Une approche par les émotions positives et le capital psychologique du bien-être et de la performance au travail
Alexandra de Kaenel
Article de recherche, première publication le 26/09/2022
Alexandra de Kaenel est coache professionnelle certifiée, praticienne en Appreciative Inquiry. Elle est spécialisée en psychologie positive au travail et co-dirige l’agence Toile de fond pour accompagner individus, équipes et organisations dans leurs transformations positives.
« Être heureux ne signifie pas que tout est parfait. Cela signifie que vous avez décidé de regarder au-delà des imperfections. » Aristote
Introduction
La crise sanitaire Covid-19 a profondément ébranlé le monde du travail et remis la question du bien-être durable des travailleurs au cœur du débat. En 2021, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a adopté un « Appel mondial à l’action, pour une reprise centrée sur l’humain qui soit inclusive, durable et résiliente pour sortir de la crise Covid-19 »[1] Une invitation à transcender la dichotomie apparente entre l’épanouissement personnel d’un côté et la vie professionnelle tournée vers la performance des organisations de l’autre. Oui, mais comment faire ? Deux bonnes nouvelles. La première est que la question d’un rapport gagnant-gagnant entre l’individu et l’organisation n’est pas nouvelle. Elle est même au cœur du champ d’étude de la psychologie organisationnelle positive depuis une vingtaine d’années. Cette discipline est née du croisement des sciences de gestion et de la psychologie positive, elle-même une branche de la psychologie apparue à la toute fin des années 90. Il y a donc déjà de nombreux travaux de recherche et outils sur lesquels nous appuyer pour agir dès maintenant. Dans cet article nous nous intéressons justement à l’un des apports majeurs de ce domaine pour son intérêt vis-à-vis du coaching : la notion de capital psychologique, aussi appelé PsyCap. Comme nous le verrons dans la première partie, il y a un lien de corrélation positive entre le capital psychologique des travailleurs et la performance de l’entreprise, tout comme il y en a un entre ce capital et le bien-être des travailleurs. La deuxième bonne nouvelle est qu’une démarche visant à combiner performance de l’entreprise et bien-être des salariés, existe déjà. C’est la définition même de la Qualité de Vie au Travail (QVT). La question est maintenant de savoir si et comment le coaching peut être un levier d’intérêt pour agir en profondeur sur la QVT. Pour cela nous proposons dans cet article de regarder comment, par le prisme du capital psychologique, le coaching peut accompagner bien-être et performance au travail et ainsi participer à la QVT.
Nous commencerons par poser le cadre théorique relatif à la QVT ainsi qu’à la psychologie positive. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux notions d’émotions positives et de capital psychologique pour leurs places possibles dans un processus de coaching et leurs impacts dans le monde du travail. Puis dans une seconde partie nous présenterons les apports pratiques de ces concepts pour un coaching au service du bien-être et de la performance au travail. Nous nous concentrerons dans le cadre de cet article au coaching individuel. Pour conclure, nous insisterons sur l’importance d’une démarche combinée aux trois échelles individus, équipes et organisations pour une démarche QVT durable dont les principes s’avèrent particulièrement utiles dans un contexte d’incertitude et d’adaptation permanente comme celui que nous traversons avec la pandémie Covid-19, et font échos aux aspirations des nouvelles générations.
1 Cadre théorique
« Aucun problème ne peut être résolu en restant sur le même niveau de conscience que celui qui l’a créé. Nous devons apprendre à voir le monde d’un autre point de vue. »
Albert Einstein
L’objectif de cette partie est de mettre en parallèle la démarche QVT et les apports théoriques et pratiques de la psychologie positive pouvant résonner avec la QVT et être utilisés dans un accompagnement de coaching. Nous commencerons par appréhender ce qu’est la QVT, moyens, enjeux et mise en œuvre de la démarche. Nous préciserons la notion de « sentiment de bien-être » mentionnée dans la QVT avant d’explorer la psychologie positive au travail et ses apports utilisables en pratique pour un coaching au service du bien-être et de la performance au travail.
1.1 Qualité de vie au travail : QVT
1.1.1 Définition de la QVT
La QVT est une obligation légale pour les entreprises de plus de 50 salariés depuis la loi Rebsamem de 2015. Elle s’appuie sur l’Accord National Interprofessionnel sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (ANI) de 2013 qui précise notamment que :
« la qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises »
« la qualité de vie au travail vise d’abord le travail, les conditions de travail et la possibilité qu’elles ouvrent ou non de « faire du bon travail » dans une bonne ambiance, dans le cadre de son organisation. »
« la notion de qualité de vie […] peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué. »
« Sa définition, sa conduite et son évaluation sont des enjeux qui doivent être placés au cœur du développement du dialogue social. Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ».
À la lecture de ces éléments nous pouvons constater qu’il y a plusieurs manières de définir la QVT suivant que l’intérêt se porte sur son contenu, son sens ou son objet et qu’en plus la QVT n’est pas la même d’un salarié à un autre (sentiment de bien-être propre à chacun) et d’une organisation à une autre (propre au travail et à son environnement). Finalement ce n’est pas tant la définition d’une thématique mais bien l’esprit d’une démarche que décrit l’ANI, démarche que chaque organisation doit s’approprier pour en donner sa définition propre
Sur le portail web ReflexQVT[2], l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) précise les choses ainsi :
« La qualité de vie au travail est une démarche qui implique toute l’entreprise. Son objectif ? Permettre aux salariés de faire un travail de qualité dans de bonnes conditions et répondre ainsi aux préoccupations économiques et sociales de l’entreprise. Car quand vous permettez à vos équipes de faire du bon travail, vous favorisez durablement la performance de votre structure (économique, sociale, technique, organisationnelle…). »
Elle y présente également les 6 champs d’action de la QVT :
- le management participatif,
- les relations au travail,
- le contenu et l’organisation du travail,
- la santé et les conditions de travail
- l’égalité professionnelle,
- les compétences et les parcours.
L’Anact résume aussi les 3 piliers de perception de la QVT présentés dans l’ANI : les conditions d’emploi et le travail, le contenu du travail et la capacité d’expression et d’action détaillés dans la figure 1.
Figure 1 : Les piliers de la QVT, infographie réalisée par « Les Ateliers Durables »[3]
Le « sentiment de bien-être » est subjectif et renvoie dans la QVT aussi bien à des effets hédoniques à court terme (satisfaction, plaisirs) qu’à une dimension eudémonique, durable portée par le sens et la réalisation de soi.
C’est bien le travail qui est au cœur de la QVT, pas les à-côtés. Les corbeilles de fruit, cours de Yoga et semaines de la QVT, c’est bien mais ces actions à elles-seules n’engagent pas de transformation durable. La QVT va plus loin.
Par ailleurs pour que le changement soit durable, la QVT se doit d’être une démarche participative, adaptative et systémique impliquant les acteurs de l’organisation à tous ses niveaux. Dans sa démarche, la QVT passe par la constitution d’un comité de pilotage et de groupes de travail. De là démarrent les 4 phases :
- cadrage (enjeux, objectifs, modalités…)
- diagnostic (définir les indicateurs prioritaires, les zones d’expérimentation…)
- expérimentation (mise en action et analyse, droit à l’erreur)
- pérennisation (transférer dans l’organisation, inclure dans un accord, …).
Enfin, la Fabrique créative dans son rapport intitulé « La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité »[4]précise que l’impact des politiques de QVT sur la performance financière des entreprises ainsi que sur le bien-être des salariés est prouvé. Il est aussi question d’une boucle de renforcement vertueuse de l’un sur l’autre. La notion d’engagement est au cœur de ce lien : « Il en ressort que des salariés engagés dans l’entreprise sont moins souvent absents, moins stressés, changent moins souvent de poste ou d’entreprise, fournissent plus d’efforts, font un travail de meilleure qualité et prennent plus d’initiatives. »
La QVT place l’individu au cœur de sa démarche : son sentiment de bien-être, son implication dans la définition même de la QVT au sein de son organisation, la nature de son travail.
1.1.2 Liens entre le coaching et la QVT
Le coaching apparait dès lors comme un partenaire privilégié potentiel dans la mise en place de politique de QVT, tant la QVT croise le coaching que ce soit dans sa démarche (objectif, plan d’action, pérennisation), dans ses principes dont celui d’autonomie, dans ses champs d’implication dont ceux du management participatif, des relations au travail, du contenu et l’organisation du travail, que dans ses échelles d’application (les individus, les équipes, les organisations). De même chaque démarche QVT est unique et propre à ses acteurs, tout comme c’est le cas pour le coaching. Ce n’est pas une recette magique mais un cheminement.
Intéressons-nous maintenant à la psychologie positive pour l’éclairage scientifique et pratique qu’elle apporte sur le lien du bien-être, de la satisfaction au travail avec la performance.
1.2 Psychologie positive
1.2.1 Histoire et définition de la psychologie positive
À l’instar du coaching, la psychologie positive souffre rapidement d’amalgames et de simplifications outrancières qui faussent et galvaudent sa définition, ses principes et son objectif. Il est même parfois, tout comme le coaching, intéressant de la définir par ce qu’elle n’est pas : méthode Coué, pensée positive, recette du bonheur, etc. Il est tout aussi intéressant de retracer son histoire, sa naissance, sa croissance, ses principes théoriques et ses limites pour ouvrir ses perspectives d’application, en particulier dans le champ du coaching. D’ailleurs, selon Ilona Boniwell et Carol Kauffman : « le coaching apparait comme une « résidence naturelle » de la psychologie positive, un véhicule idéal grâce auquel la science de la psychologie positive peut être appliquée. »[5]
La psychologie positive est née en 1998 sous l’impulsion de Martin Seligman alors qu’il prend la présidence de l’Association américaine de psychologie. Son constat est simple : la psychologie depuis la Seconde Guerre mondiale a concentré la quasi-totalité de son attention et de ses moyens sur l’étude des pathologies mentales, des comportements négatifs ainsi que sur le soin ou la réparation de ce qui ne va pas. Bref, la psychologie s’était jusque-là concentrée sur l’étude des problèmes et de leurs résolutions, en laissant de côté sa mission d’améliorer « la vie normale ». Cette centration sur la pathologie a permis de grandes avancées, à commencer par la naissance d’une science des maladies mentales permettant notamment de les classer, d’en étudier les causes ou de proposer des interventions et des traitements médicamenteux et psychologiques. Seligman ne renie pas ces apports, au contraire. Il tire une fierté de voir qu’aujourd’hui psychiatres et psychologues peuvent se targuer de rendre les gens malheureux moins malheureux. Seligman propose d’élargir le regard de cette discipline pour s’intéresser avec autant de rigueur scientifique à l’étude de ce qui permet d’améliorer la vie de tout un chacun et aux interventions positives pour rendre les gens plus heureux, plus épanouis, plus performants. Selon lui, la psychologie doit tout autant s’intéresser aux forces qu’aux faiblesses, avoir un intérêt aussi grand pour construire le meilleur que pour réparer le pire, et il faut qu’elle se préoccupe tout autant de rendre la vie des gens plus satisfaisante en tirant partie de leurs dons et de leurs talents, que de soigner les pathologies[6].
C’est à partir de là que se dessine la psychologie positive, un nouveau courant de la psychologie. Elle s’intéresse à ce qui rend les gens heureux. L’approche n’est plus curative mais préventive, il est question des ressources de l’individu et de comment les faire émerger ou les renforcer tant pour l’aider à mieux rebondir face aux évènements difficiles que pour optimiser sa vie. Martine Regourd Laizeau précise :
« Il ne s’agit plus d’aider les gens à passer de -5 à 0 dans l’échelle de la satisfaction, mais de permettre à chacun de passer de 0 à +5. » Ainsi la psychologie positive s’intéresse à ce qui rend les gens heureux. Son objectif est de développer la capacité d’aimer et d’être aimé, de donner du sens à nos actions, d’être responsables de ce que nous pouvons changer, d’êtres résilients face à ce que nous ne pouvons pas éviter. »[7]
La définition de la psychologie positive est donnée en 2005 par Shelly L. Gable et Jonathan Haidt :
« l’étude des conditions et des processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions ».[8]
Discipline transversale des sciences humaines, le coaching peut puiser dans les apports de la psychologie positive tant pour étoffer son assise grâce à son approche scientifique, que pour nourrir sa créativité dans l’usage de ses outils grâce aux propositions de mise en application.
La psychologie positive déplace l’attention sur le bien-être et le fonctionnement optimal de l’individu. Shankland et Benny (2017) précisent : « loin de l’idée selon laquelle il suffirait de se convaincre du fait que la vie est belle pour qu’elle le devienne effectivement, la psychologie positive propose d’identifier les leviers individuels, collectifs et institutionnels favorisant l’épanouissement et la constitution de facteurs de résilience face à l’adversité. » [9]
L’idée de ne pas se focaliser sur les pathologies et les dysfonctionnements n’est pas nouvelle, la psychologie humaniste avec des représentants tels que Carl Rogers et Abraham Maslow en avait déjà posé les bases dans les années 50.
Quand Seligman prend la tête de l’Association américaine de psychologie, il constate malgré tout que le ratio des publications scientifiques centrées sur le bien-être versus celles sur les troubles anxieux et dépressifs était de 1 pour 21. Avec la psychologie positive, Seligman a voulu faire évoluer ce ratio avec la même rigueur et exigence scientifique : esprit critique, accumulation de données visant continuellement l’autocorrection, remise en cause régulière. Pour preuve, la psychologie positive suite aux critiques faites à son égard notamment sur les risques de sous-estimer les difficultés ou la détresse a proposé un repositionnement des émotions positives et connait ce que l’on qualifie aujourd’hui de deuxième vague. [10]
La recherche en psychologie positive s’intéresse aux moments où les individus sont créatifs, résilients, altruistes et bienveillants et à ce qui permet ce type de comportement. Ces thématiques ont trouvé un écho fort dans le monde du travail, et le domaine de la psychologie organisationnelle positive s’est développé. Il s’agit de « l’étude scientifique, et des applications en découlant, des facteurs individuels et organisationnels permettant, autant à l’individu qu’à l’organisation de se développer et d’atteindre un niveau de fonctionnement optimal »[11]. Parmi les apports significatifs de la psychologie positive au travail, le concept de capital psychologique (Psycap) nous semble particulièrement intéressant au regard de la pratique du coaching.
1.2.2 La notion de capital psychologique
Luthans (2004), porté par ce courant de la psychologie positive va en proposer une définition. Il part du constat qu’il y a aujourd’hui dans le monde économique une reconnaissance croissante des ressources humaines en termes de compétitivité des entreprises. L’économie moderne s’intéresse au capital d’une entreprise au-delà de ce qu’elle possède, c’est-à-dire au-delà de son capital financier et de ses actifs tangibles (machines, équipements, brevets, données, etc.). Petit à petit le capital humain et le capital social sont devenus des ressources reconnues pour gagner durablement en compétitivité. Luthans résume les choses ainsi : le capital traditionnel correspond à ce que nous avons (what you have), le capital humain correspond à ce que nous connaissons (What you know) et le capital social à qui nous connaissons (who you know). Selon Luthans, il reste un capital sous-exploité au-delà du capital humain et du capital social qui est précisément le capital psychologique, aussi appelé PsyCap, et qui correspond à qui nous sommes (Who you are). Il représente l’état de développement psychologique positif d’un individu. Il est caractérisé par quatre éléments : la confiance (sentiment d’auto-efficacité), l’espoir, l’optimisme et la résilience (Luthans et al., 2007). Ces quatre éléments sont aussi qualifiés de ressources psychologiques par la psychologie positive, et à ce titre, considérés comme des éléments protecteurs face à l’adversité et surtout mobilisables et pouvant se développer au cours de la vie, ce qui en fait des points d’intérêts majeurs pour le coaching.
La confiance telle que Luthans la décrit correspond au sentiment d’auto-efficacité, celui-là même qui nous fait penser « je peux le faire ». Stajkovic et Luthans la définisse en 1998 comme « la conviction d’un individu dans ses capacités à mobiliser sa motivation, ses ressources cognitives et les moyens d’action nécessaires à la réalisation d’une tâche spécifique dans un contexte donné »[12]. Cette définition implique que la confiance relève d’un sentiment de compétence dans le domaine, de maîtrise de la situation et de la capacité à se mobiliser et fournir l’effort nécessaire face au défi à relever.
L’espoir : il n’est pas aussi documenté que la confiance en termes de recherches théoriques comme en termes d’études de son application au travail. Snyder et al. le définisse en 1991 comme « un état motivationnel positif fondé sur une logique interactive des succès de l’agentivité (énergie orientée vers le but) et la planification des moyens pour atteindre les buts. »[13]. En s’appuyant sur les travaux de Snyder en 2002, Ilona Boniwell précise que l’espoir est « ce qui nous permet de persévérer jusqu’à l’atteinte de nos buts ». Il implique la conceptualisation par l’individu des buts qu’il peut atteindre et des chemins pour y parvenir, qui peuvent être amenés à devoir être modifiés (waypower). Il permet à l’individu de croire en sa capacité à se mettre en route et à rester motivé sur le chemin vers son objectif final (willpower).[14]
L’optimisme : il y a deux acceptions de l’optimisme dans la littérature et l’optimisme du PsyCap recouvre ces deux acceptions : un style explicatif des évènements qui attribue les évènements positifs à des causes personnelles permanentes et systématiques, quand il attribue aux évènements négatifs des causes externes. Seconde acception : l’optimisme est une vision générale positive conduisant à des attentes globales positives[15], un aspect dispositionnel. Ce qui compte c’est la façon d’appréhender les choses, au fond peu importe le ratio entre les évènements positifs et négatifs de la journée, l’important c’est la façon d’appréhender positivement ces évènements. Boniwell précise : « Il ne faut pas tomber dans l’illusion positive qui mènerait à des comportements dangereux. Simplement, les optimistes pensent que la défaite est temporaire, qu’elle est due à un ensemble de circonstances et de personnes à un moment donné ; ils restent imperturbables. Les situations difficiles deviennent alors des challenges pour se dépasser. (Seligman, 2011). » Concrètement en coaching sur le PsyCap, c’est sur le style explicatif que le coach peut travailler avec son client. Il reste indispensable pour l’écologie de son client que le coach ait une grande conscience de la part dispositionnelle de l’optimisme ou du pessimisme de son client. Nous prendrons le temps de détailler cela dans la seconde partie de cet article sur la mise en pratique.
La résilience : c’est la capacité à rebondir face à l’adversité pour atteindre les buts préalablement fixés. D’après Coutu[16] les points communs que l’on retrouve chez les gens résilients sont une grande acceptation de la réalité, une croyance profonde, souvent portée par des valeurs profondément ancrées, que la vie a du sens et une étonnante capacité à improviser et s’adapter face au changement. La résilience implique flexibilité et réalisme.
Le capital psychologique est donc un construit multidimensionnelle composé de 4 ressources psychologiques qui se nourrissent l’une l’autre et font du capital psychologique un construit d’ordre supérieur au sens où le tout vaut plus que la somme de ses parties.
Les impacts du PsyCap sur le bien-être et l’épanouissement au travail sont nombreux (voir figure 2) que ce soit sur les comportements (incluant les performances), les attitudes ou la santé (incluant le bien-être). Pour ce qui est des comportements, globalement un capital psychologique élevé engage les individus dans des comportements professionnels positifs (plus grandes performances sur de longues durées, citoyenneté organisationnelle, innovation, diminution des effets négatifs de l’insécurité au travail) et diminuent les comportements délétères (comportements contre productifs, incivilités, absentéismes). Pour les attitudes, un PsyCap élevé favorise les attitudes positives comme l’engagement organisationnel, la satisfaction au travail, l’intention de rester. Il diminue au contraire les attitudes négatives comme l’intention de partir, le cynisme ou le conflit travail-famille. Dans le domaine de la santé au travail, un PsyCap fort a entre autres, un effet positif sur le bien-être et diminue au contraire le stress, la fatigue et le burnout. [17]
Figure 2 : L’impact du capital psychologique en contexte organisationnel. Traduit et adapté d’après Avey et al. (2011) – https://doi.org/10.1002/hrdq.20070
La bonne nouvelle c’est que les études montrent également qu’il est possible de développer le PsyCap. Étant donnée la définition du PsyCap, le coaching nous semble un candidat idéal pour accompagner ce développement.
1.2.3 Les émotions positives
1.2.3.1 Définition des émotions et perspective évolutionniste
Trop souvent les émotions sont cataloguées positives ou négatives dans le sens bonnes ou mauvaises, utiles ou inutiles. C’est une erreur et ce n’est pas le sens que donne la psychologie positive au terme « émotions positives ». D’ailleurs, rappelons que les émotions même négatives ne sont pas des psychopathologies et qu’en ce sens, elles ont toute leur place en psychologie positive aussi ! Ce qui nous intéresse ici c’est notre héritage d’homme des cavernes pour rappeler que TOUTES les émotions sont utiles. Elles sont des signaux d’alertes qui informent notre organisme des défis de son environnement pour le mettre en mouvement. Le mot vient du latin « exmovere » que l’on peut traduire par « mouvement vers l’extérieur » ou « mettre en mouvement ». Les émotions sont donc des manifestations physiques liées à notre perception de notre environnement (extérieur ou construit de l’intérieur) qui ont des effets sur notre corps et notre attention pour lui permettre de réagir au mieux pour sa survie. Face à un danger par exemple, même si nous ne chassons plus le Mamouth, nos réactions sont les mêmes que celles de nos ancêtres : une douche hormonale qui fait accélérer le cœur et prépare nos muscles à fuir, combattre ou se protéger, notre attention se concentre sur la menace au point parfois de ne plus rien voir d’autres et de rester pétrifier. L’avantage évolutionniste des émotions aux ressentis négatifs est largement documenté dans la littérature scientifique, celui des émotions positives beaucoup moins, c’est pourquoi nous proposons de nous arrêter sur leur spécificité.
1.2.3.2 Spécificité des émotions positives
Avec l’émergence de la psychologie positive, les études sur les émotions positives, leurs processus et leurs effets sur le fonctionnement humain se sont multipliées et ont gagné leur légitimité dans la psychologie contemporaine. Jusque-là, l’approche traditionnelle s’intéressait surtout aux émotions négatives comme la colère, la peur ou l’anxiété. Les demandes d’accompagnement en coaching que nous avons pu trouver en formation, dans des manuels de coaching ou en échangeant entre paires lors d’analyses de pratique semblent également très majoritairement tourner autour de ces émotions négatives : mieux gérer sa colère, surmonter sa peur, diminuer son anxiété, etc. Les recherches sur les émotions positives comme la joie, l’enthousiasme, la fierté ou la gratitude révèlent des mécanismes propres à ces émotions qu’il nous semble intéressant de connaître pour les processus de coaching. Les émotions positives tiennent un rôle central dans l’établissement d’une vie épanouie.
Barabara Fredrickson et son équipe sont à l’origine de la structuration de ce champ de recherche avec leur modèle « étendre et développer » connu sous l’acronyme anglosaxon BBT (Broaden and Built Theory)[18]. Cette approche met en lumière la spécificité des émotions positives par rapport aux émotions négatives. Les émotions négatives permettent de focaliser l’individu sur la source du problème, ce qui d’un point de vue évolutionniste a grandement contribué à la survie de l’espèce et rappelle le rôle primaire des émotions comme porte d’entrée, signal d’alarme de l’organisme face à une situation, visant à déclencher un comportement adapté. Ainsi les émotions négatives centrent l’attention, limitent les perceptions d’autres éléments périphériques permettant de focaliser la pensée et produire une action spécialisée. Les émotions positives quant à elles, permettent d’élargir le répertoire de pensées-actions de l’individu et d’accroitre progressivement le panel de ses ressources. Selon la théorie « étendre et développer », l’effet « étendre » présente les émotions positives comme une source d’inspiration, un terreau pour agrandir le répertoire de nos idées et le panel de nos actions. Ressentir de la joie ou de l’enthousiasme par exemple nous rendrait plus réceptifs aux divers signaux de notre environnement et nous permettraient de raisonner plus grand, avec plus de flexibilité. De cela découlent plus de diversité dans nos actions et une augmentation de niveau ressenti dans nos relations aux autres.
L’effet « développer » lui se traduit par le choix et la conduite d’actions permettant une construction graduelle de nouvelles ressources suite à l’accumulation d’expériences positives et à la persistance de l’effet « étendre ». Burel ressence différentes études démontrant cet effet et la diversité des ressources personnelles concernées :
- physiologiques, par exemple le retour facilité du système cardiovasculaire après un stress éprouvé ;
- psychologiques, par exemple une meilleure résilience ou plus d’optimisme ;
- cognitives, par exemple une amélioration de la créativité ou de la capacité à résoudre des problèmes ;
- sociales, avec par exemple le développement de son réseau.
À partir de cela, une spirale ascendante positive est susceptible de s’enclencher, un phénomène d’auto-entrainement : l’exposition prolongée aux émotions positives permet de développer son répertoire de ressources, développement qui peut conduire à de nouvelles émotions positives et ainsi de suite. Les spirales positives favorisent le bien-être et la santé.
Burel précise en citant Fredrickson et Joiner : « L’élargissement psychologique déclenché par une émotion positive augmente les chances qu’un individu trouve un sens positif dans les évènements ultérieurs et éprouve des émotions positives supplémentaires. Cette spirale ascendante peut, avec le temps, constituer des ressources psychologiques et optimiser la vie des personnes ».
Les émotions positives ressenties sont donc susceptibles de jouer un rôle majeur dans un processus de coaching au-delà du bénéfice ponctuel qu’elles induisent. Elles peuvent aussi entrainer des bénéfices qui s’inscrivent dans la durée et dans le futur par ce mécanisme de spirale ascendante dans lequel le coach peut accompagner son client.
La recherche sur les émotions positives a trouvé un écho fort dans le monde du travail. Thoresen et al. (2003)[19]propose une méta-analyse des corrélations entre les affects positifs et la satisfaction au travail, l’engagement, l’épuisement professionnel et les intentions de quitter l’emploi actuel. Les affects positifs semblent tenir un rôle favorable tant dans la mise en place d’une relation constructive au travail que dans la protection face à des phénomènes psychologiques délétères.
Par ailleurs les affects positifs favorisent la performance et la productivité des travailleurs. Ressentir et exprimer des émotions positives a aussi une influence sur les interactions sociales au travail : adoucir les relations et favoriser l’entraide.
Les émotions positives ont donc toutes leur place dans le développement du bien-être des individus tout comme dans l’augmentation des performances dans le monde du travail. Le coaching encore une fois est un accompagnement pertinent dans ce cadre.
1.3 Points de vigilance
Restons vigilants ! Mettre en avant continuellement le « positif » ne doit pas entrainer même indirectement l’évitement des émotions ou des pensées « désagréables ». L’évitement favorise une rigidité psychologique aux répercussions néfastes pour la santé mentale. La deuxième vague de la psychologie positive reconnait que « l’accueil et l’acceptation de la gamme complète des émotions et des expériences, même pénibles, favorisent une meilleure flexibilité psychologique (Kashdan, Biswas-Diener, 2014) » [20]
Linkup coaching précise dans sa formation qu’une émotion est une alliée tant qu’elle est gérée. L’intelligence émotionnelle c’est écouter, reconnaitre et comprendre nos émotions et l’habileté émotionnelle c’est les réguler, agir et s’adapter.[21]
Un rappel d’importance : que ce soit pour la QVT ou la psychologie positive il n’est pas question de culte du bonheur ni de placer la responsabilité du bien-être des individus sous la seule responsabilité de l’entreprise dans le cadre de la QVT ni sous la seule responsabilité des individus dans le cadre de la psychologie positive. Au contraire.
2 Approche pratique du psycap et des émotions positives en coaching individuel
L’objectif ici est de détailler certains apports de la psychologie positive pour une pratique éthique et déontologique d’un coaching individuel intervenant dans le cadre d’une démarche QVT. La démarche QVT, comme nous l’avons précisé au début de cet article, implique les trois échelles : individu, équipe et organisation. Si à l’occasion de cet article nous faisons le choix de nous concentrer sur l’échelle individuelle, il est fondamental de garder en tête que les trois échelles sont indissociables pour une QVT durable.
Les demandes de coaching individuel en lien avec la QVT peuvent toucher des problématiques comme le stress, la motivation, le sens au travail, les émotions au travail, la gestion du temps, l’équilibre vie de famille vie professionnelle, etc. Des demandes de coaching individuel peuvent également concerner l’accompagnement des managers et dirigeants dans le déploiement de la politique QVT et le changement culturel que cela peut impliquer pour l’organisation.
2.1 Éthique et déontologie
Le prisme de la science du PsyCap et des émotions positives est une occasion de mettre en perspective et de donner de l’épaisseur à la position et l’intentionnalité du coach.
2.1.1 Cadre et intentionnalité
Selon Hudson « les coachs sont des agents positifs du changement, ils y mettent de l’espoir du sens et un optimisme raisonnable ». Ces termes résonnent avec les éléments du PsyCap et le champ des émotions positives. Si la personne du coach se doit d’être au clair avec ses propres émotions, elle a tout intérêt à développer son propre PsyCap et à se connecter à ses émotions positives pour élargir son champ d’attention et ses capacités adaptatives au bénéfice de son client. Elle renforcera notamment son habileté à croire inconditionnellement à la capacité de son client de réussir à atteindre ses objectifs et permettre l’effet Pygmalion.
Pour ce qui est du choix en conscience d’un déséquilibrage volontaire vers le positif, il est congruent avec l’authenticité et le professionnalisme du coach. L’intentionnalité du coach est alors de compenser le biais de négativité naturel du cerveau humain pour permettre à son client d’élargir son champ attentionnel et d’envisager les options. Il s’agit d’un rééquilibrage qui reste dans l’approche dialogique nécessaire au coach. Celui-ci sera bien sûr vigilant à laisser de la place à l’accueil de l’ensemble des émotions de son client, toutes les émotions ayant un rôle positif à jouer dès lors qu’elles sont prises en considération.
La notion d’optimisme mérite un point de vigilance particulier. Optimisme et pessimisme sont aussi des traits de personnalités. En ce sens le coach devra être particulièrement vigilant à l’écologie et l’ontologie de son client. L’équilibre optimisme/pessimisme est à considérer en rapport avec ses besoins vis-à-vis de son environnement et de sa personnalité. Certains clients pourront atteindre leur fonctionnement optimal en conservant une approche pessimiste, le tout sera de la doser pour qu’elle ne soit pas limitante dans le passage à l’action. D’autres pourront mettre en péril l’atteinte de leur objectif en surinvestissant leur vision optimiste qu’il faudra aussi prendre soin de pondérer vers un équilibre optimisme/pessimisme écologique.
2.1.2 Contrat tripartite
Le coach dans le cadre d’un contrat tripartite devra toujours s’assurer de l’écologie de son client, la personne coachée, et s’assurer qu’il n’y a pas une demande latente de la part du donneur d’ordre qui pourrait à terme passer pour de la manipulation et avoir des effets néfastes sur son client.
De la même manière, l’approche individuelle, si elle n’est pas accompagnée d’une démarche QVT générale de l’organisation, pourra avoir des effets négatifs sur la performance et le bien-être du client qui, en augmentant son intelligence émotionnelle et son PsyCap sera plus sensible aux signaux de son environnement. Le coach devra s’assurer que l’organisation est prête à recevoir la demande du donneur d’ordre.
Nous présentons ou revisitons pour cet article quelques outils qui nous semble pertinents pour renforcer le PsyCap du client et le connecter à ses émotions, sans aucune intention ni d’exhaustivité ni de recommandation. L’intention est illustrative, les outils et approches présentées ici visent à incarner dans la pratique les notions évoquées ci-dessus.
2.2 Propositions d’applications avec des outils du coaching
2.2.1 Les émotions positives
Rappelons qu’il s’agit d’abord en coaching d’accueillir toutes les émotions et que toutes les émotions sont positives dès lors qu’elles sont entendues et prises en considération. Le coach en accompagnant son client dans l’accueil de ses émotions peut lui permettre d’augmenter son intelligence émotionnelle, d’avoir accès à ses besoins et ainsi de basculer dans la sphère socio-affective positive en les écoutant, en les respectant et en devenant pro-actif de son équilibre émotionnel.
La première difficulté est souvent de reconnaître l’émotion et de la nommer. Tout commence donc par la capacité à décrypter les émotions, c’est-à-dire identifier les sensations physiques et nommer l’émotion correspondante. Ensuite il s’agit de comprendre cette émotion et de la réguler.
Pour accompagner le client dans le décryptage de ses émotions, le coach pourra s’inspirer d’un exercice proposé par Ilios Kotsou dans son « Petit cahier d’exercices d’intelligence émotionnelle » :
Il pourra questionner le client ainsi sur les émotions qu’il ressent au travail :
- Quelles sensations avez-vous perçues ? à quel endroit de votre corps ?
- Qu’avez-vous pensé ? (pensées automatiques)
Si le client ne sait pas nous pouvons le conduire ainsi : avez-vous pensé que cette émotion vous faisait du bien/était gênante, que vous vouliez qu’elle dure/disparaisse…
- Cette émotion a-t-elle donné naissance à une tendance vers une action, un comportement ?
- Cette émotion s’est-elle exprimée sur votre visage et comment ?
- Pouvez-vous nommer cette émotion ?
Le coach pourra accompagner son client sur cette question avec par exemple une liste d’émotions permettant au client d’affiner son registre émotionnel. Il pourra aussi inviter son client à noter l’intensité de cette émotion.
Nous proposons d’ajouter à cet exercice une question sur l’identification du ou des déclencheurs de cette émotion, qu’il soit interne ou externe.
Pour aller plus loin et interroger le besoin derrière l’émotion, l’outils « la roue des émotions » (voir figure 3) proposés par Anne-Sophie Thiry aide non seulement à décrypter ses émotions mais aussi à identifier le besoin qui s’exprime à travers l’émotion. Dans ses recherches, elle s’est inspirée des travaux de la Communication Non Violente (CNV), de la roue des émotions du psychologue américain Robert Plutchik, de la Psychologie Positive et du Mindfullness[22].
Figure 3 : la roue des émotions par « L’autrement dit » : www.lautrementdit.net
Trois roues concentriques permettent de faire le lien entre les sensations ressenties, l’émotion associée et le besoin sous-jacent. Toutes les associations sont possibles, l’objectif est pour le client d’identifier son association personnelle, sa signature, sensation-émotion-besoin. Le coach pourra ensuite accompagner son client dans les stratégies à mettre en place, les actions à mener pour répondre, dans la mesure du possible, à ce besoin de façon adapté et congruente. Le client peut ainsi prendre les commandes et quitter le pilote automatique. Il ne subit plus son émotion mais s’en sert comme un moteur, une source d’énergie pour agir.
L’intelligence émotionnelle c’est aussi de pouvoir provoquer, rechercher certaines émotions pour ce qu’elles apportent en termes d’énergie, de créativité ou de motivation, par exemple. Le coach aura tout intérêt pour cela à inviter son client à spécifiquement décrypter et comprendre ses émotions positives comme nous venons de le voir bien sûr, mais aussi à cultiver et renforcer son registre émotionnel positif.
Il pourra pour cela venir volontairement l’interroger sur ses émotions positives en s’appuyant sur les questions proposées par Huet et al dans « la boîte à outils du bien-être au travail ». Ces questions visent à faire émerger les émotions positives pour pouvoir ensuite les activer volontairement et plus souvent. Voici la liste de 10 questions proposées :
- La joie : : Qu’est-ce qui me met en joie ?
- La gratitude : Quand est-ce que je me suis senti reconnaissant pour la dernière fois ? Envers qui ou quoi étais-je reconnaissant ? À quand remonte mon dernier élan de gratitude ?
- La sérénité : Dans quelles conditions, quel environnement est-ce que je me sens en totale sérénité ?
- La curiosité : À quel moment ai-je été intéressé, attiré ou intrigué par un sujet, une personne ?
- L’espoir : Quand ai-je l’impression de pouvoir contribuer à changer les choses en mieux ? Quelles sont les ressources intérieures qui vont m’aider à réaliser ce projet, à réaliser mes rêves ?
- La fierté : Qu’est-ce qui me rend fier ? Quels actes m’inspirent de la fierté ?
- L’amusement : Qu’est-ce qui me fait rire ou sourire ? Quand ai-je ri pour la dernière fois au travail ?
- L’inspiration : Qu’est-ce qui m’inspire ? Quels choses, lieux, personnes, situations ?
- L’admiration : Qui ou qu’est-ce qui me transporte d’admiration ?
- L’amour : Quels sont les moments dans lesquels je ressens un amour sincère ? Pour moi, quel acte d’amour est important et émouvant ?
Le coach peut également inviter son client à observer sa semaine de travail et raconter au moins un moment plaisant, de le visualiser, de se connecter à son émotion. L’attention ne peut être à deux endroits à la fois. Il permet ainsi au client de basculer dans la sphère positive qui ouvre son attention. Le client pourra travailler cela en intersécance aussi et augmenter progressivement le niveau de difficulté en passant à une identification quotidienne par exemple.
2.2.2 Coaching et PsyCap
2.2.2.1 PFDO
Le protocole de formulation de l’objectif est en lui-même un outil pour renforcer le PsyCap :
- il fait appel à l’espoir pour la formulation d’un objectif atteignable, du plan d’action et des options ;
- il fait appel et renforce le sentiment d’auto-efficacité de l’individu quand il est question de ses ressources, de ses capacités à atteindre son objectif (maîtrise personnelle, expérience vicariante ou persuasion psychologique) ;
- il fait appel à l’optimisme notamment sur la formulation positive et la motivation à y aller ;
- il renforce la résilience en donnant le droit à l’erreur, en visualisant les obstacles et en se préparant à les éviter ou les surmonter.
Réciproquement, un travail sur le PsyCap peut être une porte d’entrée pour la formulation de l’objectif du client. Les cartes de transformations positives présentées ci-dessous peuvent être un outil intéressant pour cela.
2.2.2.2 Cartes de transformation positive
Le Pr Ilona Boniwell a développé avec POSITRAN des cartes de transformation positive basées sur le capital psychologique (voir figure 4).
Principe
Ces cartes sont tirées de la science sur le capital psychologique. Elles sont organisées en 5 catégories selon le modèle OSER Maintenant. OSER est l’acronyme français des 4 dimensions du capital psychologique : Optimisme, Sentiment d’auto-efficacité, Espoir, Résilience. Son équivalent anglais est HERO pour Hope, Efficacy, Resilience et Optimism. Le cinquième élément, le M de Maintenant ou Mindfulness, est un enrichissement autour du capital psychologique proposé comme point de départ de ce modèle. Ilona Boniwell dans la notice de ces cartes parle de « la capacité de porter intentionnellement son attention sur le moment présent ». Elle précise « Il s’agit ainsi, avec OSER Maintenant, d’être pleinement présent dans la réalité d’aujourd’hui afin d’avancer vers votre futur sans craindre l’échec. »
Les cartes font appel au photolangage et au citolangage qui permettent une forme de lâcher prise, qui invitent au voyage en dehors de la sphère analytique, ouvrent des ponts au-delà de certaines de nos frontières mentales et stimulent la créativité.
Présentation des cartes
Cet outil est composé de 60 cartes qui présentent au recto une image, au verso une citation. Les images ont été choisies pour leur caractère poétique et inspirant. Les citations quant à elles proviennent d’une grande diversité de personnalités tant par leur époque que par leurs univers.
Il y a aussi 5 cartes appelées cartes questions. Une pour chaque catégorie. Elles proposent une liste de questions correspondant à la catégorie pour aider, guider l’accompagnement.
Les cartes sont accompagnées d’une notice rappelant ce qu’est le PsyCap, proposant des usages de ces cartes et rappelant l’ensemble des références scientifiques à leur origine. Cette notice précise que les cartes peuvent être utilisées entre autres pour travailler les domaines suivants : les émotions, la créativité, le team-building, la motivation, le job-crafting, la résolution de conflits, le travail sur les valeurs. Ces domaines peuvent tous trouver une résonnance dans une démarche QVT.
Figure 4 : cartes de transformation positives de POSITRAN[23]
Méthodologie
Ces cartes peuvent être utilisées lors d’une séance de coaching en face à face avec le client. Le coach dispose les cartes sur une ou des tables par ilots thématiques : maintenant, optimisme, espoir, résilience et sentiment d’auto-efficacité.
Avec le coach, le client précise un problème ou un objectif de transformation sur lequel il souhaite travailler. Le coach l’invite ensuite à naviguer d’ilot en ilot suivant le modèle OSER Maintenant. Le client, en ayant sa problématique en tête choisit une carte dont l’image l’inspire, lui parle. Le coach invite alors son client à s’exprimer par rapport à l’image, à ce qui a guidé son choix, et le guide par ses questions, dans ses réflexions et l’augmentation de son degré de conscience quant à son appréciation de ses forces comme de ses faiblesses, ses ressources, ses besoins et ses valeurs, ses possibilités, etc. Il peut pour cela s’appuyer sur les questions proposées pour chaque thématique sur les cartes questions. Au fil de ce parcours, le client dispose les cartes en cercle suivant le modèle OSER Maintenant. Le coach peut l’interroger sur ce que lui inspire, lui évoque les cartes ainsi regroupées. Puis le client retourne les cartes et lit les citations. Le coach l’interroge alors sur l’impact de ces citations par rapport à sa problématique, son projet, ses souhaits, son plan d’action. Pour le client, c’est une mise en perspective, un écho, un effet miroir puissant qui engendre une énergie positive, stimule sa motivation pour s’engager dans une transformation positive.
Les cartes questions peuvent inspirer le coach et surtout illustrer l’intentionnalité de chaque thématique de questionnement :
- Maintenant, c’est questionner l’état présent : ce qui dérange, le locus de contrôle, l’envie d’opérer un changement, etc.
- L’Optimisme : Le coach vient interroger le rêve, invite la vision positive, et questionne les croyances aidantes et les croyances limitantes quant à la réalisation de ce rêve.
- Le Sentiment d’auto-efficacité : il s’agit d’explorer le niveau de confiance du client et ce qui peut l’augmenter, le renforcer, d’identifier ses ressources, ses sources d’inspiration, etc.
- L’Espoir : le coach invite le client à préciser son objectif et surtout à vérifier que cet objectif est bien le sien et qu’il est atteignable. Il l’invite ensuite à imaginer différents chemins pour y parvenir, des sous-objectifs et à planifier les ressources et compétences à mobiliser pour chacun d’eux.
- La Résilience : le questionnement ici sert à explorer l’histoire de résilience du client, l’inviter à identifier ce qui est difficile pour lui, à imaginer les obstacles qu’il pourrait rencontrer sur le chemin vers son objectif et comment se préparer à les surmonter, évaluer s’il se sent prêt à aller vers l’inconnu.
Adaptation
Si le coach et/ou le coaché ne se sent pas confortable dans l’usage du photolangage ou du citolangage, nous pensons que le modèle « OSER Maintenant » peut servir de fil au questionnement. Nous pouvons l’utiliser avec des repères dans l’espace, invitant le client à se déplacer physiquement entre les différents éléments, comme ce qui peut être pratiquer en termes de méthodologie avec un Score ou un Bateson. Le coach dispose au sol en rond 4 papiers avec chacun une grande lettre majuscule au centre et en dessous en plus petit le mot correspondant : O optimisme, S sentiment s’auto-efficacité, E espoir, R résilience (et si l’acronyme semble plus parlant pour le client sous la forme HERO faire de même en ajoutant la traduction (Hope, Efficacy, Resilience, Optimism). Au centre du cercle un papier avec le mot « maintenant ». Le coach invite ensuite le client à se déplacer sur chaque case. Il peut choisir par laquelle il commence. Il lui pose ensuite des questions relatives à cette ressource. Puisque toutes les ressources se nourrissent les unes des autres, si un blocage apparait sur l’une d’elle, il peut être pertinent de passer aux ressources suivantes et de revenir sur celle(s) où il y a eu un blocage pour le lever. De même, si le client est très ancré dans le négatif, qu’il éprouve des difficultés sur chaque ressource, il est tout à fait envisageable de lui proposer de faire plusieurs fois le tour, sur une ou plusieurs séances.
Usages
Nous pensons que cet outil peut être utilisé comme :
- outil de diagnostic : évaluation du PsyCap, repérer les blocages et croyances limitantes sur un ressource et voir comment les dépasser avec les autres ressources
- outil systémique structurant : mieux comprendre son fonctionnement interne, vérifier alignement et congruence, identifier ses ressources et comment les mobiliser vers son objectif
- outil de renforcement : développer et renforcer son PsyCap, nourrir sa confiance, renforcer sa motivation.
Conclusion
Dans le contexte actuel il est important de rendre ses lettres de noblesses à la QVT en rappelant son esprit et le fait qu’elle place l’humain au centre de son attention. La démarche concerne le travail dans une approche systémique, non les à-côtés. La QVT n’est pas un petit plus que l’on peut mettre de côté en temps de crise comme aujourd’hui parce qu’on a d’autres priorités plus importantes. Au contraire, les principes guidant la démarche QVT sont utiles pour faire face aux situations de crise, pour faire face dans un contexte d’incertitude permanente et d’adaptation. Le coaching au service du bien-être au travail et de la performance est un partenaire de choix pour accompagner la démarche QVT. En s’inspirant de la psychologie le coaching affine son intentionnalité positive tant dans la posture du coach que dans le choix et l’usage de ses outils. Nous avons pour cet article fait un focus sur les émotions positives et le PsyCap à l’échelle individuelle. Ils ne sont qu’un échantillon de ce que la psychologie positive peut apporter comme connaissance et comme outils au coaching dans l’accompagnement de la QVT aux trois échelles (individu, équipe, organisation). Pour ouvrir cet article à l’échelle de l’organisation, si nous devions recommander une approche inspirée de la psychologie positive pour la conduite du changement dans une démarche QVT, ce serait l’Appréciative Inquiry. L’objet d’un prochain article peut-être…
Kotsou, I. (2011) Petit cahier d’exercices d’intelligence émotionnelle. Jouvence Edition
Linkup Coaching Centre Européen de Formation au Coaching Professionnel (2021) Devenir coach consultant professionnel
Pages, J. (2007) Le coaching avec la méthode Appreciative Inquiry. Eyrolles Éditions d’Organisation.
Burel, N. (2019) Les émotions positives. Recherches contemporaines et perspectives actuelles. In : Martin-Krumm C. et Tarquinio C. (2019) Psychologie positive. Dunod, chap11
Huet, C., Rohou, G. & Thomas, L. (2020). Outil 8. Cultiver les émotions positives. Dans : , C. Huet, G. Rohou & L. Thomas (Dir), La boîte à outils du Bien-être au travail (pp. 34-35). Paris: Dunod.
McQuaid, M. Niemiec, R. Doman, F. (2019) A character strenghts-based approach to positive psychology coaching. In : Green, S. Palmer, S. (eds.) (2019) Positive psychologie coaching in practice. Routledge. pp.71-84
Vallerand, RJ. & Menard J. (2013) La psychologie organisationnelle positive : Analyse et perspectives. In Martin-Frumm, C. et Tarquinio C. (2013) Psychologie positive en environnement professionnel. De Boeck. pp. 23-43.
Boniwell, I. & Kauffman, C. (2017). Le coaching en psychologie positive : cultiver le bien-être, les émotions positives et les forces personnelles. Revue québécoise de psychologie, 38(1), 207–224.
Boniwell, I. &Chabane, J. (2017) La psychologie positive appliquée au travail. Le journal des psychologues, Avril 2017, 346, 33-36.
Choisay F., Fouquereau, E., Chevalier, S. (2021) Le capital psychologique : un construit d’intérêt majeur pour les psychologues du travail. Pratiques psychologiques 2021, 27, 19-31
Luthans, F., Luthans KW., Luthans BC. (2004) Positive psychological capital : Beyond human and social capital. Management Department Faculty Publications. 145
Regourd Laizeau M. (2017) La psychologie positive : changement de paradigme ou nouvelle psychologie ? Le journal des psychologues, Avril 2017, 346, 22-26.
Shankland, R. et Benny, M. (2017) La psychologie positive : de nouvelles pistes pour la prévention et l’accompagnement. Le journal des psychologues, Avril 2017, 346, 37-41.
Thoresen, C. J., Kaplan, S. A., Barsky, A. P., Warren, C. R., & de Chermont, K. (2003) The Affective Underpinnings of Job Perceptions and Attitudes : A Meta-Analytic Review and Integration. Psychological Bulletin, 129(6), 914–945
Xiao Yan Shi (2013) Contributions relatives du capital psychologique et de l’intelligence émotionnelle à la performance au travail et au bien-être psychologique. Mémoire pour HEC Montréal, Sciences de la gestion.
Boniwell, I. (2017) Le capital psychologique : les clefs de la réussite ! [en ligne] In. LinkedIn Disponible sur :<https://ww.linkedin.com/pulse/le-capital-psychologique-les-clefs-de-la-réussite-ilona-boniwell> [consulté le 29/06/2021]
Combes, B. (2020) Qualité de vie au travail QVT : 4 définitions à connaître [en ligne]. Disponible sur :<https://www.ateliersdurables.com/definition-qvt-bien-etre-travail> [consulté le 11/07/2021]
Marquis S. (2016) On est foutu, on pense trop ! [en ligne] In. Conférence à l’Université de Nantes, <https://www.youtube.com/watch?v=MzvF3OVWgZM>
Seligman M. (2008) La psychologie positive, conférence TED consultable sur https://www.youtube.com/watch?v=9FBxfd7DL3E
Reflexqtv Qualité de vie au travail, de quoi parle-t-on ? [en ligne]. Disponible sur : <https://reflexqvt.anact.fr/fr/page/QVT-de-quoi-parle-t-on> [consulté le 11/07/2021]
Guide de la qualité de vie au travail – Outils et méthodes pour conduire une démarche QVT, ministère de l’action et des comptes publics, 2019, DGFAP
https://www.lautrementdit.net/fiche-technique – la roue des émotions
[1] https://www.ilo.org/global/topics/coronavirus/lang–fr/index.htm
[2] https://reflexqvt.anact.fr/fr/page/QVT-de-quoi-parle-t-on, consulté le 11/07/2021 à 17h10
[3] https://www.ateliersdurables.com/definition-qvt-bien-etre-travail/, consulté le 11/07/2021 à 17h22
[5] Boniwell et Kauffman (2017)
[6] Seligman M. (2008)
[7] Regourd Laizeau M. (2017)
[8] Gable et Haidt (2005)
[9] Shankland, R. et Benny, M. (2017) « La psychologie positive : de nouvelles pistes pour la prévention et l’accompagnement » Le journal des psychologues, avril 2017 n°346
[10] Shankland, R. et Benny, M. (2017) « La psychologie positive : de nouvelles pistes pour la prévention et l’accompagnement » Le journal des psychologues, avril 2017 n°346
[11] Vallerand & Ménard, 2013
[12] Traduction personnelle de « individual’s conviction… about his or her abilities to mobilize the motivation, cognitive ressources, and courses of action needed to successfully execute a specific task within a given context » Luthans et al. 2004
[13] Traduction personnelle de « a positive motivational state that is based on an interactively derived sens of successful (a) agency (goal-oriented energy) and (b) pathways (planning to meet goals). » Luthans et al. 2004
[14] https://www.linkedin.com/pulse/le-capital-psychologique-les-clefs-de-la-r%C3%A9ussite-ilona-boniwell consulté le 29/06/2021
[15] Choisay, Fouquereau et Chevalier (2019)
[16] Luthans et al. (2004)
[17] Choisay, Fouquereau et Chevalier (2019)
[18] Nicolas Burel, « Les émotions positives. Recherches contemporaines et perspectives actuelles » dans Martin-Krumm C. et Tarquinio C. 2019 Psychologie positive, Dunod, chap11).
[19] Thoresen et al. (2003)
[20] Shankland, R. et Benny, M. (2017)
[21] Classeur de formation Coach-consultant professionnel, Linkup Coaching, p185.
[22] https://www.lautrementdit.net/fiche-technique
[23] Boniwell, POSITRAN, https://www.positran.fr/produit/cartes-transformation-positive/ consulté le 9/07/21 à 15h54