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Numéro 12 03/2022

Innovation en entreprise : et si le coaching était la réponse méthodologique la plus appropriée ?

Face aux propositions d’accompagnement de l’innovation bien installées sur le marché, telles que le conseil ou la formation, il est intéressant de se demander dans quelle mesure le coaching peut être une réponse, voire la réponse méthodologique la plus adaptée.

Thibault Decarpentrie
Article de recherche, première publication le 31/03/2022

Thibault accompagne depuis maintenant 13 ans les entreprises dans leur souhait de transformation et d’innovation. Coach professionnel certifié, son approche repose sur un accompagnement sur mesure répondant de manière unique à chaque besoin client, à l’appui de méthodes et outils d’accompagnement complémentaires, tels que le coaching individuel et collectif, le design thinking, la conduite du changement ou encore le co-développement.


Introduction

Dans le cadre de mon activité professionnelle, au sein d’un grand groupe bancaire français durant une dizaine d’années, plus récemment dans un cabinet de conseil, et aujourd’hui en tant que freelance, je suis régulièrement confronté à l’expression d’un même enjeu d’innovation de la part des entreprises, que cela soit dans l’objectif de devenir leader sur leur marché, de se développer, ou parfois même de survivre à la concurrence. Face aux propositions d’accompagnement bien installées sur le marché, telles que le conseil ou la formation, il est intéressant de se demander dans quelle mesure le coaching peut être une réponse, voire la réponse méthodologique la plus adaptée. Évitons bien évidemment de tomber dans le piège d’affirmer qu’il répondrait seul à cet enjeu d’innovation. En effet, dans le cadre d’un processus d’innovation, le coaching aura principalement un rôle dans les premières phases de réflexion, de la définition de la problématique à l’identification de solutions. Le coaching sera peut-être moins utile par la suite, dans les dernières étapes du processus d’innovation, comme le déploiement et la mise à l’échelle des solutions innovantes, il sera peut-être moins utile, laissant la place à d’autres méthodes projet, telles que la méthode Agile, qui répondront notamment à la faisabilité technico-économique des solutions. Nous prendrons également le soin de voir si la démarche de coaching peut être associée à d’autres outils ou méthodes d’innovation.

A. L’innovation en entreprise

1. Un enjeu devenu standard ?

L’OCDE nous donne la définition suivante de l’innovation dans son manuel d’Oslo[1] :

« Une innovation est la mise en œuvre (implémentation) d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé (de production) nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures. »

Autrement dit, l’innovation en entreprise n’est pas uniquement une question d’avancée technologique. Elle ne se résume pas non plus à une simple démarche de créativité et de génération d’idées, mais vise plus concrètement la transformation de ces idées en éléments tangibles et applicables sur le marché, face à des clients de plus en plus exigeants, attendant laplupart du temps du « sur mesure ». Dans les faits, ces innovations peuvent couvrir un champ très large, trouvant même une résonnance de plus en plus grande sur les thématiques sociales, sociétales et environnementales. Cette volonté d’innover est au cœur des stratégies des entreprises, par ailleurs de plus en plus challengées par un environnement complexe et en constante évolution, résumé par l’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity), amplement repris ces dernières années.

Face à ce constat, les entreprises se structurent donc, possédant au sein de leur organisation une

Direction de l’innovation, un lab’, une pépinière, ou encore des partenariats avec des start-up et des programmes d’intrapreneuriat. Cette transformation est confirmée par de nombreuses études, qui montrent l’intérêt de ces entreprises pour l’innovation, mais également la complexité de rendre ces démarches efficaces. A titre d’exemple, en 2016, sur un périmètre d’entreprises françaises, le cabinet en stratégie McKinsey mettait déjà en avant que 84% des chefs d’entreprise considèrent que l’innovation est importante pour la croissance de l’entreprise. Ces mêmes chefs d’entreprise ne sont pourtant que 6% à être satisfaits de leur performance en matière d’innovation.[2] Une étude réalisée en 2017 par le cabinet PWC montre encore que 54% des chefs d’entreprise ont de la peine avec la mise en place d’une organisation orientée innovation, et 72% n’arrivent pas à dépasser leurs concurrents. Innover revêt même parfois un caractère obligatoire si l’entreprise ne veut pas disparaître. Combien d’exemples d’entreprises, parfois leaders sur leur marché, ont disparu, ne sachant pas se renouveler face à des innovations de rupture qui imposaient de nouvelles règles de jeu ? Parmi les exemples les plus marquants, on peut penser à Western Union, leader du télégraphe au XIXe siècle, estimant que le téléphone ne serait pas un moyen de communication sérieux, ou plus récemment Kodak, se retrouvant face à une nouvelle technologie mettant son activité en péril.

Même si le fait de se lancer dans des démarches d’innovation peut paraître risqué de prime abord, il est intéressant de prendre la mesure du rapport bénéfice / risque. Une étude publiée en 2020 pour le compte de l’European Institute for Creative Strategies & Innovation[3], met en avant l’importance pour les entreprises de maintenir les efforts en termes d’innovation dans un contexte de crise, même si l’idée d’investir à ce moment-là peut paraître à contre-courant des urgences à traiter. Laurent Simon, professeur titulaire au Département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal, insiste sur l’importance d’innover dans ces phases de rupture : « Le constat global, c’est que les grandes crises ont presque toujours été des accélératrices d’innovation, car il s’agit avant tout de périodes de rupture d’équilibre. En fait, le véritable danger, c’est de ne pas innover… parce qu’innover quand plus rien ne va, c’est choisir de ne pas baisser les bras… En utilisant les ressources disponibles, en les combinant autrement pour trouver des réponses nouvelles et pertinentes, nous concevrons des solutions pour avancer. C’est un instinct de survie, il n’y a pas de vie sans innovation »[4].

Face à ces enjeux, comme l’évoque Laurent Simon, l’innovation est souvent corrélée à l’importance de faire appel aux ressources intrinsèques de l’entreprise, à son « intelligence collective », qui peut se résumer par la capacité d’une communauté à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun. Elle résulte de la qualité des interactions entre ses membres [5]. Pierre Lévy, philosophe et sociologue français, la définit d’ailleurs comme une « intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences »[6]. Aujourd’hui, la valeur ajoutée de cette intelligence collective se trouve encore confrontée à la réalité des entreprises.

Coincées entre l’importance d’innover et de prendre des risques d’un côté, et la primauté du résultat et la prédominance bureaucratique de l’autre côté, les organisations hésitent notamment à changer de pratiques managériales, et accentuent ainsi la résistance vis-à-vis de démarches innovantes, réduisant les démarches d’innovation à un effort de participation, de concertation, de transversalité, sans réelle concrétisation. Les exemples de réussites en entreprises ne manquent pourtant pas, à l’image d’initiatives telles que celle de la SCNF en 2019. L’entreprise a reçu un prix récompensant sa démarche valorisant la contribution de chacun de ses collaborateurs, au travers d’une démarche d’innovation participative les engageant dans la transformation de leur entreprise.[7]

Les start-up poussent quant à elles à l’extrême ces principes d’innovation, puisque leur modèle repose sur la capacité à innover, afin de proposer des produits et services optimisés, voire totalement novateur, dans un marché parfois déjà dense, et pour répondre au final à un besoin client non couvert. C’est ainsi qu’Eric Ries, à l’origine de la méthodologie Lean Start-up, définit les start-up : « A start-up is a human institution designed to create a new product or service under conditions of extreme uncertainty »[8].

Au final, l’innovation est plus que jamais un sujet d’actualité. Au-delà de l’innovation technologique souvent mise en avant, elle revêt un enjeu plus global, qui couvre la stratégie des entreprises, leur organisation et leur processus, leurs démarches commerciales et marketing, leurs politiques RH et RSE, leurs pratiques managériales, …

2. Facteurs clés de succès des projets d’innovation

La mise en place de démarches innovantes se traduit opérationnellement en entreprise par la mise en place et la conduite de projets. Par définition, ces projets revêtent une complexité particulière, engendrant de plus grandes chances d’échouer. En 2015, Bernard Darras, sémioticien au sein de l’institut Acte (soutenu par le CNRS) évoquait que « sept à neuf innovations sur dix sont des échecs »[9]. La réussite de projets en entreprise passe donc par la mise en place de facteurs clés de succès, indispensables au bon déroulement du projet et à l’atteinte des objectifs. De nombreux travaux, partagés par les acteurs de l’accompagnement, permettent d’identifier un premier niveau de facteurs clés de succès, communs à l’ensemble des projets, qu’ils soient dans le cadre d’une démarche d’innovation ou non :

  • la définition d’objectifs clairs et mesurables
  • l’engagement de la direction et la garantie de moyens suffisants (budget, délais)
  • la clarification de la gouvernance, des rôles et responsabilités, avec l’assurance de la mise en place d’une équipe projet expérimentée
  • le suivi régulier de l’avancement du projet, associé à une communication régulière et adaptée

Cependant, en complément, d’autres facteurs clés de succès, endogènes à l’entreprise, permettront d’apporter des certitudes quant à la réussite des projets d’innovation :

  • une vision claire de la part de la direction, indispensable pour donner une direction et l’élan nécessaires aux équipes,
  • une organisation et des pratiques managériales « dé-silotées », agiles, responsabilisantes, capables de se projeter sur le long terme,
  • une culture d’entreprise ouverte au changement, à la coopération, voyant les échecs comme des opportunités de s’améliorer. Une culture d’entreprise s’autorisant également à partir d’une feuille blanche, visant un accompagnement sur-mesure des parties prenantes lors du projet,
  • de nouveaux formats d’animation et de contribution aux travaux, prenant en compte les changements de modes de travail et les attentes des collaborateurs de contribuer à la transformation de leur entreprise, et se traduisant notamment par la volonté de réunir les ressources et compétences complémentaires de l’entreprise au cours d’ateliers collaboratifs.

A l’appui de ces facteurs clés de succès, la question est donc de savoir comment accompagner au mieux les entreprises, dont la capacité d’action en interne est souvent insuffisante. Quelles pratiques d’accompagnement peuvent répondre au mieux à ces éléments ?

B. Pratiques d’accompagnement à l’innovation en entreprise

1. Le coaching en entreprise, une démarche d’accompagnement en développement

Par définition, qu’il se déploie à l’échelle des individus, des équipes ou des organisations, le coaching, de par sa transversalité, permet d’appréhender l’ensemble des interactions et des comportements individuels et organisationnels. Dans un contexte professionnel, il trouve ainsi progressivement sa place en entreprise parmi les pratiques d’accompagnement, en affirmant sa singularité au travers de principes fondamentaux, parmi lesquels :

  • son code éthique et déontologique, et ses principes directeurs, assurant notamment une confidentialité et une protection forte à la personne ou à l’équipe accompagnée,
  • son expertise méthodologique, en termes de posture, de rapport collaboratif, de maîtrise du questionnement,
  • son processus, comprenant notamment la mise en place d’un contrat de coaching tripartite entre le bénéficiaire, le donneur d’ordre et le coach, ainsi que la détermination d’objectifs mesurables, s’assurant de la conviction et de l’alignement des acteurs quant aux enjeux de ce processus de coaching,
  • sa finalité, de rendre autonome la personne ou l’équipe accompagnée, afin qu’elle atteigne par elle-même ses objectifs.

En complément, il est important de souligner que dans une démarche de coaching appliquée à un collectif, le bénéficiaire étant un groupe d’individus, le coach doit prendre en compte aussi bien l’état d’esprit et la dynamique du groupe qu’il accompagne, que ceux de chaque individu de ce collectif. Michel Giffard, directeur pédagogique des programmes Executive Coaching d’HEC Paris, revient notamment sur ce point :

« Le coach d’équipe est le miroir qui permet à l’équipe de visualiser son propre système de représentation, d’identifier les points forts et les dysfonctionnements dans sa perception de la réalité, de faire évoluer ses processus de fonctionnement et, plus généralement, d’inventer ses propres solutions. Le coach d’équipe n’est donc pas l’expert des processus propres à l’équipe, ni du contenu de ce qu’elle doit produire en tant qu’équipe, des résultats à atteindre, ou des chemins pour y parvenir. Il l’accompagne afin qu’elle détermine elle-même ses propres choix. Il a une obligation de moyens et non de résultats.»[10]

Autre point, et non des moindres, également avancé par Michel Giffard : d’un point de vue opérationnel, qu’il intervienne au cours d’un projet aussi bien auprès d’un individu que d’une équipe, le coach n’est aucunement présent pour apporter une expertise sur la problématique, et donc pour apporter une solution. Un coach n’est pas évalué sur les résultats du client, mais plutôt sur les moyens mis en œuvre pour que le client les atteigne. Sa valeur est avant tout dans sa capacité à questionner le client le plus justement possible, pour que celui-ci évolue dans sa problématique jusqu’à trouver des solutions concrètes à mettre en place. De manière encore plus explicite, en ateliers collaboratifs, l’animateur doit tenir une position forte ou « haute » concernant le cadre / la forme de l’atelier, et à l’inverse tenir une position souple ou « basse » sur le contenu / le fond de l’atelier. De même, sa neutralité, son empathie et sa bienveillance sont indispensables à la bonne tenue de ces ateliers.

Enfin, comme évoqué en introduction, il est entendu qu’un coach n’intervient que très rarement sur l’ensemble d’un projet d’innovation. Son intervention est très souvent ponctuelle, et associée à une problématique spécifique.

2. Face au coaching, le conseil et la formation, principales méthodes d’accompagnement à l’innovation en entreprise

Aujourd’hui, l’accompagnement des entreprises en matière d’innovation se fait principalement au travers de démarches de conseil et de formation. Il peut arriver également que les entreprises mettent en place, de manière encore sporadique, du mentorat.

Le conseil se définit par l’apport d’une expertise technique externe à l’entreprise, permettant l’accomplissement de la tâche ou la résolution du problème du client. Son objectif est d’identifier et mettre en place, à court ou moyen terme, la solution à la problématique. En ce sens, il ne vise que rarement l’évolution pérenne de l’entreprise et de ses collaborateurs par la mise en œuvre et le développement de ressources intrinsèques. Les entreprises font d’ailleurs souvent appel aux cabinets de conseil pour des missions en sachant que ces cabinets sont déjà intervenus sur des travaux équivalents, signe qu’elles attendent en particulier les cabinets sur leur expertise du sujet et leur capacité à trouver une solution ayant déjà fonctionné par le passé.

Au regard de cette définition, plusieurs éléments de la pratique de conseil semblent dissoner par rapport aux attentes et facteurs clés de succès spécifiques à l’innovation. Tout d’abord, l’apport de solutions expérimentées auprès d’autres clients n’est pas un gage de réussite dans un contexte d’innovation, où l’objectif est de mettre en place un produit ou un service nouveau et différenciant sur le marché. Ensuite, la démarche de conseil ne s’assure pas de la capacité de l’entreprise à apprendre par elle-même, afin qu’elle soit capable de répliquer le processus de construction ou de réflexion nécessaire à l’atteinte de ses objectifs. Il ne va que très rarement s’occuper de la montée en compétence des collaborateurs internes à l’entreprise. Enfin, le conseil n’a aucun intérêt à se retrouver en position d’échec, qui nuirait à sa performance et à son engagement de résultats vis-à-vis de l’entreprise cliente. Il est donc compliqué d’accepter de faire des erreurs et d’apprendre dans ce contexte-là.

La formation, quant à elle, répond plus strictement à un besoin de développement individuel ou collectif, dans l’objectif d’acquérir ou de renforcer des ressources. Elle se traduit très souvent pour un accompagnement ponctuel, court, et principalement théorique, laissant par conséquent en suspens la question de la transposition opérationnelle des connaissances sur le terrain. En effet, on ne forme, par exemple, que rarement une équipe sur des connaissances qui seront directement applicables par le groupe formé, sur un sujet précis. Nous avons tous participé à des formations qui, même si elles avaient de la valeur sur le moment, étaient oubliées sur le long terme, faute de mise en pratique accompagnée, afin de consolider les acquis. Il faut noter, malgré tout, que certaines formations prévoient un processus d’accompagnement et de certification à plus long terme des collaborateurs, par l’intermédiaire d’un expert jouant le rôle de coach méthodologique, à l’image des certifications Lean Six Sigma en optimisation de processus.

Enfin, le mentorat est une relation interpersonnelle d’échanges et d’apprentissage, dans laquelle une personne d’expérience partage son expertise afin de favoriser le développement d’une autre personne, qui a des compétences à acquérir et des objectifs professionnels à atteindre. Il facilite l’adaptation de l’individu et lui permet de mieux appréhender la complexité de l’entreprise. La frontière entre mentorat et coaching est fine. En effet, le mentorat vise également l’autonomie du client à terme. Par contre, le mentor fera le choix de mettre l’accent sur l’échange et le partage d’expérience, là où le coach sera dans une posture de questionnement à l’appui d’un processus de coaching structuré. Si l’on se projette sur un exercice collectif, le mentorat peut faire penser aux démarches de co-développement, où les contributeurs partagent également leur expérience afin d’aider le client. Enfin, par définition, le mentor n’accompagne pas un groupe de travail, même si cela peut être imaginé dans l’absolu. Au final, face aux enjeux d’innovation que nous abordons, le mentorat montre des limites, puisque l’accompagnement repose principalement sur l’expérience passée du mentor, et moins sur sa capacité à créer ou faire face à une situation nouvelle.

3. Le coaching comme pratique d’accompagnement la plus appropriée à l’innovation

En synthèse, à l’aide des facteurs clés de succès identifiés et de l’analyse des différentes pratiques d’accompagnement à l’innovation, nous sommes capables de les comparer de manière objective.

Tout d’abord, les pratiques de formation et de mentorat ne peuvent répondre que très ponctuellement au besoin d’accompagnement à l’innovation. Ils y participeront comme une action identifiée parmi d’autres, au sein d’un plan d’action plus large. Elles seront malgré tout nécessaires, notamment vis-à-vis d’un objectif d’acculturation à l’innovation, ou pour gagner en maturité sur ces sujets.

Ensuite, même si la pratique du conseil permet de garantir le respect des facteurs clés de succès des projets « classiques » tout au long de leur exécution, elle ne couvre que partiellement les besoins spécifiques liés aux projets d’innovation, à l’image de l’objectif d’autonomie du client ou du droit à l’échec qui ne sont pas réellement couverts.

Enfin, concernant le coaching, bien que sa pratique et son processus n’impliquent qu’une présence partielle auprès des clients, elle vise clairement l’autonomie du client en fin d’accompagnement. De plus, elle garantit les autres facteurs clés de succès spécifiques aux projets d’innovation, de par son souci d’apporter une expertise avant tout sur le questionnement et l’accompagnement, plutôt que sur les solutions à mettre en place. Cela assure ainsi un accompagnement sur toutes les strates de l’innovation, de la définition de la vision et des enjeux de la direction, à l’identification de solutions sur mesures par les participants, qu’elles soient organisationnelles, culturelles ou managériales.

Coaching Conseil Formation Mentorat
Facteurs clés de succès d’un projet Définition d’objectifs clairs et mesurables Couvert Couvert Partiellement couvert Partiellement couvert
Engagement de la direction et garantie de moyens suffisants Couvert Couvert Partiellement couvert Partiellement couvert
Clarification de la gouvernance, des rôles

et responsabilités, et

mise en place d’une équipe projet expérimentée

Partiellement couvert Couvert Partiellement couvert Couvert
Suivi régulier de l’avancement du projet, et communication régulière Partiellement couvert Couvert Couvert Partiellement couvert
Facteurs clés de succès d’un projet d’innovation Vision claire de la part de la direction Couvert Couvert Partiellement couvert Partiellement couvert
Organisation et pratiques managériales dé-silotées, agiles, responsabilisantes.  Couvert Partiellement couvert Partiellement couvert Partiellement couvert
Culture d’entreprise ouverte au changement, à la coopération, et aux échecs, auto-

apprenante. Capacité à partir d’une feuille blanche

Couvert Partiellement couvert Partiellement couvert Partiellement couvert
Nouveaux formats d’animation et de

contribution aux

travaux, associés à la

volonté de réunir les ressources et

compétences

complémentaires de l’entreprise

Couvert Couvert Partiellement couvert Partiellement couvert

Tableau 1 : Couverture des facteurs clés de succès des différentes pratiques

Malgré tout, la pratique de coaching, et plus précisément le coaching d’équipe, se doit de s’ouvrir et de s’appuyer plus fortement sur des outils et méthodes spécifiques à l’innovation afin de correspondre aux ambitions de ces projets complexes. En effet, la littérature sur le sujet, tout comme son application en entreprise, semble montrer un manque d’outillage spécifique pour une action optimale, qui permettrait de proposer un accompagnement sur mesure. Il est donc indispensable de prendre connaissance plus largement des méthodes et outils d’innovation complémentaires à la posture de coach.

C. Des méthodes et outils d’innovation pour enrichir la posture de coaching

Intéressons-nous donc aux moyens complémentaires qui pourront alimenter la boite à outils du coach dans son accompagnement en innovation des entreprises.

Commençons par le Design Thinking, méthode d’innovation élaborée à l’université de Stanford dans les années 80 par Rolf Faste. Il s’appuie en grande partie sur un processus de cocréativité impliquant notamment l’utilisateur final. Son application dans le monde professionnel commence réellement dans les années 90, avec l’agence de design IDEO. Aujourd’hui, le design thinking se généralise au sein des entreprises, dans tous les secteurs d’activité. Ses principes directeurs sont les suivants :

  • une alternance de phases de divergence, permettant d’explorer le champ des possibles, et de convergence, permettant de sélectionner les idées, concepts ou prototypes générés,
  • la volonté de viser des solutions à la fois désirables d’un point de vue client, viables économiquement et faisables techniquement pour les entreprises qui les mettent en place,
  • des facteurs clés de succès basés sur les notions d’expérience client, d’itérations, mais aussi et surtout de travail en équipe et d’empathie.

Le design thinking est représenté, de manières plus ou moins détaillées suivant les publications, au travers de phases successives de compréhension, d’exploration et de concrétisation. Durant ces phases, des techniques de questionnement, d’animation et de facilitation sont largement utilisées par le chef de projet, notamment lors des étapes comprenant des ateliers collaboratifs d’idéation, de prototypage, ou d’évaluation.

Seconde méthode intéressante pour alimenter notre réflexion, le co-développement, inventé et développé au Canada par Claude Champagne et Adrien Payette. Son principe est de réunir un groupe de personnes qui vont partager leurs problématiques afin d’apprendre ensemble, grâce à un processus en six étapes structurant la parole, l’écoute et la réflexion, et finissant par l’identification d’actions concrètes. Le groupe de co-développement est généralement composé de cinq à huit pairs. Ils vont se réunir à fréquence régulière, une fois par mois par exemple, jusqu’à ce que chaque participant ait pu exposer sa problématique personnelle et identifier des pistes de solution applicables. Le groupe de co-développement offre un lieu d’analyse et de traitement de situations professionnelles concrètes.

Les trois rôles identifiés au sein d’un groupe de co-développement sont :

  • Le client, qui expose sa problématique, dans le but d’être aidé à trouver des pistes de solutions. Le client change à chaque séance,
  • Les consultants, qui contribuent à la réflexion, en apportant leurs expériences, leurs suggestions, voire leurs ressentis, en fonction de la demande du client,
  • L’animateur, qui guide le groupe tout au long des étapes de co-développement. Formé à l’approche, attentif à la fois au processus et au contenu de la séance, il stimule les interactions au sein du groupe et est garant du déroulé de l’exercice.

Autre méthode, très utilisée en entreprise, le Lean Six Sigma est une démarche d’amélioration qui vise un double objectif, dans le but de satisfaire les clients :

  • « Lean » signifie fonctionner de façon économe, sans gaspillage de ressources et notamment sans perte de temps, et produire le juste nécessaire pour satisfaire la demande. Le Lean favorise donc la capacité à livrer rapidement les clients. Ce principe a été inventé par l’entreprise Toyota, – « Six Sigma » signifie livrer aux clients des produits et services conformes à leurs attentes. Ce principe a été inventé par l’entreprise Motorola, en 1986, puis fortement développé par General Electric dans les années 90.

Au travers de cette méthodologie, le rôle du chef de projet est de conduire les réflexions des équipes opérationnelles, pour les accompagner dans la formalisation des processus de l’entreprise, l’identification des dysfonctionnements et de leurs causes racines, et la définition d’un plan d’action associé, dont l’efficacité sera mesurée par l’intermédiaire d’indicateurs de pilotage. L’animateur n’est en aucun cas présent pour apporter une expertise sur le processus ou le métier traité. Il est garant du suivi de la méthodologie et de la bonne utilisation des outils, notamment au travers d’un questionnement approprié lors des ateliers collaboratifs.

Déclinaison du principe Lean, le Lean Start-up est un concept initialement développé en 2008 par Eric Ries dans des entreprises de la Silicon Valley. Le concept est par la suite repris beaucoup plus largement, pour s’appliquer à tout individu, équipe ou entreprise qui introduit un nouveau produit ou service sur le marché. Cette approche repose principalement sur un processus d’apprentissage par itérations, qui permet à l’entreprise d’avancer sur la conception de son produit ou service, afin de l’adapter au besoin client. En cas d’écart trop important entre le besoin client et le produit proposé, le lean start-up défend le concept de « pivot », qui encourage l’entreprise à changer de produit ou de service pour répondre à ce nouveau besoin identifié, tout en exploitant au maximum le travail déjà effectué. Une bonne illustration de cette méthodologie est par exemple la naissance de l’application collaborative Slack, créée en 2013 par Stewart Butterfield. Initialement, cette entreprise concevait un jeu vidéo (Glitch). Pour concevoir ce jeu vidéo, les équipes de développement, réparties dans différents pays, avaient mis en place un système de conversation et d’échanges internes, afin de faciliter le travail collaboratif à distance. Le directeur de l’entreprise sent que le concept peut être développé et exploité, et réalise ainsi un pivot, pour se concentrer sur ce nouveau service. Il le fera optimiser, au contact de retours client, pour le succès que l’on connaît aujourd’hui, avec pas moins de 750.000 entreprises clientes[11].

Autre démarche reprenant plus directement les fondamentaux du coaching, l’Appreciative Inquiry. Au travers de ses principes et de sa démarche, cette méthode fait reposer le changement sur les acquis et les énergies positives de l’entreprise mises en place lors de ces réussites. Par définition, cette méthode peut se résumer par les deux termes qui la composent :

  • « Appreciative », pouvant être traduit comme « valoriser », faisant référence à l’importance de la reconnaissance dans ce que fait l’autre, et dans le fait de mettre en avant ses réussites, d’affirmer ses forces.
  • « Inquiry », pouvant être traduit comme « enquêter », et faisant référence à la méthodologie utilisée, autour des techniques de questionnement et d’exploration.

L’objectif ici est donc de rechercher les raisons des succès passés. A titre d’exemple, les phases de Découverte, de Devenir et de Décision qui la composent seront abordées positivement, au travers d’un questionnement qui permettra de faire ressortir le meilleur de ce que l’entreprise peut produire, et de renforcer ce sentiment de réussite.

Enfin, la stratégie Blue Ocean (« Océan bleu »), développée par Chan Kim et Renée Mauborgne, professeurs à l’INSEAD, repose sur le concept essentiel « d’innovation-valeur », à savoir, être créatif sur la valeur réelle d’usage qu’on apporte au client, tout en réduisant ou en éliminant des fonctionnalités ou services superflus ou dépassés. Dans cette approche, les océans bleus correspondent aux espaces de marché non explorés, par opposition aux océans rouges saturés de concurrence. Derrière le concept se trouve une méthode et des outils pour construire des offres de service avec un positionnement en forte différenciation sur le marché.

Ces méthodes que sont le Design Thinking, le co-développement, le Lean Six Sigma, le Lean

Start Up, l’Appreciative Inquiry, ou encore la stratégie Bleu Ocean sont couramment utilisées en entreprise afin d’identifier des produits et services innovants, nouveaux, ou fortement optimisés. La plupart d’entre elles s’attachent à identifier clairement et simplement les étapes à suivre, les rôles et responsabilités des participants, les livrables visés. Cependant, il est aussi intéressant de constater que pour la plupart d’entre elles, à l’exception de l’Appreciative Inquiry, la pédagogie utilisée aborde peu le rôle et la posture de l’animateur, les qualités et compétences dont il doit faire preuve, les principes qu’il doit maîtriser, appliquer et garantir. Peu d’entre elles abordent l’intentionnalité de cet accompagnateur, son interaction avec les autres parties prenantes, alors qu’il est pourtant identifié comme le chef d’orchestre indispensable à la bonne exécution de la méthodologie.

Pour toutes ces raisons, une démarche de coaching et la posture de coach associée, enrichies des outils d’innovations utilisés par ailleurs, paraissent représenter une colonne vertébrale indispensable à la réussite des projets d’innovation. Dit encore plus simplement, le couple « posture / outils » semble être incontournable.

Pour illustrer cette conclusion et la rendre plus concrète, je finis en vous présentant un retour d’expérience de l’accompagnement d’une entreprise de services. Son Directeur Général souhaitait revoir son parcours client de vente aux particuliers, et afin de proposer à ses clients une expérience plus innovante.

Il est intéressant de s’arrêter sur les étapes clés de cette mission, et de faire le lien avec les facteurs clés de succès d’un projet d’innovation, soit :

  • l’expression, par la direction générale, dès le début du projet, du niveau d’ambition et des objectifs mesurables associés au projet, permettant de définir une direction claire pour tous, et d’être en capacité de mesurer l’avancement des travaux par rapport à cette cible,
  • l’identification, avec les managers, des valeurs communes de l’entreprise, servant de repères à la construction et à la sélection de concepts innovants, en ligne avec l’entreprise et ses collaborateurs,
  • la mise en place de règles de fonctionnement en ateliers, identifiées par l’ensemble des participants, encourageant notamment la contribution des collaborateurs et clients sans peur du jugement des autres. Ce point était particulièrement important pour s’assurer que la participation de collaborateurs experts ne mettrait pas en péril le caractère innovant des propositions, les experts ayant parfois tendance à revenir par réflexe sur les contraintes de leurs métiers (juridique, conformité, RH, …), et ainsi à limiter leur créativité,
  • l’utilisation de questionnements appropriés, préparés en amont des ateliers par l’animateur. Ce questionnement doit permettre de définir un champ d’exploration à la fois vaste et maitrisé, d’encourager une approche holistique, tout en étant assurés de converger vers des concepts répondant aux objectifs. A titre d’exemple, en design thinking, l’animateur a l’habitude de commencer ses questions par la formulation « Comment pourrions-nous … ? », qui permet de trouver un bon équilibre entre ouverture et encadrement des propositions.
  • l’apport de méthodes et outils innovants, à l’image d’ice-breakers innovants et appropriés, proposés au début de chaque atelier collaboratif, ou de saynètes jouées devant les collaborateurs et clients afin de leur présenter et de leur faire évaluer les prototypes de parcours client imaginés.

Au final, que les entreprises soient à l’initiative ou agissent en réaction à une situation complexe, innover continuera à être prépondérant dans les prochaines années. Cependant, ces entreprises ne posséderont pas encore toutes les compétences pour mener à bien ces démarches d’innovation. Parmi les différentes pratiques d’accompagnement, le coaching semble le plus approprié pour atteindre cette ambition et garantir le succès des projets, comparé au conseil ou à la formation. De par sa structure d’accompagnement et la posture du coach, il apparait comme la meilleure alternative. Il devra malgré tout être enrichi d’outils et de méthodes complémentaires, issus d’autres pratiques innovantes, afin d’accompagner de manière personnalisée chaque entreprise et de répondre aux attentes des clients finaux.

Bibliographie

  1. Michel GIFFARD – https://michelgiffard.fr/articles/laperformancecollectivequelaccompagnement – consulté le 02/02/2021
  2. OCDE – Manuel d’Oslo – 2005, 3ème édition
  3. Harvard Business Review & Mc Kinsey – septembre 2016
  4. Marc Giget – European Institute for Creative Strategies & Innovation – « Dans le contexte de sortie de crise,renforcer la capacité d’innovation est aujourd’hui l’investissement le plus rentable » – 2 juillet 2020
  5. Laurent Simon – Interview «L’innovation, un instinct de survie ?», 4 juin 2020, https://www.revuegestion.ca/dossierspecialetapresredemarreroureinventerlinnovationuninstinctdesurvie).
  6. Antoine Henry, « Intelligence collective, entreprise libérée et organisation des connaissances

: la problématique de la “ transition énergétique ” », Actes du colloque de l’internat. Society For Knowledge Organiz. (ISKO), Paris, France, juin 2017

  1. Pierre Levy – L’ intelligence collective : pour une anthropologie du cyberspace, p. 29 – 1994
  2. https://www.sncf.com/fr/groupe/newsroom/innovationparticipativesncfremporteuntrophee

or?PREX=T_AFF_53071FF083F02&campaign_id=Effinity_Train_OUI.sncf&adgroup=1395049006&creative=creative_id&engagement_type=fallback_click&ectrans=1

  1. Eric Ries – The Lean Startup : How Today’s Entrepreneurs Use Continuous Innovation to Create Radically Successful Businesses – 2011
  2. https://lejournal.cnrs.fr/articles/lesflopsdelinnovation – consulté le 02/02/2021
  3. Site internet de l’entreprise : https://slack.com/intl/frfr/

[1] OCDE – Manuel d’Oslo (2005, 3ème édition)

[2] Harvard Business Review & Mc Kinsey (2016)

[3] Marc Giget (2020)

[4] L’innovation, un instinct de survie ? – Interview de Laurent Simon, professeur titulaire au Département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal, 4 juin 2020, Gestion HEC Montréal, https://www.revuegestion.ca/dossierspecialetapresredemarreroureinventerlinnovationuninstinctdesurvie (consulté le 02/02/2021)

[5] Antoine Henry (2017)

[6] Pierre Levy (1994) – L’ intelligence collective : pour une anthropologie du cyberspace, Pierre Lévy. p. 29

[7] https://www.sncf.com/fr/groupe/newsroom/innovationparticipativesncfremporteuntrophee

or?PREX=T_AFF_53071FF083F02&campaign_id=Effinity_Train_OUI.sncf&adgroup=1395049006&creative=creative_id&engagement_type=fallback_click&ectrans=1

[8] Eric Ries (2011) – The Lean Startup : How Today’s Entrepreneurs Use Continuous Innovation to Create Radically Successful Businesses

[9] https://lejournal.cnrs.fr/articles/lesflopsdelinnovation (consulté le 02/02/2021)

[10] https://michelgiffard.fr/articles/laperformancecollectivequelaccompagnement (consulté le 02/02/2021)

[11] Site internet de l’entreprise : https://slack.com/intl/frfr/

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