Les fédérations assurent la rencontre de professionnels venant d’horizons et de cadre de référence très différents. Elles doivent également permettre de vivre dans le plus grand respect la diversité des pratiques. En cela, leur rôle est d’encourager les professionnels à se questionner sans relâche sur leurs domaines d’excellence, leurs zones aveugles et de les encourager à faire progresser sans cesse leur compétence et leur travail sur eux-mêmes, comme en témoigne les articles 4.7 à 4.10 concernant la réflexion et le développement professionnel continu.
Finalement, même si cela peut paraître à première vue paradoxale, le Code de déontologie vise moins l’adoption de règles contraignantes et posées comme des certitudes que la mise en perspective chez le praticien d’une mise en conscience permanente de ses pratiques, d’encourager une certaine déconstruction de son parcours et de son identité pour en comprendre les éléments constitutifs, pour en reconfigurer les parties les plus vulnérables en vue d’avancées au service de soi, de l’autre, des autres (par déconstruction, il ne faut surtout pas entendre destruction ou table rase du passé, mais, bien au contraire, la finalité d’éclairer ce qui est constitutif).

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